Messages - Jibé

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Cinétélébouquins / Re: Kubrick et Ben-Hur sont sur un bateau
« on: 22 January 2009 à 20h40 »
On parle de Kubrick? Me tape l'incruste moa  :P
Dans EWS, disons qu'il était en retard sur son temps : la libération des moeurs, ça a progressé depuis Lolita...
Ouhlala!! Eyes Wide Shut? Un film sur la ....... Libération des moeurs????  :-/
Heu......

Je n'en suis pas persuadé....

L'intention de Kubrick sur ce film était avant tout de faire un film sur l'évolution du point de vue.

Comme nous le savons (presque) tous, le cinéma a une longue histoire derrière lui.
Et la manière de filmer au début au XXème siècle n'était pas du tout une méthode similaire à celle dont l'on procède aujourd'hui et c'est justement  sur ce point que le film Eyes Wide Shut laisse des perspectives très intéressante sur les nouvelles méthodes filmiques qui commençaient majoritairement à s'imposer au début des années 2000. ( Rappelons que le film en question date de 1999)

Au début, la caméra était statique et ne permettait pas les gros travellings bien connus et communs aujourd'hui. En effet, on filmait de façon "théâtrale" ( c-a-dire plan d'ensemble tout le temps de façon à filmer toute la scène ).
Petit à petit, jusqu'au années 80-90, la caméra s'est émancipée de cette contrainte pour pouvoir effectuer quasiment tous les mouvements possibles et imaginables selon les envies du cinéaste (invention des rails pour déplacer la caméras et faire des travellings, techniques de plongées/contre-plongée, invention de la steadycam et je vous épargne le reste... ).

"Et alors?" me direz-vous. "Pourquoi c'est que tu nous parles de caméra alors qu'on s'en fout et kon parle de Kubrick?"
Et bien tout simplement parce que ces divers techniques révolutionnaires pouvaient servir à autre chose que simplement "tourner une scène". Certains réalisateurs, dont McTiernan, Spielberg, Hitchcock, Lang, Wise, Wylder ou encore Kubrick, se sont alors demandés comment exploiter au maximum les incroyables possibilités que contenaient ces techniques. Et la plupart ont bien évidemment conclus que lorsque le spectateur regarde un film, le boulot du réalisateur est avant tout de l'impliquer émotionellement dans celui ci. Pour se faire, il faut d'abord se poser une question à laquelle beaucoup on tenté d'élucider : "Qui Regarde?"

D'un certain point de vue, le spectateur. En tout cas, du "point de vue du spectateur". Admettons.
Pourtant, ces derniers n'ont ils pas oublier un petit détail: le film contient des personnages ainsi qu'une histoire.
C'est que le film Eyes Wide Shut devient brillamment intéressant.

Le but du film est avant tout de faire perdre les repères aux spectateurs. Et qu'y a t-il de plus efficace qu'un rêve pour cela?
Au niveau de la mise en scène, Kubrick fait tout pour rendre le New York dans lequel évolue le personnage de Bill un véritable dédale. Je pense notamment à la scène où ce dernier erre dans les rues puis y rencontre Domino. La caméra le filme de manière assez classique en plan américain mais toujours en prenant soin de laisser Bill au centre du cadre.
A partir de cet exemple, on peut constater 2 choses intéressantes:
-Du point de vue de Bill: Il à l'impression de silloner normalement les rues comme si de rien n'était. Pour faire simple, d'après lui, son corps est en mouvement. Il marche.
-Du point de vue du spectateur: 2 posibilités s'ouvrent:
1- Le spectateur à l'impression que Bill marche: il adapte donc le point de vue subjectif de Bill puisqu'il s'identifie à lui.
2- Le spectateur avec un maximum de recul verra uniquement un écran de cinéma où l'on voit Bill centré dans le cadre avec un décor qui défile derrière lui. Pour ce spectateur, Bill ne bouge pas (!)

Je peux également fournir d'autres exemples tel que Alice filmée en travelling arrière lors de la soirée chez les Ziegler par exemple. Technique bien réappropriée par Stanley Kubrick (plus d'origine Hitchcockienne) car elle était également présente lors de ses précédents films (Barry Lyndon, A Clockwork Orange, Lolita...).
Tout cela pour montrer la perte de repère évidente chez le personnage qui à l'impression que n'importe où il va, les endroits se suivent et se ressemblent, défilent sans arrêt et sans fin... A la façon d'un labyrinthe!
Cette idée avait déjà intéressé Kubrick et notamment sur THE SHINING ou là, l'idée du Labyrinthe fut plus que flagrante ( en tout cas pour moi  :^^;: ). Entre les longs couloirs interminables de l'Hotel Overlook et le labyrinthe dans l'immense jardin de la propriété et cela toujours filmé en travelling avant ou arrière avec le personnage toujours centré avec soin dans le cadre.

D'ailleurs, le film Shining a également à son époque revolutionné la façon de filmer également pour cette raison: Aucune focal n'est utilisée dans le film mis à part pour certains gros plans. Ce qui fait que dans le film, le spectateur voit comme s'il était à l'intérieur de celui-ci et regardait à l'oeil nu, avec une netteté parfaite. Ce qui fait que le danger peut surgir de partout où l'on ne s'y attends pas... Comme dans la vraie vie ou en HD.( Kubrick anticipait déjà t-il le Bluray?) Sauf que le plus malsain, c'est que ce n'est pas le spectateur qui au final dirige la caméra mais le réalisateur  :gnéhé:

Pour en revenir sur Eyes Wide Shut, La même  thématique sur le regard est utilisée. Rien que le titre déjà: "Les yeux grands fermés". Tout est dit! (et bien sur le nom de l'hotel dans Shining se nomme justement "OVERLOOK"..... Quelle coincidence tout de même...)
Et j'en passe sur l'utilisation des miroirs, des rideaux de théâtre lors de la dispute Alice/Bill dans leur chambre ou encore l' utilisation des couleurs  comme par exemple avec la "Yellow Brick Road" du Magicien d'Oz ou encore les multiples références au même film ( au début, une des femmes accompagnant Bill à la soirée lui demande "Do you wanna go where the rainbow ends ?" ou encore le nom de la boutique où Bill emprunte son costume se nomme "Rainbow" ).

Mais le plus flagrant ( et c'est la dessus que je terminerais enfin d'écrire), est bien sûr la scène de l'orgie où Bill marche de pièce en pièce MAIS vêtu d'un masque et bien sur, tout cela est effectué par des travelling sans aucun personnage dans le cadre. Alors, à votre avis, lors de cette scène, le spectateur, Bill, le masque, le cinéaste derrière la caméra.....
"Qui regarde?"

Pour nous faire un dernier film sur le point de vue à l'époque où les nouvelles techniques 3D arrivaient et à quelques années de la performance capture, offrant encore d'autres possibilités filmiques, je ne crois pas que Kubrick ait jamais eu du retard sur quoi que ce soit.

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