Messages - Kodeni
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« on: 25 February 2023 à 16h32 »
NEWS
Cette version du chapitre 28 est une version rééditée de la publication originale du 3 avril 2012. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 6 February 2023 à 13h34 »
Chapitre 83
Ce 22 mars 1987, parait semblable à n’importe quel autre jour au royaume d’Asgard. Le vent glacial propage la neige. Elle tombe depuis des heures tout autour du Walhalla. Chacun vaque à ses occupations, à l’exception près que celui qui accompagne la Princesse de Polaris ce jour n’est pas Siegfried mais Alberich. Et c’est bien pour cela que Sigmund rejoint l’Autel du Destin où prie chaque jour Hilda.
Confuse après le trouble semé entre eux par Thétis, Hilda préfère s’éloigner ponctuellement de son bienfaiteur, pour permettre à de Megrez de redorer cette image qu’il a tant de mal à faire valoir. Par précaution, conscient que son aîné, chef des armées d’Asgard, est appelé à devenir God Warrior un jour, Siegfried s’en est trouvé rassuré de pouvoir compter sur son frère pour garder un ½il sur eux.
Pourtant, en ce jour d’apparence ordinaire, une vaste secousse vient avertir les guerriers les plus alertes. L’ensemble du domaine tremble l’espace d’une dizaine de seconde. Renversant l’argenterie que Lyfia nettoie dans le grand salon. Menaçant de plusieurs avalanches les promeneurs, comme par exemple Freya qui peut compter sur Hagen pour la secourir. Ou mettant en exergue les combattants les plus vaillants comme Balder le vagabond, ou Fenrir et sa meute. Faisant s’écrouler les logis les moins bien lotis, que Thor maintient afin d’éviter à une famille toute entière d’être prise sous les décombres. Assisté de Syd il donne l’alerte aux plus démunis et évacue Helena et ses jeunes frères et s½urs. Faisant choir sur son postérieur la cohorte qu’entraîne Héraclès, son supérieur, dans l’enceinte d’une caserne. Inquiétant le malhonnête Fafner, encore impliqué dans une bagarre de taverne. Brisant quelques vitres du palais dont les éclats auraient défiguré ses habitants, si Frodi n’avait pas été présent…
Tout proche de l’Autel du Destin, alors qu’il voit la garde personnelle d’Alberich attendre à proximité, Sigmund est ébranlé par le tremblement. Comptant sur des réflexes capables de lui assurer le statut de God Warrior le jour de la résurgence de ce corps d’armée, Sigmund réussit à se maintenir sur pieds en bondissant de bloc de glace en bloc de glace, avant que chacun d’eux ne se brise suite au mouvement des plaques terrestres. Dans sa course, il devance la garde d’Alberich. Ce dernier n’apparaît plus à la vue de ses hommes. _ « Que s’est-il passé, leur emboîte le pas Sigmund ? _ On ne sait pas, répond le premier. _ Il y a eu un grand choc et la mer s’est soudain agitée, complète mieux le second. _ Il faut secourir Hilda, s’enquiert Sigmund ! » L’Asgardien presse davantage le pas lorsqu’il découvre la Princesse de Polaris étendue inconsciente au pied de l’autel, sans même remarquer le fourbe Alberich dissimulé en retrait dans une enclave de la falaise. _ « Hilda, s’époumone le frère de Siegfried ! » Alors qu’il peut se sentir rassuré en voyant Hilda se remettre de ses émotions, il n’en a guère le temps qu’il ressent un cosmos d’une étrange noirceur émaner d’elle. _ « D’où vient ce cosmos maléfique ? » Pour seule réponse, l’anneau des Nibelungen balaie l’aspirant God Warrior et les hommes d’Alberich. Ils sont encastrés contre la falaise qui s’écroule ensuite sur eux.
D’abord impuissant face au raz-de-marée, puis ambitieux lorsqu’il comprend que la mer lui a rendu Hilda porteuse de l’anneau des Nibelungen, Alberich se montre enfin. Croisant le regard malsain de la Prêtresse d’Odin, il se dirige alors vers les trois intervenants. Sigmund reprend difficilement conscience comme l’un des deux soldats. L’autre est mort sur le coup. Alberich n’hésite alors pas à fracasser le crâne de son sujet rescapé en abattant avec rage son talon dessus. Sentant Hilda s’approcher dans son dos, il n’a pas le temps d’achever Sigmund et s’incline stratégiquement. _ « J’ai vu comme leur réaction a provoqué votre courroux. _ N’est-ce pas ton cas Alberich ? _ Je ne suis là que pour vous satisfaire Princesse Hilda, ricane-t-il avec perfidie. _ Très bien, dit-elle en faisant scintiller l’anneau et tout en levant les yeux vers la Grande Ourse… »
En Grèce, au Sanctuaire, le printemps offre au domaine sacré un temps doux et clément. Bien que cela fait deux mois et demi qu’Athéna ne soit pas revenue, les oiseaux chantent avec entrain et égaillent même les visages sceptiques de deux camarades.
Assis tous les deux à examiner pièce par pièce les morceaux éparpillés des cinq armures de bronze des héros de la traversée des douze maisons, Aldebaran est confronté au constat que lui confirme Mû : « Il semble que comme leurs corps, leurs armures n’ont pas survécu à la bataille. » De nature optimiste, le Brésilien assure : « Il existe pourtant un espoir de ramener leur armure à la vie, tout comme la Source d’Athéna a pu soigner leurs plaies. » Circonspect, Mû se redresse en balançant désabusé le bouclier fendu en deux du Dragon : « Malheureusement, bien qu’ayant reçus tous les soins possibles, Seiya et ses compagnons ne se sont toujours pas réveillés. » Le Saint d’or du Taureau marche les bras croisés. _ « Je ne m’inquiète pas pour eux. Ils ont surmonté de lourdes épreuves. Ils reviendront à eux en temps voulu. Ce qui m’étonne surtout, c’est que tu n’abordes pas le sujet toi-même. Il existe une solution pour ces armures. _ En effet. Mais tu sais aussi bien que moi, que notre sang n’est pas suffisant pour réparer ces cinq armures. Même l’armure du Phénix, capable de renaître de ses cendres, est inutilisable. Il faudra beaucoup, beaucoup de sang. _ Nous ne sommes pas non plus les seuls Saints d’or survivants. Nous ne sommes pas non plus les seuls à avoir reconnus Seiya et ses amis à leur juste valeur. _ Tu suggères qu’il faut réunir Aiolia et les autres ? » Un simple sourire permet au Saint du Taureau de répondre par l’affirmative.
Plus loin, à la Source d’Athéna, devant le temple, là où les feuillages dissimulent le grand jardin fleuri qui encercle ce dispensaire miraculeux, une jeune femme rousse aux collants rouge et aux guêtres blanche observe un bijou. Sous son masque de femme chevalier, Marin détaille les symboles de Pégase et de la Chouette qui s’entremêlent : « Seiya… Je viens de réajuster ton Jonc à ton poignet. Je garde celui de ta s½ur précieusement. Peut-être m’aidera-t-il à retrouver la Chouette. »
Elle sert fort dans son poignet couvert de sa Cloth l’artefact lorsque, inopinément, une image holographique apparaît devant elle. L’apparence d’un homme jeune, robuste, brun, torse nu, aux pieds chaussés de ballerines, ne la laisse pas coi : « Pourquoi vous présenter à moi dans votre véritable apparence, Saint d’or de la Balance ? » Affûté, le Chinois projette depuis les Cinq Pics l’image de sa réelle apparence. _ « Simplement parce qu’après que tu te sois réellement présentée auprès d’Athéna, j’ai compris que mon subterfuge n’était pas nécessaire auprès de toi. _ En effet, j’ai toujours pu voir que votre apparence était volontairement vieillie. Le don que vous a fait Athéna est incroyablement puissant. _ Bien sûr. Néanmoins, je doute qu’il soit suffisant pour accompagner Seiya, Shiryu et les autres dans cette Guerre Sainte que tu prédis contre l’Olympe. Je mourrai sûrement avant. » L’Aigle tend le Jonc de la Chouette en direction de l’hologramme. _ « J’imagine donc que vous venez pour ça ? _ Bien sûr. Il est difficile de pouvoir te parler seul à seul alors que tu passes ton temps à parfaire l’entraînement des aspirantes Saintias. Je pense savoir qui est la Chouette d’Athéna. Depuis la nuit des temps, elle est liée à Pégase. Lors de la précédente réincarnation d’Athéna, elle s’était réincarnée en la mère du chevalier Pégase. _ Seiya et sa s½ur sont orphelins. Je peine à croire que sa mère soit… A moins que vous ne pensiez à… _ Sa s½ur ! Ça peut être une piste. _ Si c’est bien le cas, vous ne me facilitez pas la tâche, Seika a disparu lorsque Seiya est parti en Grèce il y a plus de six ans maintenant. _ J’ai beaucoup réfléchi à ta discussion avec Athéna et Mû. Et j’ai également suivi ton affrontement contre Hestia. Quelque chose m’est alors venu à l’esprit. Ce cosmos olympien dégagé par l’Ange. Je l’ai ressenti à plusieurs reprises. Y compris il y a six ans. Ce n’était pas le même, mais il était relativement proche. _ Si la Chouette est bien Seika, un Ange l’aurait abattu c’est bien ça ? _ Pas forcément. Mais j’ai souvenir d’avoir ressenti cette cosmo énergie semblable à celle de l’Ange que vous avez affronté avec Apodis, dépassant celle des Saints d’or, à proximité du Sanctuaire. Sur les frontières Sud. Qu’elle soit vivante ou morte, peut-être retrouveras-tu des traces de la Chouette, ou de Seika, ou conjointement des deux, là-bas ? _ Même si c’est très maigre, ça reste une piste. Il est vrai que Seika a quitté le Japon pour partir à la recherche de son frère. A force de détermination, elle a très bien pu arriver jusqu’aux portes du domaine sacré. J’essaierai de poursuivre mes recherches tout en veillant sur Seiya. Cependant, Athéna m’a confié la formation des Saintias et j’aimerai vraiment me rendre auprès de Nicol et Mei également pour les aider dans leur quête. _ Je suis à distance l’avancée de leurs recherches. Hélas, je piétine autant qu’eux. Athéna t’a demandé de substituer le rôle de la Chouette en veillant sur Seiya jusqu’à nouvel ordre tout en formant les Saintias. Je m’occupe de te faire dispenser l’apprentissage des Saintias. En deux mois et demi de temps, avec les bases qu’elles avaient, je pense qu’elles en ont assez pour prendre leur envol. Tu peux te focaliser sur Seiya et sa s½ur. Et pour ton Pendentif de Zeus, tu auras le temps de le chercher une fois de nouveaux indices recueillis. »
A Asgard, au temple Walhalla, après que l’immense vague de Poséidon a emporté Hilda pour l’ensorceler à l’aide de l’anneau des Nibelungen sous le regard d’Alberich, la Prêtresse d’Odin a réuni ses hommes sur la terrasse de son palais. Tous les nouveaux Guerriers Divins sont agenouillés et en tenue de guerre. Ils apprennent la prétendue volonté d’Odin, dictée par une Hilda sous l’emprise de Poséidon.
Esseulé depuis des mois, Bud a vu l’espace d’un instant l’espoir d’une vie meilleure lorsque l’armure double de Zeta se présenta à lui. Hélas, une fois arrivé auprès d’Hilda, ses rêves de retrouver légitimement Bedra de Edel et de faire valoir son rang de God Warrior, furent anéantis en réalisant qu’une fois de plus il n’était que l’ombre de ce frère qu’il hait. Face à la statue d’Odin, dissimulé derrière une colonne de marbres, Bud d’Alcor découvre le projet de conquête du Sanctuaire. Alors, lorsque la Princesse de Polaris achève son discours et demande à ses Guerriers Divins de rassembler les soldats du domaine, il profite de la savoir seule pour la rejoindre à ses appartements.
La suivant furtivement dans ses jardins privés, il ne prend pas la peine d’admirer les sculptures recouvertes de givres et de stalagmites lorsqu’elle lui confirme son rôle. _ « Moi ? L’ombre de Syd ? Je ne suis donc pas un Guerrier Divin ? » Elle le lui certifie en renvoyant dans le ciel un oiseau venu chercher l’accueil de ses mains. _ « Le Guerrier Divin de l’étoile de Zeta est et restera Syd de Mizar. Tu es son ombre, personne ne doit te voir. _ Majesté Hilda, je ne pense pas être inférieur à Syd en puissance. Je le surpasse même ! Alors pourquoi ? » En se retournant pour exposer un sourire sadique que personne ne lui connaissait avant aujourd’hui, elle conclut : « Odin, notre dieu, en a décidé ainsi. Veux-tu désobéir à Odin ? Si tu n’es pas satisfait de ton sort, tu peux partir. Cependant, si Syd devait faillir un jour, toi seul pourrais lui succéder en tant que Guerrier Divin de l’étoile de Zeta. » Résigné, Bud prend congés en s’assurant de n’être vu par personne. Avant qu’il ne soit parti trop loin, Hilda lui prouve une fois de plus son tempérament implacable : « En étant l’ombre de ton frère, tu constateras que je ne tolère pas la trahison à Odin. J’ai fait emprisonner Sigmund de Grani pour diffamation. Syd le conduit à l’heure qu’il est en cellule en compagnie de Thor. » Bud ravale sa morgue et fait profil bas.
Pourtant, Hilda ne parvient pas à aspirer au plaisir de la solitude qu’elle s’est découverte depuis la possession de l’anneau. Elle devine au pas pressé d’un des fidèles guerriers d’Asgard qu’il s’agit d’un noble qu’elle connaît bien : « Surt ! Ne devrais-tu pas être avec ceux rassemblés en bas, sous les ordres des God Warriors ? » Le jeune homme aux cheveux couleur feu ne tient pas en place. Malgré qu’il se soit incliné, il trépigne d’impatience : « Princesse Hilda ! Cette Guerre Sainte que vous déclarez au Sanctuaire me parait la plus légitime au monde ! Vous connaissez mon dévouement envers le Royaume d’Asgard et la rage qui m’anime envers les Saints d’Athéna ! Seulement, je me permets de vous poser la question, pourquoi n’avoir réveillé que les God Warriors de la Grande Ours ? » L’ami d’enfance de Camus, animé par sa soif de vengeance après que le Français a tué sa s½ur par accident, soulève un point qu’Hilda s’empresse de préciser. _ « Ton dévouement te rend perspicace mon cher Surt. Odin dispose de deux corps de God Warriors. Celui rassemblé sous l’égide des étoiles la Grande Ours. Et celui sous l’égide des créatures de la mythologie nordique. En bon stratège, il serait imprudent de dévoiler à l’ennemi l’ensemble de mon jeu. La Guerre Sainte sera déclarée par les représentants de la Grande Ours. Ceux-ci défendront le Walhalla, quand Athéna voudra que je lui rende des comptes. Et s’ils ne suffisent pas à assurer ensuite ma conquête, alors je marcherai sur le Sanctuaire avec les représentants de notre mythologie nordique. » Elle glisse sa main sur la tresse que porte Surt en hommage à sa s½ur et le rassure : « Surt d'Eikthyrnir, tel le cerf se tenant sur le Walhalla, tu marcheras avec moi sur le monde lorsque l’heure sera venue et que Odin fasse appel à toi. A présent descends avec les tiens. Et rassure ceux qui aspiraient à devenir comme toi les semblables de Siegfried et des autres. »
Dehors, camouflé dans des dunes de neige à l’intérieur de sa Robe blanche, Bud se tourmente : « Désobéir à Odin ?! Jamais de la vie. Au contraire, je compte bien lui prouver mon dévouement. » Comme si son dieu l’entend, il surprend une troupe de cinq soldats vêtus de fourrures sous leurs armures et portants l’emblème d’Asgard. _ « Que faites-vous ici à traîner, les agresse-t-il ? » Le meneur de l’escouade déclare : « Nous répondons à l’ordre de rassemblement des Guerriers Divins. Nous regagnons le Walhalla. Et toi ? Qui es-tu ? Ta God Rob ressemble étrangement à celle du Guerrier Divin de Zeta ! » Usant d’ingéniosité mais aussi de caractère, Bud ordonne : « C’est parce que je suis… Le second du God Warrior de Zeta, Syd de Mizar. Il m’a ordonné d’aller transmettre un message au Sanctuaire et m’a confié une équipe. Sachez que notre mission sera reconnue par Hilda en personne. Alors ?! » Sans même demander aux siens, le leader confirme pour eux : « Bien sûr que nous en sommes ! » Immédiatement, l’unité suit du mieux qu’elle peut le combattant des glaces qui s’assure déjà du succès de son opération : « D’après ce que j’ai pu comprendre du messager du Sanctuaire envoyé il y a quelques mois par Athéna quand j’épiais Hilda, ceux qui l’ont protégé des Saints d’or sont dans un état critique. Si je débarrasse déjà Hilda de ces gêneurs, je ne pourrai qu’être reconnu par Odin. C’est certain… »
En Grèce, au Sanctuaire, à la Source d’Athéna, la nuit est tombée. Un étrange vent glacial s’est levé. L’occasion pour les deux soldats de garde devant le temple où reposent Seiya et ses amis de discuter de cet étonnant froid. Baillant à l’unisson, ils sont troublés par un inattendu bruissement. Sans même avoir le temps de s’interroger, ils tombent sans vie. Leurs yeux, d’abord embués par le sommeil, perdent tout éclat pendant que leurs corps meurtris et couverts de givre, s’écrasent dans l’herbe devenue aussi fragile que du verre en raison d’une chute brutale de température.
Furtives, cinq ombres surgissent devant les cadavres. En contrôlant sa respiration, l’une d’elles murmure : « Une chance que les effectifs de l’armée d’Athéna se sont amoindris au fil des derniers mois. Sans quoi, nous n’aurions pas réussi à venir ici sans encombre. » Les quatre autres, retenant leur cosmo énergie pour mieux localiser leurs proies, s’introduisent dans le palais. A pas de loup, ils avancent sur le sol marbré dont le reflet glaçant dessine la forme d’hommes aux bottines en fourrure, couverts de plastrons métalliques par-dessus leurs laines épaisses, protégés au bras gauche par un bouclier pointu et ornés d’un casque à cornes. Le blizzard qui les accompagne, gèle en un instant l’eau de l’immense fontaine sculptée dans le même marbre blanc que les colonnes qui tiennent la voûte peinte en marine. Les statues gravées dans la pierre se brisent d’elles-mêmes sous l’effet du froid. Comme s’ils chassaient sur leur terre natale, éternellement couverte de neige, les assassins se positionnent à chaque coin de la pièce comme pour mieux cerner les lits de pierre drapés de linges blancs où sont étendus les Saints de bronze. Néanmoins, le visage d’un des étrangers se fige : « Quoi ?! Comment ?! Un des cinq lits est vide ! » Un rire moqueur réplique à cette surprise. Très vite, sortant de l’obscurité imposée par une statue, la figure spectrale d’un homme accompagne le sarcasme. Malgré son visage creusé, les cheveux bleus d’Ikki permettent à quiconque ayant déjà croisé le chevalier dans sa vie de le reconnaître. Uniquement en sous-vêtements, il expose ses muscles saillants bien qu’encore endoloris. Pour éloigner le danger, le Phénix leur tourne le dos et s’engage vers la sortie en traînant difficilement la jambe. _ « En temps normal, je les aurai éliminé avec précision d’un seul coup. Cependant, c’est un miracle si j’ai déjà pu me lever de ma couche. L’instinct certainement, réfléchit Ikki pendant sa retraite… »
A peine sorti, ses sens sont mis en alerte puisque, sans se retourner, il pressent qu’un des hommes est entrain de dégainer une hache. Il esquive le misérable sans tenir compte de son corps à peine rétabli. Avec une agilité qui le surprend presque, il ramasse au passage le bras de son assaillant et le renvoie auprès des quatre autres tout juste arrivés. Sans plus tarder, peu rassuré, Ikki concentre légèrement son cosmos pour libérer, d’une voix diminuée, un faible, mais suffisant, arcane : « Ho Yoku Tensho. » L’incandescence des Ailes du Phénix, offre une chaleur inédite à ces guerriers du froid. Leurs yeux terrifiés témoignent de la douleur éprouvée par cette attaque qui leur ôte immédiatement la vie. Toutefois, Ikki n’exprime aucune satisfaction. Au contraire, son corps se pétrifie pour une raison étrangère aux stigmates laissés par la bataille remportée trois mois plus tôt. Un cosmos glacé, puissant et dégageant un immense instinct meurtrier, surpassant les faibles assassins tout juste abattus, l’oppresse. Son porteur, une ombre blanche sortie de derrière un arbre, lance un coup à une vitesse à peine perceptible pour un Phénix convalescent. _ « Il se déplace à la vitesse de la lumière comme seul un Saint d’or sait le faire, songe-t-il ! » L’attaque d’une lumière aveuglante fonce sur lui en déchirant la nuit. Dans un tel état et sans armure, Ikki ne peut l’éviter. Résigné, il ferme les yeux et se contente d’envoyer une dernière penser à son petit frère : « Shun… » Lorsque le moment d’être fouetter par le froid meurtrier vient, une étrange enveloppe d’une énergie intense anéantie le choc. Une voix familière au Saint de bronze brise le suspens : « Kan ! » _ « Shaka, reconnaît Ikki ! » A peine le Japonais trouve le temps de se retourner pour reconnaître son sauveur, que l’ombre blanche de Bud d’Alcor disparaît dans la nuit…
Pendant ce temps, à Asgard, dans les couloirs du palais, Freya observe impuissante chaque God Warrior se réunir dans la salle du trône. Fermés, concentrés, tous sont déjà rivés d’un air solennel vers leur mission.
Tourmentée par le comportement de sa s½ur depuis ce matin, elle ne résiste pas au besoin de se précipiter auprès de Siegfried. Ne sachant par où commencer, elle souhaite sensibiliser le plus puissant des Asgardiens en allant droit au but. _ « Siegfried ! Ma s½ur a changé du tout au tout, elle est comme possédée par le démon. Tu t’en es sûrement rendu comptes ? Si on ne fait rien, elle subira le châtiment céleste ! Use de ta puissance pour libérer ma s½ur ! » Tout juste nommé général de l’armée de sa bien-aimée à la place son frère jugé pour haute trahison, encore peiné par cette nuit d’amour chacun passé dans les bras de Thétis, Siegfried refuse de nuire aux projets d’Hilda, ni même de croire que sa volonté d’agir dans l’intérêt de son peuple soit dictée par le diable. Sigmund a profité que son frère baisse sa garde un instant pour tenter un coup d’état que Freya semble suivre. Hors de question pour lui de ne pas saisir l’occasion de revenir dans les bonnes grâces d’Hilda. _ « Dame Freya, je ne peux que protéger Dame Hilda en toutes circonstances. Si Sa Majesté Hilda doit recevoir un châtiment céleste, moi, Siegfried, resterait à ses côtés jusqu’en enfer. _ Siegfried… _ Pourquoi ces doutes maintenant ? Je ne peux plus reculer, j’ai prêté serment. J’ai juré de protéger sa Majesté Hilda, quoi qu’il arrive. » Sans en dire davantage, il prend congés et rejoint ses six frères d’armes déjà positionnés entre le trône de la Prêtresse d’Odin et le grand foyer aux flammes bleutés qui donnent à la pièce aux teintes déjà froides davantage de cynisme.
A la suite du Guerrier Divin d’Alpha, Freya s’immisce dans la pièce, sans que cela ne dérange la Princesse de Polaris, impériale dans son fauteuil entouré de deux griffons en pierre. _ « Je vous ai tous réunis ici pour mener à bien une mission. Notre mission. Celle d’offrir au peuple d’Asgard une vie plus clémente. Là où le soleil brille sans cesse et où la faim ne nous tue pas. Des générations d’Asgardiens ont été suffisamment nombreuses à être sacrifiées. Au nom d’Odin, je demande réparation. Athéna a repris son Sanctuaire. Pourtant, que la Terre soit gouvernée par la Déesse de la Sagesse ou par un imposteur, rien ne change pour nos âmes meurtries. Il n’est que justice qu’Asgard confie cette lourde tâche qui nous a toujours incombés à d’autres. Pour cette raison, je choisis Syd de Mizar Guerrier Divin de Zeta pour se rendre au Sanctuaire et délivrer un message… » Couvert de sa noble God Rob, le tigre viking avance d’un pas pour acquiescer, lorsque la cadette d’Hilda intervient de sa frêle voix : « Attends grande s½ur ! Veux-tu vraiment qu’Asgard conquière le Sanctuaire afin de dominer la planète ? » Sereine, Hilda répond sans sourciller : « Les Guerriers Divins sont de mon côté. Je ne peux pas perdre contre Athéna. » Le regard de son aînée, d’ordinaire si tendre, est chargé d’une noirceur troublante. Si les Guerriers Divins et le peuple, à l’égard de leurs vies pénibles ici, peuvent juger légitime la décision d’Hilda, Freya n’en oublie pas moins les sages paroles d’antan de sa s½ur. Celle-ci l’a toujours destiné à la remplacer si jamais il venait à lui arriver malheur. Pour cette raison, elle connaît toute l’importance de leur rôle ici : « Qu’est-il arrivé ? Qu’est-ce qui t’a changé ainsi ? Réveille-toi, grande s½ur ! » Ne tolérant plus aucune insubordination, Hilda se lève : « Tais-toi ! Thor, emmène Freya. Mets-là donc au cachot ! » Stupéfait, le géant ne sait comment réagir. _ « Mais… _ Obéis-moi immédiatement, Thor ! » Alors que l’immense silhouette du God Warrior de Gamma lui fait de l’ombre, les yeux teintés de tristesse, Freya tente une dernière fois d’interpeller son aînée : « Grande s½ur… » Toutefois, la mine embarrassée, Thor passe devant elle pour l’inviter à quitter la pièce.
En Grèce, au Sanctuaire, à la Source d’Athéna, Ikki regarde Shaka examiner les cadavres des cinq guerriers des glaces devant le temple où il a sommeillé pendant trois mois. Les doigts du Saint d’or caressent les gravures faîtes sur leurs boucliers : « Deux corbeaux autour d’un écu frappé par les sept étoiles polaires… L’emblème d’Odin et du royaume d’Asgard. Mais pourquoi Asgard alors que la Prêtresse de Polaris a assuré allégeance à Athéna lors de son retour au pouvoir ? » Le Saint du Phénix, lui, fixe froidement ses adversaires : « Peu importe. S’il y a bien un moment où le Sanctuaire est fragile, c’est maintenant. Nous nous remettons à peine de la discorde causée par Saga. La réorganisation du domaine est donc friable et surtout, je le perçois, Athéna est loin d’ici. »
Un ton chevaleresque, bien qu’emprunté, répond à Ikki. Réveillé, soutenu par ses trois autres camarades qui ont émergés grâce aux vibrations du récent affrontement, Seiya sort du temple dans la même tenue que les autres souffrants : « Et nous ne pouvons pas laisser Saori seule… Alors qu’un nouveau danger la menace ! » Immédiatement, Shun court jusqu’à son frère pour l’aider à tenir debout. Enfin sur pieds, réunis, les chevaliers de bronze s’échangent fièrement un sourire rempli de conviction. Essayant de nuire le moins possible à ses solennelles retrouvailles, Shaka déclare : « Puisqu’il en est ainsi, allez donc revêtir vos tenues qui vous attendent à vos chevets et rejoignez-nous donc au lever du soleil, nous autres Saints d’or, chez Mû. »
Alors que Shaka les devance, Ikki remarque sur l’armure d’or de la Vierge quelques marques de givre, que l’adepte de Bouddha espérait jusqu’ici dissimuler. Serrant les poings, Ikki grimace : « Cette ombre blanche… Ça devait certainement être un de ces légendaires Guerrier Divin d’Asgard. Alors que même mes attaques les plus puissantes n’avaient pas été capables d’affliger à une armure d’or une simple éraflure, ce défenseur d’Odin y est parvenu. Même si on dit de la Prêtresse de Polaris qu’elle est une femme bienveillante, aimée et respectée de tous, il paraît inévitable que je retrouverai ce Guerrier Divin dans peu de temps… » Ikki devine déjà son prochain affrontement avec Bud d’Alcor…
Dans une dimension qui surplombe la Terre, l’Olympe, à l’extérieur du temple du soleil, dans les jardins du dieu Apollon, l’imposant maître des lieux laisse l’eau d’une fontaine tenter d’approcher sa main. Devant le monument sculpté à son effigie, le frère d’Artémis s’amuse à faire évaporer l’eau grâce à l’insoutenable incandescence de son divin cosmos. Derrière lui, dans leurs Glories, ses fidèles Anges, Helénê et Kassandra observent agenouillées les gesticulations du pitoyable Roloi qui mime à son maître la prise de possession d’Hilda par Poséidon. Ses pitreries amusent les quelques servantes du fils de Zeus, étendues dans le muguet qui couvre tout le parc du palais solaire. Plus loin, reculés, sous l’ombre d’immenses lauriers majestueux, Héra, Hestia et Héphaïstos, les trois autres comploteurs, attendent la fin du récit de Roloi, pour qu’Apollon leur adresse enfin la parole.
Hautain, Apollon susurre ces phrases courtes qui caractérisent son allocution condescendante : « Ainsi tout se déroule selon notre plan. » Le pas saccadé, boiteux, le torse nu, le Dieu du Feu, des Forges et des Volcans s’expose à la vue de tous. Sa voix grondante retentit à travers sa barbe broussailleuse : « Rien n’est encore fait. Il y a beaucoup d’acteurs sur Terre. Qui te dit que personne ne viendra chambouler l’ordre des évènements que nous avons fixé. » Apollon dédramatise : « Poséidon va affaiblir Athéna en utilisant Asgard. Si Asgard ne suffit pas, si Poséidon ne suffit pas, Tezcatlipoca, Loki, Hadès, Eris et Arès feront l’affaire. Athéna mourra ou sera poussée à la faute. » Toute couverte de sa toge immaculée, la Déesse du Feu Sacré et du Foyer, Hestia, s’en extasie : « Dans les deux cas, Zeus ne pourra rester insensible au sort de l’humanité. » Immédiatement, les yeux plissés, impériale dans sa robe pourpre, la Déesse du Mariage, Héra, ramène sa semblable à la réalité : « Si Arès nous fait faux bond ? Si les Alcides de cette garce d’Hébé, ou encore Alexer de Blue Graad, se joignaient à Athéna pour combattre Poséidon et Hadès, ses ennemis légendaires, nos plans pourraient tomber à l’eau ! »
Tournant le dos à ses pairs, chassant d’un simple regard ses domestiques, le Dieu du Soleil attend d’être en toute intimité pour réagir de son ton sournois : « C’est pour cela que je vous ai conviés aujourd’hui. Helénê, la plus puissante de tous les Anges de l’Olympe, a été éloignée de moi trop longtemps. Réincarnée sur Terre sous le nom de Ksénia, elle a mené d’une main de maître notre conspiration. Ensuite, j’ai également mandaté Kassandra pour la lier à Arès. Elle pourra veiller à la bonne exécution des engagements de ce ridicule personnage. Roloi, lui, bien que n’étant un simple Olympien, se charge d’innover sans cesse dans le but que nous dupions du mieux possible Zeus. A votre tour, j’aimerai que vous engagiez enfin quelques forces dans la bataille. » Le menton carré et la large carrure d’Héphaïstos aurait de quoi effrayer quiconque en Olympe, surtout lorsqu’il s’insurge comme il le fait présentement : « Comment ?! Après notre confiance, tu oses nous demander un tribut encore plus lourd ! » Sans même écarquiller les yeux, Apollon ne laisse s’approcher davantage son acolyte. D’une simple émanation de cosmo énergie, il tétanise l’un des plus puissants gardiens du monde céleste. Immobilisé, contraint à courber l’échine, Héphaïstos abandonne très vite toute hostilité dans son regard, forcé de constater la toute-puissance de celui qui a, depuis la fondation de cet univers, toujours été envisagé à la succession de Zeus si d’aventure celui-ci venait à disparaître. Le célèbre adage du calme olympien n’étant jamais mieux justifié qu’ici, le dieu du Soleil suggère : « Est-ce donc une tenue à avoir auprès de moi Héphaïstos ? Je vais répondre logiquement à cette question. Non. Ce n’est pas ainsi que tu dois te tenir. Ce ne sera plus jamais ainsi. N’est-ce pas ? » D’un battement de cils, la titanesque entité valide la supériorité d’Apollon. Ce dernier l’invite : « Tes propos étaient d’autant plus déplacés, sachant qu’Héra est déjà intervenue par le passé pour contrer la Chouette. Et qu’Hestia a éliminé en personne Hébé. » Reprenant son souffle, essuyant du revers de la main la première goutte de sueur froide de son existence qui lui parcoure le front, Héphaïstos demande : « Qu’attends-tu de m… Que puis-je faire ? » Apollon reconnaît : « Héra a été clairvoyante. Il faut se méfier de l’apport des Alcides et des Blue Warriors. Nous ne devons laisser aucun allié à Athéna pouvant nuire à nos plans. »
En Grèce, au Sanctuaire, à l’Ouest du domaine, zone autrefois témoin d’une très grande bataille contre Arès, le village de Paesco reste le seul endroit du Sanctuaire où le chevalier de Pégase se sente réellement chez lui. Autrefois locataire de ce lieu, comme Orphée et Apodis, Seiya y titube. Tout juste remis, accompagné de Shiryu, Hyoga et Shun, il s’installe dans le misérable logis qu’il partageait avec Marin. _ « C’est bien peu, mais je ne me voyais pas passer une nuit de plus dans ce temple où nous sommes restés trois mois, s’installe Seiya sur son ancien lit de pierre. _ Dommage que mon frère ne nous a pas suivi, déplore Shun. _ Tu le connais Shun. Pour rien au monde Ikki ne se mêlerait à un groupe, dit Hyoga en posant affectueusement sa main sur son épaule. _ Il a préféré attendre que d’autres gardes viennent chercher les corps de nos assaillants, ainsi que ceux de nos deux soldats morts, avant de monter la garde en cas d’un éventuel retour, complète Shiryu. » Seiya s’allonge, les bras derrières la tête : « Il ne changera donc jamais ! Mais au moins, toi, Shun, tu as de la chance. Tu as un frère que tu vois toujours et qui ne t’ignore pas. » Ses trois amis comprennent vite où Seiya veut en venir. _ « Tu attends toujours des nouvelles de Marin, demande Hyoga ? _ Tu espérais peut-être la retrouver chez vous. Voilà pourquoi tu nous as menés ici, déduit Shiryu. _ C’est vrai. Depuis qu’Astérion a dit qu’elle est ma s½ur, le doute m’habite. Je ne sais plus quoi penser. Et si elle m’est venue à l’aide durant la traversée des douze maisons, j’aurai au moins voulu lui dire merci et lui demander… » Tout à coup, on frappe à la porte. Manquant de chuter, Seiya se précipite pour l’ouvrir en grand, mais montre involontairement une profonde déception, en voyant que le masque de femme chevalier auquel il fait face n’est pas celui du Saint de l’Aigle : « Ah… June… » C’est Shun qui prend la suite. D’un pas moins pressé que Seiya, il demande de sa douce voix : « June ! Tu es rétablie ! Quand es-tu arrivée en Grèce ? »
Préférant ne pas déranger Seiya plus longtemps, Andromède s’éloigne en compagnie de l’Ethiopienne aux cheveux couleur blé…
Dans la demeure, Seiya, aidé de Shiryu et Hyoga, repart s’effondrer sur sa couche. En se prenant la tête entre les mains, il remarque seulement le Jonc d’Athéna qu’il croyait perdu alors qu’il n’était encore que l’élève de Marin. _ « M… Mais… C’est mon bracelet ! Je ne l’ai même pas remarqué tout à l’heure lorsque je me suis rhabillé. J’ai fixé mes brassards machinalement sans faire attention. _ Cet objet à l’air très important pour toi, un peu comme la croix que Hyoga a reçu de sa mère. _ Oui. C’est un bijou qui me vient de mes parents. Enfin je crois. D’aussi loin que peuvent remonter mes souvenirs, je l’ai toujours eu. Et ma s½ur Seika avait le même. J’ai cru l’avoir perdu lorsque je faisais mon apprentissage de Saint. C’est étrange… » Préférant se ressourcer un peu, Hyoga botte en touche en rigolant : « Encore un bien étrange mystère que le cosmos devra résoudre ! » Les trois compagnons rient aux éclats comme pour libérer leur joie d’être sains, saufs et réunis.
Sur l’île d’Yíaros, dans le Parthénos, Juventas Alcide des Juments de Diomède reste dans la salle du trône. A l’intérieur du temple d’Hébé, vide et terriblement silencieux, la régente de l’île, grande, mince, porte sa Cloth blanche et crème par-dessus sa tunique grenat. Elle fixe à travers son masque de femme chevalier le fauteuil qu’occupait il y a encore quelques mois la Déesse de la Jeunesse. Propre, rénovée après la tentative de coup d’état des hommes de Gigas, la pièce dégage encore l’odeur du ciment et du plâtre frais. Un parfum que le disgracieux ¼dipe ne pourra jamais ressentir. En traînant les jambes, l’hideux Alcide des Oiseaux du Lac Stymphale s’invite par télépathie dans l’esprit de sa camarade. _ « Cela fera bientôt cinq mois qu’Hébé nous a quittés. _ Et mon c½ur saigne depuis. _ Il est évident que nous n’aurons jamais assez de temps pour faire le deuil de notre Grande Hébé. Mais peut-être devrions nous nous rapprocher d’Athéna, pour poursuivre la volonté de notre Majesté ? _ J’ai perdu les deux hommes qui auraient pu rendre ma fille heureuse. Je n’envisage pas de partir à la guerre et d’en faire une orpheline. _ Tôt ou tard hélas il nous faudra agir. Tu as dû ressentir comme moi une étrange cosmo énergie malfaisante planer autour de l’île depuis la mer. _ Crois-tu toi aussi qu’il puisse s’agir de Poséidon ? _ C’est envisageable. En plus du complot de l’Olympe, d’autres dieux ne se priveront pas d’attaquer la Terre. En plus des Olympiens, Athéna devra faire face à ses ennemis historiques. _ Oui… J’en ai conscience… » La guerrière au cheveux couleur taupe traverse la pièce pour prendre la direction des couloirs depuis laquelle elle scrute, grâce aux lucarnes, sa cité originelle : « … Seulement, notre armée se reconstitue à peine. Et pour tous ces jeunes gens, porter la dague hébéïenne sera une première. » ¼dipe la suit péniblement : « Je réalise que l’ultime bataille les conduira à la mort. Tout comme nous. Néanmoins, il en va de la survie du monde. Un monde auquel ta fille appartient. » La veuve d’Iphiclès cesse sa progression et abandonne ses pensées dans l’horizon. Les images bienfaitrices de son époux Iphiclès et de son amant Apodis se bousculent dans sa tête. Pourtant, elle réussit enfin à n’en tirer aucune nostalgie. Au contraire, le Lion de Némée et l’Oiseau de Paradis éveillent enfin en elle un désir de revanche : « Laissons à Athéna le soin de combattre ses ennemis historiques. Nous viendrons à son secours lorsqu’il conviendra de défaire les ennemis de tous les hommes et de tous les dieux qui veulent gouverner la Terre, l’Olympe. »
En Grèce, au Sanctuaire, la tête dans les étoiles, Shun progresse d’un pas lent et ordonné en compagnie de June bien silencieuse. En prenant la direction du Nord du domaine, le Japonais est stupéfait. _ « Je n’aurai jamais cru le Sanctuaire aussi grand. _ Lorsque je suis arrivée hier, j’ai eu du mal à me repérer aussi. Heureusement, Shaina m’a affecté à la surveillance d’une zone bien connue des gardes que j’ai sous mes ordres. _ Je suis content de te savoir heureuse ici. Te connaissant, je savais que la vie au Japon t’aurait semblé monotone. Comment vont Sho, Ushio et Daichi ? _ Très bien. Ils se sont parfaitement occupés de moi. » Instinctivement, s’étonnant après coup d’avoir fait une telle remarque, Shun demande d’un air inquisiteur : « Jusqu’à quel point ? » Confus, dérouté, l’élégant chevalier aux cheveux vert pomme a les joues qui s’empourprent. Seulement, c’est suffisant pour que June ôte son masque. _ « C’est tellement mieux ainsi. L’air est agréable pour cette première pleine lune du printemps tu ne trouves pas. _ June… Ton masque… Tu… _ Tu me l’as ôté Shun lors de notre combat au Japon. Tu sais ce que cela signifie n’est-ce pas ? » Shun peut lire dans les grands et beaux yeux bleus de son amie toute l’émotion qu’elle éprouve en restant rivée vers la lune. Il se contente d’un timide : « Oui. » Heureusement, bien vite, voulant stopper ce silence gênant, June s’exclame : « C’est ici ! » A visage découvert, elle se précipite dans un village où seules quelques ambiances musicales s’échappent des différentes tavernes. Les allées sont libres, quelques chandelles forment les ombres des habitants des petits logis que Shun et June s’amusent à observer en traversant la place : « Voici le village où je réside désormais ! »
Elle s’engouffre dans une modeste mais propre demeure. Au risque de le faire chuter alors qu’il est encore faible, elle tire Shun par le bras pour l’obliger à occuper l’espace. Une pièce principale où domine une grande table en bois sur laquelle l’urne de sa Cloth est posée. Une chambrette à droite, dont l’encadrement de porte est fermé par un rideau. Des peintures colorées et chaudes qui rappellent l’île d’Andromède… Shun se sent aussitôt comme chez lui. _ « Lorsque j’ai perçu ma première bourse de sacres pour m’installer après que je sois promue sergent, j’ai visité plusieurs demeures mais j’ai craqué aussitôt sur celle-ci. » Shun écarte le rideau de la chambrée pour finir son inspection. Il découvre un grand lit déjà couvert d’étoffes par June et un bassin d’un mètre vingt sur deux mètres carrelé avec de magnifiques mosaïques : « Je comprends, en effet, c’est sublime. » Accompagnée par la lumière intense de sa Cloth qui reprend sa forme en totem pour rentrer dans sa Pandora Box, June assure : « Nous serons heureux, ici, tous les deux. » Laissant Shun sans voix, elle défait ses vêtements en exposant sa totale nudité sans la moindre gêne. Elle déverse l’eau qui chauffe depuis plusieurs heures dans une marmite suspendue au-dessus du feu de la cheminée. Intimidé, Shun détourne ses yeux d’elle en se contentant de lui dire : « Tu es magnifique. » D’un ton volontairement hasardeux, alors qu’elle se glisse dans l’onde, elle lance : « Tu ne me rejoins pas ? » Fébrile, Shun se positionne sur une chaise et préfère décliner l’invitation : « Vois-tu, June, j’ai… Je suis… » Le regard perdu d’Andromède s’abandonne sur le sol de la maisonnette. Ne sachant comment s’y prendre, il ne remarque même pas le corps trempé de June venir le chercher : « Tu te souviens de ta promesse avant l’épreuve du sacrifice sur l’île d’Andromède ? » Confus, le chevalier regarde la jeune femme le dominer en se tenant droite devant lui, alors qu’il est complètement affaissé sur son siège. Instinctivement, il contemple le détail de ses courbes sur lesquelles glissent les gouttes d’eau chaude. Par phénomène de condensation, le corps tout entier de June dégage une vapeur qui crée une atmosphère licencieuse. Elle s’accroupit délicatement sur les genoux du Saint convalescent en prenant soin de rapprocher le plus possible son buste du sien, lui offrant au passage le frôlement de son affriolante poitrine contre son visage : « Tu m’as promis que lorsque tu retrouverais ton frère, tu reviendrais auprès de moi. Que crois-tu que j’attende à présent ? » Contraint de faire front à l’attitude avenante de son amie, Shun cesse son regard abandonné et la fixe avec émotion. _ « Je sais très bien ce que tu souhaites, mais d’autres batailles nous attendent encore. Je ne peux t’assurer une vie harmonieuse, tant que je n’aurai pas assuré la paix en ce monde. _ Cette nuit… Juste celle-ci, la paix, elle règne. Pourquoi en vouloir plus lorsque nous pouvons profiter des instants présents ? _ C’est juste que je ne veux pas te promettre des choses que je ne pourrai t’offrir. » Elle lui agrippe fermement les mains pour les lui poser sur ses seins. Ses yeux pétillent d’impatience tandis que machinalement, Shun se laisse guider par les mouvements circulaires que June l’incite à réaliser pour lui faire plaisir. Lorsque les gestes de Shun deviennent autonomes, voire initiateurs, June se penche jusqu’à son visage pour lui baiser le cou. A mesure que Shun poursuit ses cajoleries de plus en plus passionnées, il peut entendre entre chaque claquement de lèvres les petites poussées aigues de la voix satisfaite de June. Très vite leur étreinte devient plus fougueuse et le corps suintant du Caméléon trempe le maillot de Shun qui lui colle à la peau et épouse à merveille son athlétique torse. La vue de ce corps si parfait conjuguée aux mains de Shun qui parcourent dorénavant le reste de sa peau propulse June dans un état de grâce…
Dans une dimension qui surplombe la Terre, l’Olympe, à l’intérieur d’un des onze temples qui protège l’accès au Mont Olympe, son propriétaire entre dans une rage folle. A l’intérieur de la demeure aux pierres ternes et à l’atmosphère suffocante, le Dieu du Feu des Forges et du Volcan boitille en pestant : « Apollon prétend que je ne fais que profiter des risques qu’il prend ! Et que contrairement à Héra et Hestia j’attends que notre courroux contre les hommes se réalise en gagnant les faveurs de Zeus ! Mais c’est faux ! Je vais le lui prouver ! »
Traversant un pont de pierre à l’intérieur même de sa propriété, le maître des lieux passe au-dessus un torrent de lave. Tout autour, sur les plateformes en roches taillés dans un style dorique, les serviteurs du dieu, uniquement des hommes à peine vêtus en raison de la température ambiante, s’activent à présenter le nectar et l’ambroisie partout où leur souverain pourrait être amené à passer.
Lorsqu’il s’arrête en plein milieu du pont, ses yeux, larges et plissés, regardent au loin un atelier, depuis lequel on peut entendre s’entrechoquer quelques morceaux de métaux. Il observe la silhouette frapper devant un fourneau quelques pièces de métal et l’appelle : « Phygée ! » Le susnommé déploie immédiatement ce qui s’apparente à des ailes. Elles apparaissent par l’effluve de la cosmo énergie qu’il dégage.
En quelques secondes, il débarque devant son maître et s’agenouille de façon très solennelle. Couvert d’une Glory, il n’ose même pas regarder son souverain dans les yeux : « Maître, la réfection du char d’Apollon progresse à… » Héphaïstos ne laisse même pas l’Olympien aux longs cheveux azurs coupés en carré plongeant finir sa phrase : « Le char d’Apollon attendra. Fais venir Idaios. J’ai une mission bien plus grande à vous confier. »
Au Sanctuaire, à l’intérieur de la chaumière de June, la buée de son bassin condense sur les blocs de pierre qui forment ses murs. Eclairée par quelques chandelles, celles-ci dessinent les corps entremêlés de Shun et June, désormais étendus, nus, ne faisant plus qu’un, sur la couche aux draps soyeux. La propriétaire de la maison, couchée sur le côté, une jambe enlaçant fermement les cuisses de son amant, entrouvre légèrement les yeux à chaque soupir d’extase, afin de ne rien perdre de la vue alléchante du visage de Shun en plein effort. Appliqué, concentré, doux dans ses premiers gestes et fougueux lorsque la passion l’exige, le Saint d’Andromède accélère le mouvement de ses hanches à mesure que sa mâchoire se crispe. Venant en même temps qu’elle au point culminant du plaisir, ils libèrent tous les deux un râle sauvage mêlant bonheur et délivrance.
Cependant, ce soulagement prend des allures d’émancipation pour Shun. Etrangement, si attentionné jusqu’ici, Shun serre plus fort encore contre lui June, au point que la marque de ses bras qui l’encerclent stigmate son corps. En appui, lourde et rugueuse, la main droite de Shun remonte le long de sa poitrine, jusqu’à sa frêle gorge qu’il saisit sans ménagement. Ses mouvements de reins deviennent plus secs, plus violents. Stupéfaite, June écarquille grands les yeux et remarque que les cheveux pomme de Shun oscillent vers le prune. Ses yeux s’embrument et, avec son autre main, il serre fort son collier en forme d’étoile avec l’inscription « Your’s Ever » gravée dessus. Ne voyant pas d’autre solution, elle le gifle violemment pour le ramener à lui. Le choc est si violent que le Japonais en tombe à la renverse et recouvre ses esprits et son physique originel. _ « June ?! _ Shun… Mais… Enfin… Qu’as-tu ? Qu’est-ce qu’il te prend ? » Devinant sa mauvaise conduite, influencée par ce cauchemar qui le poursuit sans cesse, Shun baisse les yeux : « Je… Je ne sais pas. Je ne comprends pas… » S’entourant des étoffes pour couvrir son corps qui se refroidit après avoir intensément brûlé jusqu’ici, June s’inquiète. _ « La dernière fois que je t’ai vu ainsi, c’était avant que tu choisisses l’épreuve du sacrifice. Tu étais devenu fou de rage contre Reda et Spica. Ta colère te consumait à tel point que tu aurais pu détruire l’île entière. _ Je… Je suis désolé. Je ne sais pas pourquoi je deviens ainsi. Plus le temps passe et plus je me sens comme changeant. Je hais la violence. Pourtant ce cauchemar permanent d’une petite fille me portant, moi bébé, dans ses bras, chaque nuit, renforce en moi ce sentiment de colère. Il ne m’est pourtant pas apparu durant la bataille des douze maisons. Mais il faut croire que d’être resté trois mois dans le coma a eu un effet néfaste. Cette vision a décuplé en moi cette peur et cette haine que j’abhorre plus que tout. _ Tu devrais en parler à Athéna. _ Non. Ni à Athéna, ni à mon frère. Je ne veux pas les perturber avec ça. Des choses plus importantes les concernent. » June vient alors se coller contre lui et l’enlace amoureusement. _ « Dans ce cas, nous combattrons ensemble ce mal qui te ronge. _ Si seulement c’était si simple, sourit-il gentiment. _ Oui, bientôt tu retourneras auprès d’Athéna et tu seras à nouveau loin de moi. »
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« on: 22 December 2022 à 16h02 »
NEWS
Cette version du chapitre 27 est une version rééditée de la publication originale du 29 janvier 2012. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 4 December 2022 à 13h38 »
Chapitre 82 Sur la plus septentrionale des quatre îles principales de l'archipel du Japon, Hokkaido, se matérialise la silhouette de Kyoko. Légèrement vêtue de sa jupe et de son chemisier, la jeune femme progresse dans le plus haut relief montagneux de l’île. Alors que quiconque ne tiendrait pas une minute dans ce climat, elle prend le temps de progresser dans la tenue scolaire qu’elle a choisi pour rendre visite à Mars en Grèce. D’apparence chétive, elle avance sans difficulté, caressée qu’elle est par les bourrasques de vent gelé, sur les sentiers sinueux. Tout à coup, au-dessus de sa tête, le bruit de raie d’hélices perturbe son allégresse. Un drone s’infiltre dans cette zone inhabitée et inexplorée depuis trois ans maintenant que le Jardin d’Eden a rejailli des entrailles terrestres. En débouchant en sortie de forêt sur le flanc de la montagne, elle s’en amuse : « Ils ne comprendront donc jamais. » A cet instant, morceau par morceau, l’appareil se disloque puis explose pièce après pièce. Elle observe alors devant elle des vestiges de la Grèce Antique taillés à même la roche. _ « Ils ne parviennent plus à accéder à ce lieu. Les barrières naturelles sont insurmontables. Alors ils tentent par leur technologie, sans jamais accepter qu’ils ne peuvent pas tout s’approprier sur cette Terre, d’atteindre ce lieu qui les rejette. La limite des hommes est atteinte là où le choisissent les dieux. »
Revenue de son escapade en Grèce avec Arès, Eris profite du soleil levé de ce 22 mars 1987 pour admirer en plein Japon de hautes colonnes de la Grèce antique. Elles érigent divers prieurés avec en sommet de flanc de montagne un temple plus imposant. Son ascension commence en slalomant les monceaux de roches retournés par la résurgence du Jardin d’Eden où se mêlent piliers effondrés et pierres brisées. Aussitôt, quelques Dryades aux Leaf noires et amarantes sortent des décombres pour prendre en étau la jeune femme jusqu’à ce que celles-ci reconnaissent leur déesse. Toutes s’agenouillent instantanément tandis qu’un Ghost Saint apparaît. D’un claquement de doigt il chasse les Dryades. _ « Rigel, quel plaisir que tu viennes m’accueillir. » Le Fantôme pose genou à Terre. Un voile flou couvrant ses yeux, Rigel, imposant dans sa Leaf d’Orion, démontre toute sa dévotion : « Quoi de plus normal Kyoko. » En passant à côté de lui, elle lui caresse affectueusement le visage en forçant à hauteur du menton pour le forcer à se relever : « Rigel… Je t’ai déjà demandé de ne plus me nommer ainsi en ce lieu… » Il la laisse passer devant et la fixe reprendre la route. Son regard s’éclaircit alors, reprenant la vigueur qui était la sienne avant qu’Eris ne lui ôte la vie sur l’Utérus. A cet instant, lui reviennent les souvenir du meurtre de Mayura et du baiser mortel qui le firent rentrer dans le camp de la Déesse de la Discorde… Il devina aisément l’affliction de ses anciens camarades il y a trois ans après la bataille sur l’Utérus…
Flashback Au Sanctuaire, les prêtresses, des aspirantes Saintia, allaient et venaient entre leur temple au sommet des douze maisons et le camp des femmes chevalier au Sud Est du domaine. Seules autorisées à pénétrer le camp, elles apportaient à Shaina, Marin et Geist l’aide nécessaire pour nettoyer les corps et les charrier dans les cimetières des villages alentours à l’aide de quelques b½ufs.
Là-bas, Erda, choquée de sa rencontre avec Deathmask qu’elle gardait pour elle, participait à l’effort malgré ses nombreuses blessures. Elle refusait de se faire soigner malgré les remontrances de ses aînées. Préoccupée à rendre à ce camp sa pureté d’antan, Erda repoussait chaque prêtresse alors que Shaina en renvoyait chaque fois une nouvelle à son chevet. Xiao Ling, elle, en retrait, recevait les soins sans perdre des yeux Erda. Traumatisée par cette journée sanglante, elle restait admirative du caractère bien trempé de sa camarade. Si bien qu’elle voyait à travers elle la défunte Saint de Cassiopée, Rebecca. D’ailleurs, Geist referma dans sa Pandora Box la Cloth de Cassiopée. _ « J’étais de passage au Sanctuaire pour rendre compte d’une mission au Pope, enfila-t-elle l’urne par-dessus son épaule. Il ne reste plus grand-chose à faire ici. La terre finira par absorber le sang qui jonche le sol. Les nouvelles recrues hisseront de nouveaux abris avec les débris de temple qui se trouvent ici, comme nous autrefois, s’adressa-t-elle à Shaina et Marin. Je m’en retourne accomplir mon devoir auprès du Pope. J’en profiterai pour lui restituer cette Cloth. » Comme pour refuser de dire adieu à sa maîtresse, Erda préféra ne pas poser ses yeux sur l’armure de Cassiopée et s’attela davantage à la tâche. Tandis qu’au contraire Xiao Ling s’embua les yeux en voyant le souvenir de Rebecca les quitter. Alors qu’elle claquait le cul d’un b½uf pour faire partir le char de celui-ci avec une prêtresse, Erda resta bloquée un instant sur la pile de cadavre. Le rire sarcastique de Deathmask retentit alors dans son crâne. Depuis sa rencontre avec lui, l’image de l’odieux Saint d’or restait gravée dans son esprit : « Pourquoi… Pourquoi Athéna a-t-elle fait de lui un de ses Saints ?! Je dois savoir pourquoi, ressassait-elle. » A cet instant, restée accrochée sur la feuille d’un arbre, une Evil Seed de l’Utérus tomba sur elle. Une graine maléfique se planta aussitôt en elle sans qu’elle puisse s’en rendre compte. Subjuguée par sa camarade, Xiao Ling admirait chacun de ses mouvements. Si bien qu’il fallut l’insistance d’une prêtresse qui répéta pour la seconde fois sa question pour qu’elle revienne à elle : « Vous allez donc faire partie de la nouvelle génération d’apprentie Saint ? » La vestale avait de grands yeux verts, de grands cheveux mauves coiffés d’une longue tresse et agrémentés d’une pince en or. Celle qui deviendra plus tard Lilith, la captive de Deathmask, faisait preuve d’intérêt pour son prochain et d’entrain à l’idée de parler à une rescapée qu’elle considérait comme héroïque. _ « Nous, prêtresses, et aspirantes Saintias, nous devons comme vous faire preuve de maîtrise martiale et de courage pour être dignes d’approcher Athéna. Malheureusement, je suis plus douée en tâches ménagères qu’en manipulation du cosmos, poursuivit-elle en souriant gênée. » Traumatisée et pleurnicharde, Xiao Ling craqua à l’idée qu’on puisse la voir comme courageuse. A l’inverse, les mots de la future Lilith parvinrent à Erda comme une évidence. Les Saintias peuvent approcher Athéna. Elle a les connaissances de guerrière. Ne reste que les bonnes grâces d’une gouvernante à savoir dispenser à sa déesse. Marin vint sortir Erda de ses songes en posant sa main sur son épaule. _ « Tu étais une des favorites de Rebecca. Tu as fait preuve de beaucoup de force aujourd’hui. Tant durant la bataille, qu’après. Par respect envers Rebecca, je peux achever ton instruction. J’ai ressenti ton cosmos lors des combats. La Cloth de Cassiopée irradiait et veillait sur toi quand nous vous avons rejointes ici. Il s’agit de ta constellation. Si tu le désires, cette Cloth t’es toutes destinée. _ Je n’ai plus de maître. Je refuse de suivre l’enseignement d’un autre professeur, répondit sèchement Erda. » Sa réaction ne passa pas inaperçue. Marin resta droite devant elle. Sans insister. Xiao Ling était pendue aux lèvres d’Erda qui poursuivit : « Je suivrai ma propre voie. Après aujourd’hui, beaucoup de questions me viennent. Seule la prière m’aidera à trouver les réponses. A compter de maintenant, je consacrerai ma vie aux prières afin qu’Athéna me guide. Je décide de devenir Saintia. » Après un long temps de pause, Marin comprit que des doutes profonds habitaient la jeune femme. Elle conclut : « Si tel est ton destin… Après tout, si la Cloth de ton maître t’est réellement destinée, alors elle te reviendra lorsque tu seras sacrée Saintia. » En entendant cela, Xiao Ling tourna la tête en direction de sa soignante : « Puis-je moi aussi devenir Saintia ? » La future esclave de Deathmask sourit : « Katya, notre Saintia en chef, et Mii, son assistante, sont très exigeantes lors du recrutement d’une aspirante. Il faut être serviable et prédestinée à un fort potentiel martial. Si je crains hélas de devoir un jour être renvoyée puisque je ne progresse pas, je pense que pour ton amie et toi, après vos exploits de ce jour, aurez droit à une dérogation du Grand Pope en personne. » Choquée par la bataille, la Chinoise voit l’opportunité de profiter de ses prédispositions au combat pour se cacher dans ce Sanctuaire en se rangeant au service de la déesse que chérissait Rébecca. L’occasion aussi pour elle de rester auprès d’Erda. Cette nouvelle rassura Xiao Ling qui inconsciemment vint toucher du bout des doigts ses lèvres en se souvenant du baiser malencontreux échangé plus tôt avec Erda. Elle comprit enfin que cela a déclenché quelque chose en elle. Que cette attirance soudaine qu’elle éprouve envers Erda est aussi forte que l’amitié qu’elle éprouvait pour Yufa. C’est alors, qu’une autre Evil Seed restée cachée de l’éradication faite plus tôt par Deathmask vint s’insinuer dans son c½ur. Ignorant l’affection soudaine de Xiao Ling à son endroit, Erda garda un instant de dignité lorsqu’elle chargea le dernier corps resté dans le camp, celui de Mito. Elle ferma les paupières solennellement. Ses adieux à sa camarade signifiaient pour elle ses adieux à ce camp où elle passa tant d’années…
Plus loin, à Honkios, avant la montée des marches des douze maisons, sur le flanc Ouest, Mirai pleurait devant la stèle de Mayura. Alerte, l’apprenti du Saint d’argent sentit un noble cosmos approcher dans son dos. Il lui dit sans même se retourner : « Le cimetière est à peine remis de l’éboulement provoqué par l’éruption de l’Utérus qu’il accueille déjà de nouvelles tombes. » Derrière lui, Shaka, Pandora Box du Paon sur le dos, présenta ses condoléances : « J’ai appris que ta condisciple, Shinato, avait héroïquement donné sa vie elle aussi. Tu peux être fier d’avoir été entouré de deux femmes d’une telle abnégation. » D’un revers de la main, Mirai essuya ses yeux afin de présenter une mine fière au Saint de la Vierge. _ « Shinato… Elle était apprentie… Sa place ne sera pas dans ce cimetière aux côtés des Saints et de notre maître… Sa place ne sera d’ailleurs nulle part… Tout au mieux, une pierre à son nom dans un cimetière isolé dans le Sanctuaire… Nous n’avons même pas retrouvé son corps… » Shaka pouvait deviner le tourment de l’élève à propos de Shinato. Il ressentait le même à l’endroit de Mayura. Malgré la distinction de celui-ci, impérial dans son armure d’or, Mirai pouvait lire sur le visage de Shaka une profonde affliction à l’endroit de son professeur. _ « Par respect envers mon amie, j’ai obtenu du Grand Pope le droit de conduire sa Cloth à Jamir afin qu’elle y soit réparée. J’aimerai que tu m’y accompagnes ? _ Pardon ?! _ Mayura me parlait souvent de Shinato et toi. Tu concoures à la Cloth de bronze du Petit Chien. Et Mayura ne tarissait pas d’éloges à ton endroit. Pour sa mémoire, le Grand Pope m’a autorisé à achever ton enseignement. A notre retour de Jamir, si tu es parvenu à surmonter les épreuves que je te ferai surmonter, tu seras promu Saint de bronze du Petit Chien. Qu’en penses-tu ? » Mirai, à la fois peiné de poursuivre sans Mayura et Shinato et conscient de l’opportunité de parfaire son apprentissage auprès d’un des plus réputés Saint d’or, hésita l’espace d’un instant. Shaka lut en lui comme dans un livre ouvert : « Le chemin pour devenir Saint est semé d’embûches. On supporte toutes sortes d’épreuves physiques et mentales. Les plus émérites les surmontent. Mais c’est seulement la vérité du champ de bataille, la mort, l’adrénaline qui en découle lorsqu’on la donne, mais également le chagrin qu’on éprouve lors de la perte de camarades, qui permet de déterminer vraiment si on est capable de devenir un chevalier. Aujourd’hui tu es face à ce dilemme. Et tu n’auras pas d’autres chances qu’à cet instant. As-tu traversé toutes ces épreuves pour arrêter maintenant ? Te crois-tu capable de surmonter la perte d’êtres aimés ? Sauras-tu supporter de perdre à l’avenir à nouveau des camarades ? Seras-tu prêt à mettre à chaque combat ta vie en péril maintenant que tu connais l’issue d’une Guerre Sainte ? » Mirai tourna les talons une dernière fois en direction de la tombe de Mayura. Il prit une profonde aspiration et dressa son poing : « Je souffre. Je souffre terriblement. Les stigmates sur mon corps ne sont rien par rapport à la déchirure de mon âme en cet instant. Durant toute notre formation, on l’entend, et on se croit prêt à vivre de tels désastres. Mais il n’en est rien. Pourtant, Shinato n’a pas tremblé au moment de partir secourir les femmes du camp. Elle n’a jamais baissé les bras même lorsqu’elle a découvert que la Cloth à laquelle elle aspirait, l’Oiseau de Paradis, était déjà portée par un Saint émérite. Elle était prête à tout pour servir le Sanctuaire et s’imaginait mercenaire s’il le fallait. Elle a même été jusqu’à dissimuler sa féminité pour être considéré comme l’égal de n’importe quel autre apprenti, sans traitements de faveur d’un côté ou brimades de l’autre. Et tout ça, c’est à Maître Mayura qu’elle le devait. Moi j’étais là, à les admirer toutes les deux, sans prendre au sérieux l’opportunité qui était mienne. Car c’est bien de ça qu’il en retourne aujourd’hui. Je suis en vie, moi. Et j’ai l’opportunité de pouvoir devenir Saint, moi. Je ne peux plus tricher, me cacher. La vérité m’a sauté aux yeux et le destin me fait face. Devant la tombe de Maître Mayura, en mémoire de Shinato, je ne peux me dérober… » Il se retourna vers Shaka, déterminé comme jamais et scanda : « Je deviendrai Saint sous votre enseignement ! Partons pour Jamir Seigneur Shaka ! »
Plus haut, sur le flanc droit entre le palais papal et la maison des Poissons, Katya veillait au chevet de Shoko dans le temple des prêtresses. Alors qu’elle ruminait encore l’accession de Shoko au statut de prêtresse, Mii changeait malgré elle les bandages de la souffrante. _ « Allons Alicia, l’appela Katya de son vrai nom, ne peux-tu pas ravaler quelques instants ta ranc½ur ? Cela transparaît sur ton visage ! _ Je suis désolée, serra-t-elle fermement les bandelettes de papier, mais profiter des circonstances pour faire de cette apprentie Saint une aspirante Saintia alors qu’elle a jusqu’ici toujours loupé les épreuves d’érudition nécessaires à être acceptée parmi nous ça me… » Le bond de son lit de la souffrante interrompit la rustre prêtresse : « Aïe, s’exclama Shoko ! » Katya se mit à rire : « Alicia… J’ai l’impression que tu es si douce que tu en as sorti notre invité de son coma ! » Mii ronchonna en reculant pour laisser de l’air à une Shoko hagarde. _ « Où… Où suis-je ? _ Au temple des prêtresses d’Athéna, vint lui prendre la main Katya. Tu te souviens de ce qui s’est passé ? » Elle profita de l’échange pour glisser dans la paume de Shoko le collier à l’effigie de Pégase que portait Kyoko. Elle le ramassa lorsque Kyoko le perdit quand Eris prit possession d’elle. Sentant le bijou froid au contact de sa peau, Shoko se remémora aussitôt. _ « Kyoko, sanglota-t-elle… _ Tu es restée inconsciente trois jours depuis. » Shoko gardait les yeux rivés sur l’objet. Les paroles troublantes de Kyoko sur son acception à être Eris et sur l’absence d’Athéna du Sanctuaire traversèrent son esprit. _ « Et ma s½ur ? Et le Saint du Scorpion ? Il a sacrifié sa vie pour lutter contre la destruction d’une partie du Sanctuaire. _ Le Seigneur Milo est en bonne santé. Il a participé à la mission destinée à l’éradication de l’Utérus, des Dryades et… _ D’Eris ? _ Oui. _ Et alors ? _ La mission est réussie. » Shoko resserra ses poings et tira ses draps vers elle par le même geste : « Ma s½ur est donc… » Katya se contenta d’hocher la tête d’un signe affirmatif en faisant la moue. _ « La mission est donc un succès, tenta de dédramatiser malgré elle Shoko. _ Si on peut appeler ça ainsi, rétorqua sèchement Mii. Le camp des femmes chevaliers a été dévasté. Seule Erda a survécu parmi les apprenties. Dame Rebecca a également succombé. Les Seigneurs Aeson et Rigel ont trahi le Sanctuaire au profit de ta s½ur ! Et Dame Mayura y a perdu la vie ! _ Dame Rebecca… Toutes les apprenties… Mais… Et… Rumi, mon amie ?! » D’un air sévère, Mii fit un signe négatif de la tête. Shoko sentit son c½ur se fendre à nouveau en apprenant que sa s½ur était responsable d’un nouveau drame. Elle murmura d’une voix triste : « Rumi… » Pourtant, elle refusa de se laisser abattre. Elle desserra le poing qui contenait le pégase de sa s½ur et sortit le sien, le même, de sous son maillot. Elle répondit alors aussi rudement à Mii que celle-ci s’était adressée plus tôt à elle : « Je comprends ce sentiment de trahison qui t’habite. Après tout, ici, Kyoko était ton aînée. Un modèle peut-être même. Toi qui attaches tant d’importance aux protocoles et à la fonction de Saintia, j’imagine à quel point tu dois être dévastée par les conséquences de sa trahison. Mais face à Kyoko… Non, face à Eris, je me suis faite une promesse. Et je vais te l’adresser comme un engagement solennel. Qu’importe que tu m’acceptes comme une semblable ou non. Qu’importe mes maladresses à appréhender mon futur rôle. Mon destin n’était pas d’être Eris. C’est Kyoko qui a choisi cette voie sans lutter. C’est son choix. Le mien est d’être au service d’Athéna. Je veux devenir une Saintia ! Et je deviendrai une Saintia ! Pour laver l’affront que ma s½ur vous a infligé. Pour vous. Pour moi. Pour Athéna ! » Restée en retrait durant cet échange musclé, Katya en garda un sourire convaincu. Mii, par un hochement de tête et un regard assuré, accepta de laisser sa chance à Shoko.
A quelques centaines de mètres de là, devant les grandes portes de la salle d’audience du Pope, Aiolia attendait de faire son rapport. Après Shaka, ce fut à Milo de rendre des comptes sur les évènements de la veille. Le Saint du Lion n’attendit pas longtemps. L’entrée fut ouverte en grand depuis l’intérieur de la pièce par les gardes qui s’y étaient enfermés avec le souverain. Aiolia ôta alors son diadème et attendit que Milo en sorte. Le Scorpion recoiffa ses longs cheveux du sien une fois dehors. Les deux Grecs s’échangèrent un rapide signe de tête au moment de se croiser. _ « Tu repars en mission, questionna le Lion ? _ Tu es perspicace, chambra le Scorpion. _ Pas bien compliqué. Tu portes deux Pandora Box qui ne sont pas les tiennes sur le dos. » En effet, en plus de celle de la Coupe, Milo avait récupéré la Cloth de Rebecca que Geist avait redéposé plus tôt. _ « J’ai obtenu du Pope le droit de rapporter la Cloth d’Aeson auprès de son élève, Crateris. Cela faisait des années qu’Aeson en trouver digne son disciple. Si bien qu’Aeson la sortait de son urne afin que Crateris entre régulièrement en symbiose avec lors de ses séances de méditation. Une sorte de passage de témoin en quelque sorte. _ Le Grand Pope a accepté qu’on respecte les dernières volontés de ce traître d’Aeson, grinça des dents Aiolia. _ Allons, tu sais que notre Grand Pope peut se montrer clément et ne pas s’arrêter uniquement sur les circonstances flagrantes. Il accepte volontiers de voir au-delà des apparences. Tu en as fait toi-même l’expérience par le passé. Et plus d’une fois si je ne me trompe pas. La trahison d’Aiolos. Ton tempérament rebelle lors de la Guerre Sainte contre les Titans… » Vexé par le souvenir de son frère, Aiolia ravala sa morgue. Milo n’insista pas, il conclut en montrant du doigt la Pandora Box de bronze dont il portait les lanières au-dessous de celle de la Coupe : « En échange de l’exécution de la volonté d’Aeson, le Grand Pope m’a demandé de conduire la Cloth de bronze de Cassiopée à Albior de Céphée sur l’île d’Andromède. Avant même le décès de Rebecca, Albior mentionnait dans ses messages à l’attention du Sanctuaire qu’un de ses élèves, Anikeï, était aspirant à cette Cloth. Le temps qu’il achève sa formation, la Cloth se sera régénérée dans son urne. » Aiolia acquiesça. Il songea un instant : « Le nombre d’aspirants est en constante progression en cette ère. Cela annonce de nombreuses Guerres Saintes en notre époque. Le Pope ne perd pas de temps afin de garder une armée importante en nombre. » Au regard inquiet de Milo, il comprit que son compatriote partageait la même pensée. Chacun reprit son chemin et bientôt Aiolia posait genou à terre devant le Grand Pope fermement cramponné à son trône. _ « Félicitations Aiolia. Tes frères d’armes ont tour à tour précisé que notre victoire d’hier n’a pu être possible que grâce à ton succès face à l’Utérus. » Portant encore sur lui les écorchures d’Hysminai et les ecchymoses de Galan, Aiolia restait focalisé sur son avenir. _ « Merci Majesté. Ce fut avec opiniâtreté que j’ai respecté votre plan d’assaut. Vous n’aviez plus fait appel à moi depuis la bataille contre Cronos. Il était important que je revienne dans les bénédictions d’Athéna. _ Ton impétuosité à l’époque a fini par me lasser. Toutefois, ce jour, tu parais bien plus mûr. Bien que je discerne toujours chez toi un tempérament de feu, pouffa sympathiquement de rire Saga. » Aiolia afficha une mine partagée entre flatterie et gêne. Il était rare que le Pope fasse preuve de sympathie. Néanmoins, il se remémora une des circonstances qui l’a rendue plus mature. _ « J’avoue que la révolte des soldats des Titans alors que j’avais obtenu auprès de vous leur grâce lors du climax de la Guerre Sainte contre Cronos m’a profondément atteint. L’enfant que j’étais s’était tant battu pour leur offrir une vie meilleure, comme moi qui me battais pour effacer l’image d’Aiolos qui me collait à la peau. » Sous son masque et son casque en or, Saga sua l’espace d’un instant. Le complot hourdis autour de l’accueil des soldats Titans au Sanctuaire demeurait un succès. A l’entendre, Aiolia n’y avait vu que du feu. _ « Lorsque je revins du Cronos Laburinthos et que je découvris leur tentative d’invasion, ma candeur a pris fin. Tout n’est pas blanc ou noir. L’être humain est complexe. Je compris qu’à mes yeux Aiolos était peut-être un grand guerrier. Il n’en demeurait pas moins un traître. La bataille me fit réaliser qu’ils avaient beau être les assassins de mon frère, les autres Saints n’en demeuraient pas moins mes frères d’armes de confiance. » Saga ne put retenir une larme tant le poids de ses mensonges avaient fini par corrompre l’amour et la foi d’un cadet envers son frère aîné. _ « Si bien que l’exil que vous leur offrîtes sur Death Queen Island était une bien douce punition, acheva Aiolia résigné. » Saga se racla la gorge pour ne pas trahir son émotion : « Il s’agit de la décision d’Athéna. Elle demeurera toujours bonne envers son prochain. Fut-il un ennemi. Athéna t’adresse à travers moi ses remerciements et ses félicitations pour cette mission accomplie Aiolia. Tu peux disposer et bénéficie de trois jours de permission qui t’aideront à te remettre de tes blessures. » Aiolia hocha la tête pour prendre acte et fit volte-face. En se dirigeant vers la sortie, il serra les dents : « Les soldats Titans… Finalement, ils avaient en ce dieu malfaisant qu’était Cronos le dieu qu’ils méritaient… Mais au fond de moi, maintenant que j’ai découvert la vérité à propos de Galan, cette guerre n’est pas finie… Lithos m’a menti… » Tandis qu’Aiolia quittait le palais, le Grand Pope indiqua d’un signe de la main aux deux soldats portiers d’en faire autant. Seul, il ôta son heaume et son masque pour libérer ses longs cheveux bleus et essuyer ses larmes de culpabilité. En se dirigeant vers le balcon qui domine l’horizon, il paraissait très affecté : « Aiolos… Mon ami… Comme je m’en veux de devoir infliger ces mensonges à ton frère… » Seulement, quelques secondes suffirent à sa chevelure pour devenir grisâtre. Les larmes ne coulèrent plus dans ses yeux rouge empreints de folie : « Cependant, cette Guerre Sainte contre les Titans m’aura permis d’achever la formation de nombreux Saints d’or et de découvrir que des entités bien supérieures à Hadès, Poséidon ou encore Zeus menaçaient mon plan de domination. Pontos… J’ai perdu contact avec lui qui fomentait également contre les Titans à l’issue de cette bataille. Il n’a pas pu disparaître ainsi. Sans que mes Saints ne s’en rendent compte, les différentes Guerres Saintes menées contre le panthéon égyptien m’a permis de récolter de nombreux indices. Pas encore assez, hélas. Mais je sais au moins que ce panthéon n’était qu’un leurre. Des marionnettes que l’Olympe a placées pour sceller des forces supérieures. Des ruines plus profondes. Où se terre certainement Pontos aujourd’hui. Le jeune Mirai ira compléter l’équipe de recherche de Retsu du Lynx une fois qu’il sera fait Saint. Dans l’attente, Juan et Georg iront renforcer les rangs également. La réquisition de gens de leur calibre ne devrait pas éveiller trop de soupçons sur mon obstination pour ces recherches… »
Au Sud Est du domaine, sortie du camp des femmes, Shaina se débarbouillait à l’abri des regards de son combat et des tâches harassantes qui s’en suivirent. Son masque, posé sur ses vêtements au bord de l’eau, fut ombragé par l’arrivée d’une camarade dont le cosmos lui était familier. _ « Ton rapport est terminé, demanda Shaina ? » Faisant grossièrement tomber ici et là chaque morceau de son armure de mercenaire, Geist se dépêcha de se laisser tomber dans l’onde pour rejoindre son amie. _ « Je n’eus pas besoin de m’étaler. Gigas m’attendait au coin d’une ruelle d’Honkios afin que je ne sois pas découverte à faire mon rapport au Grand Pope. » La brune se laissa tomber en arrière pour noyer ses longs cheveux. Passant de l’eau sur son visage, Shaina déplora : « Tout de même, quel fait d’arme te faudra-t-il pour avoir de nouveau droit aux faveurs d’Athéna ?! » Geist releva les genoux pour exposer son corps nu tout entier à la vue de l’Italienne qui en connaissait déjà les moindres détails : « Disons que cela est un bon compromis. Mon apparent exil me permet de réaliser des missions que beaucoup refuserait de faire et que j’accomplis sans état d’âme. Ça me permet de défouler cette part d’ombre en moi tandis que je reste dans les petits papiers du Pope Arlès. » Shaina l’imita pour venir la prendre par la taille : « Tout de même… Aujourd’hui c’est Misty le capitaine des armées. Mais si un jour je parviens à me hisser à ce rang, alors je demanderai au Général Gigas de te réhabiliter. » Geist approcha ses lèvres des siennes : « Je te manque tant que ça ?! » En aucun cas Shaina ne voulut se dérober à ce baiser. Elle en profita pour l’étreindre lascivement et sentir sa poitrine frictionner la sienne. A l’issue de cet échange langoureux, Geist la taquina. _ « Tu as pourtant Marin pour combler ta solitude. _ Je la soupçonne d’être attirée par le pestiféré du Sanctuaire, Aiolia. Elle passe dorénavant énormément de temps avec son disciple et lui à ce qu’on dit. _ De tous les hommes du Sanctuaire, il a fallu qu’elle choisisse le moins bon parti, ricana Geist. Néanmoins, je la comprends, elle qui a longtemps été brimée en raison de ses origines, elle doit comprendre mieux que quiconque la souffrance de cet homme, compatit-elle sans vouloir médire davantage. Cependant, ces années où elle s’est isolée après être faite Saint semble avoir été propice au développement d’aptitudes qu’on ne lui soupçonnerait pas. _ Que veux-tu dire ? _ Je ne sais pas… Durant notre combat contre Emony, j’ai senti comme un cosmos… Comment dire… Pas inhumain… Mais supérieur à nous autre en tout cas… Différent tout du moins ! _ Arrête. C’est impossible. Marin n’a jamais démontré un potentiel supérieur à la moyenne de notre caste de Saint d’argent. Et tu sembles oublier qu’après Mayura, j’étais la Saint la plus puissante du Sanctuaire. _ A ce propos, maintenant que Rebecca n’est plus, que Mayura ne pourra reprendre à sa place, j’imagine que le Pope va te confier la remise sur pied du camp, le recrutement et l’apprentissage des nouvelles femmes chevaliers. _ Rendre à ce camp sa beauté d’antan, je l’accepte volontiers. Après tout, nous y avons vécu tant de belles années. Recruter de nouveaux éléments, en visitant régulièrement l’ensemble du domaine, ou en partant en mission dans le monde contemporain, ça doit être possible. Néanmoins, prendre la responsabilité de l’apprentissage, très peu pour moi. Il me reste encore la formation de Cassios à achever. » Geist tourna le dos à son amie et reprit la direction de la berge. _ « Tu m’épates. Malgré tes réactions belliqueuses et ton ambition, tu restes mesurée et raisonnée. J’aurai aimé te ressembler. _ Où vas-tu ? _ Rejoindre mes hommes avant qu’ils ne soient découverts. Nous avons ordre de quitter au plus vite le Sanctuaire. Une nouvelle mission nous attend. _ Reviens-moi vite. _ Promis. Et en attendant, garde un ½il sur Marin. Tu l’as ignoré depuis qu’elle a quitté le camp. Nous étions toutes les trois très proches. A présent elle semble être une parfaite inconnue pour toi. Qui est son disciple ? Mes soupçons à propos de son potentiel sont-ils fondés ? Souffre-t-elle de solitude ? Ou bien, sa relation supposée avec Aiolia ne la met-elle pas en danger ? Autant de mystères que tu ferais bien d’élucider. _ J’ai toujours soupçonné que tu lui trouvais plus d’intérêt qu’à moi, minauda Shaina. _ Tu vas le faire, insista Geist ? _ J’ai peur que l’intérêt et le temps me manque, termina Shaina. _ J’espère dans ce cas que tu ne le regretteras pas ma belle. »
Dans les villages du Nord, Milo traînait des pieds à l’approche du logis où Aeson vivait reclus avec son disciple depuis des années. Il craignait de voir Crateris ouvrir la porte avec le regard rempli de doutes et de devoir lui briser ses derniers espoirs. _ « De toute évidence, il n’est pas dupe, se reprit Milo, en tant que futur Saint d’argent, il a bien ressenti le cosmos de son maître nous quitter. » Le Scorpion sortit de ses pensées lorsqu’il tomba nez à nez avec le prétendant de la Coupe déjà sur le perron. _ « Crateris… Tu m’as senti approcher ?! » Les yeux rougis par le chagrin, Crateris pointa du doigt la Pandora Box de la Coupe que Milo portait par-dessus celle de Cassiopée : « J’ai ressenti l’armure. Elle m’appelait à mesure que vous approchiez. » L’expression de son visage était dure. Il parlait sèchement. Depuis la veille où il était passé ici pour saluer Aeson, Milo avait constaté un profond changement chez Crateris. Il demeurait vêtu d’une tunique grise, gardait les poignets entourés de bandelettes de papier. Ses longs cheveux violets tombaient toujours derrière ses épaules et quelques mèches passaient encore sur son front et devant ses yeux bleu marin. Physiquement il était bien le même. _ « C’est l’émanation qui vient de lui. Cette impression de puissance, de maturité, de détermination qu’on ne trouve qu’en nous autre Saints confirmés. L’armure ne l’a pas encore revêtu qu’il dégage déjà le charisme d’un chevalier. » Crateris ramena Milo à la conversation. _ « Il le sentait Seigneur Milo. _ Pardon ?! _ Aeson. Il avait senti que le moment de mon sacre était venu. On dit qu’on peut voir son avenir à court voire moyen terme en observant son reflet dans l’eau qu’on déverserait dans le totem de ma Cloth. Il savait que cette mission était sa dernière. Et moi aussi. Je me suis vu, juste après lui, porter cette armure. Et je n’ai rien fait pour l’en empêcher. Je l’ai laissé partir. » Milo posa sa main sur l’épaule du jeune homme et déposa à côté de lui l’urne : « Tu n’as pas à t’en vouloir. Il avait reçu son ordre de mission. Il devait accomplir son devoir. Et l’armure avait déjà préparé sa succession. Comme elle la préparera un jour pour toi. » Aeson se plia en avant pour saisir la hanse permettant d’ouvrir la Pandora Box : « Elle n’en aura pas le temps. Car j’ai vu ma promotion… Puis ma mort… » Il tira dessus et libéra l’armure qui vint le couvrir : « Je mourrai des mains de l’ombre infini qui dévore la volonté des morts. Hadès en personne ! » Milo baissa la tête, confus. _ « Je n’en suis pas gêné, reprit Crateris. Après tout, c’est bien en notre époque qu’Hadès se réincarnera n’est-ce pas ? _ En effet. _ Alors, pour la mémoire de mon maître, j’espère faire en sorte que notre génération sera celle qui verra mettre un terme à la répétition de ces batailles. » Aussitôt, dignement, Crateris pose un genou à terre pour effectuer une révérence vers son supérieur qui, en déposa sa main sur le sommet de son crâne, l’adouba : « Je le souhaite de tout mon c½ur. C’est à cela que je suis préparé depuis que je suis fait Saint. Et même si ton appartenance à la chevalerie sera éphémère Crateris Saint d’argent de la Coupe, je te souhaite qu’elle soit honorable. »
Au temple des prêtresses, Shoko ajustait sa toge immaculée à l’instar d’Erda et Xiao Ling, nouvelles venues. Katya les présenta brièvement à leurs cons½urs. Chacune des trois ayant été acceptées pour leurs faits d’armes lors de la Guerre Sainte contre Eris, elles obtinrent toutes de sincères applaudissements chaleureusement menés par celle qui deviendra dans quelques mois la Lilith de Deathmask. Néanmoins, ce succès n’était pas au goût de toutes. Une prêtresse, recluse derrière les autres, applaudissait avec moins de dévouement. Dévisageant sa s½ur Katya qui souriait franchement aux trois recrues, Maria lisait à travers ce geste une reconnaissance qu’elle n’a jamais eue en retour. Elle maudit alors à nouveau sa faiblesse qui ne lui permit jamais d’obtenir un tel respect de son aînée contrairement à ces inconnues. Aussitôt, comme tant d’autres avant elle, une Evil Seed qui virevoltait depuis la veille au gré du vent, infiltra son c½ur. Devant, bien qu’élogieusement accueillie, Shoko n’en demeurait pas moins intérieurement bouleversée par les évènements récents. Tandis que Mii avait pris le relais de Katya pour assurer la visite des locaux, Shoko ne l’écoutait que d’une oreille. _ « … et ce sont les Saintias précisément qui sont les seules autorisées à s’occuper du corps humain de la déesse Athéna. Tâche si essentielle que seules Katya et Kyoko furent promises Saintias. Car elles ont su s’en montrer dignes... » A l’évocation du nom de sa s½ur, Shoko ne put refreiner un souffle d’amertume. Cela la sortit de sa léthargie et lui permit de remarquer qu’elle n’était pas la seule à rêvasser pendant les explications de Mii. En effet, Xiao Ling qui suivait à la semelle Erda semblait plus intéressée par elle que par leur future mission. Bien que cela amusa Shoko, Mii n’y gouttait guère : « … alors que nous autres, aspirantes, sommes uniquement des prêtresses pour l’heure. Et rares sont celles qui reviennent de leurs soins à Athéna ! Certainement bannies car jugées trop impures ou incompétentes pour cette tâche ! Après tout, il s’agit de satisfaire la volonté de la Déesse de la Sagesse ! N’est-ce pas Xiao Ling ?! » La Chinoise sursauta aussitôt, ce qui fit pouffer de rire Shoko. Mii, ignorant tous des m½urs de Saga qui provoquaient tant d’hécatombes dans leurs rangs, apparut bien sévère vis-à-vis de sa camarade asiatique qui s’effaça aussitôt. S’en fut assez pour que Shoko objecte : « Si je comprends bien Mii, toi qui es si passionnée par ton rôle et y mets tant de c½ur à l’ouvrage, tu es du même rang que nous et n’a jamais eu l’honneur de rencontrer sa Majesté Athéna ?! » Cette remarque acerbe ne manqua pas d’assurer un sourire en coin sur les lèvres de la discrète Erda, de soulager Xiao Ling et de renforcer la rivalité entre Shoko et Mii. Tout cela, bien entendu, sous le regard bienveillant de Katya, soulagée de savoir ces nouveaux caractères bienvenus à l’abri pour le moment des mauvaises pulsions de l’homme qu’elle aimait…
Pendant ce temps, dans les villages du Sanctuaire, Aiolia restait à regarder la fenêtre grande ouverte de la demeure où il vivait avec son frère avant que celui-ci n’attente à la vie d’Athéna. Désormais résidence de Lithos, il profitait qu’elle aéra cette maisonnette qu’elle a incroyablement fleurie pour la regarder s’agiter aux fourneaux. Il resta de longues minutes, partagé entre nostalgie de leur amitié passée et colère de lui avoir caché la mort de Galan. Compréhensif mais furieux, il revit l’espace d’un instant ses deux domestiques à ses côtés dans la maison du Lion. Ce tableau appartenant désormais au passé ne devait pas être brisé. Il tourna alors les talons, abandonnant toute dispute éventuelle. C’est alors qu’il se pensait assez loin, que la voix fluette de Lithos l’interpella : « Maître Aiolia ?! » Elle était juste dans son dos. Elle l’avait rejoint. _ « Je vous ai vu vous éloigner depuis ma fenêtre… Vous n’êtes pas venu me voir après votre mission… _ J’ai… C’est... C’est trop difficile… _ Ça ne l’a pourtant jamais été entre nous jusqu’à présent. » Aiolia garda le silence. La phrase de Lithos était volontairement pleine de sous-entendues. Admirative pour son sauveur alors qu’elle n’était qu’une enfant, dévouée à son service en tant qu’adolescente, elle ne pouvait pas demeurer insensible à sa droiture maintenant qu’elle était une femme. Pourtant, Aiolia ne l’entendit pas de cette oreille. Toujours dos à elle, il serrait nerveusement les poings. _ « Vous savez n’est-ce pas, s’hasarda-t-elle ? On dit qu’Eris a corrompu des êtres de bravoures du passé. Vous avez découvert la vérité c’est ça ? » Rompant le silence d’Aiolia, une voix familière répondit à sa place : « Dans les pires circonstances qui puissent être en effet. » Marin revenait alors du camp des femmes et croisa les deux amis. Comprenant que Marin prendrait la défense d’Aiolia, Lithos tenta de s’en expliquer : « C’était… C’était la volonté de Galan… Il m’a fait promettre de ne jamais vous le dire… Il préférait que vous le croyiez heureux et libre… Et… » Aiolia la coupa sans ménagement : « Au lieu de ça il a été mis en terre dans les bas-fonds du Sanctuaire. Torturé par Eris à qui il a refusé de prêter allégeance. Possédé, meurtri, anéanti corps et âme par l’Utérus. Alors que je l’ai toujours cru heureux et libre, oui. La vérité m’est venue de la bouche d’une Dryade. Pendant que j’étais en bonne santé et ignorant, mon ami, acteur de ma réussite, souffrait mille tourments de son vivant puis dans sa mort. » Confuse Lithos lâcha de façon malheureuse : « Nous n’aurions rien pu faire ! » Le visage défiguré par la colère, il se retourna en grondant vers elle : « Qu’en sais-tu ?! Qui es-tu donc pour pouvoir avoir de telles certitudes ?! » Choquée, vexée, profondément blessée par ces paroles, elle recroquevilla ses deux mains devant sa poitrine pendant que ses deux grands yeux ronds se gondolèrent de larmes. Tel un rugissement, la voix d’Aiolia avait attiré les passants. Quelques curieux commencèrent à tendre l’oreille. Hélas tristement connu, Aiolia ne put poursuivre davantage aux yeux de tous, devinant que déjà certains allaient médire à son sujet. D’un bond prodigieux, il disparut dans le ciel. Seule avec elle, Marin enfonça le couteau dans la plaie : « Je t’avais dit que la découverte un jour d’un tel mensonge serait pire que de lui avouer la vérité. » Meurtrie, Lithos dévisagea avec ranc½ur la Saint d’argent. Dans sa poitrine qu’elle cramponnait, une Evil Seed germait en secret. _ « Ne me dis pas que ça n’arrange pas tes affaires ?! » Marin préféra ne pas chercher querelle et tourna les talons. _ « C’est ça, continue à être Marin la juste, la bienveillante, toujours à tomber à pic pour remonter le moral d’Aiolia une fois que Galan et moi avions fini d’essuyer les pots cassés ! _ Alors c’est donc ça, cessa son départ Marin ?! _ Tu nous as pris Aiolia ! C’est toi qui l’as éloigné de nous ! C’est pour ça qu’il nous a renvoyé de chez lui ! _ Tu n’y es pas du tout. Il voulait une meilleure vie pour vous qui aviez tant subi à ses côtés justement. _ Mensonge ! Tu as toujours vu d’un mauvais ½il qu’une autre vive sous son toit ! » Marin avait compris que les années aidant, il y avait bien plus qu’un amour fraternel de Lithos envers Aiolia. Ignorant tout du fait que cet amour était exacerbé désormais par les graines de l’Utérus, Marin repartit comme elle arriva… En chemin, bondissant de roche en roche, elle revit quelques images horrifiques du bain de sang du camp des femmes qu’elle découvrit après la bataille. Animée par sa mission d’Aigle de Zeus, consciente des machinations qui entouraient les dernières Guerres Saintes, elle était davantage convaincue que l’entraînement qu’elle prodiguait à Seiya devait être le plus rigoureux possible. Car ce Pégase sera celui qui aura entre les mains l’avenir de l’humanité face aux dieux…
Dans la partie Ouest de l'Océan Indien, près de la Somalie, Milo n’arrivait pas à apprécier la brise. L’air marin sur l’île d’Andromède demeurait brûlant sur cette terre où une chaleur infernale le jour, dépassant aisément les 50 degrés Celsius, harassait les élèves d’Albior. Fixant la Pandora Box de Cassiopée qu’il a déposé au bord d’une falaise pour profiter par la même occasion de la vue, Milo souffla : « Je n’arriverai jamais à m’y faire à ce climat ! » Son interlocuteur, un homme blond, à la carrure massive et au visage mûr, rajouta : « Et encore, lors de tes visites tu ne t’es jamais attardé la nuit. Tu ignores tout du froid glacial qui s'abat sur l'île une fois le soleil couché. » Milo tourna la tête sur sa droite pour voir Albior le rejoindre. _ « Très peu pour moi. Je ne pensais pas revenir te rendre visite de sitôt mon ami. » Imposant dans sa Cloth d’argent, Albior inclina la tête en guise de respect et s’assit sur un rocher plus bas, juste aux pieds du Grec. Milo l’imita alors. _ « Ton courrier au Grand Pope a été apprécié. Il évoquait les difficultés qu’il avait à te rallier à lui depuis que nous sommes allés combattre en Egypte. _ Si notre présence en Egypte a permis de libérer quelques partisans athéniens du dictat des représentants du panthéon égyptien, combien de morts innocentes cela a-t-il engendré ? Cela justifie-t-il que depuis, les uns après les autres, nous attaquions chaque sanctuaire égyptien pour imposer notre régime ? _ Est-ce ce que tu inculques à tes élèves ? _ Pas le moins du monde. J’ai beau trouver la politique d’expansion du Pope en Egypte anormale, je garde un devoir de neutralité. La preuve, il a su le reconnaître en relevant dans mon dernier courrier qu’un postulant à la Cloth de Cassiopée est bientôt prêt à se rendre au Sanctuaire pour lui prêter allégeance. _ La perte de Rebecca a été l’opportunité pour le Grand Pope de te prouver la considération qu’il a pour toi. Il a immédiatement fait suivre cette Cloth. _ Certainement pour renforcer son armée et mener de nouvelles batailles. _ Si tel est le désir d’Athéna. » Albior soupira et se releva : « Pff… Je t’ai connu plus opiniâtre par le passé. » Milo le suivit vers le centre de l’île. _ « Où veux-tu en venir ? _ A l’époque, tu réfléchissais davantage aux causes et aux conséquences d’une Guerre Sainte. C’est cette sagesse, ton sens de la stratégie et ton acharnement sur le champ de bataille qui m’ont donné plaisir à lutter sous tes ordres, mon ami. _ Nous avons traversé de grandes épreuves ensemble, il est vrai. _ Toutefois, depuis, je te sais être parti de nombreuses fois au combat, exécuter diverses missions. Et à ton discours de l’instant, je ressens bien que tes agissements ne sont plus autant raisonnés qu’antan. » Les deux alliés arrivèrent au bord d’un précipice en bas duquel les disciples d’Albior s’exerçaient. Ceux-ci, tout en bas, furent interpellés par le reflet du soleil sur la Cloth de l’homme qui accompagnait leur professeur. Parmi tous, curieux et aveuglé, Shun baissa sa garde un instant, ouvrant une brèche que Spica s’empressa d’exploiter pour le renvoyer visage contre terre. June courut immédiatement le relever : « Shun ! Tu n’as rien de cassé ?! » Anikeï le réprimanda aussitôt : « Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas baisser ta garde même lorsque tu combats un camarade ?! La confiance aveugle que tu portes à tes adversaires finira par te jouer des tours. » Mais le futur Saint d’Andromède n’y entendait rien. Il restait fasciné par la vue de ce chevalier qui l’éblouissait et dont il n’arrivait pas à bien distinguer les traits. Reda, venu féliciter Spica pour sa victoire, s’empressa d’être condescendant : « Notre maître reçoit régulièrement des visites de Saints de haut rang venus tout droit du Sanctuaire ! Il a mené de grandes batailles et est respecté de tous. Quel dommage que tu offres un tel spectacle Shun ! A part décrédibiliser le travail accompli par Maître Albior, tu ne sers vraiment pas à grand-chose ! » Plus haut, loin de se soucier des querelles ou des piètres prestations de ses élèves, Milo demeurait vexé par les propos outranciers d’Albior. _ « Tu finiras par empoisonner tes élèves à tenir de tels discours, que tu le veuilles ou non. _ Je te rassure, j’ai choisi simplement d’inculquer mon art. Pour le reste, je fais preuve de neutralité. _ Faire preuve de neutralité c’est ignorer les ordres du Sanctuaire. Le Grand Pope est tout autant magnanime qu’il peut être intransigeant. Au point de faire punir ceux qu’il considère comme des traîtres par leurs proches. Un châtiment traumatisant destiné à marquer les esprits d’éventuelles mauvaises résolutions d’autres sujets. _ Gouverner par la terreur. Le Grand Pope Shion nous a habitué à mieux par le passé. Son frère Arlès n’aurait-il pas une mauvaise influence sur lui depuis ces dernières années ? _ Je crains surtout qu’avec une telle attitude, je ne sois envoyé un jour ici pour te punir en personne. » Albior le regarda alors fixement : « Si ce jour venait alors, par respect envers notre camaraderie, je te demande de me combattre de toutes tes forces. » Bien que droit, Milo grimaça : « Tu sais très bien que j’en serai incapable. Car je sais qu’au fond, tu demeures un Saint digne d’Athéna. Faire l’étalage de toute ma puissance serait alors te condamner sans retour possible. » Albior repartit récupérer la Cloth de Cassiopée en tempérant : « Prions Athéna alors pour que ce jour n’arrive jamais. » Milo le laissa prendre ainsi congé. Avant de repartir d’un bond jusqu’au Sanctuaire, sa récente discussion avec Aiolia et les doutes évoqués par Albior le perturbèrent : « Pourrais-je vraiment condamner Albior ? Après tout, il est vrai que le Grand Pope est très changeant. Par exemple, il accède à la dernière volonté d’Aeson alors qu’il a trahi par deux fois le Sanctuaire. La première fois en enfantant par deux fois avec une Saintia, un parjure envers Athéna. Et pire que tout, la seconde en se rangeant du côté d’Eris. Tout comme il semble accorder ses faveurs à Aiolia qui, même s’il est un vaillant frère d’arme, n’en reste pas moins le frère du traître. Comment garder les idées claires après tout ça ? » Flashback
Perdu dans ses pensées, Rigel demeure dans le sillage d’Eris. Il ne prête guère plus attention aux temples desquels s’écoule sous forme de cascades l’eau des ruisseaux, ni aux pierres blanches qui dallent le sol. Tout ceci, il l’arpente maintenant depuis trois ans au milieu des Dryades et de ses camarades Fantômes, Aeson et Olivia. D’ailleurs, c’est lorsque Kyoko arrive devant un banc de pierre entouré d’anciennes statues d’athlètes et penseurs, qu’elle ramène à lui le Ghost Saint. D’un demi-tour gracieux, elle lui offre un sourire semblable à ceux d’autrefois alors qu’elle était une Saintia et lui un Saint. _ « Cet endroit n’est-il pas magnifique ?! Je veux parler du Jardin d’Eden tout entier ! _ Si, bien sûr, incline-t-il la tête. » Elle achève la traversée de son Jardin d’Eden au sommet d’un escalier de pierre fort marqué par le temps. _ « Il me tarde de pouvoir entrer en scène ! Maintenant qu’Aeson, Olivia et toi êtes à mes côtés, j’ai hâte de retrouver le dernier membre de ma famille. La seule qui n’a pas voulu se joindre à moi. Shoko ! » Cette déclaration pleine de motivation rappelle à Rigel que les trois années passées ici à s’entraîner sont bien destinées à une Guerre Sainte plus sanglante que celle que le Sanctuaire croit avoir remporté contre Eris. Pour preuve, ils débouchent tous les deux sur l’esplanade principale au bout de laquelle autour du trône d’Eris, trois silhouettes l’attendent. Rigel n’avance plus, observant une distance que le rang de ces trois entités inspire. La première d’entre elle, un homme de grande stature, plus mature que les deux autres, s’impose. Blond, l’½il gauche dissimulé par une mèche de cheveu, il a un ton sévère : « Notre père Arès est-il enfin au courant ? » Kyoko fait apparaître entre ses mains sa lance à quatre branches. L’apparition de celle-ci réduit en cendres sa tenue contemporaine d’écolière et la remplace par sa longue robe pourpre. A cet instant, plus que jamais, elle est Eris : « Tout est prêt Deimos ! » Immédiatement, derrière l’athlétique Deimos, Harmonie, rejoint ses deux mains devant elle en entrelaçant ses doigts : « Alors après ces millénaires enfermés dans la Pomme d’Or, nous allons enfin pouvoir assister notre père. » Harmonie a de longs cheveux blonds et onduleux. Ses yeux sont bleus. Contrairement à ses frères, bardés des pieds à la tête comme de sanguinaires soldats, Harmonie est vêtue d'une robe blanche et d'un châle blanc. Enfin, d’apparence plus juvénile que Deimos et Harmonie, Phobos n’apparaît pas moins dangereux. Loin de là. Sa joue gauche balafré et la malice qui se dégage de son ½il gauche donnent au troisième membre de la garde rapprochée d’Arès une allure menaçante. L’½il droit caché comme son frère sous son diadème et sa mèche de cheveux bruns, il se précipite au-devant d’Eris : « Nous, les Ombres, la garde rapprochée d’Arès, allons enfin pouvoir être à ses côtés. Finis ces Berserkers qui n’étaient pour nous que des premières lignes. Ils ont causé assez d’échecs comme ça au Dieu de la Guerre en notre absence ! » Eris passe devant lui sans s’en soucier et s’installe lascivement dans son trône de pierre. D’un mouvement de la main, elle invite Rigel à la rejoindre. Le Saint déchu passe au milieu des trois dieux sans leur adresser un regard et s’agenouille aux côtés de sa bien-aimée. Eris conclut : « L’heure approche. Un peu de patience. En attendant, ça bouge à Asgard. Je viens de sentir le cosmos de Poséidon y interférer… »
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« on: 3 December 2022 à 14h18 »
NEWS
Cette version du chapitre 26 est une version rééditée de la publication originale du 9 janvier 2012. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 16 May 2022 à 11h32 »
Chapitre 81
En Argentine, devant le Disfrute, les secours ont fini de prendre en charge les prisonniers de Segador et la clientèle qui a fui les balles. Les forces de l’ordre sont maintenant regroupées autour du night-club, prêtes à l’intervention.
A l’intérieur de la chambre, Vasiliás l’a bien ressenti. Bien que désormais ce soit Peligra qui semble plus envieuse que lui, il devine que son instant de plaisir dans le monde contemporain doit cesser. Peligra, elle, s’est levée sur la chaise pour coller contre le visage mal rasé de l’Américain, le bas de ses hanches. Son souffle devient si envieux, haletant, qu’il étouffe à certains moments la musique qui résonne dans la pièce. Décidée à accentuer son plaisir, elle redescend peu à peu pour s’accroupir contre lui, bassin contre bassin, et mimer un coït en remuant de plus en plus vite. Ne sachant plus résister, elle se lève pour enfin ôter cet ultime habit qui la protégeait du dernier acte. C’est à cet instant précis que Vasiliás choisit de se lever pour ramasser ses vêtements dans l’étonnement le plus complet. _ « Que fais-tu ?! _ Je n’ai plus d’argent. Le spectacle s’arrête là. _ Tu m’as donné plus d’argent qu’il n’en fallait, je t’offre la suite de la prestation. » Malgré toute l’envie qu’il contient, Vasiliás réajuste grossièrement ses vêtements : « Si ce n’est pas déjà le cas, dans les secondes qui suivent tu n’auras plus de patron. Cet établissement ferme ses portes ce soir. Profite justement de l’argent que je t’ai donné, pour te trouver un meilleur job où plus personne n’exploitera tes charmes. » Sans même la regarder, il quitte la pièce et la laisse penaude.
A la sortie de la chambre, il reconnaît les sept surveillants de Segador étendus dans le couloir. La porte de la salle privée de l’établissement est entrouverte. Le corps de l’unique gardien survivant, celui au bras brisé, essaie de s’extraire en rampant. Souffrant, misérable, le videur laisse derrière lui sa trace dans son sang. Vasiliás le regarde avec dépit : « Tu m’as l’air condamné. T’achever serait te rendre service. Autant te laisser crever comme tu le mérites. » Il s’enfonce dans l’appartement aux murs tapissés de sang.
Positionné au centre de son quartier général, Segador présente une apparence méconnaissable. En s’avançant curieusement, espérant l’identifier mieux que ça, Vasiliás bute sur des membres humains coupés, deux pieds et deux jambes, préalablement transpercés puis brisés avant d’avoir été sectionnés. Le tronc humain, se vidant de son sang au niveau de ses organes génitaux arrachés, essaie de survivre en respirant du mieux qu’il peut. Ce n’est pas chose aisée. Il s’étouffe en avalant ses dents et le sang de sa langue arrachée, tandis que son nez est cassé. Les sons qu’il produit semble appeler à l’aide, bien qu’il ne reconnaisse pas l’intrus puisque ses yeux semblent avoir été percés. Son visage et son buste sont peints de sang après que le sommet de son crâne tatoué lui a été scalpé. Le général d’Arès ne peut que constater : « Il agonise. » Jaillit de l’ombre, s’agenouillant pour confirmer sa fidélité à son roi, Tromos déplore : « Trop vite hélas. »
A la sortie de sa chambre, à peine recouverte de son boxer, Peligra découvre les cadavres des six videurs pendant que le septième a réussi à se hisser jusqu’à son niveau. Cependant, le macabre spectacle ne l’accable pas. Cela stupéfait l’homme de main : « Toi la nouvelle ! Comment se fait-il qu’à peine embauchée tu te retrouves au milieu de tout ceci ? Ça ne peut-être une coïncidence ! » Indifférente, son visage séducteur prend une allure bien plus menaçante. Son ton enchanteur devient bien plus autoritaire : « Vulgaire être humain. Comment as-tu pu croire que j’étais réellement venue travailler pour ton patron ? Nous ne faisons pas parti du même monde. » La belle à la peau chocolat ponctue rapidement son aigreur en écrasant de son talon haut et pointu le crâne du malfrat…
En Grèce, Kyoko sautille presque en devançant Mars. _ « Vas-tu ralentir, s’exaspère Arès ! Nous serons bientôt rentrés à l’Aréopage que je n’aurai pas eu droit à la fin de ton récit ! _ Désolé ! C’est simplement que la conclusion est pleine de rebondissement et que je n’arrive pas à me contrôler ! »
Flashback Un bruit sourd résonnait dans la tête d’Erda. Il l’accompagnait à mesure qu’elle recouvrait ses esprits. Repoussée dans la forêt, enchevêtrée dans un arbre plié en deux sous l’impact, la tête lui tournait. Bien vite elle identifia le bourdonnement. Il lui parut plus clair d’entendre que de voir, tant les images autour d’elle tournoyait encore. Un énorme brouhaha ronflait tout autour d’elle. _ « Des vivats ? Des encouragements, croyait-elle reconnaître ? Le Sanctuaire tout entier a dû se réunir autour du camp pour nous soutenir. Geist a dû sortir victorieuse… Hélas… Pour le reste… Mais ! Oui ! Le reste ! Toutes ne furent pas vaincues ! En éliminant le bunyip, les survivantes ont dû réussir à défaire les Dryades, se redressa-t-elle en faisant fi de ses plaies ! » Chancelant d’arbre en arbre, Erda tituba jusqu’au camp, tenant fermement dans sa main le foulard qu’elle avait hérité de Rebecca. Elle slaloma entre les hauts buissons touffus qui masquaient l’entrée du camp. Elle les passait avec hâte. Pressée qu’elle était de retrouver des survivantes. Le dernier obstacle passé, elle déboucha sur le camp déjà prête à crier victoire. Cependant, une vision apocalyptique prit place à l’espoir. Les temples n’étaient plus que ruines sur un vaste champ à la terre retournée et aux arbres arrachés aux abords. Dessous les décombres, des corps innocents, baignant dans leur sang. Le vent emportait les Dryades et les restes du bunyip, tous fanés. De la quarantaine de femmes ici présentes au début de la bataille, ne restait qu’Erda baignant dans le lac de sang de ses amies. Irradiant à la surface, la Cloth de Cassiopée s’était reconstituée sous sa forme totémique devant un bras sortant des décombres. _ « Mito, s’époumona Erda en se jetant dans sa direction ! » Elle leva les blocs de pierre qui retenait son amie déjà condamnée avant cela. Elle était froide, livide, les yeux définitivement vides. Hurlant de détresse, Erda la serra fort contre elle. Le regard perdu vers l’horizon. Ne sachant que dire. Que faire. Seul un grésillement répété, nuisible, irritant, répondait à ses ahanements. Lorsqu’elle leva la tête pour les identifier, elle remarqua que les pétales de l’Utérus ne tombaient plus sur la surface dévastée. Ceux-ci grillaient au contact d’une onde violacée flottant dans les environs. Faisant baigner la surface macabre dans une atmosphère lugubre. En y regardant de plus près, les corps flétris des Dryades libéraient des boules de phosphore, comme pour emprisonner leurs âmes en temps normal soufflées au vent. Également, à bien y observer, le même phénomène se produisait au-dessus des cadavres de ses semblables. C’est alors qu’une voix nasillarde la convainquit d’une étrange manifestation : « Il en restait encore une… C’est qu’elles ont la peau dure ! Seki Shiki Meikai Ha ! » Découvrant derrière une colonnade tenant encore debout une silhouette en armure dorée, Erda se redressa pour la questionner. Néanmoins, son corps ne lui répondit pas. La vue qu’elle avait sur l’intrus devenait de plus en plus éloignée. Jusqu’à ce qu’elle réalise, que comme le phosphore qui flottait au-dessus des cadavres, son âme était extirpée de son corps et aspirée contre son gré… En même temps, les feux follets alentours disparurent en s’enroulant autour de Deathmask. Ils les conduisit au Yomotsu Hirasaka. Ne laissant que le corps inanimé d’Erda, retomber sur le flanc…
Devant le camp, au beau milieu des Saints amassés pour supporter les femmes au combat, une sphère d’énergie se matérialisa. Sept silhouettes prirent forme à l’intérieur. La première identifiable fut celle de Shaka. Suivi d’Aiolia, Milo, Georg, Juan, Apodis et Naïra. Le Saint de la Vierge avait téléporté ses camarades après leurs déferlantes de cosmos contre Eris. Misty le premier brisa le silence que cette apparition soudaine avait provoqué : « Seigneurs Shaka ! Aiolia ! Milo ! Vous êtes de retour ?! La déflagration dans le ciel ?! Cela veut dire que vous êtes vainqueurs ?! » Ce constat amorça la clameur des spectateurs qui vinrent se courber devant les Saints d’or, saluer les Saints d’argent et sauter dans les bras des Saints de bronze.
Dans une vieille demeure abandonnée, limitrophe à la forêt du camp des femmes Saints autour de laquelle le Sanctuaire s’était réuni, trois hommes attendaient à l’abri des regards des autres. Il s’agissait des mercenaires de Geist qu’elle appelait les Caraïb Ghost Saints. Leurs protections étaient différentes des autres Saints et mercenaires. Plus flexibles, elles épousaient davantage le corps de leurs porteurs comme le feraient des combinaisons. L’un d’eux faisait les cents pas. Il stressait un autre assis sur une chaise au bois vermoulu. _ « Allons Sea Serpent ! Calme-toi donc ! Tu ne feras pas revenir Dame Geist plus vite ! _ Tu m’épates Dolphin ! Je ne sais pas comment tu peux rester ici assis à attendre ! _ N’imagine pas que la situation m’amuse. Déjà que d’ordinaire nous n’avons pas le droit de nous promener dans le Sanctuaire, ne crois pas que rester cloîtré ici me satisfasse ! _ Qu’en penses-tu toi Kuraggu ? » Le susnommé restait fixé à la lucarne depuis quelques minutes à observer les autres Saints se regrouper au loin. L’armure aux couleurs pâles teintées de rose et de jaune délavé, Kuraggu serrait les dents en fixant un point particulier. De son casque semblable à un large chapeau en forme de méduse, tombaient ses gras cheveux blancs. Il dissimulait ses petits yeux noirs qui toisaient avec dédain un chevalier. _ « Kuraggu, demanda à nouveau Sea Serpent ? _ Que regardes-tu, le rejoignit alors Dolphin ? _ Je vois, constata Sea Serpent qui fit de même ! » Les trois reconnurent Apodis parmi les nouveaux arrivants, héroïquement salué. _ « Ton fils, souffla Dolphin à Kuraggu. _ Ferme-là, l’empoigna aussitôt Kuraggu ! Ce n’est plus mon fils ! Ce petit salop m’a trahi en fuyant notre chez nous et en m’enlevant ma femme ! _ Allons Frontinus, se défit Dolphin en rappelant Kuraggu par son vrai nom pour le ramener à lui, après tout ce que tu lui leur as fait vivre, c’est de bonne guerre non ?! _ Hum, grognait le Caraïb Ghost Saint à l’emblème de la méduse. _ Dis plutôt que c’est le fait qu’il soit devenu un vrai Saint plutôt que toi qui n’a pu faire mieux que mercenaire qui te froisse, le charrie Sea Serpent ! _ Il me tarde de pouvoir lui faire subir ma vengeance pour m’avoir ainsi humilié ! _ Ne crains-tu pas qu’il te vainque ? On dit qu’il est très doué parmi les Saints de bronze, continua Sea Serpent ! _ Alors je le ferai souffrir d’une bien autre manière en lui prenant tout ce qu’il a de plus précieux ce sale merdeux ! _ Peut-être, reprit Dolphin, mais pas aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit d’être sur le sol du Sanctuaire. Nous venons rendre compte d’une mission officieuse avant de repartir. Dame Geist, ayant senti le danger, a volé au secours de son camp. Mais, malgré toute la malice dont elle peut faire preuve, elle n’en demeure pas moins extrêmement protocolaire à propos du lieu qui l’a fait devenir si forte. Nous y rendre pour l’aider, ou nous faire démasquer pour une toute autre raison, signerait notre mort de ses mains. »
Devant, les héros ne goûtaient pas aux plaisirs de leurs camarades. Pas plus que Mirai resté en retrait. Ne voyant pas Mayura au milieu des rescapés, il ne se fit guère d’illusions, lui qui ne sentait plus non plus le cosmos de Shinato. C’est alors que les totems des Cloths du Paon, de la Coupe et d’Orion arrivèrent au milieu de l’attroupement. Suivant les traces de Shaka, elles revinrent auprès des leurs. Algol posa sa main sur l’épaule de Juan : « Mayura… Aeson… Rigel… Vos sacrifices n’auront pas été vains. Ici, ainsi que sur l’Utérus, Eris est vaincue ! » Shaka leva la tête en direction du camp des femmes qui brûlait encore par endroits : « Eris est vaincue… Mais quelle victoire amère… »
Dans le camp, Xiao Ling, remise de ses émotions, espérait comme Erda retrouver quelques rescapées en regagnant le centre. Cependant, c’est à la chute inconsciente de sa camarade Erda que Xiao Ling assista. Sortant à son tour de la forêt où l’explosion l’avait repoussé, elle chancela jusqu’au camp dévasté où elle trouva uniquement Erda ne plus tenir sur ses jambes. Tanguant de gauche à droite puis de droite à gauche, Xiao Ling s’écroula le plus vite possible auprès d’elle : « Erda… Non… Tu ne vas pas me laisser toute seule ici, commença-t-elle à pleurnicher. » Elle la retourna sur le dos et la secoua : « Allez… Réveille-toi... » Rien n’y fit. Elle regarda devant elle la Cloth que portait Rebecca. L’armure manifesta aussitôt son besoin de ramener Erda : « Allez ! Je t’en prie ! Je suis venue ici pour Rebecca ! Aujourd’hui à quoi bon tout ce que j’ai traversé si je finis à nouveau toute seule ? Je t’en prie ! Allez ! Allez ! » Elle la secouait, apeurée et impuissante. Un nouveau coup d’½il sur la Cloth l’inspira. Elle reprit son calme et aligna bien les bras d’Erda le long de son corps. Elle arracha le peu de tunique qu’il lui restait, au risque d’être complètement nue, afin de surélever avec le tissu sa tête. D’un revers de la main elle lui dégagea les courts cheveux qui maquillaient son beau visage, et entama un massage cardiaque…
Sentant son âme être attirée contre son gré dans une obscurité sans fin, Erda eut le sentiment d’être écrasée, compressée, avalée… Lorsqu’elle reprit connaissance, tout n’était que ténèbres dans un monde obscur où elle ne distinguait à peine son ombre que grâce à quelques feu follets gravitant ici et là. _ « Tu es réveillée Erda, entendit-elle ? » Elle chercha tout autour d’elle d’où pouvait venir cette voix qu’elle chérissait tant. C’est alors que, par miracle, apparut dans le plus simple appareil, devant elle, Mito. _ « Tu n’as plus rien à craindre. Nous sommes là désormais. Toutes ensemble. _ Toutes ? _ Oui, toutes, répondit la voix de Rebecca qui se présenta elle aussi totalement nue dans son dos ! _ Fini ce monde de souffrance, lui prit la tête entre ses mains Mito. _ Il ne te reste qu’à rejoindre ce nouveau monde où les envies et les plaisirs ne sont plus honteux, s’approchait d’elles Rebecca. Où tu peux prendre ce que tu veux en l’arrachant à ceux qui ne le méritent pas. _ Comment ça, fronça les sourcils Erda qui ne reconnut pas les préceptes de son mentor ? _ Comme ceci, l’embrassa à pleine bouche Mito. _ Mito, songea Erda qui laissa la langue de Mito venir caresser la sienne dans sa bouche… Comme cela me manquait déjà… Mais, se sentit-elle oppressée, pourquoi cela me donne la nausée malgré tout… _ Oui, vint presser Rebecca le dos de chacune de ses disciples pour que Mito étreigne davantage son corps nu contre celui d’Erda… Comme cela aussi, passa-t-elle ensuite sa main sous le débardeur craqué d’Erda pour remonter jusqu’à sa poitrine… Tout ce que tu as toujours idéalisé peut-être soumis à tes désirs désormais, colla-t-elle son front à celui de ses élèves… _ Non, réagit au fond d’elle Erda, ce ne sont pas elles ! » A cet instant, un claquement de doigt libéra Erda de l’étreinte lascive à laquelle elle était soumise. Ses deux camarades prirent des mines démoniaques avant de se tordre de douleur, prisonnière d’une lumière violette qui les consuma. _ « Vous lui avez fait baisser sa garde en prenant un visage qui lui était familier. Ça fait de vous de pires dépravés que moi Fantômes ! _ Un… Saint d’or, s’exclama Erda tombée à genoux désabusée ! Se pourrait-il qu’il soit celui que j’ai vu au camp ? _ Deathmask du Cancer pour te servir, se présenta le chevalier. _ Fantômes ? Tu as parlé de mon amie et de mon maître en ces termes ? Pourquoi ? _ La scène était très excitante mais totalement trompeuse. Tes camarades sont là-bas ! » Il pointa du doigt une interminable file indienne humaine. Au-devant de la foule, proches d’un précipice où se laissent tomber chacun, Erda put identifier l’ensemble des membres du camp avec, parmi elles, celles qui lui étaient les plus proches. _ « Maître ! Mito, s’époumona-t-elle en commençant à se relever pour les poursuivre ! _ Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Elles ne peuvent plus ni te voir ni t’entendre. » Aussitôt, leurs âmes tombèrent dans le puit qui conduit au royaume des morts. _ « Où… Où sont-elles ? _ Tu l’as très bien compris. Nous sommes à la frontière qui relie le monde des vivants au monde des morts. Tous ceux qui tombent dans ce puit sont directement reçus par Hadès. Tes amies étaient d’ores et déjà mortes avant que tu n’arrives ici. En attente de leur jugement. _ Mais ? La Mito et la Rebecca qui m’ont accueillies ici ? _ Des Fantômes. Je te l’ai dit. Tes Fantômes pour être précis. Tu as été contaminée, comme tout le Sanctuaire, par des Evil Seeds, ces pétales qui tombent du ciel aussi jolis que des lucioles. Il s’agit en réalité des graines de la discorde que propageait Eris. Tant qu’Eris n’était pas vaincue, ces graines pouvaient éclore sur les cadavres qu’elles ont contaminés. Certains des miens ont achevé Eris en même temps que je vous ai toutes envoyées ici. Entre les rares survivantes et celles qui ont péri lamentablement, impossible de faire le tri. Il m’a fallu prendre le problème à bras le corps pour empêcher que tout le camp des femmes ne se réveille en Fantômes qui attaquent le Sanctuaire de l’intérieur. D’autant plus que les Dryades étaient déjà en surnombre. _ Vous voulez dire que… _ Oui. C’est moi qui ai rasé le camp. _ Pour… Pour neutraliser les forces en présences et celles à venir d’Eris, le sacrifice du camp était un mal nécessaire c’est ça, demanda Erda crédule ? Mourir pour préserver la paix est le devoir des Saints et de ceux qui se destinent à le devenir. Mais… Il restait encore des rescapées lorsque le bunyip fut vaincu. N’y avait-il pas d’autre moyen ? Ça a dû être pour vous une décision très difficile à prendre pour un chevalier sacré défenseur de la justice ? » L’Italien resta dubitatif devant toute la peine d’Erda, résignée à accepter le sacrifice des siennes si cela était nécessaire. Toutefois il ne put retenir plus longtemps un fou rire sarcastique qui glaça le sang de la dévouée apprentie. _ « Tu es fascinante de bêtise ! C’est parce que c’était la méthode la plus rapide que je vous ai toutes tuées en même temps ! _ Toutes, répéta Erda totalement abasourdie par l’attitude d’un des Saints censé être le plus noble du Sanctuaire ? Tu veux dire que… _ Oui… Toi aussi. Tu m’as vu au camp… Je ne peux laisser de témoin capable de… _ Ce camp était rempli de jeunes filles qui ne maîtrisaient pas encore totalement l’art du combat, s’emporta-t-elle les yeux ardents ! Tu as attaqué en sachant qu’elles se retrouveraient prises au piège, abandonna-t-elle toute marque de politesse ! En bafouant un lieu sacré de ta présence masculine, embrasa-t-elle son cosmos au Yomotsu Hirasaka ! Déterminé que tu étais à ne laisser aucun témoin, dessina-t-elle de son cosmos dans son dos la constellation de Cassiopée ! Est-ce ainsi que doit agir un chevalier sacré défenseur de la justice, avança-t-elle le poing chargé de cosmos ? Greatest Eruption ! » Telle une comète de lave, elle balança le dernier arcane enseigné par Rebecca avant sa mort contre le Cancer, qui l’encaissa de plein fouet sans que cela ne l’altère en rien. _ « La justice… Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu ce mot. J’ai patienté le plus longtemps possible que vous trouviez par vous-même la solution avant que je ne risque d’être découvert. J’estime avoir été raisonnable sur ce coup. Mais entre le risque que le Sanctuaire tout entier soit ravagé, sous prétexte que quelques morveuses ont failli et balayer à la fois le danger présent et le danger masqué d’un claquement de doigt, mon choix a été vite fait. _ Pourquoi, tomba-t-elle d’impuissance à genoux… Pourquoi Athéna garde-t-elle une pourriture telle que toi dans ses rangs ? » Deathmask resta à observer l’impuissance d’Erda. Il s’étonna à admirer toute la conviction de la jeune fille envers sa définition de la justice. De plus, les exhortations qu’il percevait venant d’autour du camp commençaient à l’inquiéter. En levant les yeux vers le ciel, Deathmask ressentit les secours en approche de là où il a laissé le corps d’Erda. Il fallait faire vite. _ « Tu devrais commencer à errer vers le Yomotsu Hirasaka normalement. Les âmes fortes qui reçoivent le Seki Shiki Meikai Ha sont prisonnières de cet entre-deux monde et lorsqu’elles finissent à bout de cosmos pour survivre, elles regagnent les rangs de ces files destinées au jugement d’Hadès. Les faibles, elles, meurent sur le coup. Ou ne s’éternisent pas longtemps ici. Malgré que tu ne parviennes pas à m’atteindre, je sens ton cosmos continuer de brûler intensément. Tu veux croire en ta justice. » Pour seule réponse, Erda fixa de ses yeux brûlants Deathmask pour lui témoigner toute sa haine. _ « Écoute, poursuivit Deathmask, je doute que tu rencontres un jour Athéna pour lui demander son avis sur mon sort. Quant au Pope, je ne suis pas sûr qu’il s’inquiète de ce genre de questions. Aucun témoin, aucune trace de ma présence au camp. Une autre rescapée vient d’arriver. Elle ne pourra que croire que la mort de Bunyip a ravagé le camp. Vos aînées approchent. Elles ne croiront pas qu’un Saint d’or est responsable de tout ceci, alors que ses frères d’armes se battaient sur l’Utérus, dit-il en s’approchant d’elle. Ta foi en ta justice mérite que tu la confrontes un jour à la mienne, la releva-t-il en la tirant par le bras. J’ai hâte de te voir te débattre vainement contre ma toute puissance, conclut-il en lui arrachant un baiser sans même qu’elle ne puisse réagir. » Elle ferma les yeux. La pogne si ferme du Cancer, sa Cloth si dure et froide, l’esprit épuisé après une telle journée, Erda s’abandonna l’espace d’une fraction de seconde à Deathmask…
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était étendue au sol. Machinalement, ses lèvres suivaient le mouvement initié par Deathmask… Plongée dans son inconscient, Erda épousait en réalité les lèvres de Xiao Ling en train d’effectuer les gestes de premier secours. La Chinoise, surprise, écarquilla grand et se défit du bouche à bouche devenu un intense baiser. _ « Erda, recula Xiao Ling partagée entre satisfaction et stupéfaction ! _ Xiao Ling, s’empourpra gênée Erda en redressant le buste ?! Ça… Ça fait longtemps que nous sommes ainsi ? _ Je… Je venais à peine de commencer à expirer lorsque tu m’as… _ Alors, pensa intérieurement Erda… Le Cancer… Son baiser… Tout ça était… » D’instinct, elle se redressa et fit le tour d’elle-même dans le but de le distinguer. Néanmoins, seules les silhouettes de Shaina, Marin et Geist arrivèrent. Aussitôt, elle ne put refréner des larmes de honte envers ses aînées, qui baissèrent la tête devant ce spectacle de désolation. Toujours à terre, Xiao Ling restait les yeux rivés sur la Cloth de Cassiopée, l’air abattu. Erda ressentit les derniers pétales de l’Utérus tomber à nouveau sur elle et sur le camp maintenant que le champ de force du Cancer avait disparu…
Déjà au loin, sur les marches de la première maison du zodiaque, Deathmask regagnait son temple. Il stoppa quelques instants, le temps de voir derrière lui la fumée encore apparente s’échapper du camp des femmes et de caresser ses lèvres qui conservaient un goût sucré : « Erda, susurra-t-il en souriant d’un air moins provocateur qu’à l’accoutumée. » Autour de lui, les pétales de l’Utérus grillaient au contact de son cosmos. Il leva la tête : « C’étaient les derniers pétales à virevolter dans les airs. L’Utérus n’est plus. J’ai lutté du mieux que j’ai pu pour que les Fantômes n’apparaissent pas. Comme toujours, Aiolia et les autres passeront pour les héros en ayant éliminé Eris pour que les autres graines semées dans le monde ne germent pas. » Flashback
_ « Et c’est tout, s’indigne Mars ?! » Kyoko et lui étaient arrivés devant le monolithe autour duquel s’amassent d’ordinaire les touristes et qui lui sert de temple, l’Aréopage. Observant autour d’eux qu’aucun contemporain ne puisse constater qu’avec leurs énergies ils peuvent pénétrer dans les catacombes du bloc de pierre par le pont cosmique de l’Aréopage, Kyoko soupire. _ « Tu es fatiguant à râler sans cesse. La bataille était pleine de rebondissement non ? _ Mouais… Mais une fois l’Utérus détruit, où t’es-tu caché pendant trois ans ? _ Là où se trouve mon vrai sanctuaire. _ Le Jardin d’Eden ?! _ Oui. A Hokkaido, au Japon. Dans des lieux escarpés où aucun contemporain ne peut parvenir. Jailli des entrailles de la Terre où il avait été enseveli. Réapparu grâce à tout le cosmos emmagasiné par l’Utérus. _ Ingénieux. _ Oh… Tu n’es pas au bout de tes surprises. Cependant, tes Berserkers ne vont pas tarder à revenir. Avant de repartir d’où je viens, dis-toi que l’enfouissement du Jardin d’Eden n’était pas l’unique punition que nous avait infligée Athéna lors de l’ultime bataille que nous avions lancé de concert toi et moi en des temps immémoriaux. _ Oui, grommelle Arès en grimaçant, mes enfants… _ Tes enfants ! Tes vrais lieutenants, les Ombres ! Ceux qui commandaient aux Berserkers ! _ Harmonie. Deimos. Phobos. _ Le sceau d’Athéna qui les retenait dans mon Jardin d’Eden enfoui, brisé par la toute-puissance offerte par l’Utérus. _ Alors pendant tout ce temps, frétille Mars… _ Pendant tout ce temps, se rapproche-t-elle de lui, nous t’avons laissé reconstruire une armée de chair à canon, afin qu’au moment opportun, les Evil Seeds et tes Ombres rappellent aux hommes qui sont devenus des Berserkers, qu’on ne dicte pas leurs conduites aux dieux, plonge-t-elle son regard déterminé dans le sien. » Elle tourne ensuite les talons et s’éloigne en concluant : « Retrouve ton sanctuaire. Qu’Athéna tombe dans les pièges laissés par les Olympiens. Laisse ton Berserker de la Royauté frapper quand il pensera le moment venu. Tes Ombres te reviendront alors. La discorde enfouie dans le c½ur des hommes où sont déjà semées mes Evil Seeds te permettra de lever une vraie armée grâce aux cadavres amers laissés sur le champ de bataille. Ton succès ne pourra échapper aux yeux de l’Olympe. Tu te hisseras à ton juste titre et assistera à la chute sanglante des mortels sur lesquels je régnerai, moi Eris Déesse de la Discorde, en ton nom, Arès Dieu de la Guerre. L’homme, anéanti, s’en retournera de nouveaux vers de vrais dieux, satisfaisants l’Olympe, et te faisant briller bien plus encore auprès des tiens. »
Ne prononçant plus un mot, rêveur, Mars laisse Kyoko disparaître à l’horizon. _ « Mes Ombres… Une armée de Fantômes offerte par Eris sur les monceaux de cadavres laissés par mes Berserkers submergés à leur tour par ma suprématie retrouvée… L’Olympe qui reconnaît mon rôle dans la foi retrouvée des hommes. Une foi cultivée dans le massacre, le sang… » Ses yeux rouges brillent d’une lueur sanguinolente à mesure qu’il projette ses espoirs. L’aura qui s’en dégage ne laisse aucun doute quant au fait qu’Arès habite en cet instant les profonds désirs de l’homme qu’espère manipuler Vasiliás.
A Buenos Aires, des hordes de policiers et autres forces d’intervention pénètrent dans le Disfrute. Rapide, rhabillée et à l’allure innocente, Peligra sort de l’établissement sans faire remarquer autre chose que sa beauté. Prise en charge par les secours, mise en retrait près d’une ambulance, elle profite que l’attention soit portée sur l’assaut pour s’échapper. Elle traverse l’avenue pour s’engager d’un pas rapide et élégant dans une ruelle déserte. A l’abris des regards, elle bondit alors sur le toit d’un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut qui donne vue sur le club investi. Là-haut, l’intrigante demoiselle en trouve une encore plus désirable.
Classe dans sa longue robe pourpre, le visage agrémenté de son tatouage en forme de c½ur, Helénê, l’Ange d’Apollon qui se fait appeler Ksénia, observe avec intérêt la scène. Sans même se retourner, elle sent dans son dos l’arrivée de Peligra et lui demande de son bel accent russe : « Alors ? Qu’en as-tu pensé Kassandra ? » La danseuse portant en réalité le nom grec de Cassandre, la fille du roi de Troie, se laisse aussitôt revêtir de sa Glory en tout point similaire à celle que porte habituellement Helénê et les autres guerriers de l’Olympe. _ « J’ai pu m’approcher d’eux et ressentir l’étendue de leurs cosmos. _ Il était important que tu puisses jauger leurs réelles capacités. » La femme à la peau ébène songe à sa rencontre un peu plus tôt avec Arès…
Flashback Quelques heures auparavant, en Grèce, à l’Aréopage, sur ordre de Vasiliás, Atychia prenait le commandement des troupes pendant que Tromos et lui prenaient la direction du monde moderne.
Esseulé sur son trône, l’esprit absorbé par son verre de vin qu’il faisait tournoyer avec son poignet, l’imposant seigneur du temple en forme de cône ne se souciait pas des matérialisations de cosmos qui se produisaient sous ses yeux. Absolument admirables, Helénê et Kassandra arrivèrent dans le sanctuaire vide de toute présence arèsienne. Toujours aussi familière avec le maître des lieux, Ksénia se permit de déclarer : « Vos hommes sont prêts à la guerre à ce que je vois. Aucun soldat ne reste à l’intérieur du temple. Atychia, cette Berserker du Malheur, semble les apprivoiser dehors. » Kassandra ressentit dans la voix d’Helénê un ton amer. Ksénia se remémorait l’attirance d’Atychia à l’endroit de Vasiliás qu’elle affectionne du plus profond d’elle. Sans même relever la provocation de Ksénia, Arès toisa plutôt la nouvelle venue, aguichante dans sa tenue contemporaine affriolante. _ « Je vois que tu as répondu à mes inquiétudes. _ En effet, vous vouliez un renfort supplémentaire lorsque l’heure sera venue pour vous d’attaquer le Sanctuaire. » L’être réincarné sous le nom humain de Mars, se leva pour dévoiler son imposante stature et mieux se rapprocher de la nouvelle venue. _ « J’ai envoyé toutes mes servantes dans les thermes. Leur présence me manque, peut-être devrais-je m’occuper de cette… » Spontanément, la fidèle d’Apollon s’interposa : « Je vous présente Kassandra. Un Ange au service de mon maître et rattaché, à la demande de ce dernier, à vos services pour mener à bien votre mission et vous prouver toute la confiance qu’il vous accorde afin de vous réintégrer en lieu et place d’Athéna en Olympe. _ Parfait. J’ai bien conscience que le jour où Vasiliás essaiera d’asseoir sa puissance sur le Sanctuaire, il mettra tout en ½uvre pour m’évincer. Je me dois donc de le devancer en l’ayant par surprise. Même si elle ne dégage pas autant de puissance que toi, cet Ange m’apparaît très puissante. L’avoir à mes côtés dès à présent me rassure… _ Pourtant vous me semblez déjà bien entouré… » Ksénia tourna en même temps la tête en direction de Kyoko restée cachée dans l’ombre... Sous-estimant l’Ange, Mars fut déstabilisé qu’elle ait découvert le rapprochement entre Arès et Eris. _ « Allons Arès… Vous ne pensiez pas que la présence d’Eris sur Terre passerait inaperçue. Après tout, comment croyez-vous que la comète Repulse a pu se rapprocher à nouveau de l’orbite terrestre ? » Kyoko commença à sortir de sa cachette : « Tu veux donc dire que… » Devinant la question, Ksénia anticipa : « Oui, c’est l’attraction solaire qui a reprise et influencé la trajectoire de la comète. La Déesse de la Discorde ne doit son retour sur Terre que grâce au cosmos de mon maître Apollon ! » Les bras en tombèrent à Arès tandis qu’Eris feignit de rester digne. _ « Mon maître vous donne toutes les chances de réussir. Il te propose une place en Olympe, Arès. Et te permet de garder un relais sur Terre par le biais d’Eris. Et tout cela avec l’appui des Anges. _ L’appui ?! Tu veux plutôt dire que Kassandra va rester ici pour nous chapeauter ?! _ Il y a méprise je pense. Le Dieu du Soleil a toute confiance en votre réussite. Je venais seulement faire les présentations et acclimater Kassandra à l’humeur terrestre. Elle va de ce pas à la rencontre de Vasiliás et Tromos pour mieux jauger à qui elle a à faire. Elle ne reviendra auprès de vous que lors de l’instant fatidique sur le champ de bataille. _ Dans cette tenue, douta-t-il devant son apparence très provocante ? _ Si j’ai bien compris, l’endroit où se rendent vos deux Berserkers n’est pas des plus fréquentables pour les hommes. Avec une telle plastique, je doute que Kassandra, que nous renommerons Peligra pour l’occasion, ne se fasse pas vite embaucher dans ce bordel où ils se sont rendus. Elle a tous les arguments nécessaires. » Flashback
Soudain, le bruit d’une trappe sur le toit du Disfrute trahit les souvenirs de l’Ange. Les deux envoyées du monde céleste reconnaissent au loin Vasiliás et Tromos fuir les enquêteurs indélicats. A cet instant, en voyant s’élever de battisses en battisses les deux hommes, et plus précisément celui qui l’accompagnait ce soir, Kassandra ressent cette soudaine chaleur qui lui a pris le bas ventre il y a peu encore. Les paupières à demi closes, elle se sent l’espace d’un instant redevenir Peligra. Les Olympiens, soumis à l’autorité de leurs dieux, sont irrémédiablement séduits par leur charme et leur impériale prestance. Pourtant, bien que différent de celui d’un dieu, le charisme de Vasiliás a bouleversé l’Ange, comme l’a été Helénê avant elle : « Cette confiance exacerbée pourrait passer pour de l’arrogance, néanmoins, à travers ses yeux, j’ai deviné des certitudes en cet homme. Elles m’ont permis de le voir autrement qu’un être quelconque et indigne du sang divin qui coule dans les veines de tout Olympien. » Loin d’être dupe, Helénê sent son c½ur se serrer lorsqu’elle demande : « Comment était-ce ? » Interdite par cette question à laquelle elle ne s’attend pas, et honteuse de ce ressenti nouveau qu’elle a éprouvé au contact du charme de l’Américain, Peligra perd ses mots. _ « Euh… Ils… Oh… Ce fut… Ils renferment une cosmo énergie ahurissante pour des humains. Si Tromos reste largement à notre portée, Vasiliás demeure un mystère. » Ksénia la reprend d’un ton inquisiteur sans forcément insister davantage de peur d’être démasquée elle aussi : « Un mystère ? » Passionnée, l’Ange au teint bruni reprend comme envoûtée : « En tout point… Un mystère ! » A son tour, Helénê se sent retrouver la Ksénia étrangement conquise par celui qui fut l’objet d’une de ses missions sur Terre. Passant discrètement sa main contre sa poitrine, elle éprouve les sentiments qui l’étreignent déjà depuis qu’elle a vu Atychia se rapprocher de Vasiliás. Ranc½ur, peine et jalousie. Refusant que cela n’influe son jugement, elle se concentre à nouveau sur sa mission : « Plus besoin de les retenir davantage. Ils vont pouvoir rentrer en Grèce. Je pense qu’Eris a fini de dévoiler son plan à Arès. Il a maintenant toutes les cartes en main pour agir lui aussi. _ Lui aussi, demande Kassandra ? _ Oui. Le réveil d’Hadès est proche. Et en attendant, cette nuit Poséidon a lancé les hostilités en infiltrant un de ses sujets à Asgard. Une belle sirène qui a fait fondre des c½urs et qui provoquera la fonte des pôles. _ Si avec ça Athéna n’est pas poussée à la faute… »
Justement, à l’autre bout du monde, à l’extrême Nord de l’Europe, le petit matin du 22 mars 1987 se lève plus calmement que la veille après une nuit intense et charnelle au temple Walhalla.
Avant d’éventuelles rencontres fortuites, Thétis s’empresse de fuir sur la pointe des pieds les appartements de Siegfried, enroulée dans ses couvertures.
A l’autre bout du couloir, perturbée par cette nuit passée et le regard qu’elle portera dès aujourd’hui à Siegfried, Hilda reconnaît la silhouette de celle avec qui elle a partagé tant de plaisir la veille. _ « Thétis ?! Siegfried ?! » Tant de question se chamboulent dans sa tête avant de réaliser immédiatement de quoi il en retourne. Un sentiment de colère, puis de jalousie et enfin d’interrogation sur l’effet recherché par Thétis d’avoir une telle liaison s’entremêlent dans l’esprit de la prêtresse. C’est seulement à cet instant qu’elle se tient la poitrine, rongée par la culpabilité et les conséquences d’avoir donné pour une nuit son amour à une autre qu’elle connaît à peine. Honteuse, confuse, c’est Siegfried qui lui vient instamment à l’esprit : « Lui a-t-elle dit que j’ai crié le nom de Siegfried ? Lui a-t-elle dit que je l’aime secrètement ? A-t-il agi de la même manière lorsqu’il était en elle ? »
Au même instant, sort à peine vêtu Siegfried, curieux du départ inopiné de Thétis. En tournant la tête, il reconnaît Hilda et, alors que d’ordinaire il se serait courbé pour la saluer, il fléchit sommairement les genoux avant de s’enfermer, honteux d’être découvert. Mais aussi convaincu que Thétis disait la vérité lorsqu’elle lui racontait qu’elle venait auprès de lui après avoir pris du plaisir auprès d’Hilda. En faisant les cent pas, il s’interroge : « Alors c’était vrai. Elle a fait ça, avec Thétis. Elle ne peut m’en vouloir après tout. Nous pouvons dire que nous sommes quittes… » Il se prend la tête entre les mains et grogne : « Non mais qu’est-ce que je raconte ?! Ce n’est pas un jeu. Thétis dira-t-elle à Hilda avant de partir que j’ai pensé à elle quand nous étions à deux ? »
Soudain, à travers sa porte, il entend Hilda interpeller un autre habitant du Walhalla : « Alberich ! Alberich ! » L’héritier du pourfendeur du Dragon de Fafnir peut discerner à travers la porte les pas pressés d’Hilda pour rattraper son rival.
Dans les allées du château, l’Asgardien aux cheveux d’améthyste s’arrête en soufflant d’agacement. Les deux soldats qui l’escortent, comme c’est le cas pour tout noble du palais, s’inclinent immédiatement envers Hilda. Alors, Alberich grimace en exagérant son dévouement. Un genou à Terre il s’inquiète faussement. _ « Que se passe-t-il Majesté pour que de si bon matin vous veniez me trouver ? _ Lorsque je t’ai vu sortir de tes appartements je me suis rappelée que nous passons hélas peu de temps ensemble. Je voulais savoir si tu consens à m’accompagner ce matin à l’Autel du Destin ? » Cette proposition transperce aussitôt le c½ur de Siegfried et surprend Alberich : « Cette tâche très particulière incombe pourtant à Siegfried d’ordinaire, votre homme de confiance. » Confuse, honteuse à l’idée d’échanger avec Siegfried à propos de leurs soirées respectives avec Thétis, Hilda ne s’étend pas sur le sujet : « Siegfried est occupé pour ce matin. Puis-je compter sur toi ? Oh, je sais qu’il n’y a rien de palpitant. Attendre des heures pendant que je prie Odin… Mais le trajet est assez long et ça serait l’occasion de pouvoir converser ensemble. Après tout… » Ravi de pouvoir éclipser Siegfried, de Megrez ne se fait pas prier sans pour autant ne pas oublier cette défiance qui le lie à la monarchie : « Oui, après tout vous n’avez fait que me rabrouer ces dernières années. Un entretien cordial n’est donc pas de refus. » Suivis par les deux gardes d’Alberich, ils prennent la route.
Seul, dans sa chambre, Siegfried se laisse tomber à la renverse sur son lit défait. En croix, il soupire : « Hilda… Si vous saviez à quel point je vous aime… » C’est alors que par précaution, il ramasse ses vêtements et détale à l’opposé de la direction prise par Hilda et Alberich. Faisant courber l’échine à chaque garde qu’il croise sur son passage, Siegfried presse le pas jusqu’à l’arrière cours où un guerrier de haute stature en domine quatre autres dans une épreuve de lutte. Il ressemble beaucoup à Siegfried. Ses cheveux sont blond vénitien et raides, sauf ses mèches sur son visage qui sont légèrement ondulés. Il les porte courts, à la différence de Siegfried qui les a très longs. Ce détail permet de mieux les distinguer. _ « Petit frère ?! Que viens-tu faire ici ?! Cela fait un moment que nous n’avons pas eu l’honneur d’avoir le grand Siegfried nous gratifier de sa présence ! Mes hommes seront ravis de recevoir les conseils du plus vaillant de nos combattants ! _ Sigmund… » Siegfried n’en dit pas plus. Sa voix empruntée lorsqu’il nomme son frère aîné permet à Sigmund de mieux appréhender l’objet de sa venue. Bien que son frère cadet lui soit supérieur en force, Sigmund a toujours su rester l’épaule sur laquelle son petit frère peut se reposer. Et de ses grands yeux violets, il peut lire sa détresse. En claquant des doigts, Sigmund demande à ses hommes de reprendre leurs tenues de rondes. Tandis qu’ils réajustent leurs plastrons et leurs casques à corne, il éloigne Siegfried des oreilles indiscrètes. _ « J’ai besoin que tu veilles sur la Princesse Hilda aujourd’hui, confesse sans détour Siegfried. _ Tu ne la quittes jamais des yeux. L’arrivée hier de cette étrangère à la voix de sirène ne semble pas être un hasard à cette étrange position, devine Sigmund. _ Thétis nous a mis dans une position délicate Hilda et moi. Je ne peux t’en dire davantage mais… » Lisant en Siegfried comme dans un livre ouvert, mais refusant d’être embarrassant, Sigmund n’insiste pas. Il interrompt son frère d’une franche empoignade par l’épaule. _ « Ça ira ! A cette heure j’imagine qu’elle est en route pour l’Autel du Destin, partie prier Odin. _ Elle est censée ne rien craindre, Alberich l’accompagne. Néanmoins, je serai plus rassuré si tu pouvais garder un ½il sur ce serpent… » Sigmund acquiesce et en quelques bonds, s’empresse de prendre la direction du précipice où Hilda implore quotidiennement Odin…
Au même moment, dans le sanctuaire sous-marin, Thétis approche le parvis du temple de Poséidon. Ses écailles roses dissimulent son intimité qu’elle a dévoilé la veille à Hilda et Siegfried. A peine essoufflée après avoir parcouru sous les océans la distance reliant Asgard au-dessous de la Méditerranée, elle s’avance jusqu’à son supérieur au heaume ombrageux. _ « Je te félicite Thétis. » Vexée de devoir s’abaisser à exécuter la mission qui lui a été confiée, en jouant de son corps et en trahissant les sentiments sincères que se vouent Hilda et Siegfried, Thétis s’incline malgré tout. D’une voix résignée, elle salue celui qu’elle ignore être Kanon des Gémeaux : « Dragon des Mers… Si cela est pour satisfaire la volonté de sa Majesté Poséidon. » Cependant, Kanon reste inquiet du succès de son plan. _ « Tu es revenue bien vite d’Asgard. Es-tu sûr qu’Hilda ira prier seule ? _ Elle ne sera pas seule. Mais elle ne peut pas être mieux accompagnée. Elle sera suivie d’Alberich de Megrez. _ Alberich de Megrez, celui que nous avons observé être fasciné par le pouvoir et qui s’est renseigné sur l’anneau des Nibelungen ? _ Celui-là même. _ Alors en effet. Il est faible et vicieux. Il n’aura pas le courage de se hisser contre Poséidon lorsqu’il attaquera Hilda. Et il gardera sous silence sa possession au vu de tourner ça à son avantage. _ Que devons-nous faire à présent ? _ Rassemble les soldats Marinas pour surveiller le périmètre dès que les hostilités seront engagées. Je vais de mon côté avertir Poséidon qu’il peut se tourner dès à présent vers Hilda. » Thétis acquiesce et s’éclipse pour mieux laisser Kanon apprécier la réussite de son projet.
Le Dragon des Mers défait son heaume pour mieux scruter l’horizon marin : « Oui, je me suis habitué à cette atmosphère salée et ses coraux. Mais la surface me manque. Mon plan va bientôt réussir et j’aurai exploité les pouvoirs de Poséidon sans même l’avoir éveillé totalement. Pour cela je dois continuer mon travail d’éloignement de Sorrento vis-à-vis de Julian Solo. Dès qu’Hilda sera possédée, j’enverrai Sorrento pour la surveiller sur un soi-disant ordre de Poséidon. »
Dans la contrée d’extrême Nord de la Sibérie orientale, à Blue Graad, le vent se lève étrangement. Le royaume qui a rudement souffert ces derniers mois de la Guerre Sainte contre Asgard et des conditions climatiques craint de nouveau les prémices d’une catastrophe.
En tenue de civil, bras et jambes dans la neige, Alexer aide les quelques villageois qui n’ont pas achevés la reconstruction de leurs demeures. Beaucoup plus proche de son peuple après la bataille contre Asgard, le gardien du Grand Nord se sent redevable auprès de lui afin d’expier son crime envers son père. Le parricide lève les yeux vers la brume environnante et déclare : « Cette météo ne me dit rien qui vaille. Les manuscrits de notre bibliothèque ont toujours fait état d’un temps plus clément après une lourde vague de froid. Il est encore trop tôt pour que la rudesse s’attaque de nouveau sur le pays. »
Une voix douce et familière, emmitouflée dans un épais manteau se présente devant lui. Belle, grande, déjà si femme alors que lui n’est que jeune homme, le nouveau roi est en admiration devant sa s½ur Natassia. _ « Peut-être l’annonce d’un triste événement mon frère. _ Je ne sais guère. J’ai reçu hier des nouvelles d’Asgard. Il n’y avait aucune mention du moindre danger dans le courrier de la Princesse de Polaris que m’a fait parvenir son messager de confiance Utgarda. De plus, Athéna a repris le contrôle du Sanctuaire. Nous n’avons pas de raison d’avoir peur. Mon devoir, à moi, c’est de veiller avant tout sur mon peuple. Je vais répondre aujourd’hui à Hilda afin qu’Utgarda puisse repartir avant que les des caprices du temps ne l’en empêche. J’en profite pour l’avertir de nos interrogations. Hilda saura trouver la réponse auprès d’Odin. » Tournant le dos à son frère, Natassia demeure suspecte : « Tout de même, ce temps si rude alors que nous sortons qu’une vraie tempête n’est pas commun. Quelque chose se trame, j’en suis sûre… »
Voyant sa s½ur regagner le palais, Alexer fait la moue. _ « J’aimerai me rendre à Asgard, au Sanctuaire, et garantir la paix pour expier mes fautes. Mais mon salut doit avant tout passer par le pardon de mon peuple. Je suis désolé s½urette. »
7
« on: 30 April 2022 à 18h24 »
NEWS
Cette version du chapitre 25 est une version rééditée de la publication originale du 27 novembre 2011. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 20 February 2022 à 11h05 »
Chapitre 80
En Argentine, le night-club appartenant au chef de la pègre est peu à peu encerclé par les secours et les forces de l’ordre. A l’intérieur, il ne reste plus que d’un côté Vasiliás et Peligra, et de l’autre Tromos et Segador.
Dans l’alcôve, où ils se sont enfermés, Vasiliás et Peligra dégustent à tour de rôle sur leurs corps le champagne qu’ils font couler. Ils sont loin de connaître les détails des retrouvailles entre Segador et Tromos. Leurs vêtements jonchent le sol, disséminés aux quatre coins de la pièce. La montre-gousset de Vasiliás, d’ordinaire si chère à son c½ur, abandonnée dans la poche de son pantalon qui traine à ses pieds. Ne gardant que leurs sous-vêtements pour barrière à la concrétisation des envies qu’ils suscitent l’un chez l’autre, ils poursuivent leur corps à corps endiablé. A genoux contre le Berserker assis, Peligra ne cesse d’appuyer sa poitrine en allant et venant sans cesse contre sa taille. Ouvrant même parfois sa bouche comme pour accueillir à travers son boxer blanc l’intimité sacrément manifestée de Vasiliás…
A quelques mètres de là, au fond du couloir, les bras ballants, Segador abandonne sa mine enjouée. Un à un, les os de ses doigts puis de ses poignets, avant ceux de ses épaules et de son coude, ont été brisés. Ses yeux à l’agonie devinent à la fouille qu’opère Tromos dans son bureau, que sa torture ne fait que commencer. Brandissant d’un tiroir une pince, le colossal Argentin se congratule déjà des futurs résultats de ses sévices : « Que penses-tu que je puisse t’arracher avec ça une fois que je t’aurai ôté chacune de tes dents ? » Puis, en refermant le tiroir, il trouve une manivelle dans celui du dessous : « Oh ! J’ai comme l’impression qu’il sera plus amusant de percer lentement tes genoux avant, pour ne pas que tu craches trop de sang après t’être fait opérer le râtelier ! » L’odieux personnage change très vite d’attitude. Désormais anxieux, Segador est défiguré par la folie qui symbolise la souffrance qu’il n’arrive même plus à hurler tant il s’égosille…
En Grèce, au sommet d’une falaise qui surplombe Athènes, Kyoko grimace après sa dernière gorgée d’alcool. _ « Le champagne a vite réchauffé ! _ Le temps passe très vite. D’ailleurs j’aimerai que tu reprennes le récit de tes exploits avant que Vasiliás et Tromos ne reviennent de leur escapade et suspectent quoi que ce soit te concernant. _ Bien, bien… »
Flashback Sur l’Utérus, la structure complète cédait peu à peu depuis qu’Aiolia avait brisé le c½ur de l’arbre nourricier. Les catacombes avaient déjà cédé. Les étages suivants se désagrégeaient tour à tour. Dans l’un d’eux, alors que l’édifice s’écroulait tout autour, Rigel restait les bras ballants. Tremblant, partagé entre la cruelle vérité et son amour indéfectible pour Kyoko. _ « … Voilà la vérité sur ma naissance, mon adoption et l’absence d’Athéna du Sanctuaire. » Une fois qu’elle eut fini, Rigel préféra s’adresser à son maître Aeson devenu Ghost Saint. _ « Et c’est ainsi que vous espérez vous faire pardonner Aeson ?! En vous joignant à Eris ?! » Sagement appliqué à expier sa faute passée, Aeson demeurait silencieux. Kyoko poursuivit alors. _ « Je comprends que cela soit difficile à accepter pour toi. Ton monde s’écroule. _ Non ! Penses-tu ! Mon maître, celui à qui je dois tout, que j’ai toujours cru être un modèle de droiture, a d’abord exécuté sa femme, renoncé à ses enfants, puis aujourd’hui il trahit Athéna ! Athéna qui d’ailleurs a disparu depuis onze ans du Sanctuaire ! Un Sanctuaire qui m’envoie tuer la femme que j’aime qui n’est autre que la réincarnation d’Eris ! _ Mais tu en es incapable n’est-ce pas, s’approcha tout doucement Eris ? _ Recule ! N’avance pas, dit-il en faisant marche arrière ! _ Pourtant je suis là, à ta merci, gorge déployée. Tu n’as qu’à prendre ma vie et rentrer dignement au Sanctuaire où tu seras un héros. Ne le veux-tu pas ? _ Non ! Je me fiche d’être un héros au Sanctuaire ! Pas dans ce Sanctuaire là en tout cas ! Tout ce que je veux c’est que tu quittes le corps de Kyoko et qu’elle me revienne ! _ Mais je suis là, rigola-t-elle amoureusement. Kyoko. Eris. C’est la même chose. Nous ne sommes qu’une. Vivre dans le secret. Dans la menace d’être un jour découvert. Condamnés, par un camp rempli de menteurs. Pour une foi caduque envers une déesse pleutre, cachée et affaiblie. Tout ça peut disparaître en embrassant ma cause. En embrassant ces lèvres que tu connais tant… » Arrivée à lui, Eris saisit dans ses mains le visage fuyant de Rigel, pour l’obliger à plonger ses yeux dans les siens. Le regard de la jeune femme avait changé en effet. Il était plus sournois, ses traits étaient plus tirés. Mais dans le reflet de ses yeux, Rigel voyait encore Kyoko et leurs courses enfantines dans les prairies désertes du Sanctuaire, leurs baisers d’adolescents volés derrière un arbre, leurs étreintes lascives d’adultes au milieu des fleurs d’été. Sa gorge était nouée, sa bouche sèche. Dans le dos de sa bien-aimée, honteusement agenouillé, son maître ne bougeait pas d’un pouce et lui rappelait tout ce en quoi il a cru. Il constata alors combien il fût idiot d’être gêné du crime qu’il commettait en s’énamourant d’une Saintia qu’il avait détourné du droit chemin dans un Sanctuaire mensonger, dirigé par un imposteur. Seulement, son combat contre Jaguar lui remémorait la lâcheté des Ghost Saints, mus d’intérêts personnels, renonçant à leur honneur. Le goût du sang et du conflit d’Eris qu’on leur apprend dès l’enfance au Sanctuaire et la menace que ferait peser Kyoko sur le monde le hantèrent aussi. Pourtant, à bien y réfléchir, les hommes de Gigas sur lesquels elle lui ouvrit les yeux quelques minutes plus tôt ne valaient guère mieux. La sentence subie par Olivia, la mère de son amante, ne pouvait faire croire que le Sanctuaire était un lieu idéal, destiné à protéger un monde de bonté. Enfin, toutes ces légendes horribles à propos d’Eris étaient contées par son maître Aeson. Un maître qui abandonna ignoblement sa famille. Tous ces sentiments s’entremêlèrent une fraction de seconde, le temps qu’il prenne sa décision et qu’il remonte ses bras à son tour pour caresser le visage de sa bien-aimée. En plein conflit avec ses tourments, il profita de son approche pour descendre ses mains du visage de Kyoko jusque dans son cou…. Il commença à serrer fort. Aussitôt, Aeson se releva mais, alors qu’elle pliait en arrière sous le poids de l’étreinte de Rigel, Kyoko tendit le bras pour empêcher son père d’intervenir. Pris de sanglots, Rigel murmurait à répétition : « Je suis désolé, je suis désolé, je suis… » Bientôt Kyoko était couchée sur le dos, le visage bleui, la langue gonflante. Sa vue gondolée par les larmes empêchait Rigel de parfaitement distinguer la mort venir à sa compagne. Lui non plus ne respirait plus. Il y mettait tant de force, tant d’opiniâtreté, qu’il retenait son souffle. C’est lorsqu’il distingua les yeux révulsés de Kyoko qu’il fut frappé de terreur. D’une aspiration profonde, il relâcha sa prise et chuta sur son postérieur avant de reculer à terre de dégoût. Ses yeux étaient grands écarquillés, son visage pris de spasmes. Il regardait ses mains meurtrières avec effroi, bien qu’il savait qu’il n’avait pas été capable d’aller au bout de son geste. Le rire sarcastique de Kyoko le lui confirma. Elle se redressa lascivement et rigola de plus en plus fort. _ « Je savais que tu en étais incapable. Ta culpabilité et le sentiment d’avoir été trahi par tout ce en quoi tu as cru sont plus forts. _ Tout ce en quoi j’ai cru, toi y compris, vociféra-t-il. _ Tu te trompes. Je ne cherche pas à te duper. Ma proposition est intéressée mais sincère. Tuer le temps dans tes bras en attendant que tu combattes pour moi, qu’on le fasse chez Athéna ou ici, où est la différence ? Entre nous, rien ne changera. Pour le monde, rien ne changera. Eris ou le Sanctuaire, il est voué à la destruction. Sauf que tu as la possibilité de disparaître ici et maintenant, ou de le vivre à mes côtés. » Indécis, Rigel n’osa pas la dévisager davantage. Jusqu’à ce qu’un heurt traversa la pièce et frappa Eris par surprise en plein abdomen, l’obligeant à s’écrouler. Faisant bondir Aeson jusqu’à elle. Soudain, depuis l’angle de la pièce d’à-côté, Olivia apparut. Elle suivit la direction empruntée par le coup qui toucha Eris à l’instant. _ « Olivia, grinça des dents Aeson qui se mit en garde ! » Toutefois, Olivia titubait en se tenant sa poitrine, percée, et en agitant d’un signe négatif la tête afin de manifester son innocence avant de s’écrouler. Elle était incapable de parler en raison du flot d’hémoglobine coagulée qui fuyait sa bouche. Derrière elle, la Cloth en miettes, le masque brisé sur la moitié inférieure du visage, Mayura traînait la jambe, déterminée. Elle crachait du sang elle aussi lorsqu’elle conjura à Rigel de se ressaisir. _ « Ne l’écoute pas Rigel ! Ses paroles sont empoisonnées ! » Pensant Kyoko meurtrie par l’attaque surprise de Mayura, Rigel avançait à genoux en direction de son amante. _ « Non, scanda-t-il ! Tu ne sais pas toute la vérité ! » Passant devant Olivia, Mayura fut soudain retenue à la cheville par sa main. _ « Sache que malgré ma liaison avec Aeson et la naissance de mes filles contre la voie chaste des Saintias que j’ai choisi trop jeune, mon amour et ma dévotion pour Athéna étaient sans faille, confessa Olivia. Lorsque je fus découverte, emprisonnée, torturée puis condamnée, je n’ai cessé de la prier jusqu’au dernier instant. Mais elle ne m’est jamais apparue. Même lorsque le Pope me fit arrêter. Lorsqu’il laissa Gigas et ses hommes de mains me passer un à un, plusieurs fois par jour, durant des semaines de détention, sur le corps. Même lorsqu’il délibéra sur mon sort, nommant le père de mes enfants comme bourreau. Elle ne m’est jamais apparue. Je ne priais pourtant pas pour moi. Je priais simplement pour le salut de mes filles. Je lui demandais juste de veiller sur elles. Mais rien. J’allais mourir avec une profonde désillusion. Et tu sais qui m’a répondu ? Eris. Seule Eris me vint. Dès lors que je sentis un coup sec derrière ma nuque puis le néant. Pendant que ma tête roulait au sol devant les pieds d’Aeson et sous ton regard Mayura, mon amertume fut saisie aux portes des Enfers par Eris en personne. Elle fut la seule à m’entendre. » En écoutant cela, Rigel fut davantage décidé à prendre Kyoko dans ses bras pour inspecter sa blessure. _ « Les lois du Sanctuaire sont strictes et cruelles, afin que ses représentants soient justes. Car d’eux dépendent justement la paix et les libertés dont nous nous privons au profit du reste du monde, protesta Mayura. _ Je vais te dire un secret, poursuivit malgré tout Olivia. Ce Sanctuaire si rigide que tu défends. Ce Sanctuaire donneur de leçon, modèle de vertus. Par qui crois-tu qu’il soit tenu ? Allons, n’as-tu pas remarqué depuis ma mort ce symbole à tête de mort parcouru d’un reptile ailé tatoué sur plusieurs soldats athéniens. Cela a commencé à se répandre un an avant ma mort. Le Pope qui m’a condamné, qui a accepté ma torture, qui t’envoie en guerre contre des dieux mineurs pourtant peu menaçants. Il n’a rien du Grand Pope qui nous envoyait en missions de prévention dans les domaines annexés. Le Grand Pope Shion n’est plus. Pas plus que son frère Arlès. Le Pope depuis onze ans est un imposteur. Et cette Athéna pour qui tu es prête à tuer ma fille aujourd’hui n’est pas là-bas ! _ Tu mens, dit Mayura en se défaisant d’un mouvement de jambe de l’étreinte d’Olivia, et je vais te le prouver maintenant, s’élança-t-elle vers Kyoko ! » Le choc qui s’en suivit fut si brutal que les murs du hall furent inondés de plasma. Aeson, devancé, resta statufié, maquillé de sang. Ce sang roulait sur le visage de Kyoko et était absorbé par sa robe écarlate. Incapable de progresser davantage, désabusée par la couardise de son camarade, Mayura se laissa tomber à genoux, les bras le long du corps, ne pouvant retenir les gerbes d’hémoglobine qui jaillissaient de sa trachée. Devant elle, bras encore rigide, main raide et doigts tendus au bout desquels des flammèches scintillaient, Rigel murmura : « Ignis Fatuus… Je suis désolé Mayura… Mais ton obstination même face à la vérité ne peut avoir raison de la femme que j’aime. » Alors qu’il venait de lui trancher la gorge, Rigel tourna le dos à Mayura. Il refusa de regarder sa bouche démasquée tenter de happer l’air, dans un ultime instinct de survie. Agonisant d’asphyxie, le cosmos de Mayura parvint malgré tout à dessiner un Paon d’or par-dessus elle…
Sur terre, dans la forêt qui délimite le camp des femmes Saints, les derniers éclairs du Thunder Claw de Geist cessaient de grésiller dans l’atmosphère. Aveugle, calcinée, Emony s’écroula dans l’herbe avant de devenir une fleur. Epuisée, Geist s’appuya contre la roche où Emony était prisonnière pour ne pas s’effondrer. Une voix connue, étouffée sous un masque, la congratula. _ « Félicitations ! Tu as vaincue une Dryade et pas des moindres. » Geist observa venir depuis l’extérieur Marin dans sa Cloth d’argent. Néanmoins, la mercenaire n’en était pas plus rassurée : « Marin ! Ton renfort ne sera pas de trop ! Une Dryade vaincue fane. Regarde donc celle-ci. » Devant elles, Emony bourgeonnait, poussait, devenait de plus en plus colorée. De fleur, elle devint une plante resplendissante. Immédiatement, les femmes se mirent en garde. Lorsqu’elle eut éclos dans sa Fane, Emony n’était plus une enfant. Elle était devenue femme. Ses yeux maquillés de contours rendaient son regard plus dangereux et s’accommodaient à merveille avec l’émanation provocante de son cosmos. Désormais dépourvus d’épaulettes, ses longs bras nus présentaient un galbe envoûtant, rappelant le charme dont aimaient jouer ses aînées Dryades. Néanmoins, Emony paraissait toujours aussi cruelle et déterminée à en juger le sourire et le regard psychotique qu’elle balançait tour à tour à Marin et Geist. _ « Je vois que nous avons une invitée, s’adressa-t-elle à Marin sur qui elle fit tomber une pluie de lobélie. Tu espérais que cela m’empêcherait de me venger du mal que tu viens de me faire, asséna-t-elle dans une onde de choc envoyée sur Geist. » Cette dernière fut repoussée contre la pierre, impuissante. Marin voulut lui porter secours mais ce fut vint, ses jambes flageolaient déjà. Autour d’elle, virevoltaient des papillons, qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’alors. _ « Nightmare Scheme, prononça Emony. Mes lobélies, semblables à des papillons tombent sur toi puis te recouvrent. Ces fleurs vont se servir de ton corps comme de la semence pour pousser jusqu’à se repaître entièrement de tes forces. » Ainsi, les papillons se posaient sur elle et de chaque papillon naissait une nouvelle pousse. Emony abandonna donc Marin, condamnée, et partit rejoindre sa principale rivale. D’un coup de pied retourné, elle plaqua son talon contre la gorge de Geist pour la tenir à sa merci contre la roche. _ « Quand as-tu pu déployer sur Marin ta technique, sans que nous n’y voyons rien, demanda d’une voix étouffée Geist ? _ Ah ! Je ne t’avais pas prévenu ?! Disons que les lieutenants de Mère ont tous le pouvoir de rivaliser avec au moins vos Saints d’argent. Pour ma part, j’ai toujours trouvé grossier de faire preuve d’une grande démonstration de force à moins d’y être obligée. Et tu m’y as obligé, écrasa-t-elle davantage la gorge de son adversaire. Maintenant, tu vas mourir lentement pour ça ! » Dans le dos d’Emony, les lobélies continuaient d’éclore. La mousse au sol était maintenant recouverte et tout autour de Marin des fleurs gagnaient sans cesse du terrain. Si bien que le bleu de leurs pétales irradiait derrière la Dryade de la Méchanceté. Il se reflétait dans le masque de Geist derrière lequel la mercenaire avait le blanc des yeux rempli de vaisseaux sanguins éclatés, mourant d’asphyxie. _ « Comment est-ce possible que les lobélies poussent encore, cessa son étreinte Emony. Je n’ai jamais rencontré d’adversaire détenant une telle source de cosmos. Elle parait infinie ! » Inconsciemment, Marin se releva malgré les racines épaisses gorgées d’énergie qui la clouaient à terre jusqu’alors. Epuisée, Geist se laissa glisser contre le sol, ne soupçonnant pas non plus une telle réserve d’énergie chez sa camarade. Sans même se défaire des sangsues végétales qui la consumaient, la Saint accrut volontairement son cosmos. Si fortement que les tiges grossirent à s’en faire dégorger de sève et que les pétales s’arrachèrent des bourgeons, incapables qu’ils étaient de contenir tant de puissance. C’est là qu’elle recroquevilla son coude droit pour prendre plus d’élan, avant de tendre son poing à la vitesse de la lumière vers Emony : « Ryu Sei Ken ! » Déclenchée plus rapidement que d’ordinaire, l’Attaque de Météores se changea en faisceaux lumineux qui s’entrecroisèrent et martelèrent Emony dont la Fane éclata par endroit. La Dryade reçut ainsi près de cent millions de coups en une seconde sans avoir pu les anticiper. Elle fut projetée contre la roche, par-dessus la tête de Geist, et retomba derrière elle avec la pierre changée en vulgaires cailloux. Epuisée, vidée, Marin profita de son élan pour s’écrouler devant Geist. _ « Marin… Marin, la secoua tant bien que mal la mercenaire… _ Ca va Geist… Je n’ai simplement plus aucune force… Cette Dryade a vidé toutes mes ressources… C’est un miracle que j’ai pu les réorienter contre elle… _ Quelle dommage pour vous, se releva derrière elles Emony furieuse ! » Le visage menaçant, défigurée par la colère de l’échec, elle était maquillée du sang qui perlait de son cuir chevelu où son bandeau avait été arraché par l’impact. Surplombant les deux alliées, elle élança son bras pour les achever lorsqu’elle fut contrée inopinément par la pointe du pied de Shaina. D’un saut acrobatique, la Saint d’argent d’Ophiuchus arriva à leur secours. _ « C’est mon tour de t’en faire voir de toutes les couleurs, décréta l’Italienne qui partit à l’assaut ! _ Encore une femme Saint qui fanfaronne ! Je vais te remettre à ta place ! » Shaina balança ses griffes de façon horizontale. Emony esquiva grâce à une roue arrière pleine de grâce. L’Ophiuchus anticipa son point de réception en arrivant depuis les airs talons en avant. La Dryade para avec son avant-bras gauche mais sa Fane déjà entamée par Marin se fendit davantage sur le coup. Perturbée, elle laissa Shaina poursuivre son acrobatie en tournant sur elle-même pour la cogner en pleine tempe d’un coup de pied retourné. Emony évita de peu en s’abaissant. Elle prit même l’avantage en se redressant plus vite que Shaina ne retombait sur ses jambes pour la cogner du poing en pleine cuisse et ainsi lui contracter les muscles. Ne tenant plus que sur une jambe, Shaina eut du mal à ne pas céder de terrain sur la série de coups de poings que poursuivit Emony. Elle pivota légèrement au dernier instant pour la laisser être emportée par son élan et espéra contre-attaquer en se retournant à une des vitesses les plus rapides parmi les Saints d’argent du Sanctuaire : « Thunder Claw ! » Tandis qu’elle laissa depuis les airs ses Griffes de Tonnerre retomber, Emony réussit à faire volte-face à temps et rasa le sol de son poing pour remonter en direction de Shaina, portant un coup dans le sens inverse de celle-ci : « Ton amie a déjà utilisé cette attaque contre moi, elle n’a plus de secret pour moi. Innocent Glumness ! » Un violent coup de poing contre celui de Shaina, suivi d’une multitude de coups approchant la vitesse de la lumière, brisa la main de Shaina, annihila sa technique et la pilonna jusque haut dans les airs. Tandis qu’elle retombait en direction du sol tête la première, Emony chargeait à nouveau de son autre poing : « Tu m’as l’air robuste toi ! Je vais m’assurer que tu ne te relèves jamais en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! » Contre toute attente, ce fut Geist qui devança Emony en apparaissant devant elle : « Cette fois c’est moi qui connaît déjà cette technique ! Thunder Claw ! » Geist la frappa à l’épaule avant même qu’elle n’ait eu l’occasion de déployer totalement son bras. Le heurt à bout portant explosa la Fane à hauteur de la clavicule et arracha l’épiderme de tout son biceps à la Dryade. Pendant ce temps, Marin réceptionna Shaina afin de lui éviter une chute fatale. _ « On a eu chaud, confessa Marin. _ Néanmoins, même si j’ai pu gagner son bras gauche, elle garde sur nous l’avantage de la vitesse, déplora Geist qui reculait jusqu’à elles. _ Et elle semble connaître toutes nos techniques, ragea Shaina meurtrie. _ Pas tout à fait, corrigea Marin. Il nous reste une chance. J’ai une idée. Ecoutez bien… »
Plus loin, à l’intérieur du camp, tandis qu’Erda extrayait Rebecca des branches qui leurs étaient tombées dessus, Mito tentait de voler au secours de chaque camarade. Hélas, pour une élève rescapée, une autre tombait dans son dos par les griffes des Dryades ou la gueule du bunyip. _ « Ca va aller, prononça-t-elle essoufflée à la dernière de ses amies qu’elle venait d’extirper d’un ennemi. » Elle ne se rendit même pas compte que le temps qu’elle tourne la tête, cette camarade secourue fut aussitôt décapitée par l’adversaire suivant. L’instant d’après, une Dryade frappa du plat du pied derrière le genou de Mito pour le lui faire mettre à terre. Une seconde arriva alors pour la frapper de volée en plein visage et l’envoyer choir au milieu de quatre de ses alliés Dryades. Ce fut alors que les quatre guerriers d’Eris furent retenus dans leurs mouvements par une bourrasque qu’ils ne parvinrent pas à surmonter. Bandeau violet, kimono pourpre, Shinato arriva à son tour en libérant tout son cosmos. Juste après, Xiao Ling suivit l’élève de Mayura. Elle vint relever Mito afin qu’elles se regroupent toutes les trois auprès d’Erda et Rebecca. Par petits groupes, disséminés dans le camp, il ne restait qu’une quinzaine d’élèves qui survivaient tant bien que mal. Shinato et Mito se tenaient déjà en garde. Xiao Ling tremblait en faisant le tour d’elle-même au milieu de ce charnier. Rebecca, qu’elle était venue retrouver, était plus morte que vive. Son héroïne du passé était impuissante dans ce présent apocalyptique. Malgré la perte de son bras, Rebecca, avec l’aide d’Erda, devança les jeunes femmes. _ « Toutes ces femmes… Ces filles… Ces enfants… Elles avaient foi en moi, déplora la Saint en voyant tomber sur les cadavres les graines scintillantes de l’Utérus… Je les ai trahis… _ Ne dites pas de bêtises, l’implora Erda qui essaya de la tirer en arrière pour chercher la retraite ! Vous êtes notre guide ! Nous devons nous replier maintenant ! _ Erda a raison, renchérit Mito. Nos forces sont divisées, affaiblies et en minorités. » Rebecca détacha de son omoplate son foulard imbibé de sang qui retenait à peine l’hémorragie de son bras amputé. _ « Oui, je sais, Erda a raison, lui tendit Rebecca le tissu. Vous devez battre en retraite. Les Dryades seront à votre portée une fois le bunyip vaincu. » Elle se jeta sans crier garde contre le monstre. _ « Maître, hurla de désespoir Erda ! _ Nous devons l’aider, convainquit Shinato une Mito déjà prête à la suivre ! » Erda se joignit à eux, laissant Xiao Ling incapable de la moindre réaction. Alors qu’elle s’élançait pour frapper la première, Shinato s’interrompit d’elle-même, prise d’un profond malaise au moment où elle perçut depuis les cimes le cosmos de Mayura décliner. Elle devina le sort de son maître sur l’Utérus. De son côté, après avoir surpris ses élèves, se présentant à l’arrière de Bunyip, Rebecca répéta son précédent arcane : « Burning Lava Rain ! » Pris à revers, Bunyip sentit ses pattes arrière s’écrouler, martelées et brûlées qu’elles étaient par les météores de laves que Rebecca libérait de son bras droit. Son cosmos aussi vert que sa Cloth brilla au firmament avant de chanceler. _ « Rebecca donne tout ce qu’il lui reste, se reprit Shinato ! _ Nous devons à tout prix la sauver, s’obstina Erda ! » Erda se jeta vers son maître avec inconscience. Mito, voyant un tentacule de Bunyip fondre sur sa bien-aimée, dévia la trajectoire d’Erda qui, l’espace d’une fraction de seconde, resta suspendue dans les airs. Coupable d’avoir agi sans retenue, Erda se retrouva à observer son sauvetage par Mito en étant impuissante. Obligée de fixer la sentence irrévocable qui se produisit sous ses yeux. Comme si cela durait une éternité. Si long que Xiao Ling eut le temps de passer ses mains devant ses yeux. Et pourtant, si net et cinglant, qu’Erda n’entendit pas le son déployé de sa gorge en criant le nom de Mito lorsque le fouet de Bunyip trancha en deux, de l’épaule gauche à la hanche droite, celle qu’elle aime, dans un claquement vif et percutant. Erda roula au sol en première, perdant son masque. Le tronc de Mito en second. Ses jambes ensuite. Le bras tremblant, Rebecca succomba au désespoir en voyant une de ses meilleures élèves vaincue. La croupe au sol, Bunyip abattit un tentacule sur la Saint de Cassiopée. Un second tentacule voua le même sort à Xiao Ling. Contre toute attente, alors que tout semblait perdu, Shinato les dévia en libérant sous la forme d’une bourrasque son cosmos. Dans son dos, l’emblème de l’Oiseau de Paradis, sa constellation protectrice et dont l’armure était déjà promue à Apodis, irradié d’un cosmos orangé. Les appendices de Bunyip fendirent le sol en deux à côté de Rebecca et Xiao Ling, épargnées grâce à Shinato. Cependant, les bras écartés de parts et d’autres, Shinato ne perçut pas un troisième tentacule qui lui perfora l’abdomen depuis le dos, sectionnant en deux sa colonne vertébrale. Le craquement de ses os fit frémir Xiao Ling qui, de panique, remplie d’adrénaline, se jeta finalement à corps perdu dans la bataille. Esquivant le quatrième et le cinquième tentacule, elle vit sa route barrée par une douzaine de Dryades. N’écoutant que son courage soudain, elle repoussa la première d’un coup de pied retourné, écrasant du tranchant de la main le larynx du second, enfonça du plat de l’autre main la cage thoracique du troisième, avant d’être submergée par la dizaine restante… Cet acte de courage, galvanisa les dernières apprenties qui la suivirent dans une ultime tentative de révolte contre les Dryades pour venger Shinato venue héroïquement sacrifier sa vie. Mito était à peine consciente, incapable de happer l’oxygène, sentant ses intestins se déverser. Traînant au sol jusqu’à elle, Erda serrait fort dans son poing le foulard de Rebecca. Le tentacule tombé à côté du professeur reprit sa liberté de mouvement maintenant que Shinato était suspendue en l’air par un autre appendice. Il enroula Rebecca et la conduisit vers sa gueule. L’animal désormais rampant, le train arrière démantibulé par l’arcane de Rebecca, se hissa sur ses pattes avant. Bunyip laissa d’abord tomber Shinato, encore vivante, dans sa gueule. A peine la chair de l’apprentie au contact de sa langue, il croisa sa dentition, broyant le corps, quitte à faire pendre de sa gueule un bras et une jambe de la malheureuse. La gueule baveuse de chair et de sang, puante de cadavres en putréfaction, Bunyip répéta son geste à l’attention de Rebecca, résignée. En levant les yeux vers elle, le visage bleui de larme, Erda vit la mine déconfite et blafarde de celle qu’elle a toujours admirée, du jour où elle l’a extirpée de sa condition misérable jusqu’à présent où elle l’a fait grandir et devenir une femme forte. Tandis que Bunyip lâcha d’en haut sa proie pour l’engloutir toute entière, Erda refusa de s’avouer vaincue. D’un bond rageur, les bras croisés devant elle, au milieu des cris et des pleurs de ses condisciples tombant tour à tour, elle réunit ce qu’il lui resta de force et imita la technique de Rebecca qu’elle admirait depuis tant des années : « Burning Lava Rain ! » Frappé à l’arrière par la Pluie de Lave Brûlante, bien que moins impressionnante que celle de Rebecca, Bunyip garda la gueule grande ouverte pour libérer un cri de souffrance. Condamnée à chuter au fond de cette gorge caverneuse et puante, Rebecca transmit alors son cosmos chaleureux et bienveillant à Erda : « Erda… Ma petite Erda… Comme tu as grandi… Comme tu es devenue forte… Guide tes camarades qui auront survécu… Deviens une Saint digne et respectée… Deviens-le grâce à cette dernière technique que je n’ai pas eu le temps de t’enseigner ! Greatest Eruption ! » Sombrant tête la première, Rebecca devint alors une boule de lave qu’engloutit malgré lui l’animal. Ardente à s’en consumer elle-même, elle phosphorait depuis l’intérieur de Bunyip au point d’en être visible depuis l’extérieur par les spectateurs de la scène. Pris en étau, Bunyip écarquillait ses quatre yeux rouges en luttant contre l’avancée de Rebecca qui lui brûlait l’½sophage après lui avoir déchiré la glotte. Donnant tout ce qu’il lui reste, Erda n’abdiqua pas. Elle frappait toujours l’arrière de l’animal pour l’empêcher de lutter en son for intérieur contre la progression de Rebecca. Réalisant le sacrifice de Rebecca, elle accrut son cosmos à son paroxysme au point que celui-ci dessina derrière son dos Cassiopée, l’emblème de son professeur. Au même instant, achevant son treizième adversaire, Xiao Ling arriva pied en avant contre le flanc de Bunyip, là où sa collerette ne couvre pas le reste de son corps. Bunyip en eut alors le souffle coupé, incapable de contenir en son sein plus longtemps La Plus Grande Eruption, attaque ultime de Rebecca. Bunyip recroquevilla sa tête entre ses épaules et replia ses pattes avant contre sa poitrine alors qu’il tombait sur le flanc. A l’intérieur, la lumière de Rebecca était si flamboyante qu’on voyait les organes de Bunyip à travers lui. En boule, martelé par Erda et rongé de l’intérieur par Rebecca qui n’était plus qu’un amas de chair en fusion, Bunyip implosa. Balayant la surface de viscères au liquide gluant et verdâtre. Soufflant plus loin Xiao Ling et Erda. Couchant au sol les dernières apprenties et les Dryades. Pliant en deux les arbres qui délimitaient le champ de bataille. Faisant céder les derniers vestiges du camp qui tenaient encore debout. Bunyip était vaincu. Au prix de nombreux sacrifices. De l’extérieur du camp, la détonation laissa pantois tous les supporters athéniens. Mal à l’aise depuis qu’il avait senti une perturbation dans le cosmos de Mayura peu avant, Mirai se tenait la poitrine de douleur, bouleversé après la disparition soudaine du cosmos de Shinato. Personne ne parlait. Le silence de mort qui planait au milieu du camp après l’explosion, avait eu raison de ses alentours également.
A l’intérieur du camp justement, pendant que les survivants, femmes ou Dryades, reprenaient leurs esprits, une ligne dorée traversa l’horizon. Le silence qui suivit l’implosion assourdissante de Bunyip permit d’entendre enfin retentir un claquement de doigts. Aussitôt, le sol se déchira. L’enfer s’en échappa. Des feux follets jaillirent des entrailles du centre d’entrainement. Ils emportèrent, sans distinction de camps, les âmes des survivants, incapables du moindre réflexe …
Plus haut, sur l’Utérus, Rigel redressait Eris étonnamment bien remise du coup porté par Mayura. Au-dessus de leurs têtes, le plafond s’effritait. Le niveau du dessus les menaçait. Il commençait à s’écrouler. Aeson, lui, portait assistance à Olivia. Le Saint d’argent de la Coupe, désormais Ghost Saint, était dérangé par le Paon d’or que s’obstinait Mayura à faire briller dans ses derniers instants. _ « Que… Que fais-tu, s’enquerra Aeson ? Serais-tu… Serais-tu entrain d’alerter les autres Saints ! _ Ce n’est rien, le rassura Eris, l’Utérus a été détruit de toute façon. Tout est voué à disparaître ici. _ Dans ce cas, par respect envers la Saint qu’elle fut, je vais mettre un terme à sa douleur, conclut-il. _ Non, lui interdit Olivia en lui retenant le bras. Je veux la voir agoniser dans d’horribles souffrances. » Rigel demeurait au sol interdit. Coupable d’avoir trahi Mayura, il fixait avec maladresse Kyoko qui apparaissait sous son vrai jour. _ « Tu n’étais pas blessée… Tu n’avais rien… Depuis le début… Depuis notre arrivée ici, tu n’as pas accru ton cosmos pour ne pas être repérée puisque tu te baladais dans l’Utérus tandis que les Saints te croyaient au sommet. La destruction de l’Utérus était convenue. Seule comptait ta vengeance. _ En effet. Néanmoins, rien de tout ce que je t’ai dit n’était faux, lui cueillait-elle à nouveau le visage. Cette étape est un succès, le Sanctuaire brûle partiellement. Mes graines ont éclos et seront semées au gré du vent mauvais pendant des années. Ma famille est presque au complet. L’Utérus a récolté suffisamment d’énergie pour faire ressurgir mon vrai sanctuaire, le Jardin d’Eden. Et tandis que je vais m’y retirer pour enfin y recouvrer toutes mes forces, le Sanctuaire va se remettre en me pensant vaincue. Joins-toi à moi, s’accroupit-elle jusqu’à coller son front au sien. » A cet instant, depuis l’étage du dessus qui s’effondrait, Shaka et Naïra arrivèrent. _ « Mayura, s’épouvanta aussitôt la Vierge avant que le sol ne se déroba sous ses pieds. » Depuis le flanc, Milo et Apodis les rejoignirent aussi. _ « Aeson, s’indigna Milo ! _ Rigel, s’inquiéta immédiatement Apodis ! » Sur le flanc opposé, Georg et Juan titubaient côte à côte en se protégeant des débris constants sous le bouclier de l’Ecu. Enfin, depuis l’orifice par lequel l’arbre matriciel traversait tout le sanctuaire, Aiolia surgit. Dans son dos, l’arbre tout entier alternait entre la brillance dorée du Photon Burst du Lion et la noirceur de son écorce de plus en plus calcinée. Il menaçait d’imploser, emportant avec lui le reste de la ziggourat dans un nuage de cendres. Chaque Saint envisageait de venir porter assistance à Mayura agonisante. Mais le sol se fissura devant chacun d’eux. Les séparant les uns des autres. Laissant la Saint d’argent du Paon au milieu d’Eris, Olivia, Aeson et Rigel. Se sachant condamnée, Mayura pencha alors sa tête sur le côté afin de voir une dernière fois Shaka. Elle tendit sa main, impuissante, manquant d’air, vers lui. Incapable d’intervenir, le Saint de la Vierge ressassa alors en une fraction de seconde les derniers mots durs qu’ils s’échangèrent avant la bataille. Au milieu de tout ça, ignorant l’ennemi et le sol qui s’effritait sous eux, Eris n’avait pas perdu des yeux Rigel. Elle avait gardé son visage entre ses mains et attendait de lire dans ses yeux sa résignation. Partagé entre la condamnation de Mayura et le danger qui guettait Rigel, qu’il espérait encore pouvoir sauver, Apodis s’époumonait à crier son nom pour le sortir de sa torpeur. Des failles du sol, des murs et du plafond, commençaient en sortir le restant des Dryades qui n’avaient pas pris part aux combats. Elles se réunissaient tout autour d’Eris faisant définitivement abandonner aux Saints l’idée de pouvoir intervenir auprès de Mayura ou de Rigel. Soumis par l’amour qu’il lui portait et la démonstration de force dont elle fit preuve, Rigel se laissa conquérir par l’approche du visage de Kyoko contre le sien. L’Utérus éclata de part en part. Volant en éclat. Morceau par morceau. Rigel pleura de joie de pouvoir embrasser à nouveau celle qu’il aimait. Il passa sa main derrière sa tête pour appuyer son baiser passionné afin qu’il ne s’arrête jamais. Ce geste en fit tomber le long de son corps ses bras à Apodis. Ses camarades baissèrent tous la tête, abattus. _ « Tant de souffrances endurées pour voir ça, pesta Aiolia. » Seul Shaka resta figé vers Mayura. Il avait rouvert ses yeux désormais embués de larmes. Elle avait cessé d’essayer de respirer. Son cosmos ne brillait plus. Autour d’elle, les Dryades espérant échapper à la mort étaient de plus en plus nombreuses. Elles pullulaient. Entre elles, le sol s’ouvrit encore. Il laissa Mayura tomber dans le faisceau de lumière qui en sortit, faisant disparaître son cadavre dans le néant. Eris se libéra enfin du baiser de Rigel et exposa à la vue de tous le filet de sang qui fuyait ses lèvres. Tous découvrirent alors Rigel à genoux, la tête penchée en arrière, s’étouffant dans son propre sang qui jaillissait de ses entrailles. Les Saints comprirent alors qu’il n’y aurait plus d’autre chance de mettre un terme à tout ceci. Shaka, yeux toujours grands ouverts, les enjoignit tous. Il s’adressa à eux par télépathie : « C’est maintenant ou jamais ! Nous devons terrasser maintenant Eris afin d’être sûrs qu’elle meurt emportée dans l’explosion de l’Utérus en compagnie de ceux qui nous ont trahis ! » Tandis que Rigel tombait à la renverse, mort d’un baiser empoisonné, tous les Saints puisaient dans le restant de leur cosmos. Les effluves dorés des Saints d’or, argentés des Saints d’argent, blanches de Naïra et orangées d’Apodis, s’unirent toutes haut dans le ciel pour former un dôme dont la pointe de cosmos retomba au-dessus de la tête d’Eris et ses hommes. La déesse dégaina son sceptre à quatre branches pour dresser un bouclier contre ces émanations. _ « Maintenant, s’élança Milo, Scarlet Needle Antarès ! _ Wing Jikan No Yoyu, suivit Apodis ! _ Typhoon Bullet, invoqua Naïra ! _ Astral Gravitation, frappa Juan ! _ Geistig Blitz, déclencha Georg ! _ Lightning Bolt, libéra Aiolia ! _ Tenma Kofuku, conclut Shaka ! » Encerclés par des déferlantes de cosmos, Eris n’angoissa guère. Derrière elle, Aeson ramassait le corps de Rigel. _ « N’ai crainte, le rassura sa déesse, il s’agissait du baiser de la renaissance. » A cet instant, Rigel rouvrit les yeux. Il eut dans le regard le même flou que celui qui habitait Aeson depuis sa résurrection. L’Utérus implosa au moment de l’impact de tous les arcanes. Le choc fut tel que le bouclier d’Eris se corroda de part en part. Soufflés par les explosions successives, les Saints furent incapables de voir les Dryades être emportées par les salves lumineuses au milieu desquelles elles disparaissaient de leurs champs de vision.
Une onde de choc si puissante fit alors trembler le sol terrestre sur toute sa surface. Ebranlant ainsi le monde contemporain. Un bruit sourd détonant assourdit la Grèce entière tandis qu’un éclat rougeoyant illumina une fraction de seconde le quotidien des Grecs avant qu’un large manteau nuageux, en réalité la poussière de l’Utérus et du temple, ne couvre le ciel européen tout entier.
Au Sanctuaire, la lumière puis la détonation de la destruction de l’Utérus parvinrent. Les Athéniens sautèrent de joie dans tout le domaine. Autour de la forêt, les spectateurs s’échangeaient quelques sourires rassurés. Hormis Mirai qui gardait un mauvais pressentiment.
Dans la forêt, Emony guettait le ciel. Elle ne paraissait pas inquiète malgré la disparition du cosmos d’Eris. Elle essayait de replier les doigts de son bras gauche mutilé, en vain. Abandonnant l’idée d’y avoir recours, elle arracha un morceau de tissu noir qui habillait son abdomen pour bander son bras ballant contre son corps et laisser son nombril à l’air. _ « Bien, mon seul bras droit devrait suffire à vous anéantir. Je vois que vous avez une idée derrière la tête, mais je demeure plus rapide et je connais toutes vos techniques. » Devant elles, les femmes se tenaient déjà en position après avoir écouté le plan de Marin. _ « Tu es bien présomptueuse alors qu’Eris vient d’être vaincue, ricana Geist. _ Tu es seule désormais et une même attaque ne peut marcher deux fois contre un Saint, l’avertit Shaina. _ Et tu as déjà utilisé toutes tes techniques contre nous, ajouta Geist. _ Naïves, pouffa Emony… Mon Innocent Glumness invoqué au paroxysme de ma puissance sera si rapide et puissant qu’il vous sera bien égal de savoir en quoi consiste l’arcane. Un seul coup que vous ne parviendriez pas à esquiver vous sera fatal. » Soudain, les trois femmes furent saisies en même temps d’un étrange pressentiment. _ « Le camp, s’inquiéta Geist. _ Tout à coup… Tous les cosmos ont disparu, confirma Shaina. » Marin, au centre, restait silencieuse : « Maudites soient les Dryades. Malgré la destruction de l’Utérus, elles auraient réussi à nous porter un coup fatal ?! Le temps presse. Le Ku Ken. Avec cette technique je peux faire croire que je porte un coup. Si je le déclenche en premier, en simulant le Ryu Sei Ken, j’obligerai Emony à dégainer aussitôt pour contrer et nous avoir toutes dans le champ de tir. » Elle pivota légèrement vers Geist tout en accroissant ce qu’il lui restait de cosmos : « Tu es prête Geist, il faut que nous soyons parfaitement synchrones. » Geist hocha la tête d’un geste d’approbation. C’est alors que Marin s’élança, poing détendu pour lâcher ses météores. Emony cria déjà victoire : « C’est pitoyable ! Regroupées comme vous êtes, c’en est trop facile ! Innocent Glumness ! » Frappe déployée à son tour, défigurée par la joie de la victoire, Emony relâcha tout son cosmos en ravageant le paysage. Ses coups de poings balancés à une vitesse proche de celle de la lumière pilonnèrent l’horizon, arrachèrent la végétation et les vestiges de la Grèce Antique. Le nuage de poussière levé l’empêchait de voir les corps démantibulés de ses victimes sans que cela ne l’incite à interrompre. Toutefois, un violent pincement à la nuque lui fit perdre l’usage de ses jambes. _ « Eagle Toe Flash, murmura Marin retombée en pic pied droit en avant depuis le ciel dans son cou. _ Thunder Claw, prirent en étau et en ch½ur Geist et Shaina ! » Tandis qu’Emony eut la colonne vertébrale brisée sur ce coup du lapin de Marin, Shaina lui planta de sa dernière main valide ses griffes en plein sommet du crâne, lui brisant ainsi son diadème, et Geist en plein pubis, transperçant la ceinture de sa Fane. Chacune poursuivant son geste, Shaina de haut en bas, Geist de bas en haut, les Griffes de Tonnerre s’entrecroisèrent et déchirèrent verticalement et profondément Emony. Brisant sa Fane, s’insinuant dans sa chair, lacérant son visage. A genoux, entourée des trois femmes, sa gorge arrachée ne parvenant à remplir ses poumons d’air tandis que par gerbes régulières son sang fuyait ses plaies, Emony aspirait dans un douloureux râle. Ses paupières arrachées laissaient crédules ses yeux rougis par le sang. Marin lui apporta alors la raison de sa défaite : « Tu étais persuadée de ta victoire et nous y avons contribué en te laissant admettre que tu étais plus rapide et que tu connaissais toutes nos techniques. Sur le premier point tu avais l’avantage en effet. Sur le second, tu m’as sous-estimé. Il me restait deux techniques non employées. Le Ku Ken est un coup illusoire. J’ai simulé le Ryu Sei Ken que tu connaissais déjà pour engager les hostilités et te faire dégainer. Sauf qu’au même moment, Geist utilisa le Phantom Genwaku Ken pour maintenir une image rémanente de nos positions. En réalité, nous avions déjà quitté nos places en poussant nos cosmos à leurs paroxysmes. Ton Innocent Glumness que tu as lancé avec suffisance n’a rien fait d’autre que de frapper le vide. J’étais au-dessus de toi, prête à retomber en piqué. Geist et Shaina sur chacun de tes flancs, à attendre que mon Eagle Toe Flash que tu ne connaissais pas et ne pouvais pas voir venir te désarçonne pour t’achever de leurs deux techniques, certes connues, mais mortelles et désormais imparables pour toi. » Marin lui tourna le dos tandis qu’elle glapissait. Succombant, sa peau flétrissait, elle commença à faner pour de bon. Geist, cruelle, la coucha au sol d’un coup de pied en pleine poitrine pour qu’elle suffoque dans son sang. Enfin, Shaina resta à la voir agoniser en la blessant psychologiquement davantage : « Certaines Dryades ont peut-être le niveau des Saints d’or. Mais toi tu n’en fais pas parti. » Malgré la douleur et la vexation, Emony resta un sourire aux lèvres. Elle pensait : « Le Jardin d’Eden… Notre diversion a donc permis sa résurgence. Tu as réussi Mère… Ma mission fut un succès… » Le vent balaya la fleur pourrie Emony, tandis que Shaina rejoignait tête baissée ses alliées qui ne pressaient pas le pas. Toutes les trois avaient senti qu’elles ne trouveraient que désolation dans ce qui restait du camp des femmes Saints… Flashback
_ « Je suis désolé de t’interrompre Eris, la coupe Mars, mais il va nous falloir conclure ton récit sur le chemin du retour. Je sens que mes hommes en ont bientôt fini en Argentine. _ Très bien. Une petite marche ne me fera pas de mal, répondit elle friponne. Tu ne seras pas déçu de découvrir ce qui se passa réellement au camp des femmes Saints… »
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« on: 14 February 2022 à 10h52 »
NEWS
Cette version du chapitre 24 est une version rééditée de la publication originale du 1er novembre 2011. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 28 January 2022 à 14h06 »
Chapitre 79
En Argentine, dans le night-club, Tromos est aux portes de sa vengeance. En poussant la porte gardée, il débouche enfin sur un grand bureau. Celui-ci dispose d’un mur fait de télévisions retransmettant la vidéosurveillance de l’établissement. Affalé dans son siège en cuir, le propriétaire du Disfrute n’en revient pas : « Je ne pensais vraiment pas que tu arriverais jusqu’ici. C’est lorsque tu as vaincu facilement le monstre dans la cave que j’ai commencé à avoir des doutes… » L’ignoble individu dévoile enfin son visage à Tromos instantanément saisi. _ « … Tu as gagné, achève sa phrase le chef de gang. Je t’engage ! Je vais faire de toi un homme riche. Tu auras tout ce que tu veux. _ Tu… Tu n’as pas changé, reste un instant bouche-bée Tromos devant lui. Hormis quelques rides, tu restes le même que dans mes pires cauchemars. Un visage crapuleux, chauve avec tout le crâne tatoué, un menton carré et des dents pointues. _ On se connaît ?! _ Il y a vingt-et-un ans. Je n’étais qu’un petit garçon, frêle et innocent comme tous les enfants de huit ans. Un petit village dans lequel tu instaurais déjà la terreur. Tu obligeais les gens, de courageux ouvriers travaillant pour nourrir leurs familles, à te verser presque l’intégralité de leurs revenus, sous prétexte qu’ils vivaient dans une citée dont tu te prétendais maître. Tu te servais de cette zone résidentielle pour commencer tes basses besognes. Prostitution, trafic de drogues… » Toujours confortablement installé dans son siège, le malfaiteur s’allume une cigarette en se sentant glorifié par cette histoire. _ « Oh tu sais, j’ai commencé jeune à monter mon empire. Je ne me souviens pas de toi. _ Moi je me souviens de cette nuit où tu es venu en personne punir mon père, qui n’avait pas assez d’argent pour payer ta taxe clandestine. J’ai été le seul à avoir eu le temps de me cacher sous le lit de mes parents. Je me souviens de tout. De tes hommes battant mon père. Le laissant tout juste conscient, pour qu’il puisse te voir violer ma mère et déshonorer mon frère avant de les égorger. Je me remémore encore l’incapacité de ma petite s½ur à répondre, lorsque tu lui as demandé lequel des jumeaux d’un mois elle voulait sauver, alors que tu lui promettais qu’elle aussi s’en sortirait si elle choisissait. J’ai encore ses cris gravés dans ma mémoire lorsque tes hommes ont abusé d’elle, alors qu’elle n’était qu’une enfant pendant que tu m’étais le feu au berceau des deux bébés qui pleuraient car ils mourraient de faim. Et chaque jour, je me vois impuissant, à essayer de tirer mon père immobilisé pour le sauver du feu qui se propageait dans la maison. Il n’y a pas un instant, pas un soupir, durant lequel je ne me maudis pas d’avoir échoué et d’avoir laissé cette peur de petit garçon me forcer à prendre mes jambes à mon cou pour échapper au même sort que les miens. _ Mouais, recrache insensible Segador sa fumée… Une de mes aventures parmi tant d’autres. Loin d’être la plus palpitante ! _ Comment, s’avance le poing serré Tromos ?! » Contre toute attente, de chaque côté du large bureau, tapis dans l’ombre, sortent deux derniers hommes de main. _ « Je te présente les plus habiles tueurs de mon gang. Ils manient aussi bien tous les types d’armes que les styles de combats à mains nues. Je sens que tu vas m’offrir un spectacle beaucoup plus digne que celui de ta mère et ta s½ur dont je ne me souviens pas. » Ces mots suffisent à faire basculer définitivement Tromos dans cette soif de justice subjective que véhicule Vasiliás. Sans même laisser le moindre agent réagir, il les terrasse en les tranchant tous les deux en deux à hauteur du buste. _ « Le Berserker de la Royauté, notre Roi, a raison. Le mal doit être éradiqué à la source. Et je vais m’en charger avec toi. » Malgré sa fin imminente et inévitable, Segador se permet de se moquer de ses anges gardiens qui gisent au sol : « Les pauvres. Ils devaient manquer d’entraînement ! » Cette indifférence ne démotive pas l’Arèsien, au contraire. Il bondit sur Segador et se retient du mieux qu’il peut pour ne pas le tuer d’un seul coup. En le callant bien dans le creux de son siège, il lui assure : « Je vais te réserver les pires tourments que tu as commis. Et je te promets, moi, homme de parole, que tu perdras ton sourire narquois avant de rendre ton dernier souffle. » La cigarette lâchée sous le choc, Segador continue d’afficher sa mine sournoise alors que le mégot lui brûle la cuisse, comme pour annoncer que la tâche sera ardue…
En Grèce, les clients de la brasserie sont incommodés par les éclats de voix du couple contaminé par les Evil Seeds d’Eris. En intérieur, ils s’inquiètent des débris de vaisselles produits par la table retournée dans l’élan de colère de l’amoureux éconduit. Tandis qu’il lève la main en l’air pour réprimander sa bien-aimée, le serveur, amant secret de la cliente, se précipite vers lui. _ « Je crois que j’aurai mieux fait de commander un autre verre, soupire Mars. Tu as fait germer trop tôt ta graine, alors qu’il te reste encore beaucoup de péripéties à me raconter. _ Justement, nous avons tout le chemin du retour pour achever cette histoire. » Pris de panique et de colère, le serveur ramasse sur son passage une bouteille en verre. Il la fracasse sur la tête de l’homme irrité qui s’écroule inconscient au sol. Dès lors, sans qu’elle ne réalise vraiment pourquoi, prise d’un excès d’adrénaline en plein tourment, partagée entre la nostalgie d’un amour passé avec son compagnon qu’elle souhaite quitter et la fureur de l’instant, la cliente ramasse un couteau sur le sol. Elle poignarde en plein c½ur son amant, à qui elle en veut d’avoir frappé son petit ami. La foule en reste stupéfaite. Incapable de la moindre réaction. Interdit, ce dernier lâche le tesson de la bouteille qu’il a brisé sous le choc et s’écroule impuissant. Il tombe à côté du conjoint qui reprend ses esprits. Furieux envers sa compagne de son infidélité, il récupère le tesson et transperce à plusieurs reprises sa gorge. Les spectateurs, cette fois-ci, hurlent et fuient dans toutes directions. Seuls restent à proximité Kyoko et Mars qui se délectent du spectacle. L’homme trompé, devenu assassin, réalise son acharnement mais n’en perd pas son panache. Totalement recouvert du sang de sa bien-aimée, il finit par se lacérer son propre visage par culpabilité. Si profondément que lorsqu’il achève son acte, la douleur est trop atroce pour le supporter. Tandis qu’il convulse, Kyoko détendue devant les trois corps sur la terrasse déserte, récupère dans le seau à glace d’une table voisine une bouteille de champagne et deux coupes. _ « Voici ce qu’est la discorde. Voici un échantillon de tout ce que j’ai semé. _ Dans ce cas, entamons le chemin du retour tandis que tu termines de me raconter comment nous en sommes arrivés à un tel niveau de corruption chez l’homme, l’enjoint-il en piétinant le mourant qui se tortille au sol… »
Flashback Sur tout le Sanctuaire, semblable à un nuage de lucioles, les pétales de l’Utérus pleuvaient. Les villageois s’en émerveillaient, les prenaient dans la main, sans en percevoir le moindre effet. A l’Ouest, Marin esquivait ces Evil Seeds tout en écrasant une à une les Dryades qui éclosaient sur son chemin. _ « Le camp des femmes a été ciblé. Qu’on me barre ainsi la route n’est pas anodin. Et cette frappe à cet endroit précis ne peut qu’être un stratagème pour focaliser notre attention. Il s’agit à coup sûr d’une diversion. Ces fleurs feraient-elles parties du plan ? J’aurai peut-être dû prendre Seiya avec moi ! Même s’il a encore beaucoup à apprendre, son niveau actuel m’aurait permis de me déblayer le passage ! » Tout à coup, comme pour exaucer son besoin de renforts, deux voix familières lui parvinrent. _ « Funerary Torments ! » _ Mavrou Tripa ! » Sergent et vétéran du domaine, Circinus du Compas balaya toutes les Dryades encerclant Marin. Son supérieur, Misty du Lézard déblaya l’horizon devant eux. Le Saint de bronze et son lieutenant se joignirent à la bataille. Misty l’encouragea à plus forte raison qu’en qualité de capitaine de l’armée il était le meneur de sa caste : « Allons Marin ! Il faut faire vite ! Nous allons t’escorter ! » Tous trois reprirent la route à grandes enjambées.
Dans la forêt, Emony pleurait devant les morceaux déchirés de son ours en peluche. _ « Quelle méchante dame Mick ! Je t’ai vengé en lui donnant une bonne leçon. » Dans son dos, Geist était inconsciente, prisonnière du Lunatic Bind. _ « Bien. Je vais rejoindre Bunyip maintenant. Heureusement qu’il me reste mon animal de compagnie pour me consoler. _ Attends, lui répondit la tête arrachée de Mick ! _ Mick, s’étonna-t-elle, ce n’est pas possible ?! Tu ne parles pas ?! _ Je ne suis pas censé cracher du feu non plus, articula-t-il les lèvres. _ Mais si tu fais cela, c’est parce que je t’enchante avec mon cosmos ! Donc là, si tu parles, c’est que… » Elle se tourna d’instinct vers Geist toujours étendue. _ « C’est que quelqu’un est capable de produire des illusions avec le sien, poursuivit Mick. » L’ourson lui balança une déflagration semblable à celle reçue par Rumi. Prise à revers, Emony fut balayée dans un cri de souffrance par son propre piège. _ « Phantom Genwaku Ken, se redressa Geist en invoquant son arcane ! » Retombée tête la première, face contre sol, Emony pleurnicha de colère. Comme une enfant gâtée, elle tapotait des poings en se relevant : « Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Tu as joué avec Mick alors que je ne t’y ai même pas autorisé ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! » Aussitôt sa crise passée, Emony fixa du coin de l’½il Geist avant de foncer sur elle à une vitesse que la mercenaire ne lui soupçonnait pas. Elle lui asséna un coup de tête. Reculant d’un pas, Geist voulu réagir mais sa droite brassa de l’air car Emony retomba au sol en tournoyant sur elle-même. A peine elle eut regagné le sol avec ses pieds, elle cogna à hauteur du genou avec sa jambe Geist, afin de la faire plier légèrement. Puis totalement, grâce à un direct du gauche dans l’estomac qui la fit se pencher en avant. Emony n’eut plus qu’à bondir vers l’avant pour frapper avec le sommet de son crâne le menton de Geist, afin de l’étourdir et déclencher sa seconde technique : « Innocent Glumness ! » Cette fois-ci, les lobélies prirent la forme de papillons par centaines qui rossèrent toutes la surface du corps de Geist. Elle retomba plus loin, incapable de réagir. _ « Tu pensais t’extraire facilement de mon Lunatic Bind n’est-ce pas ?! Certes il n’est pas parvenu à te faire plonger dans un cauchemar éternel, mais il a quand même absorbé peu à peu tes forces ! _ Voilà donc pourquoi il m’est difficile de répondre à ses mouvements alors que je parviens à les lire, grommela Geist en se relevant. _ L’Innocent Glumness est une technique de coups plus directs. Maintenant que tu es affaiblie, ce coup à la vitesse du son me suffit. _ J’ai donc perdue en vitesse et en force de frappe. Mon prochain coup devra donc t’être fatal ! Phantom Genwaku Ken ! » Cette fois-ci un varan énorme se matérialisa entre Geist et Emony. En tournoyant sur lui-même, l’animal asséna un coup de queue qu’Emony esquiva sans mal. Dans son geste, elle recula jusqu’au fronton d’un temple en ruine couvert de mousse. C’est là qu’Emony se retrouva immobilisée malgré elle. Geist matérialisa de nombreux avant-bras similaires à ceux de sa protection pour la clouer contre la pierre. Profitant de la restriction et de l’effet de surprise, Geist apparut à la vitesse du son devant la gamine. Elle planta ses griffes dans ses yeux et ses joues avant de libérer tout son cosmos : « Thunder Claw ! » Dans la gerbe de sang qui jaillit de la prise, s’insinua la foudre libérée par les Griffes de Tonnerre. Parcourue au plus profond de ses entrailles par les éclairs, Emony convulsa pendant que sa peau noircissait sous la combustion… A la sortie d’Honkios, dans le canyon délimitant la ville au reste du domaine, Shaina pouvait compter sur la force colossale de son élève pour assurer ses arrières. L’Italienne taillait en pièce chaque adversaire. Comme de la mauvaise herbe, aussitôt une déracinée, trois autres poussaient. Cassios veillait à ce que celle qu’il aimait en secret ne soit pas prise à revers. Ecrasant leurs crânes entre ses mains, broyant leurs os, les repoussant par de grosses charges, il se démenait comme un diable tout en faisant la fierté du Saint d’argent de l’Ophiuchus. _ « Cassios a énormément progressé ces dernières semaines. Néanmoins, sa maîtrise du cosmos reste limitée. Son endurance faiblit. Il s’épuise et bientôt, il n’arrivera plus à me suivre. La route vers le camp est encore longue. J’ai senti le cosmos de Geist brûler intensément avant de faiblir. Je dois vite la retrouver. Mais je ne peux pas abandonner Cassios ici. Il se fera vite submerger… » C’est alors que la voix roque d’un ami la sortit de ses pensées : « Herakles Mo Shu Ken ! » Deux météores immenses vinrent heurter la base d’une falaise et ensevelir pas moins de la moitié des Dryades qui bloquaient le passage. Tombant à en secouer le sol devant son frère les mains sur les genoux, Docrates se joignit à la bataille : « Allons Cassios ! Un peu plus de cran ! Après tout, tu concoures pour devenir Saint ! Tu ne veux pas finir mercenaire comme ton frère ! » Cassios sourit de joie, comme Shaina sous son masque. _ « Docrates ! Ton aide sera la bienvenue, lâcha-t-elle. _ Et les notre ne seront pas de trop non plus, ajouta une nouvelle silhouette postée en haut d’un rocher. _ Algol ! Lieutenant du Nord ! _ Je ne suis pas seul, hocha la tête vers sa gauche le bien nommé. » En effet, trois autres Saints d’argent venus de l’Est tombaient à pic. _ « Dio ! Sirius ! Algethi ! Le trio argenté ! Lieutenants de l’Est ! Vous êtes là aussi, s’enthousiasma Shaina ! _ Tous les guerriers, Saints, soldats ou apprentis, se réunissent autour du camp pour bloquer la retraite des Dryades et escorter les femmes Saints souhaitant apporter leurs renforts, commença Dio. _ Il est donc normal que nous nous rejoignons tous, poursuivit Sirius. _ Nous allons te dégager le passage jusqu’au camp, entrechoqua ses poings Algethi ! »
Sur l’Utérus, au cinquième étage, Georg avait le visage plaqué sur le sol de glace. La fraîcheur du parterre soulageait ses plaies, tandis que l’eau qui ruisselait des colonnes nettoyait son sang en rejoignant l’évacuation au centre de la plateforme. _ « Parmi les Saints d’argent, je sais que je ne fais pas parti des plus rapides, songea-t-il. Mais lui, il fait clairement parti des Saints d’exception de notre caste. Pourtant, la force de frappe de mon éclair peut clairement le vaincre… S’il n’avait pas ce maudit bouclier ! _ C’est presque trop facile, le sortit Jan de ses songes. C’est à se demander ce qu’a donné l’instruction des Saints depuis ces derniers siècles, se tourna-t-il en direction du quatrième niveau. _ Je ne peux pas abandonner maintenant, se résigna Georg. S’il descend par-là d’où je viens, il prendra Juan en étau avec son adversaire ! » Faisant irradier son cosmos dans son dos, dessinant la constellation de la Croix du Sud, Georg reprit sa garde : « Attends ! » Jan se dissimula aussitôt derrière une colonne de glace pour jouer de son reflet. _ « Alors la leçon ne t’a pas suffi ? _ Le combat n’est pas encore terminé, tira-t-il un éclair en direction de Jan en détruisant trois piliers sur son passage. » Jan dégagea l’éclair d’un revers de bouclier avant d’aller se cacher derrière un autre. _ « Mais qu’est-ce que tu veux faire pauvre fou ? Briser tous les piliers de ce niveau ?! Un tel geste ferait s’effondrer le niveau supérieur qui écraserait tous les étages inférieurs et précipiterait tes amis dans une mort certaine. Est-ce ce que tu veux ? » La clairvoyance de Jan le désarçonna. Jan ne se cachait pas par faiblesse depuis le début. Il n’agissait ainsi que par stratégie. Dans le but d’entraver les actions entreprises par Georg. _ « Il a raison, serra les dents Georg de colère. A moins de faire mouche avec un éclair dans lequel j’aurai mis toutes mes forces, je ne pourrai pas éternellement détruire la structure. Mais si je réduis ma force de frappe pour épargner les colonnes, je ne viendrai jamais à bout de lui, baissa-t-il sa garde. _ Puisque tu veux mourir je vais exaucer ton v½u, le provoqua Jan ! » Une goutte d’eau tomba du plafond de glace sur le sommet du crâne du Saint. Ses yeux s’écarquillèrent alors en grand : « Un éclair ne suffira pas ! Je dois d’abord l’immobiliser pour ensuite déchaîner contre lui toute ma cosmo énergie ! » Une seconde, puis une troisième goutte, suivirent la première. Avant qu’un filet d’eau ne s’en suive. Serrant les poings et grondant pour se donner du courage, Georg poussa son cosmos à son paroxysme : « Oh non je ne souhaite pas mourir ! J’ai une mission bien trop grande à remplir pour accepter de mourir en espérant que les générations futures me libéreront ensuite du Cocyte ! C’est aux Saints de cette génération et à moi-même de faire ce qu’il faut afin de ne pas revenir un jour en Ghost Saint fanfaronner sur nos exploits passés qui n’ont pourtant servi à rien ! Alors aujourd’hui, comme demain, je lutterai jusqu’au bout pour ne pas mourir ! Geistig Blitz ! » Alors qu’il attendait dissimulé derrière un pilier cristallin qu’un nouvel éclair balaye l’horizon jusqu’à lui, Jan constata désarçonné que Georg libéra une simple fulgurance en direction du plafond. Plus précisément, sur le filet d’eau qui lui gouttait dessus. Aussitôt, l’étage tout entier resplendit d’éclairs qui se répandaient du sol au plafond, d’un pilier à l’autre. L’effet miroir de la structure électrisa Jan frappé de toute part. Soulevé du sol, pris par d’innombrables spasmes en raison du courant qui traversait son corps, il ne perdit pas pour autant son air narquois. _ « Tu as beau sourire, ton bouclier ne t’est plus d’aucune utilité ici ! _ Qu’importe ! Pour conduire ton électricité sans briser la structure tu en as réduit la force ! C’est bien trop peu pour me vaincre ! _ Alors je viendrai te briser moi-même ! » Gardant son index droit pointé au plafond, Georg fonça le poing gauche chargé de cosmos sur Jan : « Geistig Blitz ! » Malgré ses contractions, Jan demeura plus rapide que le Saint et se cacha derrière son bouclier pour contrer à nouveau le poing d’éclair. Poing contre bouclier, index au plafond, Georg se servit alors de la conduction de l’électricité dans l’étage pour pousser davantage son cosmos contre Jan, tout en prenant soin de localiser l’impact. Les spasmes devinrent alors plus conséquents. A chaque mouvement de membres, les vaisseaux sanguins de Jan bouillonnaient un peu plus, éclatant l’un après l’autre. La Leaf ne tint pas plus longtemps et, à l’endroit même où son corps se meurtrissait, la protection s’ébréchait. Le Ghost Saint abandonna sa mine provocatrice et s’inquiéta plus sérieusement de la situation. L’Ecu, symbole de sa constellation, irradia dans son dos tandis que les éclairs crépitaient sur sa peau. Plus son cosmos émanait de lui, plus les éclairs étaient repoussés. _ « C’est impossible, vit Georg la victoire s’échapper un peu plus ! » Enfin, il dégagea de son être une bulle de cosmos qui lui servit de bouclier contre lequel ricochèrent sans effets les éclairs. Toujours en lévitation, cette fois-ci grâce à l’effet de son blindage, Jan tournoya de plus belle : « Je t’avais dit qu’au-delà de mon armure, j’avais fait de mon cosmos et de mon être un bouclier ! Bone Crush Screw ! » La Vrille Briseuse d’Os retomba sur Georg qui resta immobile, abandonnant sa conduction d’électricité après avoir raidi son corps, comme s’il contractait tous ses muscles pour tenter d’encaisser l’attaque. Au moment du choc, Jan perfora le sol, passant au travers de Georg dont la silhouette apparaissait pourtant encore. _ « Geistig Blitz ! » Georg usa de faisceaux d’éclairs pour laisser dans la rétine de Jan son image rémanente. Jan comprit trop tard qu’il s’était empêtré dans la silhouette résiduelle faite d’éclairs. C’est quand il constata que le vrai Georg était face à lui, prêt à décocher un nouveau coup, qu’il comprit que la crispation de Georg plus tôt n’était en fait qu’une accumulation de cosmos. Jan était prisonnier de son coup le plus puissamment frappé. Dès lors, son cosmos et ses gestes entravés par la cage de foudre, il lui fut impossible de dresser son bouclier devant lui. Jan voyait son autre point fort, après la défense, sa vitesse, être obstrué. _ « Geistig Blitz ! » Héros du passé, au prix d’un effort considérable, s’en rompant les nerfs, le Ghost Saint de l’Ecu réussit au dernier instant à ériger son écu devant lui pour se protéger. Toutefois, c’est un nouveau Georg fantôme d’éclairs qui vint choquer contre. _ « Comment, déplorait d’incompréhension Jan ?! _ Geistig Blitz, relança cette fois-ci juste sous ses yeux le vrai Georg ! » Là, Georg put pallier à sa lenteur en déclenchant sa plus grosse qualité, sa force de frappe. Le poing chargé de tout son cosmos, il libéra une boule d’éclairs. Son coup traversa net l’écu, arracha le haut du bras puis pénétra le c½ur de Jan. Interloqué, reprenant difficilement son souffle, le Ghost Saint eut le regard brisé. Tenant encore debout grâce au poing logé dans sa poitrine, il balbutia : « Plutôt que frapper par violentes ondes de choc… Tu as concentré ta force en des points précis… Pour m’immobiliser… M’affaiblir… Puis amoindrir la résistance de mon bouclier… Tout ça en transformant ton corps en bouclier d’éclairs… Des éclairs qui ont finis par me transpercer… Le meilleur bouclier… Au service de la meilleure attaque… C’est toi qui les as détenus au cours de ce combat… Ma trahison envers Athéna me réservera des châtiments encore pires que le Cocyte à présent… Ne tombe jamais dans mes travers… Ne regrette rien… Et tiens parole… Que ta génération et toi-même alliez au bout de ces Guerres Saintes… Libérez le monde de ces dieux tortionnaires… » Puis, balayé par une bourrasque qui rafraîchit l’étage, Jan s’émietta comme les feuilles d’une fleur fanée emportée au gré du vent. Au bord de l’épuisement, Georg commença à flancher quand soudain un bras au large écu le soutint. Celui-ci était argenté et familier. _ « Heureusement qu’une fois de plus j’étais là, badina Juan ! _ Te voilà enfin arrivé, il t’en aura fallu du temps, grimaça de douleur Georg ! _ Si peu, commença-t-il à flancher à son tour avant que Georg ne le retienne. _ Je pense qu’en nous soutenant l’un l’autre nous arriverons les premiers au palais d’Eris pointa-t-il du doigt l’escalier de cristal droit devant eux. »
En dessous d’eux, au dehors de la salle de l’Utérus où Aiolia combattait, il ne restait plus rien. Le choc de l’affrontement entre Mayura et Até avait emporté tout l’étage. Il n’y avait guère que les colonnes, désormais toutes effritées, qui soutenaient tant bien que mal les niveaux supérieurs. Les nombreux couloirs, les ornements et autres décorations, tout avait été arraché. Les murs emportés. Le jour passait et traversait l’étage par tout son pourtour. Sur le sol de pierres blanchies, creusé comme le plafond par l’explosion, Mayura, fort diminuée, redressait difficilement son buste. Tenant sa tête au masque fissuré depuis son impact à l’½il, elle chercha instinctivement son ennemie. Celle-ci avait repris forme humaine. Du moins, pour ce qu’il en restait. Até rampait à l’aide de son seul bras gauche. L’autre ainsi que ses jambes furent emportés. Ses cheveux avaient brûlé. Ses dents brisées étaient visibles puisque sa mâchoire était fracturée. Néanmoins, elle paraissait plus prompte à achever son adversaire que ne l’était Mayura. Etourdie, engourdie, la Saint d’argent voyant poindre le danger sans pouvoir s’en dépêtrer. C’est alors que la voix salvatrice de Rigel la rassura : « Ignis Fatuus. » Des flammes bleues et blanches encerclèrent alors Até avant de se replier sur elle. Recroquevillée sur elle-même, la Dryade fixait avec désarroi l’amant de Kyoko qui la toisait avec dédain. Carbonisée peu à peu, Até put voir dans les yeux de Rigel sa ranc½ur envers elle après l’assaut du Sanctuaire. Rigel acheva le tas de cendres en le piétinant. Il aida ensuite Mayura à se remettre sur pieds : « Félicitations Mayura, tu es venue à bout de la chef des Dryades. _ Je n’y serai pas parvenue sans toi, assura-t-elle avec modestie tout en touchant l’armure corrodée de son ami. _ Oui, comprit-il, j’ai moi-même rencontré quelques obstacles avant d’arriver jusqu’ici. » Pour accompagner leurs congratulations, un tapotement de main, mimant lentement un applaudissement, les ramena à eux. Vêtue de sa toge de Saintia, dissimulée sous un masque de démon, Olivia se joignit à eux. Le masque noir et amarante contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux. C’est cela et ses cheveux violets qui induirent Rigel en erreur : « Kyoko, s’éprit-il en avançant spontanément vers elle ! _ Non, le retint Mayura par le bras ! Elle lui ressemble, son aura lui ressemble, mais si tu te concentres bien, tu verras que ce n’est pas elle. » Le Saint d’Orion stoppa sa progression et s’exécuta. _ « En effet. Leurs cosmos sont familiers à bien des points. Mais ce n’est pas le sien. _ Rejoins Eris et vite. Laisse-moi avec elle. Tu ne l’intéresses pas. Pas encore en tout cas. _ Pas encore ?! _ Elle se serait déjà mise en travers de ta route si ça avait été le cas. » Rigel s’exécuta alors. Il prit la direction empruntée plus tôt par Juan et Georg en prenant soin de ne pas perdre de vue Olivia de crainte de subir une attaque dans le dos. Une fois seules, Olivia ôta son masque pour fixer de ses grands et beaux yeux bleus la femme Saint. _ « Je ne sais vraiment pas comment vous faites les femmes chevaliers pour porter un masque à longueur de temps. _ Tu aurais peut-être pourtant dû en porter un à l’époque vu comme tu t’es détourné du v½u pieux des Saintias. Une vie de Saint plutôt que de Saintia t’aurait mieux convenu. _ Toujours à redresser les torts de tes semblables Mayura, souriait-elle de sa mine angélique. Certaines choses ne changeront jamais. _ Contrairement à d’autres. Malgré que tu ais trahi le serment chaste des Saintias, je ne t’aurai jamais cru capable de te lier un jour à Eris en tant que Fantôme. _ Elle est ma fille. C’est tout naturellement que je me suis jointe à elle. Quand dans les entrailles du Sanctuaire l’Utérus m’annonçait le retour d’Eris qui se réincarnerait en une de mes filles, j’ai toujours pensé que Shoko serait choisie mais… _ Mais au final Kyoko était toute disposée ! Après tout, elle suivait le digne chemin prit par sa mère ! » Pour réponse, Olivia arracha sa tunique. Habillant son corps nu, une Leaf fine et moulante épousait son corps. Cette fois-ci couverte de ténèbres et de sang, Olivia garda son sang-froid. _ « Tout à fait. D’ailleurs je trouve qu’elle a meilleur goût que moi pour les hommes. Ce Rigel est très beau et parait bien plus sincère en amour qu’il ne l’est en chevalerie, contrairement au père de mes enfants. _ Aeson n’a fait que son devoir. C’était la pire punition qu’il put recevoir pour expier sa faute. Le fait qu’il l’accomplisse était tout à son honneur. _ Comme tu as accompli le tien mon amie, restait-elle douce. _ Si j’ai accepté de confier tes filles à un soldat du Sanctuaire, c’était justement par fidélité en notre amitié. Nous avons fait nos classes ensemble. Je ne pouvais pas laisser tes enfants, nées d’un péché à l’encontre d’Athéna, être condamnées à mort. La sentence dans ce cas est irrévocable. Et pourtant, en prenant le risque d’être désavouée et en le demandant au Grand Pope, j’ai obtenu pour elles la vie. _ En les cachant à leur vrai père, les condamnant à une vie de misère, tu n’as surtout pensé qu’à sauver ta peau. _ Pardon ?! _ Tu savais très bien pour l’existence de mes enfants. Tu étais présente lors des missions extérieures auxquelles j’ai pris soin de participer, pour vivre secrètement et loin du Sanctuaire mes deux grossesses. Tu savais qu’à chaque retour je les confiais à Aeson et venais les visiter en secret. Et quand nous fûmes découverts par le Pope, tu as surtout eu peur qu’il comprenne que tu étais dans la confidence et que tu sois condamnée toi aussi. _ Tu sais très bien que si cela avait pu t’épargner, j’aurai donné ma vie à ta place pour que ces enfants vivent auprès de leur mère. _ Balivernes ! Au lieu de ça tu es montée dans la hiérarchie au point d’être reconnue de tous ! De devenir la femme Saint la plus puissante du Sanctuaire ! Allant jusqu’à t’attirer les faveurs d’un des plus dignes Saint d’or ! _ Tu es devenue complètement folle. Du moins… Tu l’as toujours été… Par deux fois, à chaque naissance de tes enfants, je lisais dans le ciel qu’elles étaient nées sous la même étoile de mauvais augure. Je pensais que c’était ton parjure qui les avait condamnées. Mais en réalité, c’était l’essence même de ta personnalité qui a empoisonné leur destin. _ Comme nos bons vieux coups de gueule m’avaient manqué. Je sens que notre réunion de famille va être palpitante. _ Notre réunion de famille ?! _ Qui crois-tu que Rigel va trouver sur son chemin ? Son maître Aeson ? Ma fille ? Les deux peut-être ? Il ne manque que toi et moi à la fête ! _ Tout… Tout ceci… Tout ce qui se passe ici… Tout ça n’est donc qu’une mascarade ? _ Je peux te le dire puisque tu n’y survivras pas. C’était l’occasion pour ma fille de régler ses comptes avant que nous ne disparaissions un moment. Il ne manque hélas que Shoko. Mais nous aurons plaisir à la rallier à nous lorsque le vrai moment sera venu pour Eris d’être sur le devant de la scène, en pleine disposition de ses moyens. _ Rallier Shoko ?! _ Comme moi, écarta-t-elle les bras d’un air chaleureux. Comme Aeson le fera, pétri de remords qu’il est. Comme Rigel le fera, amoureux éperdu qu’il est. Bientôt les Dryades ne seront plus que des sous-fifres dirigés par les Fantômes d’Eris, notre famille enfin réunie. _ Tu es complètement folle, je dois t’arrêter coûte que coûte, dit Mayura en se mettant garde. » Tout en paraissant délicate, Olivia concentra sa cosmo énergie. Elle dessina dans son dos une chouette d’un blanc immaculé. _ « Symbole d’Athéna, je ne garde de la chouette que ses chuintements, ses cris stridents, son vol fantomatique et ses cavalcades, afin d’accréditer une présence spectrale. La chouette effraie, appelée communément la dame blanche, va te dévorer ! » La chouette cosmique déploya ses ailes pour faire face au plumage radieux du Paon. Le plumage d’Olivia devenait de plus en plus grand. Menaçant. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile devint un voile, un effluve spectral. _ « Je vais supprimer le poison qui se niche dans ton c½ur : Hisen Hajakuchobuku, s’élança Mayura en première ! » Les yeux noirs de la chouette transpercèrent en plein élan Mayura, perçant chaque épaule pour mieux stopper sa course et l’immobiliser. La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte vint engloutir la Saint d’argent à la tentative annihilée. _ « Yokai O Musabori Kuu ! »
Dans la salle du c½ur de l’Utérus, le sang s’étirait du visage d’Aiolia jusqu’au sol sous la forme de filaments. A genoux, commotionné, écorché et estropié, Aiolia distinguait mal ses adversaires de ses yeux gonflés d’hématomes. Hysminai posait sa main sur le torse de Galan pour le féliciter. Le corps du Fantôme profitait des clignotements rubiconds du c½ur de l’Utérus pour résorber ses blessures. Des écorces de bois cicatrisaient ses plaies. _ « Son King’s Roar est de plus en plus fort et de plus en plus développé à chaque utilisation. Eris a gorgé sa vie de plus de puissance, constatait Aiolia. Et l’Utérus le dope continuellement, allant jusqu’à le transformer en monstre. J’ai tellement été abasourdi par la nouvelle de sa mort, que je me suis refusé de le condamner à nouveau. J’aurai tellement aimé l’épargner… Le sauver… Mais là… Il n’a plus rien d’humain… Ce monstre risque de me surpasser. Et avec cette Dryade de haut niveau, je risque d’échouer. » Peinant à se mettre debout, Aiolia redressa d’abord son buste en se forçant à rester à genoux. Galan, pris au piège de l’Evil Seed planté en lui de force, resta admiratif. L’image du jeune Aiolia qui se teintait les cheveux de cuivre il y a presque dix ans, mais qui faisait déjà preuve d’une grande détermination, lui revint en mémoire. Pour taire la douleur, Aiolia fit brûler son cosmos à son paroxysme. Galan ne put refreiner de son ½il humain une larme de compassion. Son geste de courage agrandit les plaies du chevalier. Son cosmos scintillant fuyait son corps en se mêlant à son sang. Prenant du plaisir en admirant la douleur d’Aiolia, Hysminai commenta : « Son corps meurtri ne peut contenir un tel flot d’énergie. Ses hémorragies font s’aggraver. Son sang va s’échapper. Il va se vider de son cosmos. Du coup, il ne pourra concentrer en lui aucune force. Il est à ma merci. » Ne réalisant pas que le cosmos d’or s’extirpait des particules de sang et remontait dans les airs, Hysminai fonça sur Aiolia. Temporairement émancipé de l’Utérus, Galan identifia l’attitude d’Aiolia : « Photon Invoke. » _ « Cette technique est à double tranchant… J’ai besoin d’encore un petit peu de temps… Je ne vois pas d’autre moyen de détruire l’Utérus. Mais il va falloir que je me débarrasse d’Hysminai avant qu’elle ne se rende compte de la supercherie. » Lorsqu’elle arrive à sa portée, il déclencha un Lightning Plasma dont elle ne soupçonna ni la force ni la vitesse. Elle s’écrasa plus loin au sol après avoir été repoussée dans les airs. _ « Ah ! Il te restait encore tant de forces, se rétablit-elle avant de sourire, mais c’est désormais trop peu pour me résister. » Aussitôt, des entailles nouvelles et profondes déchirèrent la peau d’Aiolia qui n’avait rien vu de la contre-attaque : « Elle se relève comme si de rien n’était, s’inquiéta-t-il. Normalement cette attaque aurait dû la diminuer davantage… _ Tu te demandes comme se fait-il que je contre tes attaques et les encaisse si bien, lut-elle presque dans ses pensées ? Regarde tes cuisses, sur lesquelles tu prends puissamment tes appuis lorsque tu attaques. Regarde tes bras, desquels tu fais jaillir ta force. Depuis le début du combat, ces points sont lacérés de plus en plus profondément. Laissant mon cosmos s’insinuer en toi. Il t’empoisonne. Et tandis que ta vie se dérobe, je peux maintenant voir la vitesse de ta technique décélérer et comprendre quels coups encore mortels je dois esquiver et ceux que je peux encore encaisser. Tout en ayant le temps de placer ma technique. Serrated Blade, repartit-elle à nouveau à l’assaut ! _ J’encaisserai tes lames jusqu’au bout ! Tant que je n’aurai pas eu raison de toi ! Lightning Plasma, lui barra-t-il la route de son bras droit ! » Hysminai se fraya un chemin entre les jets de lumière. Ses boomerangs coupants pénétraient sa peau et entamaient chaque fois un peu plus profondément sa Cloth. Quelques heurts ralentirent malgré tout la progression d’Hysminai et, lorsqu’elle arriva à hauteur du Lion pour lui trancher la tête, il lui barra la route en dressant son bras gauche chargée d’une boule de cosmos crépitant d’éclairs. Au contact de la Dryade, ce Lightning Bolt doubla de volume pour avaler sa poitrine puis doubla à nouveau pour engloutir son corps tout entier et la repousser jusqu’au précipice, la Leaf arrachée. Tête baissée, visage ombragé, Aiolia semblait avoir perdu connaissance après un tel exploit. Dans la salle, les particules de cosmos libérées par ses effusions de sang gagnaient encore en puissance et en éclat. Elles demeuraient en suspension dans l’air comme une nuée d’insectes. Bras encore tendu, instinctivement combatif, Aiolia fut ramené à lui par une douleur lui déchirant les entrailles. Son premier réflexe fut de chercher Hysminai. Cependant, celle-ci demeurait étourdie là où il l’avait vu retomber quelques secondes plus tôt sous le coup du Lightning Bolt lancé par surprise. En baissant son visage ruisselant de sang, il identifia la douleur en reconnaissant quelque chose de semblable à une branche qui lui a perforé les côtes droites du dos vers le ventre. Légèrement suspendu dans les airs par le bras difforme et allongé de Galan, il pivota son buste en derrière. _ « Non… Ce n’est pas vrai… Il y en a marre… » Encore une fois, le Fantôme avait un élan belliqueux, l’Utérus l’avait réinvesti. Malgré tout, Galan continuait de reconnaître la technique à venir d’Aiolia : « Cosmo Open. » A cet instant, Aiolia comprit : « Il s’est souvenu des étapes de ma technique. Et l’Utérus en infiltrant sa mémoire anticipe. » De nouveau, le Fantôme développa une dysmorphie encore plus grossière, témoignant de la surenchère de puissance qui rongeait Galan. Pour la première fois, il ne put contenir un hurlement. Véritable rugissement de folie et de souffrance. Son membre végétal grossissait de l’épaule au bout de ses doigts, agrandissant ainsi l’orifice qui maintenait Aiolia suspendu. Tandis qu’il déplorait son impuissance, épargné encore de l’écartèlement grâce à sa Cloth d’or qui s’évertuait dans de très aigus crissements à ne pas se briser davantage malgré la trouée faite dans son buste, Aiolia eut le souffle coupé en voyant Hysminai déjà reparti à l’assaut. Le plastron détruit, le casque brisé, les crans aux bras et aux coudes arrachés, la Dryade brandissait au-dessus de sa tête un morceau de lame de sa Leaf qu’elle ramassa dans la mare de sang où elle gisait plus tôt. A sa merci, Aiolia compta sur des abdominaux quotidiennement travaillés pour se gainer à la dernière seconde et opposer d’un mouvement acrobatique le poing de Galan sortant de sa poitrine plutôt que le sommet de son crâne. Le geste désespéré de la Dryade amputa Galan et permit à Aiolia de s’en extirper dans une vague de sang. Ne pouvant contenir l’hémorragie que maintenait la pression du bras de Galan dans sa plaie, Aiolia fut emporté avec Hysminai par la vague de sève qui fuyait également l’amputation de Galan. Le vert blanchâtre de sa sève roula les deux opposants plus loin, laissant au sol une traînée de liquide visqueux. Très vite, la plaie de Galan cicatrisa pour laisser apparaître par-dessus son moignon de nouvelles pousses déjà prêtes à éclore. En même temps, à terre, la sève s’évaporait sous l’effet de la chaleur du sang doré d’Aiolia. Celui-ci rejoignait en de nouvelles particules toutes les autres déjà en suspens dans l’atmosphère. Au bord du précipice, ruisselant d’hémoglobine, Aiolia commença à se tenir à nouveau sur ses jambes. Quand tout à coup, Hysminai, dépassée par la situation, les lui balaya pour entamer un corps à corps. Meurtrie par ses blessures, elle était devenue trop lente pour mettre en danger le Lion. Ses coups de poings faisaient mouche mais ne parvenait en rien à faire incliner Aiolia. Chacun leur tour, l’un frappait l’autre. Tour après tour, la jeune femme se remettait de plus en plus difficilement de chaque coup encaissé et frappait de moins en moins fort les siens. Condamnée, elle fut sauvée par un dernier rugissement de Galan. Ce qui restait de sa Leaf avait volé sous la pression de son corps aux proportions absurdes. Putréfiée comme un fruit trop mûr, son épiderme craquelait pour laisser couler sur son corps un fluide oscillant entre le vert Véronèse et le marron. Il se jeta sur Aiolia alors qu’Hysminai était à sa merci. _ « Bordel ! Ce n’est pas vrai ! Ça ne va pas recommencer ! _ Oui ! Vas-y Fantôme d’Eris ! Accompli la volonté de l’Utérus et offre-toi une vraie vie bien plus héroïque que ta minable existence humaine ! » Aiolia ferma les yeux un instant, désespérément. Reprenant son souffle. Puis expirant plus posément. Abandonnant toute défense, tenant de sa main gauche son poignet droit qu’il leva en l’air, Aiolia tempéra les propos d’Hysminai : « Galan. Tu as vécu ta vie. Peut-être pas une vie aussi grande ni aussi belle que celle que tu aurais aimé. Mais cette nouvelle existence menace celle d’autres vies prometteuses et innocentes. Comme celle de Lithos… _ Toutes ces particules, remarqua enfin Hysminai les scintillements dans l’air… On se croirait dans l’espace… Au milieu des étoiles, commença-t-elle à tendre la main vers l’une d’elle… » La lumière se posa dans sa main puis pénétra à l’intérieur. Puis d’autres lui tombèrent dessus, sans la moindre douleur. Elles disparaissaient en son sein. En faisant le tour d’elle-même, le phénomène se produisait de même sorte sur Galan et l’Utérus. _ « … Elles traversent la matière, à la manière, écarquilla-t-elle en grand les yeux lorsqu’elle comprit trop tard, de véritables photons ! » Bras au ciel, Aiolia provoquait le déplacement des photons vers ses adversaires. Les bras grands ouverts pour mieux le capturer dans son étreinte, le front suintant de décomposition, Galan bava : « Photon Drive ! » Hysminai aussi commença à se jeter sur le Saint d’or. La menace était si sérieuse que la scène lui parût interminable. Comme bloquée, au ralenti, avec Galan, coupée de cette dimension, élancée dans les airs, elle était suspendue aux lèvres d’Aiolia qui poursuivait sa déclaration à Galan : « … Pour cela, je ne peux te laisser continuer. Mais avant de mettre un terme à cette torture qu’Eris t’inflige, je veux que tu saches que pour moi, ta vie fut grande. Tu fus un grand homme. Par ton sens du devoir, du sacrifice, pour ceux que tu aimes. Pour ta patience et ta foi envers un Sanctuaire qui ne t’a rien épargné. Tu as éduqué et canalisé le lionceau que j’étais. Tu m’as fait devenir lion après que le chaton a marché dans tes pas de grand fauve. Tu n’es pas un lion noir au service d’Eris. Tu es un lion majestueux à la crinière flamboyante. Et c’est des crocs du jeune animal, que tu as épaulé que tu vas pouvoir reposer en paix à jamais ! _ De quelle paix lui parles-tu, vociféra Hysminai toute proche ? Il sera condamné aux Enfers et torturé pour l’éternité si tu l’élimines aujourd’hui ! _ Dans ce cas Galan, ferma-t-il les yeux alors que ses deux adversaires étaient arrivés à un cheveu de lui, je te fais la promesse que nous détruirons le royaume d’Hadès et te libérerons du joug de sa servitude, rouvrit-il les yeux pour le fixer avec détermination ! Que ce soit moi ! Ou un autre Saint de cette génération ! Je l’épaulerai ! Je lui donnerai ma vie pour qu’il y parvienne ! Mais je te le promets ! Et tu sais à quel point je suis un homme de parole Galan ! » Là, dans ses yeux devenus globuleux, Galan reprit dans son ½il bleu une expression chaleureuse. A cet instant, par millions, des trouées de lumière jaillirent de l’Utérus. Des pieds au sommet, d’un côté à l’autre, tel un soleil perçant un fin rideau de soie, les photons explosèrent. _ « Photon Burst, conclut le Saint d’or ! » Comme des lasers qui lui traversèrent les yeux, Hysminai fixa vainement Aiolia avant d’être anéantie de part en part. L’image de son invincible rival restant la dernière chose qu’elle emporta avec elle dans la mort. Irradiant d’un bout à l’autre, Galan acheva sa charge en étreignant Aiolia. Engourdi, incapable de se défendre, le chevalier ne sentit pas ses os se rompre. En effet, Galan ne cherchait plus à le briser. Il l’enlaçait affectueusement. Le poison quittait ses veines à mesure que les radiations jaillissaient de ses entrailles. Il lui murmura à l’oreille d’une voix aussi bienveillante que dans ses souvenirs : « Merci Aiolia. Pour aujourd’hui. Pour hier. Pour demain… » L'accolade devint moins insistante. Aiolia recula son buste et retrouva le Galan qu’il a affranchi. Amputé, borgne… et souriant. Au même moment, depuis les catacombes, une lumière solaire remontait et corrodait l’arbre. Etage après étage, la végétation s’assécha et abandonna le maintien de la structure qui tombait morceau après morceau. A commencer par le sous-sol où Milo vainquit plus tôt Phonos… Face à eux, le n½ud de l’arbre ne clignotait plus comme pour simuler les battements d’un c½ur. Tel un rubis qui avait perdu de son éclat, il se fissurait. De ses craquelures, des rayons solaires baignèrent de lumière les deux amis. Aiolia réalisa que pour Galan, c’était le moment de se dire enfin adieu. _ « … Je suis fier de toi. Et je sais que tu tiendras ta promesse. Pas seulement pour moi. Mais pour tous ceux que tu as fait le v½u de protéger en devenant Saint. » Alors, ne laissant Aiolia lui dire à quel point il l’aimait, il ferma pour la toute dernière fois sa paupière et se laissa tomber en arrière, répandant dans la salle les éclats de lumière qui consumèrent son corps. Il disparut dans l’éclat qui remonta étage par étage et explosa chaque niveau au fil de son ascension. Sans voix, Aiolia n’eut pas la force de regarder dans le vide. Il cligna des yeux pour chasser ses larmes et leva la tête vers les étages supérieurs. Sa mission était accomplie. Il devait se hâter de rejoindre ses compagnons pour achever Eris ou s’assurer qu’elle soit emportée dans l’explosion de son palais…
Plus loin, Shaka, suivi de Naïra, poursuivait l’ascension de la ziggourat par le flanc gauche. Ils arrivèrent tous les deux au sommet de cette pyramide à étages. _ « Magnifique Seigneur Shaka ! Nous sommes parvenus les premiers ici grâce à vous, le congratulait-elle. » Shaka ne faisait pas montre du même optimisme. Marchant calmement, il fit le tour de la plateforme en baissant puis levant continuellement la tête malgré ses yeux clos. Une fois arrivé devant les deux obélisques qui marquaient la montée des marches vers le trône d’Eris, Shaka pointa enfin du doigt l’obélisque abîmé dans lequel fut encastré plus tôt Aeson : « Non… Nous ne sommes pas arrivés les premiers. » La Saint de la Colombe constata alors tout autour du pilier et sur les marches des traces de lutte, de sang, ainsi que des morceaux de Cloth. _ « En effet. A en juger les fractions d’armure ici présentes, au moins Aeson de la Coupe est parvenu jusqu’ici. _ Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est plus là. Il n’y a d’ailleurs plus personne à cet étage, pointa Shaka le trône d’Eris vide. _ Vous voulez dire que… _ Oui. Après avoir accueilli ici Aeson, Eris est ensuite descendue dans l’Utérus à la rencontre d’autres Saints. _ Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens ! _ Peut-être plus qu’on ne le croit. Avant d’être Eris, Kyoko était une habitante du Sanctuaire. Je suis convaincu qu’elle connaît certains d’entre nous ici présents. _ Mais alors… Aeson… _ Oui. Le fait qu’un Saint d’argent soit parvenu jusqu’ici sans même le Saint d’or qu’il accompagnait, et pas des moindres en la personne de Milo du Scorpion, a dû être possible du fait de la volonté d’Eris. Et d’ailleurs, où est-il à présent ? S’il a été défait, où est son corps ? _ Je n’aime pas ça. _ Moi non plus. Descendons. Il nous faut retrouver Eris au plus vite et achever cette mission avant que la situation ne nous échappe totalement. »
Un peu plus bas, Rigel repoussait un nouvel adversaire. Grand et indéniablement athlétique, cet homme Dryade croula sous une déferlante de flammes : « Cosmic Inferno ! » Il accourut jusqu’à la Dryade agonisante qu’il saisit par le col : « Kyoko ! Eris ! Est-elle encore loin ?! » Suffocant à son hémorragie interne, l’ennemi mourut pris d’un fou rire angoissant. _ « Ils ne diront rien. Même sous la torture les Dryades sont fidèles à leur déesse, le résigna une voix connue. » Lorsqu’il redressa son buste, Rigel reconnut son maître, désormais son pair. _ « Aeson ! Alors votre groupe avec Milo et Apodis est parvenu à progresser depuis votre position initiale ! » Le Saint au bandeau rouge demeurait immobile. Silencieux. _ « Allons, pressons-nous ! La direction des étages supérieurs est par… » Rigel ne put finir sa phrase lorsqu’il remarqua la teinte différente de l’armure de son maître. _ « Aeson ! Votre Cloth ! » D’ordinaire argentée, elle brillait cette fois-ci de ténèbres et de sang. _ « Il n’est pas la peine de poursuivre ta route. _ Que dites-vous ? Et que portez-vous sur le dos ? » Pour seule réponse, Aeson, le regard vague, s’agenouilla en sentant dans son dos l’approche d’une silhouette dans l’ombre. _ « Mon père a dit qu’il n’est pas la peine que tu montes davantage, lui répondit une voix de femme. Quant à ceci, c’est une Leaf, caressa Eris de sa main l’épaulette d’Aeson. _ Kyo… Kyoko ?! Aeson… Ton père ?! _ Laisse-moi donc tout t’expliquer avant que n’arrivent mes derniers invités… » Flashback
Assis au bord d’une falaise, Kyoko tend sa coupe à Mars qui la lui remplit. Ne restant qu’un fond, il la finit à la bouteille puis la balance suivit de sa coupe vide vers l’horizon que fixe Kyoko. _ « Tu bois beaucoup ma s½ur ! Ça ne fait qu’interrompre ton histoire ! _ Et toi tu bois mal mon frère ! Ça te rend grossier ! »
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« on: 3 January 2022 à 10h28 »
NEWS
Cette version du chapitre 23 est une version rééditée de la publication originale du 2 octobre 2011. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 27 December 2021 à 9h59 »
Chapitre 78
En Argentine, dans le night-club, en dehors de la chambre où Vasiliás se livre à un jeu salace, Tromos est arrivé d’un pas décidé à l’étage. Les yeux fixes et froids, il toise les sept veilleurs de Segador qui gardent la porte au bout du couloir. Un premier tend la main pour barrer le passage : « Qui t’es toi ? Pas un pas de plu… » Il n’a même pas le temps de finir sa phrase que Tromos lui retourne le bras, lui brisant ainsi tous les os. Ses camarades ne sont pas assez rapides pour dégainer leurs armes que le colossal Berserker zigzague entre eux pour les tuer d’un seul coup en frappant uniquement un point vital différent pour chacun. Avant de s’enfoncer dans la dernière pièce, il ramasse sur un des hommes de main une machette attachée à sa ceinture. Il s’en sert pour planter à hauteur de chaque rein le premier rempart au bras brisé : « Meurs en souffrance. C’est tout ce que tu mérites. »
En Grèce, Kyoko continue de raconter à Mars les détails du retour d’Eris sur Terre il y a trois ans. Sur la terrasse du café où elle a fait germer chez un couple les graines de la discorde, elle narre ses exploits en ignorant la dispute qu’elle a initié chez ses voisins de table…
Flashback Au Sanctuaire, à proximité du camp des femmes chevaliers, le mètre quatre-vingt-dix-sept de Voskos s’était recroquevillé pour concentrer son cosmos face aux Dryades qui venaient d’éclore. Le Saint de bronze du Bouvier chargeait de ses cent quatre-vingt-trois kilos une Dryade masculine : « Katapatisi Agria ! » L’adversaire subit le Piétinement Sauvage de plein fouet et retomba, les os rompus, à côté d’une autre Dryade déjà vaincue et qui fanait avant de finir en poussière. _ « Et de deux, se glorifia le rustre ! » Dans son dos, Xiao Ling reculait sous la pression de deux autres qui profitèrent que leurs deux alliées restantes barraient la route au rustre chevalier. _ « Fraîche, se lécha les lèvres une Dryade… _ Innocente, pressa le pas la seconde ! » Xiao Ling était acculée contre un bosquet. Lorsque la première se jeta sur elle, par réflexe, elle passa ses mains par-dessus sa tête pour saisir le tronc et, appuyant sur ses jambes, grimpa plus haut pour esquiver le coup. Enchevêtrée dans l’arbre, la Dryade n’eut pas le temps de s’en dépêtrer que Xiao Ling retomba sur elle d’un salto, le talon droit lui fendant le haut du crâne. Son premier assaillant vaincu, la Chinoise n’en demeurait pas plus rassurée malgré tout. Le second faisait déjà face, plus incisif. Avec quelques pirouettes et roulades, elle parvint à esquiver un moment, jusqu’à ce que l’ennemi finisse par planter ses griffes sur le bas de sa tunique, au niveau de l’entrejambe, la laissant à la merci de son autre main aux ongles acérés. Démunie, elle ferma les yeux, attendant le verdict. C’est alors que Voskos apparut dans le dos de la Dryade, lui attrapa l’arrière de la tête dans son immense pogne gauche et la lui éclata contre le sol, entre les jambes de la jeune femme fébrile. Éclaboussée par un sang qui n’était pas le sien, Xiao Ling rouvrit les yeux pour faire face au regard inquisiteur de Voskos : « M… Merci… » Sous leurs pieds, le sol tremblait des combats venant du camp des femmes chevaliers. Derrière Voskos, les dernières Dryades fanaient. Le colosse n’en tira aucune gloire. _ « Ne me remercie pas. Tu aurais dû parvenir à te défaire d’elle sans mon aide, demeura-t-il sévère. Surtout que tu es parvenue à en vaincre une. _ C’était un coup de chance. _ La chance… C’est comme le miracle dont parlait plus tôt le Seigneur Algol. C’est l’apanage des Saints. Nous créons notre chance. Nous accomplissons nos miracles. En surpassant nos limites. En brûlant notre cosmos. Tout à l’heure, tu es parvenu à défaire une Dryade. Tu as mêlé sang-froid, analyse tactique du terrain et technique de combat à laquelle tu as joins ton cosmos. Que tu l’ais brûlé inconsciemment ou non, il fallait au moins une once de cosmos pour parvenir à l’éliminer. _ Peut-être, baissa-t-elle la tête penaude… _ Je ne peux pas croire qu’une jolie jeune femme comme toi as traversé le monde pour venir jusqu’ici sans rencontrer d’embûches. Des gens malhonnêtes, mal intentionnés, tu as dû en rencontrer des dizaines. Pour t’en débarrasser, tu as dû surpasser ces gens, parfois équipés d’armes contemporaines. Certains chemins sont inhabités. Tu n’as pu voler pour te nourrir. Tu as compensé la faim en t’enveloppant de ton cosmos. Ou tu as chassé dans des lieux où seuls les grands prédateurs arrivent à se repaître. Ou peut-être les deux. Toujours est-il que c’est le cosmos qui t’a maintenu jusqu’ici. _ Peut-être, balbutia-t-elle à nouveau. Mais pourquoi me dire tout ceci ? _ Parce que nous sommes arrivés au camp, pointa-t-il du doigt le bosquet dont elle s’était servie plus tôt et qui marquait le début d’une dense forêt. Traverse la forêt et tu trouveras Rebecca. » Dans son dos, des hurlements de souffrances et de terreurs accompagnaient les tremblements de terre et les secousses cosmiques. _ « Mais… Mais… Je ne peux pas… C’est la guerre là-dedans… _ Justement ! C’est pour ça que tu dois aller y porter ton aide ! Nous autres, hommes, ne pouvons fouler cette terre bénie par Athéna. La seule chose que je puisse faire c’est empêcher la retraite des Dryades que vous, femmes, allez vaincre à l’intérieur ! » Xiao Ling aurait voulu se vautrer plus bas que terre. _ « … Je… Je ne serai qu’un poids… _ Un Saint n’est jamais un poids lorsqu’il risque sa vie pour défendre autrui ! _ Mais je ne sais même pas ce qui est en jeu dans cette guerre… _ Rebecca, celle à qui tu dois la vie aujourd’hui, risque la sienne pour sauver des innocentes prises au piège à l’intérieur et vaincre une menace qui pèse sur le monde ! _ Je ne suis pas aussi forte que Rebecca… _ Ton soutien lui donnera encore plus de forces ! _ J’en suis incapable… »
Dans les cieux, sur l’Utérus, Georg arpentait la bordure pentue qui longeait la chute d’eau vers le quatrième niveau. Il suivait la lumière du jour qui éblouissait le haut de cette montée. Une fois le halo de lumière passé, Georg débouchait sur le cinquième et dernier étage avant d’accéder au palais d’Eris. L’homme à la barbichette fut aussitôt ébloui par le reflet du soleil. Passant par réflexe sa main devant ses yeux, il abandonna sa garde, s’exposant ainsi à une vrille rouge qui s’enfonça dans son dos. Propulsé vers l’avant, la protection dorsale de son armure d’argent fissurée, il s’écrasa le front contre la première colonne qui lui fit face. Bien qu’amorti par son heaume, le choc fut suffisamment brutal pour que du sang coula de son front jusque dans ses yeux. Étourdi, il enroula ses bras autour du pylône pour tenter de garder l’équilibre. Cependant, sa prise glissait le long du pilier. Celui-ci était froid. Lisse. A mesure que ses esprits lui revenaient et que ses yeux s’habituaient à la lumière, il remarqua que la colonne était de glace. Comme toutes celles qui supportaient le niveau d’ailleurs. Des colonnes de glace qui soutenaient un plafond de glace. Plus il chercha à se reprendre, plus ses pieds s’éloignaient. Comme le plafond, le sol était semblable à un miroir. Légèrement incliné jusqu’à son centre d’où est sorti à l’instant Georg. D’architecture grecque, le cinquième niveau n’était ni de pierre ni de marbre, il était fait de glace. Le vent de haute altitude traversait cette plate-forme sans mur. Il glaçait les précipitations quand le soleil ne les faisait pas luire, pour s’écouler tel un ruisseau vers les étages inférieurs. Fasciné par ce jardin de miroirs, Georg comprit vite qu’en restant au centre de la plate-forme il était ainsi exposé malgré ses multiples reflets. D’un rapide coup de tête de gauche à droite, il identifia des milliers de réflexions de son adversaire. Un homme couvert d’une Leaf au rouge aussi ardent que sa tunique. _ « A en juger la forme de ton armure, celle-ci s’apparente plus à une Cloth. Tu es donc un Ghost Saint, déduisit Georg. Et par son profilage proche de celle de mon ami Juan, tu es un ancien Saint de l’Ecu. _ Oui, je suis Jan Ghost Saint de l’Ecu, on ne peut rien te cacher. J’espérais justement que ce soit ton ami qui m’affronte, afin que je prouve que de tous les boucliers de la Cloth de l’Ecu, ce fut le mien, forgé par mon cosmos, qui était le plus résistant ! _ Est-ce là tout ? Est-ce là ta raison d’avoir trahi ton serment envers Athéna, provoqua volontairement Georg ?! _ Quel serment ai-je trahi ? Je suis mort pour Athéna et souffre depuis des siècles et des siècles au Cocyte pour cela. Pour ma résurrection, j’ai promis fidélité à Eris. Nouvelle vie, nouveau serment. Voilà tout. _ Comme ta simplicité d’esprit me sidère, dit-il en fermant les yeux pour mieux se concentrer ! _ Vraiment, s’insurgea Jan ?! Il n’y a rien de compliqué à comprendre pourtant. J’ai fait de mon corps et de mon cosmos le bouclier destiné à défendre les idéaux d’Athéna. Des centaines d’années plus tard à avoir été torturé, Eris m’a fait réaliser que si nous n’avions pas été soulagés de nos peines au royaume d’Hadès, c’est parce qu’Athéna avait lamentablement échoué, génération après génération. Mon écu impénétrable lui avait juste servi à se cacher. Eris m’a alors offert de me libérer de mes tourments pour faire de mon blindage non pas une cachette mais plutôt un socle impénétrable permettant d’avancer. Je détruirai ainsi toutes les défenses d’Athéna pour prouver que la mienne demeure la plus efficace et qu’à défaut d’être une protection, elle peut être une arme, s’époumona-t-il ! Le meilleur bouclier au service de la meilleure attaque, scanda-t-il de toutes ses forces ! _ Je t’ai localisé, le surprit alors Georg ! Geistig Blitz ! » Georg concentrait jusqu’alors son ouïe pour trouver parmi tous les reflets son adversaire. Il lui fit volontairement hausser le ton pour lui balancer son Eclair Fantôme sous la forme d’un trait de foudre fracassant les colonnes sur son passage. C’est alors que la dernière colonne avant de frapper Jan venait d’être brisée, que la voix de son adversaire dans son dos le fit frémir : « Comment peut-on parler d’éclair quand ce petit courant électrique ne va pas plus vite que Mach 4 ! » Stupéfait, Georg se retourna avec un coup de coude qu’esquiva Jan en s’accroupissant. Georg profita qu’il soit abaissé pour frapper du poing vers le bas : « Geistig Blitz ! » Beaucoup plus rapide, le Ghost Saint dressa son bouclier devant lui. Georg s’y éclata la main, ébréchant sa propre Cloth. Déconcentré par sa fracture du poignet, il constata trop tard que Jan ripostait. Un direct du droit à l’estomac, doublé d’un gauche, suivi du même enchaînement au visage, le repoussant toujours plus loin sous l’impact. Avec du recul, pensant être à l’abri de l’allonge de son adversaire, Georg ne comprit que trop tard qu’il s’agissait de l’espace nécessaire à Jan pour déclencher sa technique. D’un saut dans les airs pour se donner de l’impulsion, il tourbillonna sur lui-même puis retomba pied en avant en plein torse de Georg : « Bone Crush Screw ! » La même Vrille Briseuse d’Os qui le prit par surprise à son arrivée, le fit cette fois-ci rebondir au sol pour mieux s’écraser ensuite contre un pilier de glace. Le long duquel il glissa lentement avant de s’écraser lamentablement parterre…
A l’étage du dessus, devant la chambre d’Eris, la déesse descendait les marches jusqu’à sa guerrière nommée Dame Blanche. Face à elles, le corps égratigné et fumant d’Aeson demeurait inerte. Sa Cloth d’argent était rayée sur toute sa surface. _ « Dame Blanche… Je n’aurai jamais imaginé que tu utilises si tôt ton Folklore Dévoreur. _ Je n’ai pu résister à ses paroles. Me faisant passer pour l’unique responsable de notre sort. Nous étions jeunes. Nous nous aimions. Nous savions très bien que ce que nous commettions en nous unissant alors que j’étais une Saintia, était un crime. Mais l’amour fut plus fort que tout. Je vous ai portées ta s½ur et toi, mises au monde en secret lors de missions de pèlerinage que je réclamais au Grand Pope Shion lorsque je découvris chaque grossesse. Chaque fois ton père était présent. Chaque fois il s’arrangea pour faire partie de la mission et revenir avec les nourrissons que j'ai fait naître en secret. Il présentait ces enfants comme des réfugiés des camps ennemis que nous visitions. Cela permettait de ne pas soulever trop de questions autour de nous et cela nous offrait suffisamment de bonheur quand je venais retrouver notre famille à Bifolco, ce village au Nord du Sanctuaire, lorsque je descendais en ville. Au temple des Saintias, nous n’étions pas débordées. Athéna n’était pas encore réincarnée. Cela nous laissait le temps d’être une famille presque normale. Puis un jour, le Grand Pope Shion annonça que l’arrivée d’Athéna serait imminente. C’est là que tout bascula… _ L’usurpateur, reconnut Kyoko… _ Tout à fait. Je ne m’en doutais pas. Peu de temps après, le Grand Pope Shion et son frère furent assassinés. Nous n’y vîmes que du feu. Pour nous la vie suivait son cours, loin de nous douter que l’usurpateur plaçait ses espions un peu partout sur le royaume. Je fus découverte. Cependant, il ne se passa rien, jusqu’à ce jour où Athéna vint au monde. Elle était belle. Chétive mais radieuse. Elle me rappelait ta s½ur et toi lorsque je vous prenais dans mes bras. J’étais la représentante de mon ordre et donc chargée de veiller sur le nourrisson qu’elle était. Le premier soir de sa vie, alors que je veillais sur elle, le Pope apparut. Il était haletant. Son cosmos était noir. Je lui fis barrage de mon faible corps. Alors qu’il m’aurait aisément éliminé en temps normal, il était pressé, imprécis, tourmenté. Il m’écarta violemment et je perdis connaissance. Il n’y eut pas de combats pour ainsi dire, tant ce fut une humiliation pour la Saintia que j’étais. A mon réveil, dans la prison du Sanctuaire, j’étais bâillonnée, les mains attachées dans le dos par les fers bénis d'Athéna. C’était l’ébullition. J’entendais les gardes parler d’Aiolos le traître qui avait attenté à la vie d’Athéna. Et moi, impuissante que j’étais, je ne pus que constater la relève de la garde par un homme qui montait en puissance depuis plusieurs semaines. Gigas et son équipe. Dès le lendemain, je fus conduite à la salle d’audience du Grand Pope. Sale, meurtrie, défroquée, humiliée, j’avais été balancée sur le grand tapis rouge face contre terre, devant ce faux Pope tout pur dans son grand habit blanc, vénérable sous son casque d’or. Alignés de chaque côté du tapis, debout, casque sous la main, toute la caste des Saints d’argent était réunie. Il ne manquait qu’Aeson, qui entra par la grande porte, escorté par la garde, sans sa Cloth, la mine basse. Nos enfants lui furent enlevés dans la nuit, tandis qu’il fut lui aussi mis aux arrêts. Nous avions péché. Moi représentante de l’ordre des Saintias, pour ne pas avoir respecté mon serment de chasteté, j’avais blasphémé. Et Aeson avec. Bien entendu, cela devint par la suite monnaie courante chez ce Pope. Mais moi, j’en savais trop. Les gardes m’avaient retrouvé avant que le Pope ne revienne de la chambre d’Athéna. Me bâillonner ne pouvait durer éternellement. Il lui fallait se débarrasser de moi. De moi et du fruit de mes sacrilèges. Mes filles seraient vendues comme servantes. Mon amie de toujours Mayura, pour me punir, s’empressa de proposer au Pope de régler ce verdict. Et Aeson devait être destitué et mis à mort dans l’arène contre tous ses pairs. Pourtant, pour sa bravoure par le passé, il obtint du Grand Pope l’absolution s’il exécutait ma peine. Ce poltron qui a toujours été discipliné, eut la certitude contre le renouvellement de son serment de garder son statut. Il n’a pas hésité un seul instant entre son amour pour Athéna et moi ! _ C’est faux, balbutia Aeson en déplorant les larmes qui fuyaient les yeux de Kyoko. _ Pas la peine de lui mentir, je lui ai déjà raconté plusieurs fois toute l’histoire ! _ Mayura n’a jamais cherché à te punir. Quand la sentence pour les filles fut tombée, elle s’empressa de chercher l’approbation dans mon regard. Elle nous garantissait, en confiant elle-même les filles à quelqu'un, une chance de savoir nos enfants à l’abri d’un sort tragique. Elles auraient été séparées ! Elles auraient pu être vendues servantes pour un commerçant exigeant qui les auraient tuées à la tâche ! Ou pire, esclaves ou filles de joie au Port du Destin ! Mayura était notre amie ! Ton amie ! Elle m’apportait par ce geste la garantie qu’elles soient en sécurité. _ Mais toi égoïste que tu es, tu n’as pas cherché à les retrouver après ça ! _ Tu étais là ! Tu as tout entendu ! Le Grand Pope a précisé que si je cherchais un jour à les retrouver il nous exécuterait tous les trois ! _ Oui ! Il fallait surtout protéger ta vie devenue si minable ! Tu étais certainement trop occupé à recevoir les honneurs de ton rang pour enquêter et chercher une échappatoire ! _ Je n’ai rien gardé de mon statut d’antan ! Durant toutes ces années je suis resté assigné au Sanctuaire à former des disciples et à crever de solitude ! A me ronger pour ce que je t’ai fait ! A angoisser pour le devenir de mes enfants ! _ Tu as égoïstement sauvé ta place en acceptant d’être mon bourreau ! _ J’ai accepté cela par amour ! Pour racheter notre faute envers Athéna ! J’ai prié chaque jour depuis ce jugement pour qu’Athéna accepte mon offrande et te pardonne ! » Le visage décomposé d’Aeson, rongé par le regret et la sincérité, cloua le bec de la Dame Blanche. Des larmes perlaient sous son masque. Remis debout, les genoux vacillants, Aeson tentait quelques moulinets avec les bras pour mimer son impuissance : « J’étais démuni. Je n’avais pas d’autres moyens. Tout était terminé. Je voulais simplement que tu ne souffres pas. Ni dans cette vie. Ni dans l’autre. » La revenante lui tourna le dos : « Mon exécution n’eut lieu que quelques semaines après la condamnation, prolongeant ainsi plus longtemps ma torture entre les mains des hommes de Gigas. Ni avant, ni après, Athéna ne m’est apparue. » Kyoko passa devant sa mère. Elle s’adressa directement à son père biologique : « Et pour cause, comme tu l’as entendu et comme je peux te le certifier, Athéna n’était déjà plus au Sanctuaire. Si elle est encore en vie aujourd’hui, elle n’est qu’une petite souris qui se cache d’un imposteur qui te commande et qui t’a fait mettre à mort ta femme, abandonner tes enfants, renier ta vie de bonheur. » Perdu, Aeson se laissa tomber à genoux : « Si c’est ma punition, alors je l’accepte. Avoir fauté envers Athéna. Avoir trahis ma famille. Vivre dans le désespoir depuis. Pour finalement être dupé. Tout ça je l’accepte. » Puis, tout à coup revigoré par sa mission de chevalier, Aeson redressa sa tête vers Eris : « Je l’ai accepté il y a longtemps, en devenant Saint... » Immédiatement, la Dame Blanche se mit en première ligne pour protéger Eris. Malgré tout, Kyoko l’écarta avec son sceptre et ouvrit les bras pour se laisser à la merci du Saint qui accumulait tout son cosmos. _ « Une vie de souffrance pour sauver des milliards de vie humaine. C’est notre serment de Saint. En trahissant mon serment avec une Saintia, je savais que je m’exposerai à davantage de tourments. Vous entraînant toutes les trois, Shoko, ta mère et toi, dans mon sillage. Que je sois puni pour ça ! Mais une chose est sûre, avant cela, je ne peux laisser la Déesse de la Discorde profiter des remous au Sanctuaire et entacher davantage mon nom en restant inactif ! Kyoko… Ma chérie… Pardonne-moi ! » Contre les ordres de sa déesse, le Fantôme revint à la charge : « Yokai O Musabori Kuu ! » La gueule béante de cosmos de la Dame Blanche devança Aeson pour protéger Kyoko. Pris à revers, le Saint de la Coupe encaissa sans la moindre chance de riposter. Son plastron fut arraché. Il finit écrasé contre l’obélisque au pied des marches…
Quelques étages en dessous, dans la salle du c½ur de l’Utérus, Aiolia se tenait entre l’arbre et ses deux adversaires. Le second round venait d’être lancé. Hysminai prit appui au sol, gardant Galan derrière elle, immobile. Elle fonça sur le Saint d’or qui entrava son chemin de son Lightning Plasma. Seulement, elle passa sans mal au travers des rayons de lumière sans se voir barrer la route. Avec une vitesse le surprenant, elle passa dans son dos en prenant soin de l’entailler au bras. _ « Maintenant c’est mon tour, repartit-elle à l’assaut, je vais te tailler en pièces ! _ Lightning Plasma, relança-t-il ! » Cette fois-ci, située entre Aiolia et l’arbre, la Dryade ne parvint pas à passer au travers les faisceaux et se retrouva rossée puis repoussée en arrière, retombant sur le front. _ « Que… Comment est-ce possible… Cette attaque était bien plus forte et plus rapide que tout à l’heure… » Après avoir vérifié l’immobilisme de Galan, Aiolia avança vers elle, bras déjà tendu dans sa direction, émanant de cosmos. Glissant sa tête sur le côté, Hysminai comprit. _ « Je vois ! Je ne te pensais pas si rapide ni si fort ! Tu as retenu ton premier coup n’est-ce pas ? » Aiolia cessa aussitôt sa progression. Elle avait découvert son stratagème. Elle fixa Galan resté à l’arrière : « J’ai vu juste. Lors de ton premier essai, ce Fantôme était à mes côtés. Tu refuses de l’éliminer. Tu as donc retenu ton coup. Alors que la seconde fois, tu nous avais, l’Utérus et moi-même, seuls ! L’horizon était dégagé. » Aiolia fixait l’arbre maudit derrière Hysminai : « Sur le tronc, juste à ce niveau, je vois le n½ud de l’arbre. Il est son centre névralgique. C’est là que je dois frapper, songea-t-il. Si je parviens à le détruire, je libérerai Galan de son emprise. » _ « Très bien… Je sens que nous allons nous amuser, dit Hysminai en se remettant subitement en position ! » Le Saint d’or choisit d’en finir vite, il chargea son cosmos dans son poing pour faire d’une pierre deux coups lorsque tout à coup, une pression cosmique le paralysa. _ « King’s Roar, déclencha Galan ! » Relancé par les intentions de l’arbre, Galan libéra son cosmos. Il prit la forme cosmique d’un lion d’ébène aux crocs ensanglantés. Son rugissement paralysa Aiolia. Impuissant, Aiolia voyait Hysminai lui foncer dessus avec sa Leaf acérée. Usant de l’accumulation de cosmos gardé dans son bras, il s’extirpa à la dernière seconde du Rugissement du Roi et pivota sur le côté pour échapper à Hysminai. Il tomba alors nez à nez avec Galan. Reparti à l’assaut, Galan était prêt à frapper le second acte de son arcane. Cette fois-ci la gueule du lion noir planta ses crocs en plein flanc du fauve doré. De sa main botanique, Galan libéra une sphère de cosmos obscure qui souffla en pleines côtes gauches Aiolia. Il voltigea haut et loin, allant heurter une des multiples voûtes de l’édifice circulaire. Refusant d’abdiquer, il s’épargna une chute et se réceptionna, bien qu’avec difficulté, sur ses deux jambes en regagnant le sol. La main droite contre son flanc gauche, il ne put retenir un haut de c½ur qui lui fit renvoyer du sang. Sa main remonta plus haut, contre son c½ur. _ « Le contrecoup du King’s Roar, expliqua le Fantôme. Le rugissement atteint ton être, mon cosmos choque le tien. Ce télescopage en ton sein a des répercussions sur ton organisme. D’abord physique. Puis mental. En plus de la douleur, il inspire la peur. Puis, une fois tétanisée, la proie est à la merci de mes crocs. Ton c½ur ne peut sortir indemne de tout ça, surtout que je t’ai frappé tout prêt. Le prochain coup te sera fatal. _ J’ignorais que tu avais perfectionné une telle technique, s’essoufflait Aiolia. _ Tu oublies que j’étais un prétendant au statut du Saint d’or du Lion, avant que je ne sois contraint de me retirer. _ Je n’ai rien oublié du tout. Ni ta force, ni ta bravoure. Pas plus que l’amour fraternel qui nous unissait. Toi. Lithos. Et moi. » Touché au plus profond de son être, Galan s’adoucit et balbutia : « Aiolia… » _ « J’ai surmonté tant de brimades, d’épreuves, de duels… Grâce à toi, poursuivit alors Aiolia. Parce que tu étais là. Auprès de moi… _ … Aiolia, grimaça Galan… _ … A chaque instant… Même dans le Tartare contre les Titans… Tu as fait de ton bras perdu mon bras armé. Tu as fait de ton ½il perdu mon c½ur de lion… Tous ces symboles m’ont permis de résister, de gagner… _ … Aiolia, sanglota Galan… » Hysminai les stoppa en s’adressant directement à l’Utérus : « Ça suffit ! » Immédiatement, le n½ud de l’arbre cligna d’un rouge aussi sanguinolent que l’iris droit de Galan. Le Fantôme se prit la tête entre les mains en hurlant. Les racines sur son corps gonflèrent. _ « Ordure, adressa Aiolia à l’endroit d’Hysminai ! Tu vas me le payer ! Lightning Plasma ! » Elle croisa ses bras devant elle puis les relâcha dans la direction du Lion, comme si elle lui envoyait les crans portés à ses avant-bras. Des faucilles de cosmos par milliers foncèrent tel des boomerangs contre lui. _ « Serrated Blade ! » Chaque serpette se brisa contre le Plasma Foudroyant qui quadrillait de cosmos l’espace entre eux… Sauf la plus vive d’entre elles. Hysminai en personne avait rejoint Aiolia à la vitesse de la lumière. Par réflexe, il inclina la tête sur le côté. Son geste lui occasionna uniquement une profonde entaille au cou contre une décapitation du bras de la Dryade. Blessé et vexé, il réalisa trop tard qu’elle avait disparu de son champ de vision. Lorsqu’il leva la tête au ciel, elle enchaîna d’un mouvement acrobatique aérien pour le renvoyer contre le mur : « C’est fini je vais prendre ta tête Saint d’or ! » Il croisa aussi vite qu’elle le condamna ses bras devant lui pour bloquer sa lame. _ « Je pensais que tu te cachais derrière Galan par faiblesse Dryade ! J’ai eu tort ! Tu vaux tout autant qu’un Saint d’or, confessa-t-il ! » Satisfaite, Hysminai se replia d’un bond arrière. Mais avant même qu’elle ne retouche le sol, Galan endiablé par l’arbre prit le relais. Totalement rongé par la verdure sur le côté droit de son visage, son bras était également devenu disproportionné, d’un vert mûr, aussi gros que ses deux cuisses réunies. Il passa sous la Dryade pendant son acrobatie, déstabilisant par son allure et sa vitesse Aiolia. _ « King’s Roar ! _ Lightning Bolt ! » Cette fois-ci Aiolia bloqua l’agression cosmique de Galan, en dégageant sa sphère d’éclairs. Deux globes de cosmos s’opposèrent devant le poing tendu du chevalier. Imprégné de folie, Galan poursuivit vers le mélange de cosmos laissé en suspens entre les deux adversaires. Buste en avant, bras écartés, Galan s’avançait inconsciemment contre cette bombe à retardement, alors qu’Aiolia luttait contre la menace de l'implosion du choc de leurs deux attaques : « A une si courte portée, les dégâts seraient critiques. » Il chargea l’énergie en suspens d’un second Lightning Bolt de son autre main pour espérer la retourner contre le Fantôme. Galan, lui, cogna de son bras végétal la suspension de cosmos pour relâcher le second effet de son King’s Roar. Ainsi, il remporta le duel d’énergie qui explosa contre Aiolia à bout portant. Suivant la déflagration, Galan chargea. De son poing il brisa le diadème d’Aiolia. La détonation fut si puissante que la voussure fut renfoncée, brisant les claveaux des voûtes du dessus et fissurant tout le hall arrondi où resplendissait tel un rubis le c½ur de l’Utérus. Au milieu d’un nuage de poussière, dirigeant son poing encore logé dans sa pommette éclatée, Galan envoya la tête d’Aiolia rebondir contre le sol, pour ensuite lui faire traverser la pièce d’une reprise de volée du pied. Le corps à corps se poursuivit dans l’horizon plus dégagé. Cette fois-ci, Aiolia dévia la poursuite de Galan en frappant à distance. Galan esquiva sur le côté l’onde de choc, mais Aiolia était déjà sur sa gauche. Galan para la droite et riposta avec une série de coups de poings, tout en s’évertuant d'éviter ceux d’Aiolia. Le chevalier faisait de même, mais brisa le rythme d’un coup de pied retourné en pleine poitrine, brisant la Leaf au niveau du poitrail dans une propulsion de sang, témoignant l’impact des échanges. Il frappa à nouveau à distance, mais Galan esquiva encore, par les airs cette fois-ci. Il retomba pied en avant mais Aiolia se protégea avec son bras. Toujours en suspension, Galan répéta son geste et rompit à son tour la cadence, en l’attrapant par les cheveux avec sa main gauche pour lui écraser la tête au sol. Face contre terre, Aiolia repoussa Galan à bout portant d’un Lightning Plasma. Mitraillé dans les airs, Galan perdait morceau après morceau sa Leaf. Sa chair de moins en moins protégée se déchirait des pieds à la tête. Il en perdit la pression qu’il exerçait sur le Saint. Aiolia put alors poursuivre et resurgir avec un Lightning Bolt. Galan voulut contrer. Il cogna de son bras difforme contre le poing de cosmos avec un King’s Roar. Encore plus puissant que le précédent, lui déjà plus impressionnant que le premier, le Rugissement du Roi remporta le duel et repoussa Aiolia. Le second acte de l’arcane se traduisit par un direct en plein c½ur qui en fit crisser la Cloth, puis d’un troisième, inédit dans le déroulement de la technique jusqu’ici, par un uppercut enchaîné. Aiolia vrilla sur plusieurs mètres comme un pantin désarticulé qui rebondissait sur le sol…
Sur Terre, à l’Est et au Centre du Sanctuaire, dans les alentours du camp des femmes chevaliers, la population était en émoi. La colonne de feu qui en ressortait s’estompait petit à petit. Toutefois, les secousses provoquées au centre du camp par les pas de l’animal de neuf tonnes accompagnant les Dryades, continuaient de retentir dans l’atmosphère. Il faisait vibrer le sol chez les habitants les plus proches. Dans tout le reste du domaine, les guerriers les plus affûtés percevaient les perturbations cosmiques venant du camp. Bandeau bleu coiffant ses cheveux tirés d’une queue de cheval, Shinato fit remarquer à Mirai : « Encore un cosmos qui s’est éteint là-bas ! » Le second apprenti de Mayura aux cheveux châtains hirsutes réagit : « Eris n’a pas attendu qu’on attaque son camp. De son côté aussi elle a préparé une riposte ! » Shinato sortit ses mains des longues manches de son kimono pourpre. Plus sévèrement vêtu que son camarade, l’élève du Saint d’argent du Paon prenait déjà son élan : « Il nous faut aller leur porter immédiatement assistance ! » Mirai l’imita lorsque la voix d’un soldat leur intima de réviser leur jugement. Tout autour d’eux, des cohortes de dix hommes se formaient, se transmettant l’information d’un messager. Cet informateur avait le visage dissimulé sous une épaisse bure qui semblait camoufler une Cloth. C’était cet inconnu qui les retint : « Attendez ! Le camp des femmes Saints est un lieu sacré, béni par Athéna et interdit aux hommes. Même en cas d’extrême urgence, nous ne pouvons profaner ce lieu Saint. _ Mais… Maître Mayura se bat à l’heure qu’il est dans le domaine d’Eris ! Elle risque sa vie dans cette Guerre Sainte ! Et nous, nous devons nous contenter de laisser Eris s’insinuer dans le Sanctuaire en ciblant un lieu que nous ne pouvons atteindre, s’insurgea Mirai ?! Devons-nous laisser nos s½urs d’arme se faire massacrer ?! _ A quoi servirait tous les efforts de ceux partis à la conquête de l’Utérus dans ce cas, compléta Shinato ?! _ Je comprends votre frustration, assura Ptolémy la voix étouffée derrière un masque. Il s’agit néanmoins d’ordres émanant tout droit du Grand Pope, sur demande de Sa Majesté Athéna ! » Les deux apprentis baissèrent alors la tête de rage, tandis que Ptolémy posait ses mains sur chacune de leurs épaules pour les obliger à observer les troupes athéniennes : « Les ordres du Grand Pope sont formels. Nos lieux de cultes doivent restés préservés, quel qu’en soit le prix. Le Grand Pope a foi en nos femmes chevaliers. Qu’elles soient Saints ou élèves. Dès lors, tous les hommes capables de porter assistance ont ordre d’encercler le camp, sans y pénétrer, afin de bloquer la retraite des Dryades. Les seules autorisées à pénétrer le camp, seront les femmes capables de porter assistance à la bataille qui y fait rage. » Mirai et Shinato s’échangèrent alors un hochement de tête signifiant qu’ils partaient tous deux appuyer les troupes encerclant le camp…
Dans les bois, le crépitement des flammes laissa place aux détonations des pas de l’animal qui sévissait plus loin. Emony adoptait à nouveau un air innocent en serrant d’affection contre elle Mick. Pensant s’être débarrassée de Rumi, la petite pyromane félicitait son ours en peluche. Derrière elle, Mito et Erda se démenaient contre une dizaine de Dryade qu’elles gardaient à bonne distance. _ « Vous n’êtes pas encore vaincues toutes les deux ! Je vais devoir m’en charger ! J’ai laissé plus loin mon animal de compagnie. Mère déteste que je le laisse seul trop longtemps, il a toujours tendance à tout détruire quand il n’est pas sous surveillance, dit-elle en faisant allusion au monstre au centre du camp. _ Pour cela, il va d’abord falloir te débarrasser de moi, lui répondit une voix étouffée sous un masque. » Elle se retourna pour voir retomber depuis le ciel Rumi, à peine égratignée, dans les bras d’une inconnue. _ « Hum… C’est impossible, tordit Emony le cou de Mick ! » Pour seule réponse, elle n’eut que la foudre qui s’abattit sur elle : « Thunder Claw ! » Les Griffes du Tonnerre déchirèrent sa robe magenta foncé à dentelle blanche, dévoilant ainsi sa Leaf. Elles annihilèrent par la même occasion les Dryades aux prises avec Mito et Erda. Les deux apprenties repartirent aussitôt à la rencontre de Rumi. Rumi était portée par une guerrière, à en juger son masque, couverte d’une armure mauve et aux ornements bordeaux, au casque pointu renvoyant l'impression d'un vampire. Etourdie, elle reconnut malgré tout son héroïne : « Dame Geist… » _ « Comment, s’étonna Mito ! _ La célèbre mercenaire qui a fait ses classes ici, compléta Erda ! _ Cessez donc de vous extasier comme des pucelles écervelées, leur asséna Geist dans toute sa sévérité ! Foncez au centre du camp aider vos amies ! Nous devons préserver ce camp à tout prix ! » Les gamines s’activèrent sans broncher, quand, tout à coup, Mick leur barra la route. La peluche était devenue aussi grande que l’animal dont il est à l’effigie. Les filles furent désarçonnées. Alors, pour faire face à l’ourson géant, apparut devant elles un véritable ours qui déchira en deux la peluche. _ « Phantom Genwaku Ken, libéra son cosmos Geist un genou à terre ! _ Je vois que tu es capable de donner vie à des illusions toi aussi, se releva Emony sans se soucier de la fuite des élèves, ça n’en rendra mon combat que plus agréable. Moi Emony Dryade de la Méchanceté je vais te faire avaler ce masque ! _ Tu m’excuseras, mais je n’ai pas le temps de m’amuser avec quelques tours de passe-passe. Je vais en finir vite. _ Comme tu voudras. Je vais te faire payer ce que tu as fait à Mick ! Ton assurance m’agace. Je vais te la faire perdre très vite en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! » Emony envoya une multitude de lobélies sur son adversaire qui, d’un revers de la main, crut déjouer l’arcane : « Que penses-tu pouvoir me faire avec des… fleurs… » Geist se rendit compte que les pétales s’étaient changés en papillons qui saupoudraient tout autour d’elle un cosmos, comme s’ils déposaient de la soie. _ « Mon cosmos étouffe le tien et te fait perdre tes forces. Très vite tu vas plonger dans un éternel sommeil fait de cauchemars dont tu ne reviendras jamais ! » Geist tomba un genou au sol, incapable de se maintenir debout. Elle tenta d’abord de prendre appui à terre avec ses mains, mais ses doigts lui parurent si lourds qu’elle fut incapable de les relever. Elle s’écroula alors lourdement la tête la première…
Au même moment, dans la salle d’audience du palais du Grand Pope, cape recouvrant sa Cloth, Deathmask gardait un genou à terre et son diadème en main. L’½il ouvert, il regardait son souverain trépigner d’impatience. Ce dernier faisait les cent pas devant son trône. Dissimulé sous son apparat doré, Saga commentait : « Quel revers nous subissons ! Je savais qu’Eris pourrait riposter à tout moment, mais jamais je n’aurai pensé qu’elle ciblerait un lieu impénétrable pour la plupart de notre armée ! Avec Mayura sur l’Utérus, il ne me reste plus beaucoup de femmes chevaliers confirmées capables de porter assistance à l’intérieur du camp ! Geist a déjà dû s’y rendre. Bien que je n’aime pas la savoir sans surveillance celle-là, j’imagine que c’est une aubaine qu’elle soit rentrée de mission. Marin de l’Aigle et Shaina d’Ophiuchus sont à l’extérieur du camp à former leurs apprentis masculins. Et il parait improbable que des Dryades ne se dressent pas sur leur passage, lorsqu’elles vont se rendre au camp prêter main forte ! » Deathmask se redressa alors en recoiffant ses cheveux de son casque : « Je comprends maintenant pourquoi vous m’avez fait appeler. Le problème du camp doit être réglé rapidement et efficacement. Il n’y a que votre meilleur assassin qui puisse faire le job ! » Saga pointa aussitôt du doigt le Cancer : « Tu es prévenu Deathmask ! Personne ne doit être témoin qu’un homme a profané le camp ! Encore moins un Saint d’or dont la caste est sous mon autorité directe ! » Le gardien de la quatrième maison tourna les talons : « C’est clair. Pas de témoins. »
Dans les airs, au sommet du temple d’Eris, encastré dans l’obélisque, Aeson fut ramené à lui par le son insistant de gouttes qui s’écrasaient dans une flaque. Cette mare gisait à ses pieds et était alimentée en abondance par le sang qui s’écoulait de sa plaie béante ouverte sur le flanc gauche. L’½il gauche arraché et le bras gauche disloqué, il laissait sa lourde tête gesticuler vers le bas pour constater les dégâts. Ses jambes fléchirent et son corps s’affaissait lentement contre le monument. Sa vue troublée à l’½il droit lui laissait apparaître sa fille. Une fois devant lui, Kyoko lui planta son sceptre en pleine poitrine, ressortant de l’autre côté du pilier. Ainsi, elle le garda à sa hauteur et lui épargna de choir lamentablement sur son postérieur. Elle lui caressa ses cheveux qui avaient perdus son diadème et cueillit le bandeau rouge qui coiffait ses cheveux blonds. D’ordinaire distant et glacial, le brun profond du regard d’Eris paraissait exceptionnellement touchant. _ « J’ai de la peine pour toi papa. Tu te débats pour un songe qui ne t’est jamais apparu. _ Pardon, cracha-t-il du sang ? _ Ta Cloth, la Coupe, elle voit l’avenir à plus ou moins long terme quand tu regardes l’eau que tu y verses dans sa forme totémique n’est-ce pas ? C’est bien ce que tu me racontais quand j’étais petite ? _ …, il hocha la tête pour seule réponse. _ Je m’en souviens comme si c’était hier, dit-elle en lui soutirant de grosses larmes. Je me souviens de tout. Je n’en ai jamais voulu au soldat qui m’avait recueilli. Il m’offrait la possibilité de demander à Athéna, en m’éduquant et me permettant de devenir prêtresse, pourquoi. Pourquoi ne voyait-on rien, toi et moi, nous concernant, lorsque nous regardions dans la Coupe ? » Agonisant et silencieux, Aeson se mit à pleurer. _ « Tu voyais des batailles. Tu voyais venir à toi des messagers. Mais jamais tu ne vis le malheur qui allait s’abattre sur nous. Moi non plus, petite fille que j’étais, quand tu me le permettais, je ne voyais rien. Et tu sais pourquoi ? Parce que dès le début, Athéna nous a tourné le dos. _ Je suis désolé, sanglota-t-il. _ Athéna t’exploite. Elle exploite ses Saints. Puis les abandonne. Elle n’est jamais venue à toi. Et même aujourd’hui, lorsque tu te dévoues à elle malgré la vérité exposée sous ton nez, prêt une fois de plus à sacrifier ta famille, elle t’ignore. » Elle retira enfin d’un coup sec son arme de la colonne, le libérant par la même occasion. Il retomba à genoux et retint sa chute en se maintenant au sol par le coude droit. _ « J’ai tellement honte tu sais, s’étouffait-il dans ses sanglots et dans son sang. _ Moi j’offre la vie. Une vie après celle faite d’amertume, de ranc½ur, de regret. Je m’entoure de fidèles que je récompense. Et tu sais pourquoi, lui demanda-t-elle en l’embrochant à nouveau au niveau des omoplates ? C’est parce que je suis bien plus reconnaissante envers les sentiments que refoulent mes sujets. Et bien au-dessus d’Athéna ! » Aeson ne parlait plus. De sa bouche retombait une pâte épaisse, mélange de bile et de sang. Son ½il droit était perdu par le constat indéniable exposé par sa fille. La perte de sa foi lui faisait bien plus mal que la perte de ses sens. La Dame Blanche vient alors se mettre à quatre pattes face à lui pour capter son regard. Elle ôta son masque afin d’exposer des traits semblables à sa fille. _ « Olivia, râla de souffrance Aeson en retrouvant enfin sa femme… _ Le vrai pardon serait que tu nous rejoignes, pour expier le déshonneur que tu as fait à notre famille, proposa-t-elle. _ Le vrai pardon, appuyait un peu plus sur sa lance Eris, serait que tu nous rejoignes pour déchoir ce Pope corrompu et cette Athéna déficiente. _ Le veux-tu, questionna Olivia ? » Aeson hocha d’un coup lent la tête. _ « La vie d’un Fantôme passe par le renoncement à tes allégeances et à ta vie passée, poursuivit Eris. L’acceptes-tu ? » Il répéta son geste en versant une dernière larme. Eris sourit à Olivia qui s’empressa de se redresser. Elle leva haut vers le ciel son masque au menton pointu et tranchant. Elle le cramponna bien fort de ses deux mains, puis l’abattit d’un coup sec dans la nuque d’Aeson. Surpris, le malheureux écarquilla grand son ½il et ne put retenir une autre gerbe de sang par la bouche en plus de celle giclant de son cou. Le visage totalement changé par une joie meurtrière, Olivia répéta son geste. Une fois. Puis deux. Le plasma d’Aeson dont elle était éclaboussée maquilla sa folie qui prit fin une dernière fois, lorsque sa tête se détacha de son corps et roula parterre tandis que le tronc s’échoua définitivement…
Sur Terre, au milieu du camp des femmes Saints, les tentacules du monstre cinglaient tels des fouets dévastant tout sur son passage. Ils écroulaient les temples, tranchaient de la tête aux pieds Dryades et apprenties sans distinction. Tout autour d’elle, Rebecca voyait ses élèves tomber dans d’atroces circonstances. Chaque fois qu’elle réunissait son cosmos pour frapper l’horrible animal, celui-ci saisissait entre ses liens des aspirantes Saints pour s’en servir comme bouclier. Dès lors, il lui suffisait de repousser Rebecca avant d’engloutir ses remparts humains. De nouveau renvoyée au sol, Rebecca en perdit son masque et put mieux observer de ses yeux dégagés, l’étendue des dégâts. Les Dryades retenaient prisonnières à l’intérieur du camp les jeunes femmes pour mieux alimenter le monstre. _ « Si je m’obstine à vouloir ne pas faire de dommages collatéraux, sur la trentaine de jeune fille encore en vie, il n’en restera plus une. Les plus téméraires tombent face aux Dryades. Les plus démunies sont dévorées. Je dois vite neutraliser ce monstre, se focalisa-t-elle en direction d’un prieuré où était déposée sa Pandora Box. » Aussitôt, la Cloth en fût libérée et Rebecca sauta en l’air pour la rejoindre. Profitant de son éclat au moment de la revêtir, elle éblouit les quatre yeux du quadrupède. Elle libéra alors son arcane en lui retombant sur son dos : « Burning Lava Rain ! » La Pluie de Lave Brûlante l’accompagna dans sa descente et fracassa, telles des pierres de laves par centaines, l’animal à revers. Ces météores de feu tombèrent si lourdement que les pattes de l’animal lâchèrent sous le choc et qu’il retomba grossièrement sur le ventre. Surfant sur sa colonne vertébrale au milieu de la vapeur bouillonnante de son cosmos, Rebecca se laissa glisser le long de sa queue étendue en arc de cercle sur le parterre pavé. Au milieu du gaz étouffant, élèves et Dryades cessèrent leurs échanges, jusqu’à ce qu’elles purent distinguer le grand gagnant de l’affrontement. Rebecca apparut au milieu de l’émanation qui se dissipait peu à peu, devant la gueule écrasée de l’animal inconscient. Déjà en garde pour achever les Dryades, elle paraissait contrôler parfaitement la situation dans sa Cloth vert menthe. Son succès parut même évident pour Erda qui venait de déboucher de la forêt, suivie de Mito et Rumi. Les yeux des trois élèves brillaient sous leurs masques d’admiration pour leur mentor. _ « Félicitations maître, s’exclama Rumi avant de freiner brutalement sa course. » Rebecca réagit trop tard aux stupéfactions de l’ensemble des élèves lorsqu’elles passèrent leurs mains devant leurs bouches en voyant les quatre yeux rouges de l’animal s’ouvrir en grand. Les grosses prunelles libérèrent chacune un rayon de cosmos écarlate qui traversèrent l’horizon, brisant en deux les arbres face à lui. Mito coucha spontanément Erda à terre pour esquiver. Rumi n’eut pas cette chance et fut transpercée en pleine poitrine. La Cloth et le bras de Rebecca, eux, furent arrachés à hauteur de l’épaule droite. Se redressant lentement comme un chien après une longue sieste, le monstre se secoua le corps comme le ferait tout canidé. S’étirant sans même prêter attention à ses victimes, il apparut aux yeux de tous sans la moindre égratignure. Donnant ainsi le feu vert aux Dryades qui reprirent en premières l’assaut. Tombant à genoux devant son bras que les nerfs agitaient encore, dans une gerbe de sang, ne pouvant contenir l’hémorragie, Rebecca avait le regard déjà vitreux. La beauté tropicale était déjà blafarde. A peine remise, Erda se jeta dans sa direction afin de lui éviter d’être balayée par un revers de patte du monstre. Elle roula avec elle sur le sol jusqu’à pouvoir la déposer contre une colonne grecque renversée. Mito, elle, se tourna vers Rumi. Elle lui ôta son masque pour tenter de distinguer la moindre étincelle de vie dans son regard. L’espoir fut immédiatement anéanti lorsqu’elle plongea dans ses yeux vides. D’instinct, de colère, et par nature de meneuse auprès des autres, Mito se jeta à corps perdu contre les Dryades qu’elle massacra sans ménagement en espérant protéger ses camarades. Erda, elle, baissait la tête à chaque secousse que les combats produisaient autour d’elle, tout en ôtant son foulard à Rebecca. Elle s’en servit pour lui faire un garrot. _ « Mito… Tu dois aller aider Mito… Elle s’épuise à combattre dans tous les sens…, perdait de plus en plus de sa superbe Rebecca. _ Ce monstre, garda son sang-froid Erda en serrant fort le foulard aussitôt imbibé d’hémoglobine, qu’est-ce que c’est ? Et comment a-t-il pu survivre à une telle attaque ? _ C’est le bunyip. Une créature mythique de la mythologie aborigène australienne. La longue membrane de sa collerette couvre son dos. Elle a dû servir de bouclier à l’attaque. Je ne vois que ça. » Par réflexe, Rebecca appuya sur la tête d’Erda pour la coucher au sol lorsque Bunyip lança un tentacule tranchant l’horizon dans leur direction. Alors que des bustes arrachés de Dryades et d’apprenties tombèrent au sol, Rebecca et Erda furent recouvertes par les arbres découpés dans la foulée…
Devant le camp, à l’orée de la forêt, Voskos trépignait. A mesure que les secondes s’écoulaient, d’autres guerriers, soldats ou Saints, le rejoignaient. La foule s’amassait tout autour du bois. Dans son dos, Xiao Ling restait agenouillée en sanglotant. Voskos ne lui prêtait même plus attention. Elle revivait la répression dont elle fut victime. Le petit corps de Yufa. Piétiné. Désarticulé. Les yeux grands ouverts. Vides. Sans vie. A cet instant, telles deux fusées, deux guerriers en kimonos, se distinguant par leurs tenues du reste des autres renforts qui se groupaient, passèrent sous ses yeux. Mirai et Shinato trouvèrent Voskos. Tous trois étaient déterminés à en découdre. _ « Seigneur Voskos, fléchit légèrement la tête Mirai. _ Mirai. Shinato, les reconnut-il. Alors vous aussi vous êtes venus mater les Dryades ! _ Et comment, gonfla les muscles Mirai ! » Pour sa part, Shinato ne disait rien. Écoutant avec effroi les nombreux appels au secours et cris de mortification venant de l’intérieur. _ « J’y vais, décréta Shinato ! » Mirai tendit le bras dans sa direction : « Attends ! C’est un camp réservé aux femmes ! Tu ferais acte de parjure envers Athéna en t’y rendant ! » Voskos écarquilla les yeux devant la crédulité de Mirai. Shinato défit son bandeau et libéra ses longs cheveux dans son dos en détachant sa queue de cheval. Elle resserra davantage à la taille sa ceinture de kimono afin que celui-ci épouse réellement sa poitrine de jeune femme. _ « Pardonne-moi Mirai de t’avoir caché la vérité durant toutes ces années. _ M… Mais pourquoi ?! _ J’ai longtemps douté de la voie que je devais emprunter. Saint ou prêtresse. D’où ma possibilité de ne pas porter de masque grâce à l’alternative de la pratique du culte pour devenir Saintia. De plus, ça m’a rendu la vie plus facile vis-à-vis des autres apprentis, dont toi. Ne pas souffrir de la différence m’a permis de m’aguerrir normalement. Cependant, aujourd’hui, avec Maître Mayura qui risque sa vie, et sur le fait accompli de l’invasion du Sanctuaire, je ne peux gâcher mon talent martial en me retirant de la vie de Saint. Mon choix est fait. Je deviendrai une Saint. Et c’est par égard à tout ce que nous avons partagé jusqu’alors, que je te montre en cet instant mon véritable visage. Si je survis à ça, je devrai porter un masque pour toujours. Hormis lorsque je serai en présence de l’homme à qui j’ai envie d’offrir ce sourire, s’il partage mon affection en retour bien entendu. » Puis, sans laisser Mirai réagir, elle resserra son bandeau et rattacha ses cheveux avant de s’enfoncer dans la forêt. Derrière eux, Xiao Ling était saisie par le courage de Shinato : « Elle est prête à risquer sa vie par honneur pour son maître. Tandis que je n’ai pas le courage de rendre la pareille à Rebecca… » Penaud, Mirai fixait Shinato disparue dans la touffeur boisée d’un air bien crédule. _ « Tu étais sérieux ? Tu n’avais jamais remarqué que Shinato était une fille, le bouscula du coude Voskos ? _ Bah… Oui… Vraiment… _ Crétin, souffla-t-il amusé en lui cognant le dessus du crâne de son poing. _ Tout de même, leva Mirai la tête en direction des pétales de l’Utérus qui tombaient sur le Sanctuaire, Shinato a bien du courage, Eris a pour but de semer la discorde afin que les hommes deviennent fous et s’entretuent tous. Faisant passer les guerres civiles et autres génocides vécus jusqu’alors dans l’histoire pour des clopinettes. » Ces paroles résonnèrent dans l’esprit de Xiao Ling : « Si tout ce que j’ai vécu jusqu’alors n’est rien comparé au monde que nous réserve Eris… Alors… Même si je ne comprends pas encore tout à ce qu’il se passe ici… Je dois me battre aussi… » _ « Shinato a un cosmos proche du niveau d’un Saint, je ne suis pas inquiet pour elle, tenta Voskos de rassurer Mirai sans remarquer que Xiao Ling passait à côté d’eux d’un pas lent. _ Qui est-ce, pointa alors du doigt Mirai la Chinoise ? _ C’est une future guerrière qui trouvera en Athéna la foi de risquer sa vie sans ne plus jamais douter, répondit fort le Saint de bronze en reconnaissant Xiao Ling afin qu’elle l’entende. » Ces mots réconfortants lui parvenant, elle serra les poings et se jeta à longues enjambées à la suite de Shinato. Flashback
D’elle-même cette fois-ci, Kyoko cesse son histoire lorsqu’elle voit sortir le serveur. Interpellé par le vacarme sur la terrasse et, personnellement impliqué par ce qu’il se passe envers son amante, il accourt. La mine espiègle de Kyoko prend alors un air sadique lorsqu’elle claque des doigts en regardant Mars : « Éclosion de la troisième Evil Seeds ! »
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« on: 26 December 2021 à 12h10 »
NEWS
Cette version du chapitre 22 est une version rééditée de la publication originale du 27 aout 2011. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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« on: 23 December 2021 à 8h53 »
Chapitre 77
En Argentine, le club où Tromos rendait sa justice s’est vidé. Libéré du sous-sol miteux où ils étaient réduits à l’esclavage, enfants et opposants politiques sont déjà accueillis dehors par les secours. Ceux-ci, alertés par des voisins interpellés par les fusillades à l’intérieur de l’établissement, attendent les directives des autorités.
A l’intérieur, au rez-de-chaussée, Tromos slalome entre les cadavres des hommes de main de Segador et des victimes pris entre les feux nourris de leurs revolvers. Le son des enceintes cogne encore dans la tête du seul rescapé au milieu de la piste de danse. Il fait le tour de lui-même pour, d’une légère émanation de cosmos, détruire chaque caméra afin d’instaurer davantage de crainte aux mafieux qui attendent à l’étage. Il est temps pour le Berserker de les rejoindre.
C’est justement en haut, au milieu du couloir surveillé au bout par sept gardes du corps, que Vasiliás a suivi Peligra. Les immenses enceintes ajustées au mur leur ont épargné le moindre soupçon de ce qui a pu se tramer en bas. Au moment de refermer la porte de la chambre vide où Peligra l’a conduit, l’Américain reconnaît l’apparence de Tromos, couvert du sang de ses victimes, arriver sur le palier pour aller à la rencontre de Segador.
Bien décidé à laisser son second agir seul, Vasiliás retrouve à l’intérieur de la pièce aux murs insonorisés la plantureuse danseuse qui l’assied sur une chaise. Utilisant une télécommande, elle relance une musique plus engagée qu’en bas. Perchée sur ses hauts talons, elle reprend là où elle s’est arrêtée. Habillée de son unique boxer, elle se déhanche de nouveau. Cette fois-ci plus lentement, de manière féline. Elle fait le tour de la chaise où est assis un Vasiliás subjugué, qui se contente de se laisser caresser par la peau chocolat, douce et parfumée de Peligra lorsqu’elle vient coller contre lui sa poitrine et ses fesses. Alors pour permettre à l’homme d’Arès d’apprécier davantage, elle glisse ses doigts entre sa peau et la lanière de son sous-vêtement, qu’elle laisse descendre très lentement en l’accompagnant jusqu’à ses pieds, offrant à son client la pleine vue sur son intimité dorénavant dissimulée sous une dernière ficelle de tissu avec laquelle elle joue encore. Seulement, avant de l’abandonner, elle choisit de provoquer son riche client, à qui elle ôte la veste tout en remuant devant lui. Lorsqu’elle s’assoit sur ses genoux, elle tire sèchement sur sa cravate pour écarter en grand sa chemise haute couture, faisant voler tous les boutons. Face à ce torse nu et athlétique, elle vient coller le sien. Puis, après avoir feint un baiser sur ses lèvres, elle se laisse descendre contre lui en se tortillant paresseusement. Lorsque son visage arrive devant la fermeture de son pantalon, elle le lui desserre en tirant dessus pour le lui ôter en même temps que ses chaussures…
En Grèce, le serveur vient ramener un nouveau verre à Mars et en profite pour remplir la coupe de Kyoko. Friponne, elle demande à la réincarnation de son frère : « Sais-tu pourquoi j’ai commencé à réveiller les Evil Seeds du couple voisin ? » La moue qu’il fait, montre un certain désintérêt pour cette question, dû à l’empressement qui est le sien de connaître la suite des aventures qui ont eu lieu il y a presque trois ans. _ « Notre serveur porte une Evil Seeds lui aussi. Et il s’avère que l’homme avec qui notre voisine a une liaison secrète est notre serveur. Que dis-tu si je fais éclore son Evil Seed a lui aussi ? _ Seulement après que tu ais avancé dans ton histoire, lui dit-il en retenant son poignet… _ D’accord, souffle-t-elle déçue… »
Flashback Au Sanctuaire, dans le camp des femmes chevaliers, Rumi, l’amie de Shoko, était bien pensive, tandis qu’elle lassait ses spartiates autour de ses chevilles. _ « Quand même…Shoko… Pour peu que je la quitte des yeux, il lui arrive toujours des bricoles… J’espère tout de même qu’elle se remet de ses émotions. Les filles m’ont dit qu’elle avait été conduite au temple des prêtresses, leva-t-elle la tête dans la direction du palais bien éloigné. » La jeune fille aux cheveux châtain fut rejointe par une de ses semblables. Blonde, les cheveux longs et fins, Mito apparut d’abord sans masque et posa sa main sur l’épaule de Rumi : « J’imagine le choc qu’à dû ressentir Shoko en retrouvant sa s½ur et en apprenant son sort. Néanmoins, il ne faut pas nous laisser submerger par l’émotion. C’est justement pour Shoko que nous devons reprendre l’entraînement et faire face si les Dryades se présentent à nouveau. » Mito était grande, un bustier et une épaulette de métal bardaient son corps comme la protection de son avant-bras et de son poing droit. Ces renforts métalliques et son assurance lui donnaient un air plus caractériel que les autres élèves. C’est d’ailleurs cet aplomb qu’Erda vint trouver en les rejoignant. Sans que cela n’offusque Mito, Erda les cheveux courts, châtains, enlaça sans crier garde sa camarade par la taille en arrivant dans son dos. Elle lui baisa le cou autour duquel elle portait un foulard. Cette distinction donnait à Mito une touche de féminité à son corps endurci. L’étreinte symbolisait l’affinité partagée entre les deux élèves, confirmée par la sensualité des caresses que Mito rendit à Erda en retour. Erda s’émancipa délicatement de l’étreinte qu’elle avait initié et tendit sa main vers Rumi : « Mito a raison. Après tout, notre destin est de nous perfectionner afin de devenir des Saints. Nous n’avons pas d’autres choix. Car celles qui échouent arrivent difficilement à se trouver une place parmi les soldats. Ce corps d’armée est encore bien trop arriéré. Gagner leur respect sans devenir chevalier est bien compliqué. Être mercenaire à la limite, comme Dame Geist… »
Plus haut, dans le ciel de Grèce, sur le parvis du temple d’Eris, Aeson peinait à se tenir sur ses jambes. Submergé par l’émotion, il frémissait chaque fois qu’il entendait dans son dos approcher la première voix venue de derrière l’obélisque. Il n’osait se retourner, craignant de la reconnaître vraiment. Il préférait fixer avec douceur la divinité ennemie. _ « Co… Comme tu as grandi, prononça-t-il en approchant sa main tremblotante vers la jeune femme… Tu n’étais encore… _ Qu’une enfant oui, l’interrompit Kyoko en le mettant en joue de sa lance juste sous sa gorge. _ Si tu savais comme je vous ai cherché… _ Pas tant que ça semble-t-il, reprit la voix dans son dos dorénavant juste derrière lui, tes filles résidaient durant toutes ces années au Sanctuaire. _ Cette voix, ferma-t-il les yeux… C’est toi, interrogea-t-il l’inconnue sans se retourner, n’est-ce pas ? » Pour toute réponse, il n’obtint qu’un violent éclat de cosmos du sceptre d’Eris en plein plastron, qui le projeta par-dessus l’énigmatique troisième protagoniste. Il retomba en bas des marches, tête la première, fissurant son diadème. Son corps échoua ensuite lamentablement sur le dos, arborant ainsi son plastron ébréché où les morceaux de Cloths se mêlaient au sang qui fuyait ses plaies. _ « Il est à toi, Dame Blanche, lança Eris en nommant l’inconnue. » Celle-ci effectua alors un saut périlleux jusqu’au Saint d’argent, l’obligeant à la reconnaître. La Dame Blanche, vêtue d’une toge de Saintia, avait beau avoir le visage dissimulé par un masque noir et amarante, il en était convaincu, c’était elle. Son masque contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux violets. _ « Les mêmes cheveux qu’elle, pensa Aeson en alternant son regard entre Eris et la Dame Blanche. » Pendant qu’il redressait son buste, il s’en prit alors étonnamment à elle : « Vois ! Vois donc jusqu’où nos actes furent punis ! Notre fille… Condamnée à être le réceptacle de la Déesse de la Discorde ! Nos filles même ! Car les faits relatés étaient clairs ! Deux s½urs nées sous la même étoile destinées à devenir Eris ! » Il chercha à se relever. Son visage devenait peu à peu déformé par la colère. D’abord abasourdi, il se changea en hystérique menaçant. _ « Mais jamais, jamais je n’aurai pensé qu’il s’agisse des nôtre ! Notre sentence aurait dû suffire ! Mais quand je te vois revenue en Fantôme à ses côtés, quoi de plus normal ! Tu étais pourrie jusqu’à la moelle ! Tu reviens en ennemie du Sanctuaire ! D’essence maléfique, tu as condamné nos filles et nos vies au chaos ! » La Dame Blanche ne le laissa pas se remettre totalement d’aplomb. Frustrée par ses propos, elle lui décocha un uppercut, alors qu’il était plié en avant de douleur tenant son buste blessé. Ainsi désarçonné, il ne put empêcher qu’elle appuie ses mains sur le sommet de son crâne pour se donner suffisamment d’élan en remontant ses genoux contre son visage. L’impact fut si violent qu’il s’éleva dans les airs par un salto, à la merci du Fantôme qui chargea sa cosmo énergie. Dans son dos une chouette d’un blanc immaculé déployait ses ailes. Son plumage devint de plus en plus grand. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile se transforma en un voile, un effluve spectral. Les yeux noirs de l’animal transpercèrent en pleine cabriole le chevalier, perçant chaque épaule, pour mieux stopper l’acrobatie et l’immobiliser. La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte l’engloutit : « Yokai O Musabori Kuu ! »
Au second niveau du temple, suspendue dans la dimension cosmique de Shaka, Dysnomie n’en perdait pas moins son aplomb. _ « Comme c’est charmant ! T’enfermer avec moi dans une dimension représentant l’harmonie. Aurais-tu quelques vues sur moi ? _ Désolé de te décevoir, dit-il en levant ses paupières, mais si je t’ai capturé ici c’est pour te priver de tes cinq sens ! » Soufflée par le septième sens de Shaka, Dysnomie disparut… Puis réapparut dans son dos. _ « J’ai cru que mon c½ur allait cesser de battre lorsque j’ai vu tes beaux yeux… _ Le fait que le Tenbu Horin soit inefficace contre toi m’interpelle. Comment as-tu fait ? _ Ah ! Je suis ravie que tu t’intéresses autant à moi ! La vérité c’est que je suis l’effigie du désordre. Dès lors, l’harmonie de l’univers n’a aucune emprise sur moi. _ Tu veux dire que tu es aux antipodes de ce que je suis ? » Elle ouvrit sa longue cape, pour dévoiler une galaxie toute entière en lieu et place de son corps. Contrairement à l’infime étoile qui balaya Naïra plus tôt, elle propulsa cette fois-ci l’univers qu’elle contient en elle sur Shaka. _ « Pourquoi ne viens-tu pas le vérifier avec moi Vierge ! Reverse of Universe ! » Les nébuleuses qui sortirent d’elle fracturèrent la tapisserie bouddhique et engloutirent Shaka. Dans un fracas semblable à des bris de verre, le Tenbu Horin vola en éclat. A la place, Shaka se retrouva à quatre pattes sur un sol de bitume marqué par une signalisation blanche. Le goudron était humide mais l’odeur de fer qui en émanait ne venait pas de lui. Lorsqu’il tourna les paumes de ses mains vers ses yeux restés ouverts, il reconnut du sang grâce à l’incandescence des incendies qui l’entouraient. En levant la tête tout autour de lui, des gens du monde moderne se faufilaient au milieu de carcasses de véhicules calcinées. Ils se courraient les uns après les autres, armes aux poings. Les éclats de verre comme les fracas du Tenbu Horin se poursuivaient. Des vitrines brisées par des jets de pavés et des carreaux de buildings, traversés par des employés défenestrés, rythmaient les cris d’épouvantes des fuyards et les ch½urs de folie des bourreaux. Devant lui, une foule submergeait des représentants de l’ordre aux boucliers inclinés, incapables de lever les matraques qui faisaient montre par le passé de leur autorité. La révolte irradiait par les grattes ciel en flammes, semblables à des torches géantes. Dans son dos, un rire dénotait totalement au beau milieu de cette anarchie. Le sarcasme intrigua le Saint d’or qui ne voyait dans cette direction que les gravats d’un bâtiment effondré. Les exclamations devenaient de plus en plus insistantes, enivrantes, concupiscentes. Elles semblaient venir de dessous une plaque de béton armé. Un léger orifice laissait s’échapper le bruit qui paraissait être le concert de plusieurs voix langoureuses. Il écarta un panneau de bois qui obstruait le passage vers les fondations de cette ruine et découvrit, tamisés sous les rayons violacés de néons clignotants, un amas de corps nus, emmêlés, enchevêtrés, glissant les uns contre les autres, les uns en les autres, humides de moiteur, de salive et du miel qui dégoulinait des envies charnelles des êtres humains. L’odeur de la débauche ne fut pas la seule qui alerta l’odorat de Shaka. Un goût acide, d’oxydation, lui prit également la gorge. A y regarder de plus près, sur les corps cambrés, fuyaient également des lignes de sang. Elles s’échappaient des lacérations par les ongles de vénustés cramponnées à leurs partenaires. Au milieu de ces bacchanales, hissée au sommet de corps mêlés, assise sur son postérieur, les bras appuyés en arrière, la cape ouverte sur un corps nu suintant d’envie, Dysnomie dévisageait avec opiniâtreté l’invité. Ses cheveux mouillés collaient son front et dégageaient enfin ses yeux. Ce regard lubrique et profond attendait le Saint. Il le fixait avec obstination. Subitement, deux mains se hissèrent en direction de Shaka pour agripper chaque côté de son heaume et le tirer par le casque vers les profondeurs luxurieuses. Une foule nue, endiablée, se souleva alors pour le tirer à l’intérieur. Plongé dans le regard de la Dryade, il se laissa guider sans protester. Il passait de dizaines en dizaines de mains humides toutes désireuses de caresser la dure protection d’or sur laquelle réfléchissait l’ultraviolet. Quelques-unes raccrochaient les pièces de métal, désireuses de se les approprier, de découvrir le corps athlétique qu’elles recouvraient. Shaka perdit d’abord son casque dans le désordre, puis une épaulette et peu à peu l’entièreté de sa Cloth. Il ne s’en soucia pas lorsqu’il vit une libidineuse membre frotter un avant-bras entre ses jambes ou un lubrique individu lécher de bas en haut une de ses jambières. Il préféra suivre le chemin qu’on lui traçait à coup de caresses et de jet d’huile sur son torse nu. La chaleur et le gel graissèrent son pantalon bordeaux qui le moula davantage. L’attirant vers elle par de mouvements des doigts, Dysnomie, jambe écartée sur son intimité, savourait chaque instant : « Voici mon harmonie ! Bien loin de la tienne si puritaine ! » Envoûté, Shaka ne perdait pas de ses grands yeux bleus son splendide corps. Les coups de griffes de mains désireuses de se l’accaparer ne le firent pas sortir du charme. Les pectoraux lacéré, le dos coupé, les joues balafrées, il se hissa sur les monceaux de corps noyés pour remonter son visage entre les cuisses de Dysnomie. Juste devant elle, il posa fermement sa main droite sur la fesse d’une des vénustés sur lesquelles Dysnomie s’était jonchée pour tirer son buste à hauteur du sien et attraper l’arrière de sa tête de sa main gauche. L’étreinte virile fit lâcher un souffle de plaisir à la Dryade qui se laissa attirer vers ses lèvres tout en humectant les siennes de gestes suaves de la langue. Shaka embrassa Dysnomie à pleine bouche. Relevant la tête entre chaque coup de langues dégoulinants qu’ils s’échangèrent à la vue de tous. Lorsqu’il recula définitivement la tête, Dysnomie rouvrit les yeux. Mais elle ne vit rien. Elle essaya de porter ses mains à son visage mais elle ne sentit plus ses membres. _ « Que m’as-tu f…, ne put-elle achever sa phrase… _ Je te priverai de l’ouïe en dernier, afin que tu comprennes ce qu’il t’est arrivé, commença-t-il… » Au même instant, pièce après pièce, sa Cloth s’arracha des mains des invités, les écorchant, voire les transperçant sur son passage. Le sang fut versé par gerbes cette fois-ci. Une épaulette trancha le néon en le regagnant, afin de ne faire briller l’espace que de sa lumière solaire. Aussitôt, les Dryades furent toutes démasquées et massacrées par les morceaux d’armure qui ricochèrent dans toute la cave. _ … D’abord la vue, puis le toucher. Vint le goût. Et à te voir essayer de gesticuler ainsi, c’est que l’odorat t’indique l’odeur du sang, du moins de la sève qui coule dans les veines de tes frères et s½ur. Ne t’inquiète pas, je te l’extirpe également. » Dès lors, Dysnomie ne ressentait plus rien. Seuls les derniers râles des siens vinrent à ses oreilles. La montagne de corps sur laquelle elle trônait s’affaissait, maintenant qu’ils étaient sans vie. Le dernier cri fut poussé avant que le casque de la Vierge ne finisse de rhabiller totalement Shaka. Il était couvert de métal doré rougeoyant de plasma. _ « Tu as compris à présent ? J’ai réalisé que ton cosmos était à l’opposé du mien. Pour que le Tenbu Horin t’atteigne, il me fallait d’abord te faire baisser ta garde puis insuffler mon cosmos en toi. Ce baiser ne fut pas désagréable, mais pour toi, ce fut un baiser mortel… » Un son de cloches retentit, de plus en plus fort, de plus en plus sourd. Le monde anarchique de Dysnomie vola en morceaux et les mantras bouddhiques résonnèrent dans le hall du second niveau du palais d’Eris. Les illusions cessèrent, seul resplendissait le cosmos de Shaka : « Je t’ai laissé entendre ta défaite. Adieu. Perte de l’audition ! Tenbu Horin ! » Revenue sur le sol dallé, le corps de Dysnomie se tortilla de faiblesse avant de se raidir. Plus loin, Naïra revenait à elle accompagnée d’une migraine. Elle étudia Shaka, yeux ouverts, porter le coup de grâce en relâchant entre ses deux mains le cosmos qu'il a accumulé : « Tu n’es plus qu’une enveloppe vide mais tu as été redoutable, je ne prendrai donc aucun risque. Tenma Kofuku ! » Des images de paradis bouddhique levèrent le corps à mi-hauteur de la pièce avant de le réduire en poussière par une décharge de cosmos suivi d’une explosion. Il rabaissa ses paupières et se tourna serein malgré les nombreuses égratignures sur son visage vers Naïra : « Si nous poursuivons sur la droite, nous nous enfonçons au c½ur de l’Utérus qui regorge de Dryades. L’objectif de notre mission et d’atteindre très vite Eris. Nous poursuivrons donc sur notre gauche afin de gagner le sommet par le flanc. Le centre est la mission d’Aiolia. J’ai foi en lui... »
Sur Terre, dans la forêt délimitant le camp des femmes chevaliers, pantalon bleu océan enserré à la taille d’un ruban jaune et maillot blanc craquelée, Rumi avait réajusté son masque comme Mito et Erda qu’elle suivait. Elle était toute perdue dans ses pensées : « Dame Geist, se remémorait-elle son nom après qu’Erda l’a employé plus tôt… On dit qu’elle dirige un groupe de trois hommes et qu’ils font preuve d’efficacité à chaque mission confiée. Néanmoins, il parait que déontologiquement parlant, elle ne soit pas un modèle à suivre… Je suis complètement perdue. J’aimerai être comme Mito et Erda. Elles sont là l’une pour l’autre à chaque épreuve. Et, tout en se souciant du danger à venir, elles n’angoissent pas à l’idée de s’y confronter. Il faut dire, qu’elles vivent au sein même du camp. Par la force des choses, elles ont toujours pu compter l’une sur l’autre. Nous sommes arrivées à un âge où nous sommes pleinement conscientes de notre mission, de notre force… Mais également du besoin de réconfort que nos corps et nos c½urs réclament. Cloîtrées l’une avec l’autre, se fut une évidence pour Mito et Erda. Moi, les événements de la veille m’ont fait réaliser à quel point Shoko compte pour moi. Mais, comme quelques-unes d’entre nous, elle ne vit pas au camp avec nous autres. Cela contribue à la rendre différente. C’est peut-être un des nombreux aspects que j’aime chez elle d’ailleurs… » Derrière ses camarades, Rumi marqua un instant le pas pour observer les rayons du soleil qui perçaient à travers les feuillages des hauts arbres qui délimitent tout le tour du camp : « Cette révélation qui fait cogner mon c½ur et chauffer le bas de mon ventre est-elle réciproque ? A quoi Shoko peut-elle penser en ce moment ? » Soudain, Rumi fut saisie par ses amies revenues sur leurs pas. Chacune souleva par un bras Rumi et s’élança dans les airs. Sous leurs pieds, la verdure prenait forme humaine. _ « Un entraînement, soupçonna Rumi revenue à elle ? _ Ce serait étonnant, s’inquiéta Mito. _ Rebecca nous attend près des temples pour une leçon théorique, précisa Erda. » Alors qu’elles regagnaient le sol, elles remarquèrent que le feuillage prenait vie aussi. _ « Erda ! Attention, s’époumona Rumi ! » Trop tard, une Dryade naquit des branchages et tomba pied en avant sur Erda. A peine le parterre foulé, Mito s’élança au secours de sa camarade sans prêter attention à une nouvelle Dryade qui l’attaquait à revers. Rumi la couvrit alors en dégageant de son poing avec efficacité une onde de choc qui mit au sol l’ennemie. Une petite fille aux cheveux gris cendré, coiffés d’un ruban magenta foncé avec une rose lie de vin, apparut alors sous les yeux de Rumi. Sa tenue de poupée de porcelaine et sa mine candide désarçonnèrent Rumi, qui ne comprit d’abord pas ce qu’une enfant faisait ici. L’intruse présenta du bout des bras son ourson en peluche qu’elle nomma : « Mick ! » Crédule, Rumi fit un pas en arrière. Interdite. Sans savoir que faire. Revenue à elle dans les bras de Mito, Erda fut tout de suite plus clairvoyante : « Rumi ! Attention ! C’est une Dryade ! » Au même instant, l’éclat sanguinolent de la prunelle des yeux de l’enfant s’illumina, tandis que sa peluche sourit avec perfidie. Si grand que l’ourson ouvrit en large la bouche, une bouche remplie de flammes…
Sur l’Utérus, devant le porche conduisant aux étages depuis le centre du temple, Mayura revenait à elle. Até, déjà debout, appuyée contre l’encadrement de la voûte, pressait sa plaie pour retenir vainement son hémorragie. _ « Impudente ! Moi vaincue par une Saint d’argent ! Je ne partirai pas sans t’avoir emmenée avec moi ! » Dans un ultime effort Até libéra tout son cosmos. Celui-ci brûlait d’une telle intensité qu’il dépassait les limites de son enveloppe charnelle meurtrie. Au point de briser son corps. Celui-ci devint veiné de racines comme l’ensemble de la structure de l’Utérus. Sa peau flétrit jusqu’à ce que son épiderme fût boisé. Chacun de ses cheveux finirent en lierre, tandis que ses bras se changeaient en branches déployant davantage de lances. Son buste se transforma en un tronc enraciné grâce à ses jambes profondément ancrées jusqu’aux fondations du temple. Mayura était encerclée par les racines qui s’étendaient du sol au plafond, l’entourant par les murs. Acculée, elle garda son sang-froid en commençant par se calmer. _ « Si mon statut de Saint d’argent te dérange, expira-t-elle d’abord, je vais te faire l’honneur de donner tout ce que j’ai pour t’emporter dans un éclat doré, inspira-t-elle extraordinairement ! » _ « Je ne crains plus tes techniques, maintenant que je me suis débarrassée de ce corps humain ! Million Hatred ! _ Il est temps de libérer toute ma concentration accumulée au fil de ces années en me privant de mes cinq sens pour atteindre mon septième sens, fit-elle voler en cendres le kimono qu’elle portait par-dessus son armure ! Higi Kenyoku Tenbusho ! » Cette fois-ci la Technique Secrète de la Danse Céleste des Ailes Iridescentes émana de tout son corps dans un éclat doré sans prendre de direction précise. Il libéra un souffle de lumière aveuglante et brûlante qui contra les milliers de lances d’Até. Le tronc d’Até commença à plier en arrière et l’Utérus tout entier vibra dans les airs. D’abord ralenties, puis corrodées peu à peu, les lances d’Até furent réduites à néant. Pourtant, malgré l’explosion de cosmos de Mayura, les projectiles ne s’épuisèrent pas. Au contraire, à mesure qu’il ne restait plus rien de son corps, que seule l’apparence de son visage s’exprimait à travers le tronc, Até mitraillait davantage. Incapables de faire repousser ses lances, écrasée par le cosmos de Mayura, Até profitait de ses racines écorchées pour projeter maintenant de toutes parts des écorces semblables à des éclats de bombes chargés de sa haine destructrice. Bien qu’ils ne progressassent pas aussi vite qu’elle l’aurait voulu, Até gardait confiance. _ « Penser que le Million Hatred était ma seule arme te coûtera la vie, vociféra le faciès de l’arbre. Moi aussi je suis capable de projeter les radiations de mon cosmos ! Violent Disaster ! » Aussitôt, bien que cela désagrégea davantage ce qui restait de son corps désormais inhumain, l’écorce de l’arbre éclata sous une nouvelle impulsion plus puissante qui permit à tous les projectiles en suspens de poursuivre leur chemin quand Mayura les maintenait encore dans les airs. D’abord menée, Até équilibra puis inversa le souffle des deux cosmos en opposition. Les premiers projectiles de cosmos atteignirent leur cible, transperçant les épaules et les cuisses du Saint d’argent. Pourtant, la chevelure olive tournoyant dans les airs, Mayura ne fléchit pas. Le sang de sa plaie à l’½il fuyait en abondance. _ « Bien trop en abondance, s’inquiéta Até. » Il se mêlait aux radiations du Higi Kenyoku Tenbusho qui retenait du mieux qu’il pouvait les assauts répétés d’Até. Seulement, au contact du bois, le plasma parvenait à le calciner. _ « Que penses-tu faire pauvre folle ? Te vider de ton sang pour brûler jusqu’à ma dernière racine ?! » Tandis que son sang et son cosmos s’entremêlaient, brûlant tout sur leur passage, ils imprégnaient Até. _ « S’il le faut oui ! Higi Kenyoku Tenbusho, lança dans une dernière salve Mayura ! » Circulant dans les racines d’Até le sang brûlant de cosmo énergie de Mayura rongeait le bois. Il dessoucha Até et remonta jusqu’à son visage. Enfin, lorsqu’il finit de corroder son épiderme jusqu’à la couche la plus enfouie sous l’écorce, l’arbre explosa, pulvérisant ainsi Até et soufflant l’étage tout entier, tout en emportant Mayura…
Dans le domaine sacré, traversant les villages les uns après les autres, Xiao Ling trépignait d’impatience et débordait de questions. Déposée dans une carriole de foin tirée par des b½ufs et empruntée à la ferme la plus proche des remparts d’où ils venaient, la Chinoise assénait d’interrogations Voskos à qui Algol avait demandé de prendre soin d'elle. _ « … et donc ici tout le monde vit encore comme au temps de la Grèce Antique c’est bien ça, s’émerveillait-elle devant les paysages qu’elle croisait ? _ Oui, grommela le Saint de bronze. _ Et donc, si toi tu es un Saint, ton armure représente une constellation protectrice c’est ça ? Laquelle est-ce ? _ Bouvier, répondit-il en enfonçant sa tête dans ses épaules tandis qu’il tirait les b½ufs… _ Quelle coïncidence, explosa-t-elle de rire en rapprochant sa constellation au rôle qu’il jouait en cet instant ! » Cela n’amusait guère le rustre Saint qui la laissa achever son fou rire avant de demander sérieusement : « Si j’ai bien compris, cela fait des années que tu traverses le monde afin de venir ici. Il faut avoir vécu quelque chose de fort pour avoir la force de caractère de surmonter un tel périple. » Aussitôt, Xiao Ling perdit sa joie de vivre. Nerveusement, elle enroulait de chaque côté de sa tête ses longs cheveux pour en faire des chignons qu’elle attachait avec les morceaux de tissus qui pendouillaient de sa tunique. Des images terribles de sa troupe massacrée, de son chapiteau en feu, du petit corps de son amie Yufa gisant au sol frappèrent sa mémoire. Elle adopta un sourire de façade : « Oui. Cet endroit est merveilleux. Comme me l’a présenté Rebecca. » Voskos fit la moue : « Détrompe-toi. Certes le cadre est chatoyant. Certes la morale de notre mission est noble. Mais pour maintenir cela, pour se montrer digne de cela, il faut endurer mille tourments. Mille batailles. Mille morts. Je ne doute pas que tu ais déjà éprouvé un dur entraînement, c’est certainement celui-ci qui t’a permis de trouver en toi un cosmos capable de parvenir jusqu’ici… » Xiao Ling se revoit alors au cirque réussir chaque fois davantage d’épreuve quand derrière elle, les uns après les autres, ses partenaires montraient leurs limites. Jusqu’à ce que Yufa ne parvienne plus à la suivre. Jusqu’à ce qu’elle lui vole la place de vedette et d’attraction principale de la troupe. _ « … Mais il n’est rien face à celui d’un Saint, poursuivit Voskos. Tu as assisté à une répression militaire… » Xiao Ling revit la nuit durant laquelle, après une représentation, la troupe fut encerclée par la milice, accusée de complicité avec les rebelles, extirpée de ses roulottes, mise à nue, humiliée. Où chaque membre tombait tour à tour sous les balles, quand les coups de matraque ne suffisaient pas. Cette nuit durant laquelle Yufa, son amie de toujours et qui l’enviait tant à mesure que l’étoile de Xiao Ling montait de plus en plus haut sous le chapiteau, vint la réveiller en sursaut pour se faufiler au milieu du charnier. Cette nuit durant laquelle les petites filles furent découvertes. Cette nuit durant laquelle, alors qu’il ne restait plus qu’elles deux, Yufa l’incita à fuir droit devant. Cette nuit durant laquelle Yufa fit barrage, les bras écartés, de son petit corps pour tenter de gagner du temps pour elle. Xiao Ling revoit encore la matraque lui fendre en deux le crâne. Son corps tout frêle voler comme un fétu de paille sur le côté. Ses gros yeux ronds vides perdus à l’horizon. Son cadavre, piétiné par ses poursuivants, visible grâce aux flammes qui dévoraient son chapiteau. _ « … Mais un Saint affronte des armées entières menées par d’autres dieux, conclut Voskos. » Xiao Ling se revoit dans sa chemise de nuit, les genoux recroquevillés devant sa poitrine, au levé du jour. Elle fixait encore la direction de son camp. Elle était seule, en pleine forêt. Sale et affamée. Sauve. Mais atrocement traumatisée. Arriva alors à elle Rebecca. La Saint ne parla pas. Elle ôta son masque et lui sourit. C’était la seconde personne de sa vie qui lui offrit un petit peu de chaleur après Yufa. Orpheline, les propriétaires du cirque ne lui montraient aucune compassion, quand bien même elle faisait leur renommée. Ses camarades n’étaient rien d’autres que des concurrents qui jalousaient son statut. Son public n’était jamais suffisamment satisfait de ses prouesses. La faim et l’exigence étaient son quotidien. La mansuétude de Yufa sa délivrance. L’étrangère la ramena au village. Elle se laissa guider ne sachant pas, sur quoi elle allait tomber. C’était calme. Silencieux. Un silence de mort. La milice avait quitté les lieux. La troupe déjà mise en terre. Le hochement de tête de Rebecca à son intention lui fit comprendre qu’elle était à l’origine des sépultures. Quelques roulottes demeuraient intactes, au milieu de celles qui fumaient encore. Les premiers mots de Rebecca résonnaient encore dans sa tête : « Je suis arrivée trop tard. J’espère que tu sauras me pardonner. » Xiao Ling craqua alors. Elle se jeta contre Rebecca pour écraser ses sanglots contre elle, comme un enfant se jetant dans les jupons de sa mère pour livrer son chagrin. _ « Affronter des armées entières pour empêcher que ce que j’ai traversé ne se reproduise n’est-ce pas, répondit-elle à Voskos ? _ Hélas, nous évitons l’ingérence dans le monde contemporain. Athéna et le Sanctuaire veillent à laisser l’homme libre de ses choix. Espérant toujours que du pire qu’il puisse accomplir il en tire les leçons pour fonder un avenir meilleur. » Ces paroles choquèrent Xiao Ling. Voskos s’en rendit compte. _ « Nous ne sommes pas la police mondiale. Ni des justiciers, compléta-t-il. Tu t’es peut-être fait une idée fausse de ce qu’est un Saint en idéalisant ta rencontre avec Rebecca. A cette époque, elle est sûrement venue pour te chercher. Bien entendu, si elle l’avait pu, elle aurait évité le drame que tu as vécu. Mais ça n’était pas la raison de sa présence. » Cette révélation, tonna comme une détonation au plus profond de Xiao Ling. Tandis qu’un fragile idéal se brisa en elle, elle sentit la carriole trembler. Comme si le sol se dérobait sous le choc. Il lui fallut quelques instants pour comprendre que la détonation qu’elle ressentit était bien réelle et que la terre tremblait véritablement. Voskos avait cessé d’avancer. Sous leurs yeux, le bruit sourd fut suivi d’une déflagration visible au loin. _ « Le camp des femmes Saints, s’émut Voskos ! » En effet, de cette direction s’éleva dans les airs une haute colonne de flammes…
Dans les cieux, à l’approche du sommet, malgré qu’Aiolia et Mayura leur ouvrirent la voie, l’ascension depuis le centre du domaine demeurait semée d’embûches pour Georg et Juan. Les deux Saints d’argent enchaînaient les mêlées contre des cohortes de Dryades toutes plus assoiffées de sang les unes que les autres. A mesure qu’ils progressaient dans le quatrième étage, les pièces offraient de moins en moins d’interstices, filtrant d’abord la lumière du jour, puis l’obstruant totalement maintenant qu’ils faisaient face à une immense statue en pleine pénombre. Tout autour d’elle, des colonnes doriques peu espacées maintenaient un concassage de roche. Contre l’une d’elle, Georg finissait de frapper à mort de ses poings une Dryade masculine à la stature immense et aux épaules larges. Ce physique titanesque ne tint pas face au cosmos et l’art martial du Saint. Tandis que la Dryade ployait sous les martèlements furieux de la Croix du Sud, Juan de l’Ecu fixait la sculpture. Haute, tirant sur la hauteur de plafond sur une demi-douzaine de mètres, il s’agissait d’un serpent aux ailes déployées. Forme reptilienne identique, à celle prise par Eris en sortant de la Pomme d’Or. De sa gueule aux crocs menaçants, coulait sans discontinuer, comme le venin que la Déesse de la Discorde balançait sur le monde, un filet d’eau qui alimentait une marre dans laquelle ils trempaient du bout des pieds. Le sang de la Dryade abattu par Georg se mêlait à l’onde, qui semblait plus profonde aux pieds du monument. _ « L’eau s’éparpille dans de petits caniveaux qui viennent chercher leur source dans ce bassin, constata Juan en observant tout autour d’eux. _ L’architecture de ce temple est très bien pensée, confessa Georg qui retrouvait son attitude habituellement posée. J’imagine qu’à l’étage du dessus se trouve un glacier, qui permet d’alimenter en eau toute la structure. _ Il n’y a pas cinquante façons de le savoir, pointait du doigt Juan le serpent de pierre. » A bien y regarder, Georg reconnut des marches en colimaçon, taillées dans le corps du reptile. Toutefois, il stoppa l’élan de son camarade en lui retenant l’épaule. _ « Attends ! _ Quoi donc Georg ? Aurais-tu peur ?! Nous ne sommes pas obligés de traverser à la nage tu sais. Un simple saut nous permettra d’arriver à l’autre bout. _ Ne dis pas de bêtises ! Regarde ! Au milieu de l’étang, la profondeur parait insondable. On ne sait pas ce qui peut en sortir et nous choper au vol ! _ Il ferait bon voir, se vanta le brun. _ Deux secondes, râla le blond à barbichette… Regarde ! » Il pointa son index en direction du bassin et dessina une croix pour tracer l’onde de haut en bas puis de gauche à droite. Lorsqu’il remonta sa main vers son visage, il écarta ses quatre autres doigts avant de refermer son poing. Instantanément, des éclairs crépitèrent tout autour de son bras. A cet instant la croix dessinée en direction de l’eau l’illumina comme un lac sur lequel s’était abattu la foudre. Sous formes de flashs répétés, la pièce centrale du quatrième niveau clignotait, alternant obscurité et lumière blanche, obligeant Juan à passer son écu devant ses yeux pour ne pas être ébloui par la lumière résiduelle. Quand Georg eut fini, remontèrent aussitôt à la surface des plantes tentaculaires aux bulbes armés de dents longues et aussi fines que des aiguilles. _ « La fraîcheur de cette eau me donnait plutôt envie jusqu’ici. Maintenant on dirait une espèce de bouillie, grimaça Juan. _ Je te déconseille de goûter à cette soupe, regarda-t-il l’eau devenue verte et épaisse couler à ses pieds. » Un éclat de rire interrompit les deux amis. Il venait de la tête de serpent sur laquelle un homme se dressait fièrement. _ « C’est bien dommage que tu ais écouté ton ami, provoqua-t-il Juan, j’étais curieux de voir un Saint se faire dévorer par ces plantes carnivores. Elles devaient être repues de Dryades. De la chair Athénienne aurait bien diversifié leur alimentation. _ A t’entendre parler et à voir ta protection, tu ne sembles pas être une Dryade, s’emporta immédiatement Juan ! Si j’ai bien compris, des lâches ont juré fidélité à Eris en échange d’une vie nouvelle ! Quoi de plus normal à ce que tu sois resté caché jusqu’ici ! » Pour seule réponse, un éclair frappa entre les deux Saints, les obligeant à s’écarter l’un de l’autre. Le bruit du tonnerre accompagnant l’éclair vint ensuite, le son après la lumière. Cela fit trembler le sol et provoqua l’éboulement de la statue. Comme si le grondement l’avait ébranlé. Roulant au sol pour éviter les pierres et la vague provoquée par le poids des débris dans l’onde stagnante et désormais poisseuse, Georg et Juan furent écartés l’un de l’autre, échappant à l’ensevelissement de l’accès par lequel ils étaient arrivés. _ « C’est toi qui as déclenché cet éclair ?! Tu aurais pu être plus prudent ! On a failli finir ensevelis avec tes conneries, réagit une fois sur pieds Juan ! _ Pas du tout, tempéra à l’autre bout de la pièce Georg, ça ne venait pas de moi. » Tout en haut de la pièce, là où trônait la tête reptilienne, l’eau coulait désormais en plus grande abondance depuis que moins de roche ne lui barrait la route. Déjà de l’eau jusqu’aux cuisses, Georg s’en extrait en se tenant sur le rocher le plus élevé des environs. Trop intéressé par la lumière du jour qui perçait au sommet aussi depuis que la pierre ne l’obstruait plus, Juan fut mis en alerte par son allié : « Juan ! Sors de l’eau ! Vite ! N’oublie pas que l’eau conduit l’électricité ! » Juan s’exécuta tout en cherchant l’ennemi. Il se tenait sans méfiance sur le plus haut fragment de serpent entre les deux chevaliers. _ « Cette armure… Sa forme, reconnut Georg… _ Oui… La même que la tienne. Je suis Christ Ghost Saint de la Croix du Sud. _ La même, la même, pinaillait de l’autre côté Juan, la couleur et quelques détails sont différents. _ L’évolution au fil des siècles, hocha les épaules Georg visiblement pressé d’en découdre. Les Cloths évoluent au gré des dégâts qu’elles subissent mais aussi du sang versé et du cosmos déployé par son porteur. Certaines sont mêmes en morceaux durant des siècles, attendant au cimetière des armures que de nouveaux porteurs viennent les trouver et leur rendre vie. D’autres évoluent ou régressent. De bronze à argent ou d’argent à bronze. Voilà pourquoi parmi les quatre-vingt-huit armures il est toujours compliqué de savoir combien sont de bronze et d’argent. D’une génération à l’autre, la seule certitude est qu’il n’en existe que douze d’or, une petite trentaine d’argent et une grosse quarantaine de bronze. Le changement de catégorie n’est pas si fréquent et ne s’opère que lors de réparation sous la bénédiction d’Athéna. _ Merci pour le cours, grimaça Juan. _ Par Eris ! Je n’aurai jamais pensé que mon successeur serait devenu si barbant, se mit en garde le Fantôme à la Leaf rouge. _ Par Athéna ! Je suis déçu d’être l’héritier d’un traître qui a autrefois porté cette Cloth, l’imita le Saint à la Cloth argentée. _ Minute, s’interposa Juan ! C’est mon combat ! _ Pardon, opposa Georg ?! _ Exactement ! Ce lâche n’a même pas eu le courage de s’opposer à nous ! Il espérait rester planqué à me voir me faire bouffer par ces mélanges de poulpes et de boutures affreuses ! Et puis, nous n’avons jamais pu réaliser autre chose que des oppositions d’entraînement toi et moi. Pouvoir aller au bout d’un affrontement contre ta copie me ferait un plaisir fou ! De plus n’oublie pas qu’Aiolia s’occupant de l’Utérus, l’objectif est d’éliminer Eris au plus vite ! Il ne reste plus qu’un niveau avant d’atteindre le palais, pointa-t-il du doigt la lueur du haut de la pièce ! _ Une copie, serra les poings Christ ! _ Très bien, refusa de se vexer Georg par les termes employés par Juan. Mais n’oublie pas, il a transformé l’aire de combat à son avantage en se servant de l’eau dont le niveau monte autour de nous. Ta victoire en ce lieu ne sera possible que si tu l’obtiens avant que la salle ne soit submergée, rappela Georg avant de bondir hors d’ici. _ Ne t’en fais pas, ce sera rapide et sans bavure. » Malgré son apparente confiance, Juan avait remarqué qu’autour de lui toutes les évacuations prises par les caniveaux avaient été intelligemment obstruées par l’éboulement. Rendant l’aire plus avantageuse pour Christ.
Au Sanctuaire, alors qu’ils étaient proches du camp des femmes chevaliers, Voskos tentait de calmer les b½ufs qui refusaient d’avancer plus loin, sentant le danger. Le Saint du Bouvier, colossal dans sa Cloth bleue bardée de piques, observait avec inquiétude tous les pétales qui tombaient sur le domaine depuis une hauteur insondable et qui scintillaient comme des lucioles. Plus que les flammes, c’était ce phénomène qu’il voyait comme un mauvais présage. Toute aussi paniquée que les animaux en revoyant ces hautes flammes jaillir du camp des femmes, Xiao Ling demeurait tétanisée malgré les exhortations de Voskos à descendre pour venir avec lui porter assistance aux Saints et à leurs apprenties. Quand, tout à coup, les bovins furent immobilisés par les chardons qu’ils piétinaient jusqu’alors. D’abords prisonniers par l’entrelacement de leurs pattes, ils furent soudain transpercés par les feuilles aux picots acérés qui poussèrent à une vitesse inouïe. Les b½ufs furent éviscérés puis découpés en un instant, éclaboussant au passage de leurs tripes la Chinoise. Saisie par ce bain de sang, elle reprit ses esprits et put compter sur ses réflexes d’acrobate pour s’extirper du chiendent à la croissance hors norme, lorsque celui-ci s’en prit à la remorque de foin où elle demeurait jusque-là. _ « Les Dryades, s’exclama Voskos ! » La mauvaise herbe poussa alors jusqu’à faire éclore six Dryades aux armures noires et amarantes habillées de soutanes grises et épaisses.
Devant, dans la forêt qui mène au camp, Mick libérait ses flammes sur Rumi. Celles-ci s’élevèrent haut vers le ciel, rongeant les arbres. La végétation servait d’immense torche. Emony convulsait d’hystérie, tant le spectacle macabre la fascinait, alors qu’elle faisait pourtant se consumer la végétation, symbole de sa caste. Les Dryades qui l’accompagnaient et étaient dans la trajectoire de Mick succombaient sous ses yeux, carbonisées…
Au centre du camp, au milieu de temples vétustes mais encore debout, une quarantaine de jeunes femmes en arc de cercle autour de leur instructrice, toutes masquées, bondirent sous le coup de la détonation. La formatrice fut la seule à ne pas diriger son attention vers la colonne de flammes. Elle ressentit un danger plus imminent. Tout autour d’elles, les vestiges qui leur servaient d’habitations ou de prieurés devenaient prisonniers de ronces gonflantes et grandissantes. Du cours d’eau qui traversait le camp, sortirent des tentacules tous reliés à un même objet. L’étang à l’eau habituellement si clair où les jeunes femmes aiment se rafraîchir était devenu poisseux, croupis. Il était en ébullition. Les élèves se rassemblèrent tout autour du maître. Au sol, les racines des ronces acérées devenues énormes ne parvenaient plus à contenir leur propre croissance hors norme, elles suintaient de sève d’un vert blanchâtre. Puant. Purulent. De l’eau, les tentacules jaillissaient et virevoltaient au-dessus de leurs têtes. La verdure putréfiée n’en put plus, elle implosa, faisant éclore par dizaines des Dryades, hommes et femmes. Du cours d’eau perturbé jaillit une bête immonde, immense. D’un gris noir, sur quatre pattes avec une queue qui fendait l’air comme un fouet. Une gueule immense avec une double dentition de bas en haut de sa mâchoire proéminente. Une crête frontale qui s’allongeait jusqu’au milieu de sa colonne vertébrale et descendait de chaque côté de sa mâchoire. Ses tentacules, extensions de ses appendices permettant d’allonger sa crête, cinglaient le sol qu’il fendait à chaque contact. Une double paire d’yeux rouges qui se superposaient toisait avec appétit les femmes. Lorsque les Dryades furent toutes écloses et que la bête discerna chaque proie, Rebecca somma à toutes de se disperser. Grand bien leur fut fait, car les plus lentes furent tranchées en deux d’un coup de tentacule horizontal. Pendant que les troncs des innocentes tombaient devant leurs jambes détachées, Rebecca, depuis les airs, remarqua les autres tentacules venir agripper des élèves désormais incapables de tenir la moindre garde. Ce fut ainsi cinq autres liens qui s’accaparèrent autant d’apprenties pour les jeter dans les trois mètres de profondeur de gueule du monstre. En retombant au sol, les survivantes du premier assaut n’eurent pas le temps de prendre la fuite devant le quadrupède de quatorze mètres de long, car déjà ces tentacules les menaçaient à nouveau. Ceux-ci étaient visibles depuis l’extérieur du camp puisque les six mètres de haut de l’animal concurrençaient déjà la plupart des arbres…
Bien au-dessus de tout ça, cloîtrés par les débris de l’immense statue, Juan et Christ sautaient de rochers en rochers pour s’échanger quelques coups sans tomber dans l’eau. Le niveau montait sans cesse et avait déjà englouti deux mètres. Préoccupé par la montée rapide, Juan n’arrivait pas à se concentrer sur son adversaire. Si bien qu’il était déjà marqué par quelques égratignures alors que Christ était indemne. _ « L’écroulement a condamné toutes les issues, y compris les voies d’eau qui desservaient le reste de l’Utérus. Tout a été parfaitement calculé. Si maintenant je tombe dans l’eau, je suis condamné par sa foudre. Et si je ne le bats pas assez vite, je finirai par être rattrapé par le niveau. Percer les murs, impossible. Il insiste trop sur les corps à corps pour me permettre d’invoquer ma technique. Il est très rapide pour un Saint d’argent. Certainement un des éléments les plus brillants de notre caste ! » Devinant le stratagème du Ghost Saint, Juan ne pouvait que faire preuve de vigilance et de maîtrise martiale pour répondre à une nouvelle charge. Le rustre Fantôme bondit de bien bas pour arriver poing en avant, plus haut, jusqu’à Juan. Juan esquiva et répondit d’une gauche. Christ bloqua sans mal avec sa main gauche et poursuivit un enchaînement, alternant poing droit et gauche. La rudesse de ses tentatives intimidait suffisamment Juan, pour qu’il recule instinctivement, bien qu’il réussît à éviter ou à bloquer chaque coup. Lorsqu’il voulut répondre d’un uppercut du gauche, Christ évita d’un mouvement de hanche et profita de l’impulsion de son geste pour répondre d’une reprise de volée de la jambe droite. La garde brisée par l’uppercut manqué, Juan s’abrita alors derrière son bouclier. Alors qu’un tel choc, même protégé, aurait fait choir l’ennemi, Juan put compter sur l’armature pour rester cramponné sur ses appuis. Pourtant, un éclat terrible déchira le bruit de la chute d’eau continuelle. Christ fut repoussé par son propre coup, projeté en arrière par l’impulsion de celui-ci. Il prit soin de se réceptionner sur le morceau de roche le plus près en grimaçant après avoir reposé sa jambe au sol. Celle-ci voyait une fissure remonter tout le long de sa Leaf et poursuivre la craquelure sur le reste de sa jambière. _ « Je vois. Comme le veut la légende, de toutes les Cloths de bronze, la protection la plus solide est le bouclier du Dragon. Ne le surpasse que le bouclier d’argent de l’Ecu. Celui-ci n’a pas failli à sa réputation. Mais peux-tu rester ainsi caché éternellement derrière ton bouclier ? » Juan ne répondit pas. Il se sentait tout à coup ridicule de ne pas réussir à faire face sans lui. Christ le provoqua à nouveau. _ « N’est-ce pas toi qui me traitais de lâche tout à l’heure ? » Le rictus de Juan ne pouvait cacher sa frustration. Christ, visiblement ancien chevalier expérimenté, profita qu’il soit déstabilisé pour repartir à l’assaut. Regagnant l’îlot de Juan, il fondit par-dessous, l’obligeant à planter fermement par le bas son bouclier pour lui barrer la route. Christ augmenta alors sa vitesse pour finalement remonter jusqu’à son visage et le frapper d’un crochet du droit. Propulsé sur un autre pic, Juan se remit à peine que cette fois-ci Christ attaqua par les airs. Plus alerte, Juan anticipa en effectuant un coup de pied retourné. L’acrobatie échouant, il enchaîna à Mach 5 dans les airs plusieurs coups de pied sans parvenir à l’atteindre. A nouveau sur le même roc tous les deux, Juan, offensé par ses échecs, partit à son tour dans une combinaison de coups de poings que Christ parait tous. Visiblement lassé par la lenteur de Juan, il lui cassa le rythme d’un simple coup de poing au visage. Suffisamment perturbé, Juan se fit alors rosser. Si vite et si fort qu’il fut incapable de lever son bouclier. Christ en finit en le cognant à l’estomac, le pliant en deux de douleur, puis en le faisant chuter sur le rocher du dessous en le frappant sur le sommet de la tête avec ses deux poings joints. La chute amortie par son diadème, Juan n’en demeurait pas moins secoué. Du sang perlait de son front et de son nez. Des douleurs abdominales l’empêchaient de se relever. _ « Je n’avais pas osé invoquer mon arcane jusqu’ici, préférant ruser, te pensant bien plus rapide que le niveau standard exigé pour être Saint d’argent, fanfaronna Christ. Mais je suis déçu. » En croix, les dents serrées, la mâchoire crispée, Juan se sentait insulté pour son impuissance. Soudain, une sensation fraîche soulageait le bout de ses doigts. L’eau commençait à engloutir son rocher. La pièce était à moitié remplie. Prestement, il lui parut crucial de s’en extraire, mais la douleur lui empêcha de réagir suffisamment vite. Une fois sur pied, il était immergé jusqu’aux chevilles sous le regard moqueur de l’ennemi. _ « Il est très fort. Si maintenant il déclenche son arcane, je n’ai vraiment aucune chance. » Resté plus haut, Christ voyait l’eau monter. A son tour il songeait : « Il n’a plus le choix. Soit il concentre sa technique et j’anticipe avec la mienne. Vu qu’il a les pieds dans l’eau, il n’a aucune chance. Soit il m’attaque de front, mais je bénéficie d’une altitude plus élevée, je le repousserai encore plus bas dans l’eau en le chargeant de tout mon poids. _ Je n’ai que deux choix et il le sait. Il est plus rapide que moi. Il n’y a qu’en le déstabilisant que je le surprendrai. » Juan dressa devant lui son écu contre lequel il invoqua de sa main une sphère de cosmos. Dès lors, Christ sourit avec perfidie en plaçant ses bras en croix devant lui : « Alors tu as choisi la solution de l’arcane ! Désolé pour toi mais c’est le choix qui va t’offrir la mort la plus rapide ! » A cet instant, Juan lâcha sa concentration. Le cosmos invoqué jusqu’alors lui servit à franchir une vitesse encore jamais atteinte. L’impulsion fut si vigoureuse que son récif céda. Fonçant sur Christ à la garde brisée, il le surprit d’un crochet du droit brisant en éclats son heaume. Profitant de la longue allonge que lui donnait son bouclier, il le martela ensuite de coups de poings courts et répétés sur ses bras pendant qu’il était encore sonné. Reculant difficilement, ayant du mal à tenir sur ses jambes, Christ comprit trop tard qu’en blessant ses bras, Juan espérait ainsi altérer la vitesse de ses mouvements. Devant lui, Juan chargeait à nouveau son cosmos contre son bouclier pour invoquer cette fois sa technique : « Astral Gravitation ! » Une sphère immense d’un bleu très sombre en jaillit et tandis qu’il le dressa au-dessus de lui pour emporter le Ghost Saint, ce dernier posa difficilement ses bras en croix devant lui. La Gravitation Astrale arracha la pierre qui les tenait hors de l’eau et, alors qu’elle allait emporter Christ, des éclairs apparurent tout autour : « Southern Cross Thunderbolt ! » La foudre contourna la boule gravitationnelle pour saisir et immobiliser Juan. Dans le même temps une croix d’éclairs traversa la boule gravitationnelle pour perforer le plastron de Juan. Juan fut renvoyé s’encastrer dans le mur d’en face. Les éclairs de Christ rongèrent le cosmos de Juan et annihilèrent sa technique. Les bras encore tremblant en raison des traumas causés par Juan, Christ avait tout de même repris l’avantage. Il arborait un sourire plein de confiance sous les grands yeux ronds crédules de Juan. _ « Mach 181. » Seul un filet de sang fuyant la bouche de Juan répondit à sa place. _ « C’est la vitesse d’un éclair dans des conditions atmosphériques standard. C’est la vitesse à laquelle j’exécute ma technique. _ …, Juan voulut souffler son dépit mais trop de sang obstruait sa gorge. _ Voilà pourquoi j’ai contourné ton attaque, pour t’immobiliser grâce à l’électricité. Pour ensuite avoir le temps de perforer les particules que tu as invoquées et enfin t’exécuter… cuter… cuter… cuter… » Contre toute attente, Christ fut pris de curieux spasmes. Autour de Juan un cosmos d’un bleu aussi obscur que sa technique irradiait. _ « Que… Que… Que m’as-tu fait ? Fait ? Fait ? _ Dès le début du combat, il m’est apparu que tu étais un Saint d’argent d’exception. Tactique. Fort. Rapide. Très rapide. Si bien que j’ai réalisé que ton Southern Cross Thunderbolt, serait encore plus rapide et donc imparable pour moi. J’ai réalisé très vite alors que je ne serai pas à la hauteur. Il ne me restait alors qu’à accepter mon impuissance et à ruser. Atteindre ta vitesse, j’en suis incapable. Je ne sais même pas si j’y parviendrai un jour. Il me fallait donc l’endiguer. Avoir fait voler en éclat mon Astral Gravitation ne l’a pas réduit à néant. Au contraire. Elle te pèse désormais sous d’infimes particules. Tes éclairs aussi rapides soient-ils n’ont pas été assez nombreux pour toutes les griller. En temps normal ça aurait pu être le cas, mais les heurts que je t’ai causé plus tôt aux bras ne t’ont pas permis de déployer toutes tes forces et, de toute manière, tu avais pris un tel ascendant psychologique que tu étais persuadé que cela n’était pas nécessaire pour venir à bout de moi. Désormais mes particules pèsent sur toi. Comme une barrière gravitationnelle, elles t’alourdissent, elles augmentent ta masse et te ralentissent. _ Im… Im… Impossible… ble… ble… » De plus en plus pesante, la cosmo énergie de Juan le libéra de son mur pour l’en faire glisser tout du long comme un poids mort. C’est seulement lorsqu’il toucha à nouveau le sol qu’une étincelle brilla dans ses yeux. _ « Non ! Non ! Non ! Il utilise sa technique sur lui-même pour alléger sa masse ! Ça veut dire qu’il va gagner en vitesse… esse… esse… » Donnant raison à Christ, Juan apparut sous ses yeux alors qu’une image rémanente de lui était encore pieds au sol plus loin. Il déclencha un crochet du gauche sur lequel, au moment de l’impact, il augmenta une fraction de seconde sa propre masse corporelle pour cogner plus fort. Bougeant au ralenti, Christ sentit son ½il droit exploser sous le poing ennemi qui lui creusa le visage. Sa tête rebondit au sol et revint à la hauteur de Juan. A sa merci. Le rebond fut si haut qu’il put d’un ciseau lui briser la protection dorsale et l’envoyer cogner le plafond. En revenant vers un récif Christ tenta bien une riposte mais Juan allégea sa masse pour passer sous le crochet de Christ. Puis il l’augmenta au moment de frapper son foie. Acculé, reculant malgré l’entrave, Christ la moitié du visage creusé, apprécia malgré tout la montée des eaux au trois quarts de la salle. Dans son dos, son cosmos grésillait contre la pression exercée par celle de Juan. _ « Tu m’as traité de lâche au début de notre rencontre. En jouant sur la pesanteur, qui est le plus lâche de nous deux ? _ Entraver tes techniques n’est qu’une tactique parmi tant d’autres. Comme celle que tu as utilisé dès le début de notre affrontement en profitant de la montée des eaux. Ton expérience a d’abord été un avantage avant de devenir un inconvénient. Tu n’as pas envisagé que quelqu’un de moins fort et de moins expérimenté puisse contourner tes propres règles. _ Qu’importe, nous sommes maintenant submergés et, même s’ils sont moins nombreux et moins rapides, mes éclairs briseront nos derniers perchoirs et tu mourras grillé dans l’eau ! Southern Cross Thunderbolt ! _ Que mon corps tienne le coup, fit-il jaillir cette fois-ci trois petites sphères de son bouclier ! Astral Gravitation ! » Une première sphère s’étira aussitôt pour englober Juan et le protéger dans une bulle qui le maintenait en lévitation au-dessus de l’eau. Dessus vinrent ricocher par milliers, des gerbes électriques. La seconde tomba dans l’eau comme une bille de plomb. Au contact de l’onde, celle-ci prit la forme de milliards de bulles qui flottèrent dans l’atmosphère, redirigeant comme un miroir tous les éclairs jusqu’à ce que chacun traverse son invocateur. Enfin, la dernière grossissait à mesure qu’elle dévorait lentement l’espace. Elle étira les murs jusqu’à ce qu’ils rompent puis engloutissent Christ déjà brûlé de l’intérieur par les retours ininterrompus de sa foudre contre lui-même. Arrachant pièce après pièce, l’Astral Gravitation emporta la moitié du quatrième niveau et réduisit en poussière Christ. L’eau put enfin évacuer et Juan, lui, put retomber au milieu des décombres, épuisé mais pas abattu. Il levait déjà la tête en direction du haut de la chute d’eau, déterminer à rejoindre Georg… Flashback
Tout à coup, Kyoko cesse son récit, importunée par la table voisine dont la dispute devient plus démonstrative. En effet, les Evil Seeds activées font leur effet et l’amoureux éconduit se lève de sa chaise en haussant la voix et en renversant volontairement sa table. Le reste de la clientèle est affligée quand Mars soupire : « C’est bien trop tôt pour m’offrir un bain de sang ma s½ur ! Tu n’as pas fini ton histoire ! »
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« on: 25 October 2021 à 11h28 »
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Cette version du chapitre 21 est une version rééditée de la publication originale du 30 juillet 2011. Bonne relecture aux lecteurs les plus fidèles, et bonne découverte pour les nouveaux.
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