Sujets - Kodeni
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« le: 6 Novembre 2023 à 13h33 »
Chapitre 84
Dans une des ailes réservées aux familles bourgeoises du Walhalla, à l’intérieur de ses appartements, Bedra de Edel, émerge doucement de cette nuit agréable, qu’elle a passé emmitouflée dans ses draps. Malgré le réveil, elle paraît toujours aussi séduisante. Ses longs cheveux blonds soyeux et à peine dépeignés, ne gâchent en rien cette beauté que chaque homme rêve d’avoir à ses côtés au matin.
Ses yeux améthyste se tournent instinctivement de l’autre côté du lit, celui-ci est hélas déjà vide en ce matin du 23 mars 1987. Très vite, son futur époux la rassure. Couvert de sa God Rob, casque sous le bras, Syd de Mizar admire le paysage depuis la grande fenêtre où il s’est posté : « Bientôt tu continueras à passer d’aussi agréables nuits que celle qui vient de s’écouler. » Sa promise se penche légèrement et admire un temps moins capricieux que d’ordinaire. Hormis quelques flocons qui voltigent dans un vent relativement calme, le ciel paraît clément en ce jour à Asgard. _ « Odin bénit déjà sa Majesté Hilda d’entreprendre notre conquête du Sanctuaire. _ Alors c’est toi que la Princesse de Polaris a choisi ? _ Oui. Je dois me rendre au Sanctuaire jauger la puissance des Saints qui protègent Athéna et, accessoirement, ramener sa tête si la tâche n’est pas trop ardue. » L’engouement du Guerrier Divin n’est pas partagé par la belle des neiges : « Je suis surprise que tu prennes plaisir à ôter la vie d’une déesse qui nous a toujours été présentée comme alliée à Odin. » Bien plus impulsif avec elle depuis qu’il a découvert sa liaison avec Bud, le God Warrior de Zeta s’emporte : « Parce qu’une divinité qui nous condamne à vivre ici dans ces conditions, est une alliée pour toi ?! Bien sûr, en restant au chaud à profiter des trophées de chasse de nos serviteurs, tu ne dois pas te rendre compte de la rudesse d’une vie ordinaire dans ces contrées ! Demande à Thor ce qu’il en pense. Interroge-le sur le nombre d’enfants morts le mois dernier à cause des conditions de vie déplorables ici ! » Discrète, effrayée, Bedra se contente de murmurer : « Je suis simplement surprise qu’Hilda accepte soudainement de faire appel à la violence. Elle et sa s½ur abhorrent toute forme de haine. D’ailleurs, en parlant d’elle, où est Freya ? Que pense-t-elle de tout ceci ? Et le Seigneur Sigmund ? On dit que son frère fut nommé à sa place God Warrior ! » Préférant s’épargner de longues explications, le second de Siegfried choisit de taire la mise au cachot de la cadette de Polaris. Il fixe son casque sur son crâne et déclare : « Qu’importe les moyens. Les Asgardiens souffrent depuis trop longtemps. Hilda me fait l’honneur d’être son messager. Il est convenu que je parte dès le lever du soleil. Je reviendrai victorieux au nom de notre futur mariage. Sous peu, tu épouseras un prestigieux Guerrier Divin sous le soleil grec. » Il emprunte la sortie sans plus poser un regard sur la jeune femme qui cajole son corps nu dans ses draps.
C’est lorsque son regard désespéré fuit vers l’horizon, qu’elle distingue au coin de la fenêtre une apparence similaire à celle de son fiancé. Toutefois, sa God Rob est d’une couleur plus laiteuse que celle de Syd. Un mélange de nostalgie, de gratitude et de soulagement se bouscule dans son c½ur quand elle réalise qu’il s’agit de Bud, son amant interdit, ombre éternelle de son premier amour. D’un léger hochement de la tête, son premier geste à son égard depuis des mois qu’ils ne se sont plus vus, Bud d’Alcor fait comprendre depuis l’extérieur qu’il veillera sur son jumeau…
Au même moment, à Blue Graad, à l’intérieur du palais, le nouveau roi traverse les couloirs en prenant le soin de renvoyer à chaque homme le salut qui lui est adressé. En tenue officielle, une longue cape blanche maintenue par des épaulettes d’acier bleues couvrant sa soutane immaculée, Alexer inspecte son palais. Sa promenade le conduit dans une chambre magnifiquement décorée. De longs morceaux de tulle rose sont accrochés par chaque extrémité au plafond, tandis qu’une dizaine de tableaux habillent les murs. _ « Cette touche féminine fait de cette pièce un lieu de dépaysement, déclare-t-il à l’occupante. » Assise devant son bureau, maniant la plume, sa s½ur recoiffe ses cheveux couleur de blé, afin d’être plus présentable devant son frère. _ « Il est vrai que ces pierres blanchies par le froid nous rappellent chaque jour la rudesse de notre contrée. Lorsque je m’enferme ici, je voyage quelque peu, lui répond-elle. » Le Blue Warrior surplombe sa s½ur pour chercher à lire ce qu’elle rédige. _ « Ecris-tu à l’Asgardien dont tu t’es énamourée ? _ En effet. Comme Utgarda, le messager, n’a pu partir hier en raison de la tempête, j’en profite pour écrire à Surt un courrier plus long que d’ordinaire. _ Il est vrai que le froid s’est levé beaucoup plus vite qu’à l’accoutumée. Peut-être devrais-je profiter de la présence d’Utgarda pour proposer une rencontre entre Hilda de Polaris et notre royaume ? Peut-être serait-ce l’occasion d’aborder d’éventuelles fiançailles entre Surt et toi ? » Aussitôt, sa s½ur lui bondit dans les bras. _ « Est-ce vrai ?! Tu accepterais ?! _ Comment pourrais-je refuser quelque chose à ma s½ur bien-aimée ? Et puis, je n’ai actuellement aucune épouse, aucune descendance. S’il m’arrive quelque chose, ce sera à toi de prendre le trône. » Alors qu’il prend congé, Natassia le serre chaleureusement dans ses bras : « Ne parle pas de malheurs voyons. »
En sortant de la pièce, Alexer retrouve son escorte personnelle, composée de Rung et Ullr. Sentant la fatigue le gagner, Alexer demeure songeur après son échange avec sa s½ur : « J’ai bien peur hélas que le malheur ne se soit déjà produit. Jamais dans toute l’histoire de Blue Graad une nouvelle vague de froid n’était tombée si vite. Ce signe n’est pas anodin. Le messager d’Asgard ne peut repartir dans de telles conditions et je ne peux me rendre à Asgard chercher des réponses. Je ne peux pas abandonner une nouvelle fois mon peuple. Cette situation m’inquiète quand même. Qu’est-ce qui se passe sur Terre ? Je sens les cosmos des Asgardiens s’accroîtrent jusqu’ici. » Il progresse finalement jusqu’aux portes du palais que deux gardes lui ouvrent à peine, la morsure du froid venant immédiatement souffler les torches du couloir.
Habitué à ce froid ravageur, lui qui a vécu dans les ruines positionnées plus loin durant ses années d’exil, Alexer entame une approche vers son ancien quartier général aujourd’hui abandonné. D’un signe de la tête, il laisse Rung et Ullr aux remparts du palais. Seul, à bonne distance, dissimulé par les épaisses bourrasques neigeuses, Utgarda, l’hôte d’Asgard, garde un ½il sur le Roi de Blue Graad. Bien qu’alliés désormais, l’Asgardien demeure attentif aux agissements des Blue Warriors.
Avec dépit, Alexer part faire le tour de ce camp de fortune où sont encore restés quelques fourrures et amphores vides, vestiges de la présence passée des renégats qu’il avait réunis. _ « Maintenant, mes hommes qui ont survécu ne font plus qu’un avec l’armée de Blue Graad. Pfft… L’armée… Une simple cohorte de vingt hommes. Heureusement que la paix est revenue. Mais pour combien de temps. » Il s’arrête devant ce qui était sa couche et se remémore quelques instants passés avec Ksénia : « Je t’ai toujours cru de bon conseil. N’ayant que toi auprès de moi, j’ai suivi tes recommandations. A quel prix ?! Mon père est mort et j’ai failli détruire ma nation. J’ai affaibli l’armée des Blue Warriors en perdant Midgard. Et pourquoi ? Quels intérêts pouvais-tu bien servir ? Je t’aimais et ton image reste gravée dans ma mémoire. Seulement, Ksénia, te reverrai-je un jour ? » Comme pour lui répondre, un tourbillon de flocons se forme sur le sol de la demeure où la neige réussit à tomber par les brèches dans le toit. De façon similaire aux différentes apparitions de Ksénia par le passé, le phénomène libère une pression cosmique intense. Penaud, ne sachant que faire, hésitant entre sentiment de colère et soulagement à l’idée de revoir enfin celle qui a occupé ses pensées ces dernières années, Alexer sert les poings, bras tendus le long de son corps. Peu à peu, la neige fond le long de cette silhouette qui se forme. Puis, tout autour, le parterre de glace devient une véritable marre qui inonde Alexer jusqu’aux chevilles. Très vite, Alexer comprend que ce n’est pas son ange, qu’il soit gardien ou démoniaque, qui vient à lui. Lorsque le blizzard passe à travers lui, il se change en un courant d’air chaud qui vient fouetter le visage du Sibérien et l’empêcher de parfaitement distinguer cet homme aux cheveux mi-longs, à la couleur du soleil couchant. Coiffé d’un diadème aux mêmes couleurs sombres et célestes que celles du reste de sa protection, l’inconnu présente des liens évidents avec la Grèce tant l’étole qui passe par-dessus son épaule gauche et dessous la ceinture de son armure pour former une jupette donne un style antique. Déçu, Alexer grommelle : « Je croyais qu’il s’agissait de mon ange. » D’une voix calme et posée, l’inconnu qui porte un cristal à chaque oreille confirme : « Mais je suis un Ange. Idaios, l’Ange qui vient de l’Olympe pour te donner la mort. » Face à l’annonce du rang de l’intrus, Alexer recule d’un pas, devinant le niveau de l’Olympien : « L’Olympe ?! Je ne comprends pas ? Quel sacrilège ai-je commis ? » Idaios ferme les yeux et s’avance avec suffisance : « Celui de fouler cette Terre. » Sans crier garde, l’ennemi balance un coup de pied, dont le talon fend par surprise la pommette droite du souverain. N’ayant pas le choix, ce dernier se ressaisit et balance une droite face à laquelle se baisse Idaios. Alexer espère le coincer contre le sol, alors il tente une gauche mais, cette fois-ci, très vite et très simplement, l’Ange saute au dessus de lui et à même le temps de le frapper avec son pied derrière la nuque en retombant derrière son dos. Quand Alexer se retourne pour tenter de l’attraper et l’étreindre, l’Ange effectue un salto dans les airs pour retomber le genou en premier sur le sommet du crâne d’Alexer et le faire tomber dans les flaques de neiges fondues…
Concomitamment, en Grèce, le soleil printanier passe aux travers les diverses brèches faîtes par le temps sur les pierres de la demeure du Bélier. Il se reflète sur les armures d’or des cinq Saints réunis chez Mû. Chaque Saint, Aiolia pour Pégase, Mû pour le Dragon, Milo pour le Cygne, Aldebaran pour Andromède et Shaka pour le Phénix, a à ses pieds les morceaux des armures des chevaliers de bronze qui ont risqués leurs vies pour Athéna. Brisant le silence qu’ils se sont imposés en se figeant devant le résultat de leurs affrontements contre les protecteurs de la Déesse de la Sagesse, Mû demande : « Vous êtes prêts ? Allons-y ! » Sans hésiter, Aiolia et Milo s’ouvrent les veines pour baigner de leur sang les Cloths meurtries.
Se soutenant les uns, les autres, conformément à l’invitation de Shaka la veille, Seiya, Shiryu, Hyoga, Shun et Ikki les rejoignent. _ « Aiolia ! Que faîtes-vous, demande Seiya ? » Impassible, Mû s’adresse au Saint du Dragon. _ « Shiryu, tu dois te souvenir du moment où j’ai régénéré l’armure de Seiya. _ Comme l’armure de Seiya d’alors, nos armures seraient-elles mortes ? _ Oui, les armures ne sont pas de simples protections. Elles sont vivantes. Pour les ressusciter, il faut leur sacrifier une vie. _ Je me souviens qu’il faut la moitié du sang d’un corps humain pour ça, réagit Hyoga. _ Mais l’être humain meurt s’il perd plus d’un tiers de son sang, complète Ikki. _ Vous allez donc ressusciter nos armures au péril de vos vies, s’inquiète Shun ? _ C’est naturel, déclare fermement Aiolia. Vous avez surmonté des épreuves inimaginables pour sauver Athéna. Vous avez accompli notre devoir de Saint d’or. Si nous pouvons nous acquitter ainsi de notre dette, notre honneur sera sauf. » Convaincu et reconnaissant, Seiya admire son aîné : « Aiolia ! » Milo développe : « Nous vous reconnaissons comme les vrais chevaliers protecteurs d’Athéna. » Suivi par Shaka et Mû, Aldebaran offre son sang en approuvant les propos du Scorpion : « Tout à fait ! » En quelques secondes, l’aura dorée des Saints d’or inonde les morceaux de bronze grâce au sang dans lequel ils baignent…
Pendant ce temps, à Blue Graad, dans les ruines à la frontière de la cité, Alexer balance tous les enchaînements possibles sans parvenir à ne serait-ce que frôler l’envoyé d’Héphaïstos. Lassé d’esquiver avec facilité, l’Ange le cogne à sa pommette fendue avec plus de puissance dans sa jambe que tout à l’heure. Alexer passe à travers un mur et choit dans la poudreuse. Défiguré, l’os sous son ½il droit probablement fracturé, il interroge son adversaire. _ « Cette façon d’apparaître tout à l’heure… Elle ne m’est pas inconnue. Ksénia… Tu la connais n’est-ce pas ? Il s’agit d’un Ange de l’Olympe c’est ça ? _ Tu veux sans doute parler d’Helénê ? Oui, il s’agit d’un Ange. L’Ange le plus puissant d’entre nous d’ailleurs. _ J’ai donc été un pion de l’Olympe, grimace le Sibérien. _ Bien évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ? Vous vivez sous l’égide des dieux. _ Ils se sont servis de moi pour organiser je ne sais quelle manigance ?! _ N’est-ce pas un honneur d’avoir été choisi par les dieux pour mener leurs desseins, demande sincèrement Idaios ? » En guise de réponse, le Blue Warrior écarte les bras et fait venir à lui son armure. _ « Certainement pas quand il ne s’agit pas de ma déesse ! D’Athéna ! _ Vous êtes si particuliers les humains. Nous parlons des dieux de l’Olympe, pas d’une vulgaire réincarnation qui a choisi de mener une existence faite de souffrance. » Galvanisé par le revêtement de son armure au bleu métallisé, le chevalier de glace accroît son cosmos afin de lancer une bille de cosmo énergie bleutée : « Voilà ce que j’en fais de ta vulgaire réincarnation ! Blue Impulse ! » La bille devient un réel orbe autour duquel gravite des anneaux de glace. La déferlante polaire fonce sur l’Ange qui n’esquisse même pas la moindre réaction. Au moment d’être heurté, il ralentit le mouvement glacial et le laisse danser devant lui : « Je suis stupéfait. Pas par ta technique mais par ta réaction bien sûr. Tu oses lever ta main sur le messager des dieux que je suis. Mais l’affront le plus grave, c’est cette offense même que tu fais aux dieux en refusant de mourir. Comment peut-on ignorer les règles de ces entités supérieures ? » Alexer continue d’injecter son cosmos dans son arcane immobilisé, afin de faire pencher la balance. _ « Et le libre arbitre ? _ Le libre arbitre, demande Idaios ? _ Que fais-tu du libre arbitre ? L’homme a toujours su s’émanciper, afin d’avoir droit à sa liberté. Tout ce qu’il a crée, il l’a bâti à la force de ses convictions, de son c½ur et de ses mains. _ Et que fais-tu de tous les cadeaux des dieux ? Le feu de Prométhée, les… _ Mensonges ! Mensonges de tes dieux qui ne supportent pas l’autonomie des hommes ! Pires, qui jalousent leurs vies faites de passions ! » Toujours aussi inexpressif, l’Ange déploie autour de lui sa cosmo énergie : « Je vois qu’il est inutile de chercher à convaincre un fou. Voilà donc ce qu’a engendré la faiblesse d’Athéna. Je refusais de croire à cela jusqu’ici. Il aura fallu que j’accepte cette mission sur Terre pour réaliser à quel point ce monde que nos maîtres vous ont offerts est corrompu. Vois donc ce que je fais de ton libre arbitre. » Tout à coup, comme s’il suffit pour lui de claquer des doigts, l’Ange change les anneaux de glace en anneaux de lave. Le c½ur de froid devient semblable à du magma en fusion. Le parterre givré devient une immense terre volcanique. La neige s’est changée en braises sur des kilomètres à la ronde, menaçant presque le palais et les habitants qui l’entourent. Des éruptions transpercent le sol et dévorent la neige pour laisser paraître un sol rocailleux qui n’avait pas été déshabillé depuis des millénaires. Au milieu de l’enfer de feu, Alexer tombe à genoux, déstabilisé par le choc des températures. La sueur lui coule dans les yeux et il manque de justesse d’être emporté par son orbe désormais enflammé, lorsque celui-ci lui est retourné. En roulant sur le sol, il est ébouillanté par la vapeur d’un jaillissement de lave. Et lorsqu’il réussit tant bien que mal à se relever, il encaisse une droite en plein visage. Reculant de quelques pas, il pare un enchaînement de droites et de gauches puis saute dans les airs pour s’extirper de ce corps à corps et de l’atmosphère suffocante. Malheureusement, à peine la distance prise, il remarque son adversaire dans son dos. Avec lui, par le biais de son cosmos, il semble avoir attiré une immense vague de lave : « Vulcanus Gash. » L’onde frappe Alexer sur toute la largeur de l’abdomen en lui fendant son armure. Le magma s’infiltre par la brèche, comme pour ronger le Blue Warrior dont le corps se tortille dans tous les sens avant de convulser et d’imploser. Les épaulettes, la ceinture et tous les ornements de sa Cloth volent en morceaux, tandis que son corps s’échoue sur le parterre boueux…
A cet instant, au Walhalla, strictement bardé de sa God Rob, Siegfried arpente les allées du temple sur la demande d’Héraclès que Hilda a fait mandater. Pas à pas, il progresse dans les appartements de l’impériale splendeur où le quitte le soldat qu’elle congédie une fois qu’il a accompli son devoir. Droit, tenant son casque sous le bras, le Guerrier Divin d’Alpha s’agenouille, en attendant que sa souveraine se présente depuis la pièce d’à-côté pour lui rendre les hommages qu’il lui doit. Durant la longue attente, il détaille les éléments qui composent le logis privé de la représentante d’Odin. Contre un mur, un tableau d’elle et de ses défunts parents tenant le nourrisson que Freya était. Sur celui d’en face, une immense glace renvoie l’image idyllique d’une famille heureuse. Les tapisseries sont propres, claires, illuminées par quelques bougies posées sur les commodes où trônent quelques corbeilles de fruits.
C’est alors que le timbre noble de l’aînée des de Polaris assure : « Ces fruits viennent de la dernière cargaison du Port du Destin en Crète… » Toujours à l’affût, Siegfried est pris pour la première fois au dépourvu en n’ayant pas senti venir celle qu’il aime. Sa surprise n’en est que plus grande lorsqu’il découvre ses longues jambes nues dépasser d’un peignoir noir en satin, les cheveux encore humides, un verre de vin à la main. Sa stupéfaction ne permet à aucun son sortant de la bouche d’Hilda d’atteindre son cerveau : « … et nous boirons de ce délicieux vin français sur les côtes où il a été réalisé lorsque Syd reviendra. » L’évocation de son ami ramène l’Asgardien à lui, après que l’aristocrate lui tend une coupe de ce fameux vin. En se relevant, convaincu que la tâche ne sera pas aussi aisée que l’entend son interlocutrice, Siegfried grimace en trempant ses lèvres, se gâchant le plaisir de goûter à l’arome onctueux. Surpris d’être reçu dans de telles conditions et, surtout, de découvrir pour la première fois la régente d’Asgard dans cette tenue, il emprunte un ton assez sec : « Ensuite ? Que ferons-nous une fois le Sanctuaire vaincu ? Ne faudra-t-il plus prier Odin sur ses terres ? J’imagine que c’est pour évoquer ce sujet que vous m’avez fait appeler ? » Venant tapoter de ses doigts fins contre le métal froid de la God Rob de Siegfried, Hilda toise avec un intérêt suspect les yeux gênés de l’athlétique Guerrier Divin : « Nous érigerons à Odin une statue sur les ruines du Sanctuaire. Sa reconnaissance n’en sera que plus grande… » A mesure que sa bouche s’ouvre, elle ne parle plus, mais susurre en approchant son visage de celui de Siegfried : « … et mon envie de plaisirs n’en sera encore que plus insatiable. » Sans se soucier des sentiments qu’il lui porte, sans même exprimer la moindre allusion à leur nuit respectivement passée avec Thétis, alors que cette incartade a tant nui à leur relation, elle l’embrasse à pleine bouche. Glissant ardemment sa langue contre la sienne, elle laisse le léger tissu qui la couvre s’ouvrir, pour lui offrir les prémices du plaisir dès lors que sa peau se colle contre l’armature solide et ferme qui couvre Siegfried. Désarmé, le Guerrier Divin laisse son verre lui échapper et se briser sur un tapis blanc immédiatement imprégné de l’élixir écarlate.
Confus, l’homme de bonne famille commence à se défaire de l’emprise passionnée de l’instigatrice de la nouvelle Guerre Sainte. Seulement, confirmant le changement brutal de comportement de l’ecclésiaste, celle-ci laisse volontairement son verre choir en rigolant crapuleusement. Elle s’empare des mains de son général et les lui glisse entre ses jambes : « Ne t’en fait pas. Lyfia s’occupera de ça. » Cette indifférence oblige l’intéressé à fuir l’étreinte. Il recule jusqu’à la porte le visage médusé. Perdu, ne trouvant plus en celle qui a bercé ses plus tendres rêves le charme et l’élégance qui faisait d’elle son unique projet, Siegfried a les mains ouvertes vers le ciel, comme démuni : « Je suis désolé Majesté mais je ne peux pas. Tellement de choses se sont produites entre nous et… Autour de nous, que je ne sais pas comment je dois réagir. » Coi, Hilda regagne vite de sa suffisance. Dissimulant ses attributs les plus charmants, elle plisse les yeux en pointant la sortie du doigt : « Tu apprendras que je n’autorise aucune traîtrise. Je n’accorde aucune seconde chance. Désormais, nos relations seront donc celle d’un fidèle général obéissant aux instructions militaires de son royaume. Sur ce terrain, tâche de te distinguer, car je n’attendrai plus rien de toi en cas d’échec là aussi. » Davantage meurtri que depuis le moment où Thétis est rentrée dans leurs vies, le Guerrier Divin garde pour lui ses états d’âme. Il se courbe devant l’autorité incarnée par sa bien-aimée et prend congé…
A Blue Graad, étendu inconscient sur le sol, Alexer est menacé par la progression du magma. L’avancée de la lave commence à avaler ses pieds, heureusement protégés par son armure. La chaleur insoutenable le ramène à lui. Immédiatement, le Sibérien roule sur le sol pour fuir la coulée ardente.
La tête lui tourne encore après le choc reçu. Ses sens s’amenuisent, diminués par son adversaire et troublés par le piège de lave qui l’entoure. C’est lorsqu’il comprend à peine les mots de l’ennemi et qu’il ne parvient plus à localiser leur provenance qu’il réalise à quel point l’Entaille de Vulcain lui a été fatale. _ « Tu es toujours vivant. » Alors qu’il manque de chuter en se retournant trop vite dans la direction de l’Ange, Alexer assure malgré tout : « Il en faudra plus pour me tuer. » D’un simple revers de bras, Idaios dirige un souffle rutilant qui oblige Alexer à prendre de nouveau les airs pour s’en extirper et mieux respirer.
Aussitôt, Idaios déploie grâce à son cosmos des ailes blanches dans son dos et le rejoint, comptant le prendre à revers comme auparavant : « Vulcanus Gash. » Cette fois-ci, alors qu’il prenait de la hauteur, Idaios ne parvient pas à surplomber Alexer. En effet, le Blue Warrior a cette fois sauté bien plus haut. Il cherche dans l’altitude le froid dominant de la contrée en sortant du brasier de l’Olympien. Alexer déploie ses pleins pouvoirs et réussit à l’oppresser avec son cosmos de glace. Les plumes épaisses et soyeuses gèlent d’abord puis se brisent en milliers de morceaux cristallins. Déséquilibré, Idaios libère son arcane à quelques centimètres à côté de sa cible qui a tout le loisir de contre-attaquer : « Blue Impulse ! » L’Orbe Bleue englobe Idaios avant une puissante implosion qui renvoie Alexer à l’intérieur de l’enfer volcanique.
Essoufflé, de nouveau affaibli par la température ambiante, il s’étonne de voir le sol continuer à s’ouvrir et à libérer son plasma. Très vite, les yeux presque clos, il fixe les airs, là où s’est produit l’onde de choc. Un épais brouillard humide voile sa vision. Toutefois, le ton suffisant de l’Ange lui permet de comprendre : « Comment peux-tu espérer avec un tel cosmos geler la lave de mon maître ? Même un Saint d’or, la caste la plus puissante parmi les hommes, n’y parviendrait pas. » Alors qu’il est parvenu à contrer Idaios, Alexer n’a pas libéré suffisamment de force pour l’abattre. Déterminé, il reprend malgré tout sa garde : « Dans ce cas, je surpasserai le niveau d’un chevalier d’or. Je créerai un froid suffisamment puissant pour geler ton volcan. » Sincère et stupéfait par l’abnégation de cet adversaire qu’il ne comprend pas, l’Ange lui propose une fois de plus de renoncer tandis qu’il regagne le sol : « Ne préfères-tu pas arrêter là ? Je ne doute pas de tes capacités qui sont au-delà d’un humain normal. Mais là tu es face à un Olympien. Des descendants d’enfants de dieux. Entend raison et ce soir je prierai nos dieux pour ton pardon. » En guise de réponse, Alexer arrive pied gauche en avant. Idaios se baisse pour l’éviter, mais est surpris par l’autre jambe qui le reprend de volée en plein visage. L’Ange lui rend la pareille. D’un mouvement acrobatique dans les airs, son pied droit le cogne en plein menton. Dorénavant trop affaibli pour ressentir encore la douleur, Alexer parvient d’un geste désespéré à lui décocher une droite en plein abdomen, suivi d’une gauche en plein nez. Il retente l’expérience mais cette fois-ci le guerrier d’Héphaïstos est plus prompt. Il lui bloque le bras et le devance coude en avant en plein buste. En regardant le roi s’écraser dans le sol devenu marécageux, Idaios se tient instinctivement son nez qui saigne : « Alors qu’il est plus mort que vif, il est parvenu à me surprendre. Pas que sa vitesse était illisible pour moi. Simplement qu’elle surpassait celle déployée jusqu’à présent. Et non pas seulement ses mouvements. Leur puissance aussi était différente. Il se relève chaque fois plus fort. »
Comme pour donner raison à son opposant, Alexer bondit par surprise alors qu’il semblait inconscient : « Blue Impulse ! » Comme s’il s’agissait d’une simple boule de neige, Idaios balaie l’assaut d’un mouvement de bras et riposte avec sa jambe. Cette fois-ci, le Blue Warrior la bloque avec sa main et balance sa jambe en direction du visage ennemi. Idaios s’en saisit et le renvoie au loin. Heureusement, à quelques mètres d’un chemin de lave, Alexer se ressaisit. Cependant, Idaios apparaît devant lui et lui serre chaque poignet pour l’empêcher de réagir. Il lui enfonce d’abord son genou dans l’estomac, fissurant un peu plus sa Cloth, puis enchaîne en levant sa jambe en plein visage. Déterminé à ne pas laisser le fidèle à Athéna cueillir une seconde chance de le surprendre, Idaios annihile toute possibilité pour Alexer de reprendre sa garde. De nouveau devant lui, il frappe genou contre poitrine suivi d’une droite qui lui explose l’arcade sourcilière gauche. Envoyé au tapis, Alexer se reprend en pleine chute et finit quand même par toucher la fierté de l’Olympien en lui égratignant la mâchoire d’une faible droite.
Chacun observe un minimum de distance avant de reprendre le combat. Alexer utilise son cosmos pour répondre à l’aide reçue à distance qui l’a revigoré et qu’il devine provenir de ses hommes. _ « Rung ?! Ullr ?! Ce soutien que j’ai ressenti, c’étaient vos cosmo énergies n’est-ce pas ? _ Roi Alexer, répond Ullr, tenez-bon, nous arrivons prestement ! _ Surtout pas, peste Alexer ! La neige fond à vue d’½il. Bientôt les remparts de la cité seront cernés de lave. J’ai besoin que vous utilisiez votre cosmos pour repousser sa progression. _ Mais, commence Rung… _ Il n’y a pas de mais Rung, l’interrompt Alexer ! Si j’échoue, vous demeurerez le dernier rempart de Blue Graad ! » De son côté, toujours aussi inexpressif, le guerrier aux cheveux et à la peau dorée, libère de nouvelles ailes dans son dos, pendant que son cosmos fait accroître les tremblements de terre. Face à lui, l’aura bleutée d’Alexer peine à se faire respecter. Pourtant, le Sibérien n’abdique pas : « Il est impressionnant. Après la Guerre Sainte contre Asgard, je n’ai cessé de poursuivre mon entraînement dans le but d’être un allié de poids pour Athéna. Au fur et à mesure du combat, je suis monté en puissance, jusqu’à porter l’ultime cosmos dans chacun de mes mouvements. Hélas cela n’a pas été suffisant. Je dois pousser mon froid à aller au-delà. Créer un froid semblable à celui qui a scellé cette cité sous-marine que j’ai sous ma surveillance. Atlantis a été séparée il y a plus de deux cents ans du reste du royaume de Poséidon, grâce à la libération d’un cosmos de glace porté à son paroxysme. Il faut que je trouve au fond de moi la source du zéro absolu… »
Soudain, une colonne de magma jaillit depuis le sol éventré, juste devant les yeux d’Alexer. Idaios réengage les hostilités. Ebouillanté, Alexer perd tout réflexe d’autodéfense et Idaios a tout le loisir d’apparaître derrière lui pour le cogner derrière la nuque avec son genou. Alexer essaie de réagir mais sa gauche est trop molle. Idaios lui frappe le dessus de l’avant bras, brisant sa Cloth et ses os avant de lui fracturer le nez avec sa jambe gauche. Enfin, Idaios estime pouvoir mettre un terme à cette bataille. L’émanation de lave présente tout autour d’eux se réunit devant l’Ange qui dégage sa cosmo énergie : « Vulcanus Gash. » Incapable d’effectuer le moindre geste, Alexer se laisse complètement submerger par la déferlante volcanique. Sa Cloth éclate peu à peu, ses orifices crachent du feu tandis que sa peau noircie…
En Grèce, au Sanctuaire, dans la maison du Bélier, au terme de quelques heures, une fois remis du sang qu’il a perdu, Mû achève de faire parler ses outils. Avec le soutien des siens, le représentant de Jamir donne le dernier coup de forge nécessaire à la finition de la dernière Cloth, celle du Dragon. Nouvelles, resplendissantes, débordantes de puissance, les armures de bronze sont désormais achevées et d’elles-mêmes viennent trouver leurs propriétaires. _ « Ce sont nos nouvelles armures, arrive Shiryu ? » Hyoga n’en revient pas : « C’est… » _ « Elles regorgent de vitalité, se montre plus loquace Ikki ! _ C’est extraordinaire, s’émerveille Shun ! _ Mû… Les amis ! Ces Cloths dégagent même vos vies. Mon corps… Non, tout mon être, est désormais entièrement rétabli, complète Seiya. »
Discret depuis le début, Shaka réagit alors : « Dans ce cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Un étrange danger guette Athéna, vous avez pu le découvrir hier soir. » Seiya dresse son poing : « Oui, nous rentrons de ce pas au Japon. » Il est suivi de Hyoga : « Maintenant que nous sommes remis, grâce à l’expérience de nos combats, il nous suffit de nous déplacer par nos propres moyens pour arriver en moins de deux. » Joignant le geste à la parole, les Saints de bronze quitte le Sanctuaire avec facilité à une vitesse à mi-chemin entre celle du son et de la lumière.
Souriants, les Saints d’or se séparent avec amabilité. _ « Tu quittes ta maison Mû, l’interroge Aldebaran ? _ Oui. Avant de partir pour le Japon, Kiki m’a parlé de Saül, le forgeron du Sanctuaire. C’est un Saint de bronze talentueux dans la confection d’armes. Et apparemment, il mérite qu’on s’intéresse à lui. » Déjà au loin, Shaka déclare : « Ce sera donc à toi Aldebaran d’être le premier rempart pendant quelques heures si un intrus venait à passer ici. » Taquin, Milo balance « Ça risque d’être compliqué ! Ça fait un moment que notre Taureau a la tête dans les nuages depuis qu’il profite de ses permissions pour fréquenter Europe à Rodorio ! » Très querelleur avec le Scorpion, le Lion le tire par le bras pour l’aider à fuir les éventuels foudres d’Aldebaran : « Je pense qu’il vaut mieux que tu prennes un peu d’avance car si Aldebaran te met la main dessus… »
Depuis tout le domaine, le peuple peut observer cinq étoiles filantes passer au-dessus de leurs têtes en plein jour. Tirant sur son fouet pendant qu’elle administre quelques ordres à ses troupes, June cache son chagrin : « Alors tu t’éloignes encore de moi. Quand pourrons-nous nous retrouver tous les deux, heureux et en paix, Shun ? »
En même temps, à Blue Graad, un micro climat de cendres et de souffre neutralise puis anéantit les efforts de la nature. Le cataclysme sibérien est effacé par cette manifestation volcanique inédite.
Inconscient, sur le toit d’une ruine qu’il occupait le temps de son exil, Alexer ne réalise pas que les vestiges de la cité qui lui servait de quartier général fondent dans la lave qui gicle des entrailles de la terre. Au beau milieu d’une rivière magmatique, comme sur un îlot peu à peu englouti, quelques battements de cils signent le réveil d’Alexer. Sa première réaction est une grimace. Elle le poursuit à chaque mouvement. Sa peau craquelée par le magma éclate dès qu’il contracte un membre. Sa langue n’est que braise dans sa bouche et ses yeux ne voit plus que l’incandescence des premiers remparts de la cité submergés. Ses oreilles n’entendent que le crépitement du feu et l’éclat des roches et des briques. Ses narines n’arrivent plus à aspirer l’air bouillant, elles ne recrachent que des flammes. Peu à peu dépourvu de ses sens, il ressent le mouvement de la charpente sur laquelle il attend la mort : « J’ai l’impression d’être désormais au milieu d’une mer de lave. » Le frère de Natassia cherche désespéramment son adversaire. En faisant plusieurs fois le tour de lui-même, il remarque que la fusion dévastatrice progresse vers le palais. Impuissant, les bras ballants, les larmes viennent à Alexer : « Le palais ! Les villageois ! » D’une totale indifférence, la voix de l’Ange lui permet enfin de le localiser : « Ils vont périr eux aussi. Ainsi, la patrie de Blue Graad sera le symbole de la réaction des dieux contre l’insurrection humaine. Soyez fiers de représenter le premier pas vers un nouveau monde décidé par l’Olympe… » Le soldat d’Héphaïstos lévite grâce à ses ailes d’énergie jusque devant Alexer puis poursuit : « … Je suis surpris de te voir toujours de ce monde cela dit. L’homme est un cloporte qui s’accroche désespérément à la vie. Une vie si éphémère que je ne comprends pas les raisons d’un tel acharnement. Face à tant de soucis, je ne peux donc décemment pas laisser cette base athénienne défier plus longtemps l’Olympe. » Enfin, ignorant totalement la présence du Sibérien condamné, Idaios poursuit son chemin jusqu’à devancer la progression de la lave. De son refuge clandestin, il ne reste à Alexer que le toit qui lui sert de barque peu à peu dévorée par la lave.
Idaios, lui, lévite jusqu’aux premiers postes avancés de surveillance où Rung et Ullr observent avec terreur l’étrange phénomène. _ « Rentrez tous à l’intérieur, s’écrie le second à l’assistance ! Barricadez toutes les portes ! Et veillez sur la Princesse Natassia ! » Parmi la foule, la bien nommée s½ur d’Alexer distingue à travers l’escorte qui la ramène de force à l’intérieur, son frère qui dérive sur, maintenant, un minuscule morceau de bois.
Avec grâce, l’Ange pose ses pieds sur le pont de pierre qui lie les deux tours où les deux Blue Warriors étaient en observation. Intéressé et curieux de la réaction qu’il juge en premier lieu stupide de la part de Natassia, il réalise que celle-ci lutte contre son escorte pour se lancer avec insouciance au secours de son frère. Il pointe alors son bras dans la direction prise par la troupe et les villageois, décidé à mettre un terme à cette civilisation au plus vite : « Comment peut-on attacher autant de passion pour un autre humain, un autre être faible, fragile, insignifiant, et ne pas vouer une adoration à la volonté olympienne ? Je vais faire cesser cette hérésie. Vulcanus Gash. » La vague de lave qu’il libère emporte le pont et les tourelles sur lesquels il était positionné. La déferlante de magma et de cosmos s’élargit pour dévorer l’aile où la cité se regroupe.
Quand, inopinément, la bulle incandescente stoppe tout mouvement. D’abord immobile, elle perd sa teinte rougeoyante. Bientôt pierreuse, elle finit par blanchir de froid puis elle gèle d’un coup avant de voler en des milliards de particules de cristal. Cette pluie de givre apporte d’abord surprise puis enthousiasme chez les Sibériens qui découvrent devant eux, dans le dos de l’Ange, Alexer. L’armure rayée et fissurée sur toute sa surface, mais debout, avec à ses côtés Rung et Ullr encore en position d’attaque pour survivre à la destruction de leurs tours, Alexer se contente de répondre à une des précédentes questions de l’Olympien : « C’est parce que nos vies sont éphémères qu’on s’acharne à les rendre les meilleurs possibles. »
Droit, maintenu dans les airs par ses ailes, l’Ange observe les morceaux de glace qui fondent puis s’évaporent en s’approchant de lui. Consciente du risque que prend Alexer, Natassia se ravise. Galvanisée par son retour héroïque, elle accepte de rentrer au palais avec les citoyens pour ne pas le déranger. D’un hochement de tête, Alexer intime à ses deux guerriers de couvrir les arrières du peuple.
Seul à seul, au milieu d’un clash permanent de vent polaire et de souffle volcanique, les deux rivaux restent immobiles. Alexer accepte enfin de résoudre la seconde question d’Idaios. _ « Cette folie dont tu parlais, celle de protéger autrui. Ça s’appelle l’amour. Il n’existe aucune croyance, aucune passion plus puissante que l’amour. C’est ce qu’Athéna a compris, c’est cette valeur qu’elle prône. Et c’est pour celle-ci que nous nous battons tous. _ Il semble que cette croyance t’a revigoré. Pour briser mon Vulcanus Gash il a fallu que tu emploies le zéro absolu. Cela demande une concentration extrême et une cosmo énergie très poussée. Seras-tu capable de reproduire le même exploit ? Seul qui plus est, maintenant que tes sujets sont partis se cacher ? » En guise de réponse, le Blue Warrior défiguré s’élance jambe en avant. Contré, il tente une droite à nouveau parée. Idaios tente à son tour de lever la jambe, mais Alexer réussit un mouvement acrobatique qui lui permet de frapper à nouveau. Idaios esquive encore et réussit du tranchant de la main à lui donner un coup sec en pleine mâchoire. Toutefois, l’enchaînement suivant reste inefficace tant Alexer parvient à bloquer chaque coup. Seulement, l’endurance de l’Ange devient de plus en plus difficile à supporter. Alexer finit par être déstabilisé en encaissant un coup de coude, suivi d’une reprise du pied en plein visage, ponctué par un renvoi au sol avec une majestueuse retournée. _ « Tôt ou tard, l’insecte finit toujours par être écrasé. Il a beau se débattre. Il n’y a aucune échappatoire, aucun espoir. » Bras tendu, à bout portant, Idaios concentre ses forces pour invoquer l’Entaille de Vulcain. Au devant de son palais, servant de rempart, Alexer refuse de céder et accroît son cosmos pour libérer lui aussi son arcane. _ « Vulcanus Gash. _ Blue Impulse ! » L’effluve de glace d’Alexer s’étend tel un mur contre lequel fonce un tsunami de magma. Le rideau gelé est cogné de plein fouet mais Alexer parvient ainsi à annihiler chaque flanc de lave et donc à protéger son peuple. Hélas, le c½ur de glace n’est pas suffisamment résistant pour contrer le noyau brûlant. Très vite le Sibérien est parasité par la cosmo énergie de l’Ange. Le mur protège la cité mais fond en son c½ur pour frapper de plein fouet Alexer. A genoux, Alexer refuse d’abdiquer. _ « Tu es déjà mort. Tes organes sont rongés de l’intérieur, tes nerfs, tes tendons, tes muscles… Tout en toi est calciné. Ton sang bouillant demande à jaillir de ta peau qui suffoque. Tu n’auras pas eu de seconde chance. Maîtriser le zéro absolu est un niveau que seul des entités d’exception tels que les Olympiens peuvent se vanter d’avoir. Les humains, même les plus puissants, ne peuvent que caresser l’espoir de l’entrapercevoir. » Les yeux fermés, à l’agonie, Alexer affiche un sourire niais : « Alors l’espoir est de mon côté. » Instantanément, Idaios se cramponne de douleur tandis que les jambières de sa Glory ainsi que ses épaulettes et les flancs de son buste se craquèlent. Pire, le givre lui ronge l’épiderme : « Malheur ! Il ne s’est pas contenté de protéger les siens. Il est parvenu à m’atteindre sur les côtés en faisant diversion avec cette attitude protectrice ! » Se tortillant, touché par la morsure du froid, Idaios perd son calme olympien : « Misérable larve humaine ! Tu m’as souillé ! Je n’oserai pas me présenter devant mon maître dans cet état sans lui ramener ta tête ! Non ! Ta tête ne suffirait pas ! Je lui ramènerai celle de tout ton peuple afin de lui signifier la disparition totale de la moindre lignée de Blue Graad ! » D’un ton calme, résigné, Alexer balbutie : « Qu’importe. Je peux mourir en paix. J’ai réussi à te prouver que l’homme pouvait s’extraire de sa condition pour frapper même les cieux. En te blessant, je t’ai transmis un sentiment qui plus jamais ne te quittera. La peur. Et cette peur tu la ressentiras désormais aussi bien en voyant tes maîtres qu’en voyant un simple être humain. Je t’ai anéanti psychologiquement. » Idaios écarquille grand les yeux. Fou de colère, meurtri par cette révélation, transcendé par la folie, il dégage toute sa cosmo énergie au point que tout autour de la cité, les plaines gelées disparaissent. Les terres chutent dans les abysses enflammés, le magma encercle le palais. Des colonnes de laves, véritables tornades en fusion, grignotent peu à peu les remparts.
Résigné, des larmes coulent sur les joues d’Alexer. Alors même qu’Idaios le frappe avec une intense violence en plein visage élargissant encore un peu plus ses plaies, le roi choit dans la neige réchauffée. Très vite, cette flaque d’eau bouillante, mêlée à son sang, s’évapore sous l’incandescence qui émane de l’Ange. Les reins, la colonne vertébrales, les côtes… L’ennemi d’Athéna rosse avec acharnement son adversaire en libérant un fou rire psychotique : « Ah, ah, ah ! Tu ne seras déjà plus de ce monde lorsque les femmes et les enfants de cette cité verront leur chair se détacher de leurs os sous l’horreur de feu que je leur réserve ! Ah, ah, ah ! » Totalement absorbé par cette peur qui le dépasse, Idaios déclenche une violence exacerbée. Quand tout à coup, une petite lame en croissant de lune vient brusquement dans sa direction depuis la droite. Il parvient d’un simple regard à la faire fondre et à bloquer le coup d’un intrus surgit de là où est venue l’arme. L’avant-bras droit de l’étranger est forgé dans le même métal que le bouclier qu’il porte au bras gauche. Des genouillères d’un gris bleuté, semblable à l’acier qui barde ses épaules, son plastron et son casque à cornes, attribut à ce renfort une apparence nordique différente de celle des Sibériens. Son pantalon et sa tunique sont de la même couleur que la fourrure bordeaux qu’il porte sous sa protection. Fourrure qui ressort de ses bottes. Cette tenue donne une allure certaine à cet homme aux longs cheveux bruns et aux yeux verts. _ « Utgarda, s’étonne Alexer ! » Le poing droit bloqué, le messager d’Asgard sort de derrière son dos avec son bras gauche un glaive. Il n’a pas le temps de le dégainer que d’un crochet du gauche, chargé de cosmos ardent, Idaios lui explose l’arcade et la pommette droite. Le héros éphémère atterrit à côté du Sibérien. _ « Utgarda ! Mais enfin, pourquoi ? » Utgarda ôte son casque déformé par le coup reçu. Malgré son piteux état, il se relève et sort de derrière sa ceinture une autre lame ovale : « Parce que, si je ne suis pas de Blue Graad, je reste un guerrier du Grand Nord. Asgard et Blue Graad sont de nouveau des nations unies. Et même si je ne suis qu’un simple messager d’Asgard, je refuse de laisser ce fléau de l’humanité s’en prendre à cette planète. A commencer par cette patrie qui nous est chère ! » Face à tant de détermination, Alexer tire sur la tunique d’Utgarda pour s’aider à se relever. Maintenu par l’Asgardien, le roi réussit tant bien que mal à rester sur pieds : « Ce que tu me dis me rend courage, messager d’Asgard. Je ne suis plus seul. Je ne suis pas seul. Je me suis égaré, j’ai été manipulé, mais aujourd’hui j’ai des alliés, une patrie qui m’aime, ma s½ur, l’honneur de mon père. Je ne peux être égoïste et attendre que la mort vienne me prendre, alors que j’ai désormais des gens qui comptent sur moi. » Côte à côte, les guerriers du froid commencent à intensifier une dernière fois leur cosmo énergie. _ « Je ne pourrai pas empêcher son cosmos de dévaster Blue Graad si je l’attaque de front. Nous savons tous les deux que tu n’es pas qu’un simple soldat. _ Disons que j’ai côtoyé certains grands d’Asgard tels que Sigmund et Siegfried de Dubhe ou encore Syd de Mizar. Je ne dirai pas être aussi fort qu’eux, mais je peux peut-être ralentir cet enfer volcanique le temps que vous vous concentrez sur lui, Roi Alexer. »
A Asgard, derrière le temple Walhalla, extrêmement surveillé, les geôles du royaume semblent animées depuis hier, tandis qu’elles sont restées muettes pendant des années. Les murs teintés de givres, le froid enrouant les voix, la prison d’Asgard se remplie de minute en minute. Là encore, deux soldats balancent dans une cellule un villageois qui refusent de s’engager dans l’armée asgardienne en vue de la conquête du Sanctuaire. Dans celle d’à côté, une femme hurle sous la torture de Fafner persuadé qu’elle cache des déserteurs. Le soldat espère lui délier la langue.
_ « C’en est trop, scande Freya ! » La prisonnière d’honneur n’a jamais lâché les barreaux de son cachot depuis qu’elle y a été conduite. Douce, belle et bourgeoisement vêtue, sa présence contraste avec celle du peuple dépassé par les évènements. Lorsqu’un aristocrate et ses enfants sont conduits, haches sous la gorge, à l’échafaud, elle s’insurge en invectivant le géant gardien qui lui a été affectée : « Il s’agit de la famille de Rik. Avec les de Edel, ils font partis de l’une des lignées les plus nobles du château. » Thor n’ose pas affronter le regard de la cadette des de Polaris. _ « Le patriarche de la famille de Rik a déclaré qu’attaquer le Sanctuaire n’était pas respecter la volonté d’Odin et met en danger l’équilibre du monde. Votre s½ur a décrété que comme tout homme défiant sa politique et donc le bien d’Asgard, il ne doit rien rester de lui. Jusqu’à son nom, il doit disparaître de l’histoire d’Asgard. _ Alors même les opposants de haut rang sont conduits ici, marmonne-t-elle désolée… Thor, se reprend-elle ! Ce que dit cet ami de la famille de Polaris est vrai. Si on ne prie plus Odin, c’est l’équilibre du monde qui est en danger. Les glaces fon… » Refusant tout dialogue comme il le lui a été ordonné, Thor l’interrompt : « Princesse Freya, comme je vous l’ai déjà dit, votre statut vous épargne un tel traitement. Soyez raisonnable et révisez votre jugement. Je suis sûr que votre s½ur comprendra. En attendant je m’engagerai à vous laisser en vie ici et à vous nourrir comme il se doit… »
A Blue Graad, la fusion brûlante entame les maisons et les appartements du château. A l’intérieur, la Princesse Natassia est entourée par son peuple. Peu à peu, ils sentent l’incandescence magmatique faire trembler le sol et rendre l’air irrespirable. Les yeux fermés, laissant leurs fronts perler de sueur, ils prient tous Athéna tandis que Rung et Ullr déploient leurs cosmos de glace pour ralentir la progression de la chaleur.
Dehors, Alexer et Utgarda accroissent leurs cosmos devant un Idaios frénétiquement hilare. Les blessures infligées par le Blue Warrior ont décuplé sa folie mais aussi sa puissance. Avant de tenter le tout pour le tout, Alexer doute quelques instants. _ « Utgarda, Odin, ton dieu, t’est-il déjà apparu ? _ Chaque fois que je le prie. Chaque fois que j’ai peur. Comme en cet instant. Je sens un étrange réconfort au fond de moi. Le même que me procure la Princesse Hilda de Polaris lorsque je suis auprès d’elle. J’en suis donc convaincu, il m’apparaît. _ Quelle bénédiction. Je n’ai jamais ressenti Athéna. En même temps, je ne l’ai jamais prié. Tout petit déjà, je haïssais cette destinée odieuse conférée à cette contrée. Je me suis détourné d’elle et j’ai même comploté contre elle. Natassia, ma s½ur, m’assure qu’en la priant j’obtiendrai son pardon. Mais j’ai trop honte, même si je suis aujourd’hui la voie qu’elle a choisi pour notre peuple, j’ai peur de me présenter à elle après les crimes que j’ai commis. _ Athéna ne juge pas. Et si tu refuses de l’implorer pour toi, joins-toi aux prières de ton peuple qui en cet instant l’invoque pour toi, ta protection et ta victoire. » Les yeux injectés d’exécration, Idaios interrompt ce bref échange en écartant grand les bras pour réunir sa cosmo énergie : « Blue Graad est entourée de lave ! Je vais désormais l’en noyer ! Vulcanus… » Sans se concerter davantage avec Alexer, Utgarda s’élance sur l’Ange pour l’empêcher de libérer son arcane. Dans sa course, il libère de courtes lames arrondies encore attachés à son ceinturon. Encore une fois, l’aura olympienne d’Idaios suffit à faire fondre les lames. Mais cela à l’effet escompté par Utgarda, l’ennemi focalise son attention sur lui. Arrivé nez à nez avec son adversaire, l’humain balance sa jambe en direction de son visage. Avec animosité, Idaios la bloque d’une main et frappe avec l’autre contre son genou, le lui brisant avec sa genouillère et pliant sa jambe dans le sens inverse permis par l’anatomie. Le hurlement de douleur de son allié permet à Alexer de se surpasser davantage. L’essence cosmique qui l’entoure, oscillant entre un blanc immaculé et l’or, commence à geler la lave alentour : « Encore ! Il me faut encore me surpasser ! Je suis loin d’atteindre les limites de l’homme ! Allez ! Encore ! » Plus loin, ne désespérant pas, Utgarda, sur une jambe, décoche une puissante gauche parée par l’Ange. Ce dernier réitère le même mouvement en lui brisant le coude et son bouclier. Bloqué par l’ennemi, tiraillé par la douleur, Utgarda essaie de garder un sourire provocateur : « Tant qu’il me reste un bras, ça sera suffisant. En attendant qu’Alexer soit prêt, je peux toujours sacrifier ma dernière jambe ! » Sans même craindre un nouvel acte de barbarie, Utgarda se résigne à frapper sur le flanc l’Ange mais cette fois-ci, le poing de l’ennemi lui brise totalement le tibia. Face à ce spectacle désolant, Alexer n’en peut plus. Il s’élance de tout son être, libérant non pas un orbe mais une véritable comète de glace : « Blue Impulse ! » Sentant une brise glaciale approcher en même temps que la boule d’énergie ennemie, Idaios balance comme un vulgaire morceau de viande Utgarda sur le côté et libère à son tour son effroyable puissance : « Vulcanus Gash ! » Une autre déferlante, mais de magma cette fois, vient rencontrer celle d’Alexer. Les deux concentrations, continuellement alimentées en cosmos par leurs expéditeurs, s’entremêlent. Elles se frictionnent. Elles se déchirent. Elles luttent pour prendre le dessus sur l’autre. Pris d’une détermination sans faille, Alexer parvient à maintenir à distance la force d’Idaios. Dans leurs dos, tout autour, au palais comme dans les plaines, la lave devient pierreuse. Le mouvement de feu est ralenti. Interdit par cet état de fait, Idaios écarquille grands les yeux et abandonne dans ses bras tout ce qui lui reste : « C’est tout ce que tu peux faire ?! Voilà maintenant le fossé qui sépare la Terre de l’Olympe ! » Aussitôt, la balance tourne en la faveur d’Idaios. Alexer est peu à peu repoussé. L’échange des deux forces s’amenuise pour ne laisser progressivement que l’énergie de l’Ange. Acculé, n’étant plus qu’à un mètre de la dévastation, Alexer puise dans ses réserves, sacrifiant peu à peu sa vie. Aux alentours de Blue Graad, la lave ne repart pas, mieux, la pierre blanchit sous l’effort d’Alexer. _ « Je sacrifierai ma vie sans hésiter mais Blue Graad restera intacte, décrète-t-il ! » Prêt à se donner lui-même en pâture à la boule de cosmos pour encaisser à lui seul la destruction de l’Entaille de Vulcain, il reconnaît sur le flanc d’Idaios le corps démantibulé d’Utgarda. Dans une extrême souffrance, le messager d’Hilda tend le seul bras qui lui reste de valide en souriant : « C’est parfait. Exactement ce que je voulais. Je vais maintenant pouvoir libérer le fruit de toutes ces années passées aux côtés de Sigmund et des autres. Ils me disaient toujours que cet arcane était capable de renverser la tendance. C’est l’occasion où jamais de vérifier qu’ils ne me flattaient pas par gentillesse ! Hallucination Loup ! " De son seul bras tendu, il projette une meute de loups de cosmos sur son adversaire. L’Ange, focalisé sur la fin imminente d’Alexer, continue de libérer sa cosmo énergie sans remarquer le heurt imminent. C’est seulement lorsque sa Glory commence à se craqueler à l’approche de la meute illusoire qu’il relâche sa concentration. Il libère son bras gauche pour tenter de retenir les loups qui foncent sur lui tels des faisceaux de lumière qui s’entrecroisent. A sa gauche Utgarda, en face Alexer, Idaios est partagé et maintient en suspens les deux arcanes ennemis. C’est alors que sur sa droite jaillissent les deux Blue Warriors qui ont laissés les Sibériens aux bons soins de la Princesse Natassia. Idaios ne remarque leur présence qu’après être frappé par surprise par les boomerangs tranchants de Rung sous chacune de ses aisselles. Par conséquent, les bras engourdis par le coup, l’émanation d’énergie qu’il confronte contre Alexer diminue. Immédiatement, galvanisé par l’ultime tentative de son camarade, Alexer tend de plus belle les bras en avant : « C’est maintenant ou jamais ! Athéna je vous en prie ! Pour mon peuple ! Pour Blue Graad et pour la Terre, prêtez-moi la force de le vaincre ! » Contre toute attente, l’image d’une jeune femme aux cheveux mauves et aux yeux resplendissants de bonté traverse son esprit. A des milliers de kilomètres, depuis le Japon, le cosmos d’Athéna vient réconforter l’homme qui l’appelle. Dès lors, l’effluve énergétique d’Alexer resplendit autant que l’or. Ses jambes tiennent fixement dans le sol, tandis que ses bras ne tremblent plus. Parfaitement tendus en direction d’Idaios, ils rééquilibrent la balance. Pris entre les trois, Idaios subit le contrecoup de son acharnement. Trop occupé à essayer de reprendre l’ascendant sur Alexer, il est incapable de se protéger de l’onde cosmique projetée par Ullr dans son épée aux flammes bleutées. Cogné sur le flanc, il ne maintient plus l’équilibre entre les forces ennemies et la sienne. La balance penche en la faveur des Nordiques. Ses membres sont pris de spasmes. Remontant le long de ses bras et de ses jambes, sa Glory commence à se désagréger. Petit à petit, c’est son corps qui se désintègre. Les yeux fermés, au bord des larmes, touché par la grâce d’Athéna, Alexer murmure : « Tu auras été l’adversaire le plus coriace que j’ai eu à affronter. J’ose à peine imaginer le nombre de tes semblables en Olympe. Alors, par respect envers Athéna qui a su me laver de mes péchés, je jure de survivre à mes blessures et de renouveler cette victoire contre les tiens aux côtés de ma Déesse de la Sagesse. Adieu. » Enfin, joignant les actes à la parole, il achève de libérer toute l’énergie conféré par la bénédiction de Saori. La vague de glace grossit jusqu’à devenir le double de ce qu’elle était, permettant à Utgarda d’achever ses efforts et à Rung et Ullr de ranger leurs armes. Elle annihile dans une explosion assourdissante la menace céleste. L’onde de choc provoquée cloue les quatre héros au sol. Le souffle chasse définitivement les nuages et le vent aux alentours de Blue Graad.
A l’intérieur du palais, le silence est lourd. La température devient douce. Ni la chaleur ni le froid ne menacent la cité. La cinquantaine d’habitant s’échange des regards dubitatifs. Oscillant entre incompréhension et espoir. La Princesse Natassia est la première à se lever. Instinctivement, le sourire aux lèvres, les larmes coulant sur ses douces joues, elle affirme : « C’est fini. Nous avons gagné. »
En Grèce, au Sanctuaire, dans la ville d’Honkios, Saül est à l’intérieur de son atelier. Le quarantenaire au visage buriné est positionné sur son bureau. Devant lui, un verre vide, sec, et une jarre d’anisette pleine occupent ses pensées. Sous son nez, les plans d’une armure inconnue, lui rappellent la nuit du triomphe d’Athéna il y a trois mois…
Flashback Le domaine sacré était en ébullition ce 21 décembre 1986. On fêtait depuis le matin la victoire d’Athéna. Pleutre, pas concerné par les différentes batailles menées, Saül Saint de bronze de l’Atelier du Sculpteur, se noyait dans son vomi après avoir vidé des litres de son alcool favori toute la journée. Au milieu de la bile et des morceaux d’aciers usagées qui jonchent son parterre terreux, l’Israélien se sent perdre toute vie : « Je vais partir, misérable comme je l’ai toujours été. C’est mieux ainsi. De toute manière, en quoi serais-je utile à Athéna ? » Soudain, il sentit de petites mains lui soutenir sa tête aux cheveux mi-longs châtains. La voix fluette d’un enfant espérait lui venir en aide : « Tenez bon chevalier ! Tenez bon ! » Derrière Kiki, la voix plus âgée et plus féminine de Filia soufflait d’exaspération : « C’est un lâche. Un bon à rien. Ces dernières années il s’est juste contenté de forger les armes qui ont servies aux hommes de Gigas. On devrait faire la fête au lieu de perdre notre temps avec cet incapable. » Ce rappel à la réalité fut pour Saül aussi dure que le quotidien qu’il traversait jusqu’alors.
Le lendemain matin, alors que la lueur de l’aube frappait les lucarnes de son grand entrepôt qui lui sert de domicile, ses mains cornues vinrent gratter sa mâchoire couverte d’épaisses pattes drues. Sa bouche pâteuse lui faisait remuer son menton en galoche et seule la vue de cette splendide jeune femme à la poitrine généreuse pressée dans son court maillot l’aida à revenir à lui. Se relevant difficilement, il identifia celle qui ne fit que le railler durant toute la nuit. La belle demoiselle était endormie contre un établi pendant que le garnement sautillait plus haut sur l’estrade, où sont entreposées quelques Pandora Box recouvertes par des bâches trouées. L’enfant, roux et marqué au front par les deux points distinctifs des Muviens, remarqua le réveil pénible du Saint : « Il faut être un rude forgeron pour se voir confier même des armures sacrées. » La voix enrouée, l’artisan grommela : « Je ne fais rien d’autre que de les garder ici. Je ne les répare pas. Une Cloth se régénère… » Impoli, Kiki acheva sa phrase : « … toute seule dans sa Pandora Box ! Je sais ! » Le petit garçon se laissa glisser sur la rambarde de l’escalier par lequel il était monté plus tôt et enjamba les morceaux d’armures de soldats ébréchées, les armes cassés et les boucliers percés ou fendus éparpillés partout au sol. En trottinant, il alla sur le mur de gauche agrémenté de trois larges fours chacun accompagné à ses côtés de larges bassins montés en pierres et à l’eau usagée : « Ah ! C’est super.
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« le: 6 Février 2023 à 13h34 »
Chapitre 83
Ce 22 mars 1987, parait semblable à n’importe quel autre jour au royaume d’Asgard. Le vent glacial propage la neige. Elle tombe depuis des heures tout autour du Walhalla. Chacun vaque à ses occupations, à l’exception près que celui qui accompagne la Princesse de Polaris ce jour n’est pas Siegfried mais Alberich. Et c’est bien pour cela que Sigmund rejoint l’Autel du Destin où prie chaque jour Hilda.
Confuse après le trouble semé entre eux par Thétis, Hilda préfère s’éloigner ponctuellement de son bienfaiteur, pour permettre à de Megrez de redorer cette image qu’il a tant de mal à faire valoir. Par précaution, conscient que son aîné, chef des armées d’Asgard, est appelé à devenir God Warrior un jour, Siegfried s’en est trouvé rassuré de pouvoir compter sur son frère pour garder un ½il sur eux.
Pourtant, en ce jour d’apparence ordinaire, une vaste secousse vient avertir les guerriers les plus alertes. L’ensemble du domaine tremble l’espace d’une dizaine de seconde. Renversant l’argenterie que Lyfia nettoie dans le grand salon. Menaçant de plusieurs avalanches les promeneurs, comme par exemple Freya qui peut compter sur Hagen pour la secourir. Ou mettant en exergue les combattants les plus vaillants comme Balder le vagabond, ou Fenrir et sa meute. Faisant s’écrouler les logis les moins bien lotis, que Thor maintient afin d’éviter à une famille toute entière d’être prise sous les décombres. Assisté de Syd il donne l’alerte aux plus démunis et évacue Helena et ses jeunes frères et s½urs. Faisant choir sur son postérieur la cohorte qu’entraîne Héraclès, son supérieur, dans l’enceinte d’une caserne. Inquiétant le malhonnête Fafner, encore impliqué dans une bagarre de taverne. Brisant quelques vitres du palais dont les éclats auraient défiguré ses habitants, si Frodi n’avait pas été présent…
Tout proche de l’Autel du Destin, alors qu’il voit la garde personnelle d’Alberich attendre à proximité, Sigmund est ébranlé par le tremblement. Comptant sur des réflexes capables de lui assurer le statut de God Warrior le jour de la résurgence de ce corps d’armée, Sigmund réussit à se maintenir sur pieds en bondissant de bloc de glace en bloc de glace, avant que chacun d’eux ne se brise suite au mouvement des plaques terrestres. Dans sa course, il devance la garde d’Alberich. Ce dernier n’apparaît plus à la vue de ses hommes. _ « Que s’est-il passé, leur emboîte le pas Sigmund ? _ On ne sait pas, répond le premier. _ Il y a eu un grand choc et la mer s’est soudain agitée, complète mieux le second. _ Il faut secourir Hilda, s’enquiert Sigmund ! » L’Asgardien presse davantage le pas lorsqu’il découvre la Princesse de Polaris étendue inconsciente au pied de l’autel, sans même remarquer le fourbe Alberich dissimulé en retrait dans une enclave de la falaise. _ « Hilda, s’époumone le frère de Siegfried ! » Alors qu’il peut se sentir rassuré en voyant Hilda se remettre de ses émotions, il n’en a guère le temps qu’il ressent un cosmos d’une étrange noirceur émaner d’elle. _ « D’où vient ce cosmos maléfique ? » Pour seule réponse, l’anneau des Nibelungen balaie l’aspirant God Warrior et les hommes d’Alberich. Ils sont encastrés contre la falaise qui s’écroule ensuite sur eux.
D’abord impuissant face au raz-de-marée, puis ambitieux lorsqu’il comprend que la mer lui a rendu Hilda porteuse de l’anneau des Nibelungen, Alberich se montre enfin. Croisant le regard malsain de la Prêtresse d’Odin, il se dirige alors vers les trois intervenants. Sigmund reprend difficilement conscience comme l’un des deux soldats. L’autre est mort sur le coup. Alberich n’hésite alors pas à fracasser le crâne de son sujet rescapé en abattant avec rage son talon dessus. Sentant Hilda s’approcher dans son dos, il n’a pas le temps d’achever Sigmund et s’incline stratégiquement. _ « J’ai vu comme leur réaction a provoqué votre courroux. _ N’est-ce pas ton cas Alberich ? _ Je ne suis là que pour vous satisfaire Princesse Hilda, ricane-t-il avec perfidie. _ Très bien, dit-elle en faisant scintiller l’anneau et tout en levant les yeux vers la Grande Ourse… »
En Grèce, au Sanctuaire, le printemps offre au domaine sacré un temps doux et clément. Bien que cela fait deux mois et demi qu’Athéna ne soit pas revenue, les oiseaux chantent avec entrain et égaillent même les visages sceptiques de deux camarades.
Assis tous les deux à examiner pièce par pièce les morceaux éparpillés des cinq armures de bronze des héros de la traversée des douze maisons, Aldebaran est confronté au constat que lui confirme Mû : « Il semble que comme leurs corps, leurs armures n’ont pas survécu à la bataille. » De nature optimiste, le Brésilien assure : « Il existe pourtant un espoir de ramener leur armure à la vie, tout comme la Source d’Athéna a pu soigner leurs plaies. » Circonspect, Mû se redresse en balançant désabusé le bouclier fendu en deux du Dragon : « Malheureusement, bien qu’ayant reçus tous les soins possibles, Seiya et ses compagnons ne se sont toujours pas réveillés. » Le Saint d’or du Taureau marche les bras croisés. _ « Je ne m’inquiète pas pour eux. Ils ont surmonté de lourdes épreuves. Ils reviendront à eux en temps voulu. Ce qui m’étonne surtout, c’est que tu n’abordes pas le sujet toi-même. Il existe une solution pour ces armures. _ En effet. Mais tu sais aussi bien que moi, que notre sang n’est pas suffisant pour réparer ces cinq armures. Même l’armure du Phénix, capable de renaître de ses cendres, est inutilisable. Il faudra beaucoup, beaucoup de sang. _ Nous ne sommes pas non plus les seuls Saints d’or survivants. Nous ne sommes pas non plus les seuls à avoir reconnus Seiya et ses amis à leur juste valeur. _ Tu suggères qu’il faut réunir Aiolia et les autres ? » Un simple sourire permet au Saint du Taureau de répondre par l’affirmative.
Plus loin, à la Source d’Athéna, devant le temple, là où les feuillages dissimulent le grand jardin fleuri qui encercle ce dispensaire miraculeux, une jeune femme rousse aux collants rouge et aux guêtres blanche observe un bijou. Sous son masque de femme chevalier, Marin détaille les symboles de Pégase et de la Chouette qui s’entremêlent : « Seiya… Je viens de réajuster ton Jonc à ton poignet. Je garde celui de ta s½ur précieusement. Peut-être m’aidera-t-il à retrouver la Chouette. »
Elle sert fort dans son poignet couvert de sa Cloth l’artefact lorsque, inopinément, une image holographique apparaît devant elle. L’apparence d’un homme jeune, robuste, brun, torse nu, aux pieds chaussés de ballerines, ne la laisse pas coi : « Pourquoi vous présenter à moi dans votre véritable apparence, Saint d’or de la Balance ? » Affûté, le Chinois projette depuis les Cinq Pics l’image de sa réelle apparence. _ « Simplement parce qu’après que tu te sois réellement présentée auprès d’Athéna, j’ai compris que mon subterfuge n’était pas nécessaire auprès de toi. _ En effet, j’ai toujours pu voir que votre apparence était volontairement vieillie. Le don que vous a fait Athéna est incroyablement puissant. _ Bien sûr. Néanmoins, je doute qu’il soit suffisant pour accompagner Seiya, Shiryu et les autres dans cette Guerre Sainte que tu prédis contre l’Olympe. Je mourrai sûrement avant. » L’Aigle tend le Jonc de la Chouette en direction de l’hologramme. _ « J’imagine donc que vous venez pour ça ? _ Bien sûr. Il est difficile de pouvoir te parler seul à seul alors que tu passes ton temps à parfaire l’entraînement des aspirantes Saintias. Je pense savoir qui est la Chouette d’Athéna. Depuis la nuit des temps, elle est liée à Pégase. Lors de la précédente réincarnation d’Athéna, elle s’était réincarnée en la mère du chevalier Pégase. _ Seiya et sa s½ur sont orphelins. Je peine à croire que sa mère soit… A moins que vous ne pensiez à… _ Sa s½ur ! Ça peut être une piste. _ Si c’est bien le cas, vous ne me facilitez pas la tâche, Seika a disparu lorsque Seiya est parti en Grèce il y a plus de six ans maintenant. _ J’ai beaucoup réfléchi à ta discussion avec Athéna et Mû. Et j’ai également suivi ton affrontement contre Hestia. Quelque chose m’est alors venu à l’esprit. Ce cosmos olympien dégagé par l’Ange. Je l’ai ressenti à plusieurs reprises. Y compris il y a six ans. Ce n’était pas le même, mais il était relativement proche. _ Si la Chouette est bien Seika, un Ange l’aurait abattu c’est bien ça ? _ Pas forcément. Mais j’ai souvenir d’avoir ressenti cette cosmo énergie semblable à celle de l’Ange que vous avez affronté avec Apodis, dépassant celle des Saints d’or, à proximité du Sanctuaire. Sur les frontières Sud. Qu’elle soit vivante ou morte, peut-être retrouveras-tu des traces de la Chouette, ou de Seika, ou conjointement des deux, là-bas ? _ Même si c’est très maigre, ça reste une piste. Il est vrai que Seika a quitté le Japon pour partir à la recherche de son frère. A force de détermination, elle a très bien pu arriver jusqu’aux portes du domaine sacré. J’essaierai de poursuivre mes recherches tout en veillant sur Seiya. Cependant, Athéna m’a confié la formation des Saintias et j’aimerai vraiment me rendre auprès de Nicol et Mei également pour les aider dans leur quête. _ Je suis à distance l’avancée de leurs recherches. Hélas, je piétine autant qu’eux. Athéna t’a demandé de substituer le rôle de la Chouette en veillant sur Seiya jusqu’à nouvel ordre tout en formant les Saintias. Je m’occupe de te faire dispenser l’apprentissage des Saintias. En deux mois et demi de temps, avec les bases qu’elles avaient, je pense qu’elles en ont assez pour prendre leur envol. Tu peux te focaliser sur Seiya et sa s½ur. Et pour ton Pendentif de Zeus, tu auras le temps de le chercher une fois de nouveaux indices recueillis. »
A Asgard, au temple Walhalla, après que l’immense vague de Poséidon a emporté Hilda pour l’ensorceler à l’aide de l’anneau des Nibelungen sous le regard d’Alberich, la Prêtresse d’Odin a réuni ses hommes sur la terrasse de son palais. Tous les nouveaux Guerriers Divins sont agenouillés et en tenue de guerre. Ils apprennent la prétendue volonté d’Odin, dictée par une Hilda sous l’emprise de Poséidon.
Esseulé depuis des mois, Bud a vu l’espace d’un instant l’espoir d’une vie meilleure lorsque l’armure double de Zeta se présenta à lui. Hélas, une fois arrivé auprès d’Hilda, ses rêves de retrouver légitimement Bedra de Edel et de faire valoir son rang de God Warrior, furent anéantis en réalisant qu’une fois de plus il n’était que l’ombre de ce frère qu’il hait. Face à la statue d’Odin, dissimulé derrière une colonne de marbres, Bud d’Alcor découvre le projet de conquête du Sanctuaire. Alors, lorsque la Princesse de Polaris achève son discours et demande à ses Guerriers Divins de rassembler les soldats du domaine, il profite de la savoir seule pour la rejoindre à ses appartements.
La suivant furtivement dans ses jardins privés, il ne prend pas la peine d’admirer les sculptures recouvertes de givres et de stalagmites lorsqu’elle lui confirme son rôle. _ « Moi ? L’ombre de Syd ? Je ne suis donc pas un Guerrier Divin ? » Elle le lui certifie en renvoyant dans le ciel un oiseau venu chercher l’accueil de ses mains. _ « Le Guerrier Divin de l’étoile de Zeta est et restera Syd de Mizar. Tu es son ombre, personne ne doit te voir. _ Majesté Hilda, je ne pense pas être inférieur à Syd en puissance. Je le surpasse même ! Alors pourquoi ? » En se retournant pour exposer un sourire sadique que personne ne lui connaissait avant aujourd’hui, elle conclut : « Odin, notre dieu, en a décidé ainsi. Veux-tu désobéir à Odin ? Si tu n’es pas satisfait de ton sort, tu peux partir. Cependant, si Syd devait faillir un jour, toi seul pourrais lui succéder en tant que Guerrier Divin de l’étoile de Zeta. » Résigné, Bud prend congés en s’assurant de n’être vu par personne. Avant qu’il ne soit parti trop loin, Hilda lui prouve une fois de plus son tempérament implacable : « En étant l’ombre de ton frère, tu constateras que je ne tolère pas la trahison à Odin. J’ai fait emprisonner Sigmund de Grani pour diffamation. Syd le conduit à l’heure qu’il est en cellule en compagnie de Thor. » Bud ravale sa morgue et fait profil bas.
Pourtant, Hilda ne parvient pas à aspirer au plaisir de la solitude qu’elle s’est découverte depuis la possession de l’anneau. Elle devine au pas pressé d’un des fidèles guerriers d’Asgard qu’il s’agit d’un noble qu’elle connaît bien : « Surt ! Ne devrais-tu pas être avec ceux rassemblés en bas, sous les ordres des God Warriors ? » Le jeune homme aux cheveux couleur feu ne tient pas en place. Malgré qu’il se soit incliné, il trépigne d’impatience : « Princesse Hilda ! Cette Guerre Sainte que vous déclarez au Sanctuaire me parait la plus légitime au monde ! Vous connaissez mon dévouement envers le Royaume d’Asgard et la rage qui m’anime envers les Saints d’Athéna ! Seulement, je me permets de vous poser la question, pourquoi n’avoir réveillé que les God Warriors de la Grande Ours ? » L’ami d’enfance de Camus, animé par sa soif de vengeance après que le Français a tué sa s½ur par accident, soulève un point qu’Hilda s’empresse de préciser. _ « Ton dévouement te rend perspicace mon cher Surt. Odin dispose de deux corps de God Warriors. Celui rassemblé sous l’égide des étoiles la Grande Ours. Et celui sous l’égide des créatures de la mythologie nordique. En bon stratège, il serait imprudent de dévoiler à l’ennemi l’ensemble de mon jeu. La Guerre Sainte sera déclarée par les représentants de la Grande Ours. Ceux-ci défendront le Walhalla, quand Athéna voudra que je lui rende des comptes. Et s’ils ne suffisent pas à assurer ensuite ma conquête, alors je marcherai sur le Sanctuaire avec les représentants de notre mythologie nordique. » Elle glisse sa main sur la tresse que porte Surt en hommage à sa s½ur et le rassure : « Surt d'Eikthyrnir, tel le cerf se tenant sur le Walhalla, tu marcheras avec moi sur le monde lorsque l’heure sera venue et que Odin fasse appel à toi. A présent descends avec les tiens. Et rassure ceux qui aspiraient à devenir comme toi les semblables de Siegfried et des autres. »
Dehors, camouflé dans des dunes de neige à l’intérieur de sa Robe blanche, Bud se tourmente : « Désobéir à Odin ?! Jamais de la vie. Au contraire, je compte bien lui prouver mon dévouement. » Comme si son dieu l’entend, il surprend une troupe de cinq soldats vêtus de fourrures sous leurs armures et portants l’emblème d’Asgard. _ « Que faites-vous ici à traîner, les agresse-t-il ? » Le meneur de l’escouade déclare : « Nous répondons à l’ordre de rassemblement des Guerriers Divins. Nous regagnons le Walhalla. Et toi ? Qui es-tu ? Ta God Rob ressemble étrangement à celle du Guerrier Divin de Zeta ! » Usant d’ingéniosité mais aussi de caractère, Bud ordonne : « C’est parce que je suis… Le second du God Warrior de Zeta, Syd de Mizar. Il m’a ordonné d’aller transmettre un message au Sanctuaire et m’a confié une équipe. Sachez que notre mission sera reconnue par Hilda en personne. Alors ?! » Sans même demander aux siens, le leader confirme pour eux : « Bien sûr que nous en sommes ! » Immédiatement, l’unité suit du mieux qu’elle peut le combattant des glaces qui s’assure déjà du succès de son opération : « D’après ce que j’ai pu comprendre du messager du Sanctuaire envoyé il y a quelques mois par Athéna quand j’épiais Hilda, ceux qui l’ont protégé des Saints d’or sont dans un état critique. Si je débarrasse déjà Hilda de ces gêneurs, je ne pourrai qu’être reconnu par Odin. C’est certain… »
En Grèce, au Sanctuaire, à la Source d’Athéna, la nuit est tombée. Un étrange vent glacial s’est levé. L’occasion pour les deux soldats de garde devant le temple où reposent Seiya et ses amis de discuter de cet étonnant froid. Baillant à l’unisson, ils sont troublés par un inattendu bruissement. Sans même avoir le temps de s’interroger, ils tombent sans vie. Leurs yeux, d’abord embués par le sommeil, perdent tout éclat pendant que leurs corps meurtris et couverts de givre, s’écrasent dans l’herbe devenue aussi fragile que du verre en raison d’une chute brutale de température.
Furtives, cinq ombres surgissent devant les cadavres. En contrôlant sa respiration, l’une d’elles murmure : « Une chance que les effectifs de l’armée d’Athéna se sont amoindris au fil des derniers mois. Sans quoi, nous n’aurions pas réussi à venir ici sans encombre. » Les quatre autres, retenant leur cosmo énergie pour mieux localiser leurs proies, s’introduisent dans le palais. A pas de loup, ils avancent sur le sol marbré dont le reflet glaçant dessine la forme d’hommes aux bottines en fourrure, couverts de plastrons métalliques par-dessus leurs laines épaisses, protégés au bras gauche par un bouclier pointu et ornés d’un casque à cornes. Le blizzard qui les accompagne, gèle en un instant l’eau de l’immense fontaine sculptée dans le même marbre blanc que les colonnes qui tiennent la voûte peinte en marine. Les statues gravées dans la pierre se brisent d’elles-mêmes sous l’effet du froid. Comme s’ils chassaient sur leur terre natale, éternellement couverte de neige, les assassins se positionnent à chaque coin de la pièce comme pour mieux cerner les lits de pierre drapés de linges blancs où sont étendus les Saints de bronze. Néanmoins, le visage d’un des étrangers se fige : « Quoi ?! Comment ?! Un des cinq lits est vide ! » Un rire moqueur réplique à cette surprise. Très vite, sortant de l’obscurité imposée par une statue, la figure spectrale d’un homme accompagne le sarcasme. Malgré son visage creusé, les cheveux bleus d’Ikki permettent à quiconque ayant déjà croisé le chevalier dans sa vie de le reconnaître. Uniquement en sous-vêtements, il expose ses muscles saillants bien qu’encore endoloris. Pour éloigner le danger, le Phénix leur tourne le dos et s’engage vers la sortie en traînant difficilement la jambe. _ « En temps normal, je les aurai éliminé avec précision d’un seul coup. Cependant, c’est un miracle si j’ai déjà pu me lever de ma couche. L’instinct certainement, réfléchit Ikki pendant sa retraite… »
A peine sorti, ses sens sont mis en alerte puisque, sans se retourner, il pressent qu’un des hommes est entrain de dégainer une hache. Il esquive le misérable sans tenir compte de son corps à peine rétabli. Avec une agilité qui le surprend presque, il ramasse au passage le bras de son assaillant et le renvoie auprès des quatre autres tout juste arrivés. Sans plus tarder, peu rassuré, Ikki concentre légèrement son cosmos pour libérer, d’une voix diminuée, un faible, mais suffisant, arcane : « Ho Yoku Tensho. » L’incandescence des Ailes du Phénix, offre une chaleur inédite à ces guerriers du froid. Leurs yeux terrifiés témoignent de la douleur éprouvée par cette attaque qui leur ôte immédiatement la vie. Toutefois, Ikki n’exprime aucune satisfaction. Au contraire, son corps se pétrifie pour une raison étrangère aux stigmates laissés par la bataille remportée trois mois plus tôt. Un cosmos glacé, puissant et dégageant un immense instinct meurtrier, surpassant les faibles assassins tout juste abattus, l’oppresse. Son porteur, une ombre blanche sortie de derrière un arbre, lance un coup à une vitesse à peine perceptible pour un Phénix convalescent. _ « Il se déplace à la vitesse de la lumière comme seul un Saint d’or sait le faire, songe-t-il ! » L’attaque d’une lumière aveuglante fonce sur lui en déchirant la nuit. Dans un tel état et sans armure, Ikki ne peut l’éviter. Résigné, il ferme les yeux et se contente d’envoyer une dernière penser à son petit frère : « Shun… » Lorsque le moment d’être fouetter par le froid meurtrier vient, une étrange enveloppe d’une énergie intense anéantie le choc. Une voix familière au Saint de bronze brise le suspens : « Kan ! » _ « Shaka, reconnaît Ikki ! » A peine le Japonais trouve le temps de se retourner pour reconnaître son sauveur, que l’ombre blanche de Bud d’Alcor disparaît dans la nuit…
Pendant ce temps, à Asgard, dans les couloirs du palais, Freya observe impuissante chaque God Warrior se réunir dans la salle du trône. Fermés, concentrés, tous sont déjà rivés d’un air solennel vers leur mission.
Tourmentée par le comportement de sa s½ur depuis ce matin, elle ne résiste pas au besoin de se précipiter auprès de Siegfried. Ne sachant par où commencer, elle souhaite sensibiliser le plus puissant des Asgardiens en allant droit au but. _ « Siegfried ! Ma s½ur a changé du tout au tout, elle est comme possédée par le démon. Tu t’en es sûrement rendu comptes ? Si on ne fait rien, elle subira le châtiment céleste ! Use de ta puissance pour libérer ma s½ur ! » Tout juste nommé général de l’armée de sa bien-aimée à la place son frère jugé pour haute trahison, encore peiné par cette nuit d’amour chacun passé dans les bras de Thétis, Siegfried refuse de nuire aux projets d’Hilda, ni même de croire que sa volonté d’agir dans l’intérêt de son peuple soit dictée par le diable. Sigmund a profité que son frère baisse sa garde un instant pour tenter un coup d’état que Freya semble suivre. Hors de question pour lui de ne pas saisir l’occasion de revenir dans les bonnes grâces d’Hilda. _ « Dame Freya, je ne peux que protéger Dame Hilda en toutes circonstances. Si Sa Majesté Hilda doit recevoir un châtiment céleste, moi, Siegfried, resterait à ses côtés jusqu’en enfer. _ Siegfried… _ Pourquoi ces doutes maintenant ? Je ne peux plus reculer, j’ai prêté serment. J’ai juré de protéger sa Majesté Hilda, quoi qu’il arrive. » Sans en dire davantage, il prend congés et rejoint ses six frères d’armes déjà positionnés entre le trône de la Prêtresse d’Odin et le grand foyer aux flammes bleutés qui donnent à la pièce aux teintes déjà froides davantage de cynisme.
A la suite du Guerrier Divin d’Alpha, Freya s’immisce dans la pièce, sans que cela ne dérange la Princesse de Polaris, impériale dans son fauteuil entouré de deux griffons en pierre. _ « Je vous ai tous réunis ici pour mener à bien une mission. Notre mission. Celle d’offrir au peuple d’Asgard une vie plus clémente. Là où le soleil brille sans cesse et où la faim ne nous tue pas. Des générations d’Asgardiens ont été suffisamment nombreuses à être sacrifiées. Au nom d’Odin, je demande réparation. Athéna a repris son Sanctuaire. Pourtant, que la Terre soit gouvernée par la Déesse de la Sagesse ou par un imposteur, rien ne change pour nos âmes meurtries. Il n’est que justice qu’Asgard confie cette lourde tâche qui nous a toujours incombés à d’autres. Pour cette raison, je choisis Syd de Mizar Guerrier Divin de Zeta pour se rendre au Sanctuaire et délivrer un message… » Couvert de sa noble God Rob, le tigre viking avance d’un pas pour acquiescer, lorsque la cadette d’Hilda intervient de sa frêle voix : « Attends grande s½ur ! Veux-tu vraiment qu’Asgard conquière le Sanctuaire afin de dominer la planète ? » Sereine, Hilda répond sans sourciller : « Les Guerriers Divins sont de mon côté. Je ne peux pas perdre contre Athéna. » Le regard de son aînée, d’ordinaire si tendre, est chargé d’une noirceur troublante. Si les Guerriers Divins et le peuple, à l’égard de leurs vies pénibles ici, peuvent juger légitime la décision d’Hilda, Freya n’en oublie pas moins les sages paroles d’antan de sa s½ur. Celle-ci l’a toujours destiné à la remplacer si jamais il venait à lui arriver malheur. Pour cette raison, elle connaît toute l’importance de leur rôle ici : « Qu’est-il arrivé ? Qu’est-ce qui t’a changé ainsi ? Réveille-toi, grande s½ur ! » Ne tolérant plus aucune insubordination, Hilda se lève : « Tais-toi ! Thor, emmène Freya. Mets-là donc au cachot ! » Stupéfait, le géant ne sait comment réagir. _ « Mais… _ Obéis-moi immédiatement, Thor ! » Alors que l’immense silhouette du God Warrior de Gamma lui fait de l’ombre, les yeux teintés de tristesse, Freya tente une dernière fois d’interpeller son aînée : « Grande s½ur… » Toutefois, la mine embarrassée, Thor passe devant elle pour l’inviter à quitter la pièce.
En Grèce, au Sanctuaire, à la Source d’Athéna, Ikki regarde Shaka examiner les cadavres des cinq guerriers des glaces devant le temple où il a sommeillé pendant trois mois. Les doigts du Saint d’or caressent les gravures faîtes sur leurs boucliers : « Deux corbeaux autour d’un écu frappé par les sept étoiles polaires… L’emblème d’Odin et du royaume d’Asgard. Mais pourquoi Asgard alors que la Prêtresse de Polaris a assuré allégeance à Athéna lors de son retour au pouvoir ? » Le Saint du Phénix, lui, fixe froidement ses adversaires : « Peu importe. S’il y a bien un moment où le Sanctuaire est fragile, c’est maintenant. Nous nous remettons à peine de la discorde causée par Saga. La réorganisation du domaine est donc friable et surtout, je le perçois, Athéna est loin d’ici. »
Un ton chevaleresque, bien qu’emprunté, répond à Ikki. Réveillé, soutenu par ses trois autres camarades qui ont émergés grâce aux vibrations du récent affrontement, Seiya sort du temple dans la même tenue que les autres souffrants : « Et nous ne pouvons pas laisser Saori seule… Alors qu’un nouveau danger la menace ! » Immédiatement, Shun court jusqu’à son frère pour l’aider à tenir debout. Enfin sur pieds, réunis, les chevaliers de bronze s’échangent fièrement un sourire rempli de conviction. Essayant de nuire le moins possible à ses solennelles retrouvailles, Shaka déclare : « Puisqu’il en est ainsi, allez donc revêtir vos tenues qui vous attendent à vos chevets et rejoignez-nous donc au lever du soleil, nous autres Saints d’or, chez Mû. »
Alors que Shaka les devance, Ikki remarque sur l’armure d’or de la Vierge quelques marques de givre, que l’adepte de Bouddha espérait jusqu’ici dissimuler. Serrant les poings, Ikki grimace : « Cette ombre blanche… Ça devait certainement être un de ces légendaires Guerrier Divin d’Asgard. Alors que même mes attaques les plus puissantes n’avaient pas été capables d’affliger à une armure d’or une simple éraflure, ce défenseur d’Odin y est parvenu. Même si on dit de la Prêtresse de Polaris qu’elle est une femme bienveillante, aimée et respectée de tous, il paraît inévitable que je retrouverai ce Guerrier Divin dans peu de temps… » Ikki devine déjà son prochain affrontement avec Bud d’Alcor…
Dans une dimension qui surplombe la Terre, l’Olympe, à l’extérieur du temple du soleil, dans les jardins du dieu Apollon, l’imposant maître des lieux laisse l’eau d’une fontaine tenter d’approcher sa main. Devant le monument sculpté à son effigie, le frère d’Artémis s’amuse à faire évaporer l’eau grâce à l’insoutenable incandescence de son divin cosmos. Derrière lui, dans leurs Glories, ses fidèles Anges, Helénê et Kassandra observent agenouillées les gesticulations du pitoyable Roloi qui mime à son maître la prise de possession d’Hilda par Poséidon. Ses pitreries amusent les quelques servantes du fils de Zeus, étendues dans le muguet qui couvre tout le parc du palais solaire. Plus loin, reculés, sous l’ombre d’immenses lauriers majestueux, Héra, Hestia et Héphaïstos, les trois autres comploteurs, attendent la fin du récit de Roloi, pour qu’Apollon leur adresse enfin la parole.
Hautain, Apollon susurre ces phrases courtes qui caractérisent son allocution condescendante : « Ainsi tout se déroule selon notre plan. » Le pas saccadé, boiteux, le torse nu, le Dieu du Feu, des Forges et des Volcans s’expose à la vue de tous. Sa voix grondante retentit à travers sa barbe broussailleuse : « Rien n’est encore fait. Il y a beaucoup d’acteurs sur Terre. Qui te dit que personne ne viendra chambouler l’ordre des évènements que nous avons fixé. » Apollon dédramatise : « Poséidon va affaiblir Athéna en utilisant Asgard. Si Asgard ne suffit pas, si Poséidon ne suffit pas, Tezcatlipoca, Loki, Hadès, Eris et Arès feront l’affaire. Athéna mourra ou sera poussée à la faute. » Toute couverte de sa toge immaculée, la Déesse du Feu Sacré et du Foyer, Hestia, s’en extasie : « Dans les deux cas, Zeus ne pourra rester insensible au sort de l’humanité. » Immédiatement, les yeux plissés, impériale dans sa robe pourpre, la Déesse du Mariage, Héra, ramène sa semblable à la réalité : « Si Arès nous fait faux bond ? Si les Alcides de cette garce d’Hébé, ou encore Alexer de Blue Graad, se joignaient à Athéna pour combattre Poséidon et Hadès, ses ennemis légendaires, nos plans pourraient tomber à l’eau ! »
Tournant le dos à ses pairs, chassant d’un simple regard ses domestiques, le Dieu du Soleil attend d’être en toute intimité pour réagir de son ton sournois : « C’est pour cela que je vous ai conviés aujourd’hui. Helénê, la plus puissante de tous les Anges de l’Olympe, a été éloignée de moi trop longtemps. Réincarnée sur Terre sous le nom de Ksénia, elle a mené d’une main de maître notre conspiration. Ensuite, j’ai également mandaté Kassandra pour la lier à Arès. Elle pourra veiller à la bonne exécution des engagements de ce ridicule personnage. Roloi, lui, bien que n’étant un simple Olympien, se charge d’innover sans cesse dans le but que nous dupions du mieux possible Zeus. A votre tour, j’aimerai que vous engagiez enfin quelques forces dans la bataille. » Le menton carré et la large carrure d’Héphaïstos aurait de quoi effrayer quiconque en Olympe, surtout lorsqu’il s’insurge comme il le fait présentement : « Comment ?! Après notre confiance, tu oses nous demander un tribut encore plus lourd ! » Sans même écarquiller les yeux, Apollon ne laisse s’approcher davantage son acolyte. D’une simple émanation de cosmo énergie, il tétanise l’un des plus puissants gardiens du monde céleste. Immobilisé, contraint à courber l’échine, Héphaïstos abandonne très vite toute hostilité dans son regard, forcé de constater la toute-puissance de celui qui a, depuis la fondation de cet univers, toujours été envisagé à la succession de Zeus si d’aventure celui-ci venait à disparaître. Le célèbre adage du calme olympien n’étant jamais mieux justifié qu’ici, le dieu du Soleil suggère : « Est-ce donc une tenue à avoir auprès de moi Héphaïstos ? Je vais répondre logiquement à cette question. Non. Ce n’est pas ainsi que tu dois te tenir. Ce ne sera plus jamais ainsi. N’est-ce pas ? » D’un battement de cils, la titanesque entité valide la supériorité d’Apollon. Ce dernier l’invite : « Tes propos étaient d’autant plus déplacés, sachant qu’Héra est déjà intervenue par le passé pour contrer la Chouette. Et qu’Hestia a éliminé en personne Hébé. » Reprenant son souffle, essuyant du revers de la main la première goutte de sueur froide de son existence qui lui parcoure le front, Héphaïstos demande : « Qu’attends-tu de m… Que puis-je faire ? » Apollon reconnaît : « Héra a été clairvoyante. Il faut se méfier de l’apport des Alcides et des Blue Warriors. Nous ne devons laisser aucun allié à Athéna pouvant nuire à nos plans. »
En Grèce, au Sanctuaire, à l’Ouest du domaine, zone autrefois témoin d’une très grande bataille contre Arès, le village de Paesco reste le seul endroit du Sanctuaire où le chevalier de Pégase se sente réellement chez lui. Autrefois locataire de ce lieu, comme Orphée et Apodis, Seiya y titube. Tout juste remis, accompagné de Shiryu, Hyoga et Shun, il s’installe dans le misérable logis qu’il partageait avec Marin. _ « C’est bien peu, mais je ne me voyais pas passer une nuit de plus dans ce temple où nous sommes restés trois mois, s’installe Seiya sur son ancien lit de pierre. _ Dommage que mon frère ne nous a pas suivi, déplore Shun. _ Tu le connais Shun. Pour rien au monde Ikki ne se mêlerait à un groupe, dit Hyoga en posant affectueusement sa main sur son épaule. _ Il a préféré attendre que d’autres gardes viennent chercher les corps de nos assaillants, ainsi que ceux de nos deux soldats morts, avant de monter la garde en cas d’un éventuel retour, complète Shiryu. » Seiya s’allonge, les bras derrières la tête : « Il ne changera donc jamais ! Mais au moins, toi, Shun, tu as de la chance. Tu as un frère que tu vois toujours et qui ne t’ignore pas. » Ses trois amis comprennent vite où Seiya veut en venir. _ « Tu attends toujours des nouvelles de Marin, demande Hyoga ? _ Tu espérais peut-être la retrouver chez vous. Voilà pourquoi tu nous as menés ici, déduit Shiryu. _ C’est vrai. Depuis qu’Astérion a dit qu’elle est ma s½ur, le doute m’habite. Je ne sais plus quoi penser. Et si elle m’est venue à l’aide durant la traversée des douze maisons, j’aurai au moins voulu lui dire merci et lui demander… » Tout à coup, on frappe à la porte. Manquant de chuter, Seiya se précipite pour l’ouvrir en grand, mais montre involontairement une profonde déception, en voyant que le masque de femme chevalier auquel il fait face n’est pas celui du Saint de l’Aigle : « Ah… June… » C’est Shun qui prend la suite. D’un pas moins pressé que Seiya, il demande de sa douce voix : « June ! Tu es rétablie ! Quand es-tu arrivée en Grèce ? »
Préférant ne pas déranger Seiya plus longtemps, Andromède s’éloigne en compagnie de l’Ethiopienne aux cheveux couleur blé…
Dans la demeure, Seiya, aidé de Shiryu et Hyoga, repart s’effondrer sur sa couche. En se prenant la tête entre les mains, il remarque seulement le Jonc d’Athéna qu’il croyait perdu alors qu’il n’était encore que l’élève de Marin. _ « M… Mais… C’est mon bracelet ! Je ne l’ai même pas remarqué tout à l’heure lorsque je me suis rhabillé. J’ai fixé mes brassards machinalement sans faire attention. _ Cet objet à l’air très important pour toi, un peu comme la croix que Hyoga a reçu de sa mère. _ Oui. C’est un bijou qui me vient de mes parents. Enfin je crois. D’aussi loin que peuvent remonter mes souvenirs, je l’ai toujours eu. Et ma s½ur Seika avait le même. J’ai cru l’avoir perdu lorsque je faisais mon apprentissage de Saint. C’est étrange… » Préférant se ressourcer un peu, Hyoga botte en touche en rigolant : « Encore un bien étrange mystère que le cosmos devra résoudre ! » Les trois compagnons rient aux éclats comme pour libérer leur joie d’être sains, saufs et réunis.
Sur l’île d’Yíaros, dans le Parthénos, Juventas Alcide des Juments de Diomède reste dans la salle du trône. A l’intérieur du temple d’Hébé, vide et terriblement silencieux, la régente de l’île, grande, mince, porte sa Cloth blanche et crème par-dessus sa tunique grenat. Elle fixe à travers son masque de femme chevalier le fauteuil qu’occupait il y a encore quelques mois la Déesse de la Jeunesse. Propre, rénovée après la tentative de coup d’état des hommes de Gigas, la pièce dégage encore l’odeur du ciment et du plâtre frais. Un parfum que le disgracieux ¼dipe ne pourra jamais ressentir. En traînant les jambes, l’hideux Alcide des Oiseaux du Lac Stymphale s’invite par télépathie dans l’esprit de sa camarade. _ « Cela fera bientôt cinq mois qu’Hébé nous a quittés. _ Et mon c½ur saigne depuis. _ Il est évident que nous n’aurons jamais assez de temps pour faire le deuil de notre Grande Hébé. Mais peut-être devrions nous nous rapprocher d’Athéna, pour poursuivre la volonté de notre Majesté ? _ J’ai perdu les deux hommes qui auraient pu rendre ma fille heureuse. Je n’envisage pas de partir à la guerre et d’en faire une orpheline. _ Tôt ou tard hélas il nous faudra agir. Tu as dû ressentir comme moi une étrange cosmo énergie malfaisante planer autour de l’île depuis la mer. _ Crois-tu toi aussi qu’il puisse s’agir de Poséidon ? _ C’est envisageable. En plus du complot de l’Olympe, d’autres dieux ne se priveront pas d’attaquer la Terre. En plus des Olympiens, Athéna devra faire face à ses ennemis historiques. _ Oui… J’en ai conscience… » La guerrière au cheveux couleur taupe traverse la pièce pour prendre la direction des couloirs depuis laquelle elle scrute, grâce aux lucarnes, sa cité originelle : « … Seulement, notre armée se reconstitue à peine. Et pour tous ces jeunes gens, porter la dague hébéïenne sera une première. » ¼dipe la suit péniblement : « Je réalise que l’ultime bataille les conduira à la mort. Tout comme nous. Néanmoins, il en va de la survie du monde. Un monde auquel ta fille appartient. » La veuve d’Iphiclès cesse sa progression et abandonne ses pensées dans l’horizon. Les images bienfaitrices de son époux Iphiclès et de son amant Apodis se bousculent dans sa tête. Pourtant, elle réussit enfin à n’en tirer aucune nostalgie. Au contraire, le Lion de Némée et l’Oiseau de Paradis éveillent enfin en elle un désir de revanche : « Laissons à Athéna le soin de combattre ses ennemis historiques. Nous viendrons à son secours lorsqu’il conviendra de défaire les ennemis de tous les hommes et de tous les dieux qui veulent gouverner la Terre, l’Olympe. »
En Grèce, au Sanctuaire, la tête dans les étoiles, Shun progresse d’un pas lent et ordonné en compagnie de June bien silencieuse. En prenant la direction du Nord du domaine, le Japonais est stupéfait. _ « Je n’aurai jamais cru le Sanctuaire aussi grand. _ Lorsque je suis arrivée hier, j’ai eu du mal à me repérer aussi. Heureusement, Shaina m’a affecté à la surveillance d’une zone bien connue des gardes que j’ai sous mes ordres. _ Je suis content de te savoir heureuse ici. Te connaissant, je savais que la vie au Japon t’aurait semblé monotone. Comment vont Sho, Ushio et Daichi ? _ Très bien. Ils se sont parfaitement occupés de moi. » Instinctivement, s’étonnant après coup d’avoir fait une telle remarque, Shun demande d’un air inquisiteur : « Jusqu’à quel point ? » Confus, dérouté, l’élégant chevalier aux cheveux vert pomme a les joues qui s’empourprent. Seulement, c’est suffisant pour que June ôte son masque. _ « C’est tellement mieux ainsi. L’air est agréable pour cette première pleine lune du printemps tu ne trouves pas. _ June… Ton masque… Tu… _ Tu me l’as ôté Shun lors de notre combat au Japon. Tu sais ce que cela signifie n’est-ce pas ? » Shun peut lire dans les grands et beaux yeux bleus de son amie toute l’émotion qu’elle éprouve en restant rivée vers la lune. Il se contente d’un timide : « Oui. » Heureusement, bien vite, voulant stopper ce silence gênant, June s’exclame : « C’est ici ! » A visage découvert, elle se précipite dans un village où seules quelques ambiances musicales s’échappent des différentes tavernes. Les allées sont libres, quelques chandelles forment les ombres des habitants des petits logis que Shun et June s’amusent à observer en traversant la place : « Voici le village où je réside désormais ! »
Elle s’engouffre dans une modeste mais propre demeure. Au risque de le faire chuter alors qu’il est encore faible, elle tire Shun par le bras pour l’obliger à occuper l’espace. Une pièce principale où domine une grande table en bois sur laquelle l’urne de sa Cloth est posée. Une chambrette à droite, dont l’encadrement de porte est fermé par un rideau. Des peintures colorées et chaudes qui rappellent l’île d’Andromède… Shun se sent aussitôt comme chez lui. _ « Lorsque j’ai perçu ma première bourse de sacres pour m’installer après que je sois promue sergent, j’ai visité plusieurs demeures mais j’ai craqué aussitôt sur celle-ci. » Shun écarte le rideau de la chambrée pour finir son inspection. Il découvre un grand lit déjà couvert d’étoffes par June et un bassin d’un mètre vingt sur deux mètres carrelé avec de magnifiques mosaïques : « Je comprends, en effet, c’est sublime. » Accompagnée par la lumière intense de sa Cloth qui reprend sa forme en totem pour rentrer dans sa Pandora Box, June assure : « Nous serons heureux, ici, tous les deux. » Laissant Shun sans voix, elle défait ses vêtements en exposant sa totale nudité sans la moindre gêne. Elle déverse l’eau qui chauffe depuis plusieurs heures dans une marmite suspendue au-dessus du feu de la cheminée. Intimidé, Shun détourne ses yeux d’elle en se contentant de lui dire : « Tu es magnifique. » D’un ton volontairement hasardeux, alors qu’elle se glisse dans l’onde, elle lance : « Tu ne me rejoins pas ? » Fébrile, Shun se positionne sur une chaise et préfère décliner l’invitation : « Vois-tu, June, j’ai… Je suis… » Le regard perdu d’Andromède s’abandonne sur le sol de la maisonnette. Ne sachant comment s’y prendre, il ne remarque même pas le corps trempé de June venir le chercher : « Tu te souviens de ta promesse avant l’épreuve du sacrifice sur l’île d’Andromède ? » Confus, le chevalier regarde la jeune femme le dominer en se tenant droite devant lui, alors qu’il est complètement affaissé sur son siège. Instinctivement, il contemple le détail de ses courbes sur lesquelles glissent les gouttes d’eau chaude. Par phénomène de condensation, le corps tout entier de June dégage une vapeur qui crée une atmosphère licencieuse. Elle s’accroupit délicatement sur les genoux du Saint convalescent en prenant soin de rapprocher le plus possible son buste du sien, lui offrant au passage le frôlement de son affriolante poitrine contre son visage : « Tu m’as promis que lorsque tu retrouverais ton frère, tu reviendrais auprès de moi. Que crois-tu que j’attende à présent ? » Contraint de faire front à l’attitude avenante de son amie, Shun cesse son regard abandonné et la fixe avec émotion. _ « Je sais très bien ce que tu souhaites, mais d’autres batailles nous attendent encore. Je ne peux t’assurer une vie harmonieuse, tant que je n’aurai pas assuré la paix en ce monde. _ Cette nuit… Juste celle-ci, la paix, elle règne. Pourquoi en vouloir plus lorsque nous pouvons profiter des instants présents ? _ C’est juste que je ne veux pas te promettre des choses que je ne pourrai t’offrir. » Elle lui agrippe fermement les mains pour les lui poser sur ses seins. Ses yeux pétillent d’impatience tandis que machinalement, Shun se laisse guider par les mouvements circulaires que June l’incite à réaliser pour lui faire plaisir. Lorsque les gestes de Shun deviennent autonomes, voire initiateurs, June se penche jusqu’à son visage pour lui baiser le cou. A mesure que Shun poursuit ses cajoleries de plus en plus passionnées, il peut entendre entre chaque claquement de lèvres les petites poussées aigues de la voix satisfaite de June. Très vite leur étreinte devient plus fougueuse et le corps suintant du Caméléon trempe le maillot de Shun qui lui colle à la peau et épouse à merveille son athlétique torse. La vue de ce corps si parfait conjuguée aux mains de Shun qui parcourent dorénavant le reste de sa peau propulse June dans un état de grâce…
Dans une dimension qui surplombe la Terre, l’Olympe, à l’intérieur d’un des onze temples qui protège l’accès au Mont Olympe, son propriétaire entre dans une rage folle. A l’intérieur de la demeure aux pierres ternes et à l’atmosphère suffocante, le Dieu du Feu des Forges et du Volcan boitille en pestant : « Apollon prétend que je ne fais que profiter des risques qu’il prend ! Et que contrairement à Héra et Hestia j’attends que notre courroux contre les hommes se réalise en gagnant les faveurs de Zeus ! Mais c’est faux ! Je vais le lui prouver ! »
Traversant un pont de pierre à l’intérieur même de sa propriété, le maître des lieux passe au-dessus un torrent de lave. Tout autour, sur les plateformes en roches taillés dans un style dorique, les serviteurs du dieu, uniquement des hommes à peine vêtus en raison de la température ambiante, s’activent à présenter le nectar et l’ambroisie partout où leur souverain pourrait être amené à passer.
Lorsqu’il s’arrête en plein milieu du pont, ses yeux, larges et plissés, regardent au loin un atelier, depuis lequel on peut entendre s’entrechoquer quelques morceaux de métaux. Il observe la silhouette frapper devant un fourneau quelques pièces de métal et l’appelle : « Phygée ! » Le susnommé déploie immédiatement ce qui s’apparente à des ailes. Elles apparaissent par l’effluve de la cosmo énergie qu’il dégage.
En quelques secondes, il débarque devant son maître et s’agenouille de façon très solennelle. Couvert d’une Glory, il n’ose même pas regarder son souverain dans les yeux : « Maître, la réfection du char d’Apollon progresse à… » Héphaïstos ne laisse même pas l’Olympien aux longs cheveux azurs coupés en carré plongeant finir sa phrase : « Le char d’Apollon attendra. Fais venir Idaios. J’ai une mission bien plus grande à vous confier. »
Au Sanctuaire, à l’intérieur de la chaumière de June, la buée de son bassin condense sur les blocs de pierre qui forment ses murs. Eclairée par quelques chandelles, celles-ci dessinent les corps entremêlés de Shun et June, désormais étendus, nus, ne faisant plus qu’un, sur la couche aux draps soyeux. La propriétaire de la maison, couchée sur le côté, une jambe enlaçant fermement les cuisses de son amant, entrouvre légèrement les yeux à chaque soupir d’extase, afin de ne rien perdre de la vue alléchante du visage de Shun en plein effort. Appliqué, concentré, doux dans ses premiers gestes et fougueux lorsque la passion l’exige, le Saint d’Andromède accélère le mouvement de ses hanches à mesure que sa mâchoire se crispe. Venant en même temps qu’elle au point culminant du plaisir, ils libèrent tous les deux un râle sauvage mêlant bonheur et délivrance.
Cependant, ce soulagement prend des allures d’émancipation pour Shun. Etrangement, si attentionné jusqu’ici, Shun serre plus fort encore contre lui June, au point que la marque de ses bras qui l’encerclent stigmate son corps. En appui, lourde et rugueuse, la main droite de Shun remonte le long de sa poitrine, jusqu’à sa frêle gorge qu’il saisit sans ménagement. Ses mouvements de reins deviennent plus secs, plus violents. Stupéfaite, June écarquille grands les yeux et remarque que les cheveux pomme de Shun oscillent vers le prune. Ses yeux s’embrument et, avec son autre main, il serre fort son collier en forme d’étoile avec l’inscription « Your’s Ever » gravée dessus. Ne voyant pas d’autre solution, elle le gifle violemment pour le ramener à lui. Le choc est si violent que le Japonais en tombe à la renverse et recouvre ses esprits et son physique originel. _ « June ?! _ Shun… Mais… Enfin… Qu’as-tu ? Qu’est-ce qu’il te prend ? » Devinant sa mauvaise conduite, influencée par ce cauchemar qui le poursuit sans cesse, Shun baisse les yeux : « Je… Je ne sais pas. Je ne comprends pas… » S’entourant des étoffes pour couvrir son corps qui se refroidit après avoir intensément brûlé jusqu’ici, June s’inquiète. _ « La dernière fois que je t’ai vu ainsi, c’était avant que tu choisisses l’épreuve du sacrifice. Tu étais devenu fou de rage contre Reda et Spica. Ta colère te consumait à tel point que tu aurais pu détruire l’île entière. _ Je… Je suis désolé. Je ne sais pas pourquoi je deviens ainsi. Plus le temps passe et plus je me sens comme changeant. Je hais la violence. Pourtant ce cauchemar permanent d’une petite fille me portant, moi bébé, dans ses bras, chaque nuit, renforce en moi ce sentiment de colère. Il ne m’est pourtant pas apparu durant la bataille des douze maisons. Mais il faut croire que d’être resté trois mois dans le coma a eu un effet néfaste. Cette vision a décuplé en moi cette peur et cette haine que j’abhorre plus que tout. _ Tu devrais en parler à Athéna. _ Non. Ni à Athéna, ni à mon frère. Je ne veux pas les perturber avec ça. Des choses plus importantes les concernent. » June vient alors se coller contre lui et l’enlace amoureusement. _ « Dans ce cas, nous combattrons ensemble ce mal qui te ronge. _ Si seulement c’était si simple, sourit-il gentiment. _ Oui, bientôt tu retourneras auprès d’Athéna et tu seras à nouveau loin de moi. »
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« le: 4 Décembre 2022 à 13h38 »
Chapitre 82 Sur la plus septentrionale des quatre îles principales de l'archipel du Japon, Hokkaido, se matérialise la silhouette de Kyoko. Légèrement vêtue de sa jupe et de son chemisier, la jeune femme progresse dans le plus haut relief montagneux de l’île. Alors que quiconque ne tiendrait pas une minute dans ce climat, elle prend le temps de progresser dans la tenue scolaire qu’elle a choisi pour rendre visite à Mars en Grèce. D’apparence chétive, elle avance sans difficulté, caressée qu’elle est par les bourrasques de vent gelé, sur les sentiers sinueux. Tout à coup, au-dessus de sa tête, le bruit de raie d’hélices perturbe son allégresse. Un drone s’infiltre dans cette zone inhabitée et inexplorée depuis trois ans maintenant que le Jardin d’Eden a rejailli des entrailles terrestres. En débouchant en sortie de forêt sur le flanc de la montagne, elle s’en amuse : « Ils ne comprendront donc jamais. » A cet instant, morceau par morceau, l’appareil se disloque puis explose pièce après pièce. Elle observe alors devant elle des vestiges de la Grèce Antique taillés à même la roche. _ « Ils ne parviennent plus à accéder à ce lieu. Les barrières naturelles sont insurmontables. Alors ils tentent par leur technologie, sans jamais accepter qu’ils ne peuvent pas tout s’approprier sur cette Terre, d’atteindre ce lieu qui les rejette. La limite des hommes est atteinte là où le choisissent les dieux. »
Revenue de son escapade en Grèce avec Arès, Eris profite du soleil levé de ce 22 mars 1987 pour admirer en plein Japon de hautes colonnes de la Grèce antique. Elles érigent divers prieurés avec en sommet de flanc de montagne un temple plus imposant. Son ascension commence en slalomant les monceaux de roches retournés par la résurgence du Jardin d’Eden où se mêlent piliers effondrés et pierres brisées. Aussitôt, quelques Dryades aux Leaf noires et amarantes sortent des décombres pour prendre en étau la jeune femme jusqu’à ce que celles-ci reconnaissent leur déesse. Toutes s’agenouillent instantanément tandis qu’un Ghost Saint apparaît. D’un claquement de doigt il chasse les Dryades. _ « Rigel, quel plaisir que tu viennes m’accueillir. » Le Fantôme pose genou à Terre. Un voile flou couvrant ses yeux, Rigel, imposant dans sa Leaf d’Orion, démontre toute sa dévotion : « Quoi de plus normal Kyoko. » En passant à côté de lui, elle lui caresse affectueusement le visage en forçant à hauteur du menton pour le forcer à se relever : « Rigel… Je t’ai déjà demandé de ne plus me nommer ainsi en ce lieu… » Il la laisse passer devant et la fixe reprendre la route. Son regard s’éclaircit alors, reprenant la vigueur qui était la sienne avant qu’Eris ne lui ôte la vie sur l’Utérus. A cet instant, lui reviennent les souvenir du meurtre de Mayura et du baiser mortel qui le firent rentrer dans le camp de la Déesse de la Discorde… Il devina aisément l’affliction de ses anciens camarades il y a trois ans après la bataille sur l’Utérus…
Flashback Au Sanctuaire, les prêtresses, des aspirantes Saintia, allaient et venaient entre leur temple au sommet des douze maisons et le camp des femmes chevalier au Sud Est du domaine. Seules autorisées à pénétrer le camp, elles apportaient à Shaina, Marin et Geist l’aide nécessaire pour nettoyer les corps et les charrier dans les cimetières des villages alentours à l’aide de quelques b½ufs.
Là-bas, Erda, choquée de sa rencontre avec Deathmask qu’elle gardait pour elle, participait à l’effort malgré ses nombreuses blessures. Elle refusait de se faire soigner malgré les remontrances de ses aînées. Préoccupée à rendre à ce camp sa pureté d’antan, Erda repoussait chaque prêtresse alors que Shaina en renvoyait chaque fois une nouvelle à son chevet. Xiao Ling, elle, en retrait, recevait les soins sans perdre des yeux Erda. Traumatisée par cette journée sanglante, elle restait admirative du caractère bien trempé de sa camarade. Si bien qu’elle voyait à travers elle la défunte Saint de Cassiopée, Rebecca. D’ailleurs, Geist referma dans sa Pandora Box la Cloth de Cassiopée. _ « J’étais de passage au Sanctuaire pour rendre compte d’une mission au Pope, enfila-t-elle l’urne par-dessus son épaule. Il ne reste plus grand-chose à faire ici. La terre finira par absorber le sang qui jonche le sol. Les nouvelles recrues hisseront de nouveaux abris avec les débris de temple qui se trouvent ici, comme nous autrefois, s’adressa-t-elle à Shaina et Marin. Je m’en retourne accomplir mon devoir auprès du Pope. J’en profiterai pour lui restituer cette Cloth. » Comme pour refuser de dire adieu à sa maîtresse, Erda préféra ne pas poser ses yeux sur l’armure de Cassiopée et s’attela davantage à la tâche. Tandis qu’au contraire Xiao Ling s’embua les yeux en voyant le souvenir de Rebecca les quitter. Alors qu’elle claquait le cul d’un b½uf pour faire partir le char de celui-ci avec une prêtresse, Erda resta bloquée un instant sur la pile de cadavre. Le rire sarcastique de Deathmask retentit alors dans son crâne. Depuis sa rencontre avec lui, l’image de l’odieux Saint d’or restait gravée dans son esprit : « Pourquoi… Pourquoi Athéna a-t-elle fait de lui un de ses Saints ?! Je dois savoir pourquoi, ressassait-elle. » A cet instant, restée accrochée sur la feuille d’un arbre, une Evil Seed de l’Utérus tomba sur elle. Une graine maléfique se planta aussitôt en elle sans qu’elle puisse s’en rendre compte. Subjuguée par sa camarade, Xiao Ling admirait chacun de ses mouvements. Si bien qu’il fallut l’insistance d’une prêtresse qui répéta pour la seconde fois sa question pour qu’elle revienne à elle : « Vous allez donc faire partie de la nouvelle génération d’apprentie Saint ? » La vestale avait de grands yeux verts, de grands cheveux mauves coiffés d’une longue tresse et agrémentés d’une pince en or. Celle qui deviendra plus tard Lilith, la captive de Deathmask, faisait preuve d’intérêt pour son prochain et d’entrain à l’idée de parler à une rescapée qu’elle considérait comme héroïque. _ « Nous, prêtresses, et aspirantes Saintias, nous devons comme vous faire preuve de maîtrise martiale et de courage pour être dignes d’approcher Athéna. Malheureusement, je suis plus douée en tâches ménagères qu’en manipulation du cosmos, poursuivit-elle en souriant gênée. » Traumatisée et pleurnicharde, Xiao Ling craqua à l’idée qu’on puisse la voir comme courageuse. A l’inverse, les mots de la future Lilith parvinrent à Erda comme une évidence. Les Saintias peuvent approcher Athéna. Elle a les connaissances de guerrière. Ne reste que les bonnes grâces d’une gouvernante à savoir dispenser à sa déesse. Marin vint sortir Erda de ses songes en posant sa main sur son épaule. _ « Tu étais une des favorites de Rebecca. Tu as fait preuve de beaucoup de force aujourd’hui. Tant durant la bataille, qu’après. Par respect envers Rebecca, je peux achever ton instruction. J’ai ressenti ton cosmos lors des combats. La Cloth de Cassiopée irradiait et veillait sur toi quand nous vous avons rejointes ici. Il s’agit de ta constellation. Si tu le désires, cette Cloth t’es toutes destinée. _ Je n’ai plus de maître. Je refuse de suivre l’enseignement d’un autre professeur, répondit sèchement Erda. » Sa réaction ne passa pas inaperçue. Marin resta droite devant elle. Sans insister. Xiao Ling était pendue aux lèvres d’Erda qui poursuivit : « Je suivrai ma propre voie. Après aujourd’hui, beaucoup de questions me viennent. Seule la prière m’aidera à trouver les réponses. A compter de maintenant, je consacrerai ma vie aux prières afin qu’Athéna me guide. Je décide de devenir Saintia. » Après un long temps de pause, Marin comprit que des doutes profonds habitaient la jeune femme. Elle conclut : « Si tel est ton destin… Après tout, si la Cloth de ton maître t’est réellement destinée, alors elle te reviendra lorsque tu seras sacrée Saintia. » En entendant cela, Xiao Ling tourna la tête en direction de sa soignante : « Puis-je moi aussi devenir Saintia ? » La future esclave de Deathmask sourit : « Katya, notre Saintia en chef, et Mii, son assistante, sont très exigeantes lors du recrutement d’une aspirante. Il faut être serviable et prédestinée à un fort potentiel martial. Si je crains hélas de devoir un jour être renvoyée puisque je ne progresse pas, je pense que pour ton amie et toi, après vos exploits de ce jour, aurez droit à une dérogation du Grand Pope en personne. » Choquée par la bataille, la Chinoise voit l’opportunité de profiter de ses prédispositions au combat pour se cacher dans ce Sanctuaire en se rangeant au service de la déesse que chérissait Rébecca. L’occasion aussi pour elle de rester auprès d’Erda. Cette nouvelle rassura Xiao Ling qui inconsciemment vint toucher du bout des doigts ses lèvres en se souvenant du baiser malencontreux échangé plus tôt avec Erda. Elle comprit enfin que cela a déclenché quelque chose en elle. Que cette attirance soudaine qu’elle éprouve envers Erda est aussi forte que l’amitié qu’elle éprouvait pour Yufa. C’est alors, qu’une autre Evil Seed restée cachée de l’éradication faite plus tôt par Deathmask vint s’insinuer dans son c½ur. Ignorant l’affection soudaine de Xiao Ling à son endroit, Erda garda un instant de dignité lorsqu’elle chargea le dernier corps resté dans le camp, celui de Mito. Elle ferma les paupières solennellement. Ses adieux à sa camarade signifiaient pour elle ses adieux à ce camp où elle passa tant d’années…
Plus loin, à Honkios, avant la montée des marches des douze maisons, sur le flanc Ouest, Mirai pleurait devant la stèle de Mayura. Alerte, l’apprenti du Saint d’argent sentit un noble cosmos approcher dans son dos. Il lui dit sans même se retourner : « Le cimetière est à peine remis de l’éboulement provoqué par l’éruption de l’Utérus qu’il accueille déjà de nouvelles tombes. » Derrière lui, Shaka, Pandora Box du Paon sur le dos, présenta ses condoléances : « J’ai appris que ta condisciple, Shinato, avait héroïquement donné sa vie elle aussi. Tu peux être fier d’avoir été entouré de deux femmes d’une telle abnégation. » D’un revers de la main, Mirai essuya ses yeux afin de présenter une mine fière au Saint de la Vierge. _ « Shinato… Elle était apprentie… Sa place ne sera pas dans ce cimetière aux côtés des Saints et de notre maître… Sa place ne sera d’ailleurs nulle part… Tout au mieux, une pierre à son nom dans un cimetière isolé dans le Sanctuaire… Nous n’avons même pas retrouvé son corps… » Shaka pouvait deviner le tourment de l’élève à propos de Shinato. Il ressentait le même à l’endroit de Mayura. Malgré la distinction de celui-ci, impérial dans son armure d’or, Mirai pouvait lire sur le visage de Shaka une profonde affliction à l’endroit de son professeur. _ « Par respect envers mon amie, j’ai obtenu du Grand Pope le droit de conduire sa Cloth à Jamir afin qu’elle y soit réparée. J’aimerai que tu m’y accompagnes ? _ Pardon ?! _ Mayura me parlait souvent de Shinato et toi. Tu concoures à la Cloth de bronze du Petit Chien. Et Mayura ne tarissait pas d’éloges à ton endroit. Pour sa mémoire, le Grand Pope m’a autorisé à achever ton enseignement. A notre retour de Jamir, si tu es parvenu à surmonter les épreuves que je te ferai surmonter, tu seras promu Saint de bronze du Petit Chien. Qu’en penses-tu ? » Mirai, à la fois peiné de poursuivre sans Mayura et Shinato et conscient de l’opportunité de parfaire son apprentissage auprès d’un des plus réputés Saint d’or, hésita l’espace d’un instant. Shaka lut en lui comme dans un livre ouvert : « Le chemin pour devenir Saint est semé d’embûches. On supporte toutes sortes d’épreuves physiques et mentales. Les plus émérites les surmontent. Mais c’est seulement la vérité du champ de bataille, la mort, l’adrénaline qui en découle lorsqu’on la donne, mais également le chagrin qu’on éprouve lors de la perte de camarades, qui permet de déterminer vraiment si on est capable de devenir un chevalier. Aujourd’hui tu es face à ce dilemme. Et tu n’auras pas d’autres chances qu’à cet instant. As-tu traversé toutes ces épreuves pour arrêter maintenant ? Te crois-tu capable de surmonter la perte d’êtres aimés ? Sauras-tu supporter de perdre à l’avenir à nouveau des camarades ? Seras-tu prêt à mettre à chaque combat ta vie en péril maintenant que tu connais l’issue d’une Guerre Sainte ? » Mirai tourna les talons une dernière fois en direction de la tombe de Mayura. Il prit une profonde aspiration et dressa son poing : « Je souffre. Je souffre terriblement. Les stigmates sur mon corps ne sont rien par rapport à la déchirure de mon âme en cet instant. Durant toute notre formation, on l’entend, et on se croit prêt à vivre de tels désastres. Mais il n’en est rien. Pourtant, Shinato n’a pas tremblé au moment de partir secourir les femmes du camp. Elle n’a jamais baissé les bras même lorsqu’elle a découvert que la Cloth à laquelle elle aspirait, l’Oiseau de Paradis, était déjà portée par un Saint émérite. Elle était prête à tout pour servir le Sanctuaire et s’imaginait mercenaire s’il le fallait. Elle a même été jusqu’à dissimuler sa féminité pour être considéré comme l’égal de n’importe quel autre apprenti, sans traitements de faveur d’un côté ou brimades de l’autre. Et tout ça, c’est à Maître Mayura qu’elle le devait. Moi j’étais là, à les admirer toutes les deux, sans prendre au sérieux l’opportunité qui était mienne. Car c’est bien de ça qu’il en retourne aujourd’hui. Je suis en vie, moi. Et j’ai l’opportunité de pouvoir devenir Saint, moi. Je ne peux plus tricher, me cacher. La vérité m’a sauté aux yeux et le destin me fait face. Devant la tombe de Maître Mayura, en mémoire de Shinato, je ne peux me dérober… » Il se retourna vers Shaka, déterminé comme jamais et scanda : « Je deviendrai Saint sous votre enseignement ! Partons pour Jamir Seigneur Shaka ! »
Plus haut, sur le flanc droit entre le palais papal et la maison des Poissons, Katya veillait au chevet de Shoko dans le temple des prêtresses. Alors qu’elle ruminait encore l’accession de Shoko au statut de prêtresse, Mii changeait malgré elle les bandages de la souffrante. _ « Allons Alicia, l’appela Katya de son vrai nom, ne peux-tu pas ravaler quelques instants ta ranc½ur ? Cela transparaît sur ton visage ! _ Je suis désolée, serra-t-elle fermement les bandelettes de papier, mais profiter des circonstances pour faire de cette apprentie Saint une aspirante Saintia alors qu’elle a jusqu’ici toujours loupé les épreuves d’érudition nécessaires à être acceptée parmi nous ça me… » Le bond de son lit de la souffrante interrompit la rustre prêtresse : « Aïe, s’exclama Shoko ! » Katya se mit à rire : « Alicia… J’ai l’impression que tu es si douce que tu en as sorti notre invité de son coma ! » Mii ronchonna en reculant pour laisser de l’air à une Shoko hagarde. _ « Où… Où suis-je ? _ Au temple des prêtresses d’Athéna, vint lui prendre la main Katya. Tu te souviens de ce qui s’est passé ? » Elle profita de l’échange pour glisser dans la paume de Shoko le collier à l’effigie de Pégase que portait Kyoko. Elle le ramassa lorsque Kyoko le perdit quand Eris prit possession d’elle. Sentant le bijou froid au contact de sa peau, Shoko se remémora aussitôt. _ « Kyoko, sanglota-t-elle… _ Tu es restée inconsciente trois jours depuis. » Shoko gardait les yeux rivés sur l’objet. Les paroles troublantes de Kyoko sur son acception à être Eris et sur l’absence d’Athéna du Sanctuaire traversèrent son esprit. _ « Et ma s½ur ? Et le Saint du Scorpion ? Il a sacrifié sa vie pour lutter contre la destruction d’une partie du Sanctuaire. _ Le Seigneur Milo est en bonne santé. Il a participé à la mission destinée à l’éradication de l’Utérus, des Dryades et… _ D’Eris ? _ Oui. _ Et alors ? _ La mission est réussie. » Shoko resserra ses poings et tira ses draps vers elle par le même geste : « Ma s½ur est donc… » Katya se contenta d’hocher la tête d’un signe affirmatif en faisant la moue. _ « La mission est donc un succès, tenta de dédramatiser malgré elle Shoko. _ Si on peut appeler ça ainsi, rétorqua sèchement Mii. Le camp des femmes chevaliers a été dévasté. Seule Erda a survécu parmi les apprenties. Dame Rebecca a également succombé. Les Seigneurs Aeson et Rigel ont trahi le Sanctuaire au profit de ta s½ur ! Et Dame Mayura y a perdu la vie ! _ Dame Rebecca… Toutes les apprenties… Mais… Et… Rumi, mon amie ?! » D’un air sévère, Mii fit un signe négatif de la tête. Shoko sentit son c½ur se fendre à nouveau en apprenant que sa s½ur était responsable d’un nouveau drame. Elle murmura d’une voix triste : « Rumi… » Pourtant, elle refusa de se laisser abattre. Elle desserra le poing qui contenait le pégase de sa s½ur et sortit le sien, le même, de sous son maillot. Elle répondit alors aussi rudement à Mii que celle-ci s’était adressée plus tôt à elle : « Je comprends ce sentiment de trahison qui t’habite. Après tout, ici, Kyoko était ton aînée. Un modèle peut-être même. Toi qui attaches tant d’importance aux protocoles et à la fonction de Saintia, j’imagine à quel point tu dois être dévastée par les conséquences de sa trahison. Mais face à Kyoko… Non, face à Eris, je me suis faite une promesse. Et je vais te l’adresser comme un engagement solennel. Qu’importe que tu m’acceptes comme une semblable ou non. Qu’importe mes maladresses à appréhender mon futur rôle. Mon destin n’était pas d’être Eris. C’est Kyoko qui a choisi cette voie sans lutter. C’est son choix. Le mien est d’être au service d’Athéna. Je veux devenir une Saintia ! Et je deviendrai une Saintia ! Pour laver l’affront que ma s½ur vous a infligé. Pour vous. Pour moi. Pour Athéna ! » Restée en retrait durant cet échange musclé, Katya en garda un sourire convaincu. Mii, par un hochement de tête et un regard assuré, accepta de laisser sa chance à Shoko.
A quelques centaines de mètres de là, devant les grandes portes de la salle d’audience du Pope, Aiolia attendait de faire son rapport. Après Shaka, ce fut à Milo de rendre des comptes sur les évènements de la veille. Le Saint du Lion n’attendit pas longtemps. L’entrée fut ouverte en grand depuis l’intérieur de la pièce par les gardes qui s’y étaient enfermés avec le souverain. Aiolia ôta alors son diadème et attendit que Milo en sorte. Le Scorpion recoiffa ses longs cheveux du sien une fois dehors. Les deux Grecs s’échangèrent un rapide signe de tête au moment de se croiser. _ « Tu repars en mission, questionna le Lion ? _ Tu es perspicace, chambra le Scorpion. _ Pas bien compliqué. Tu portes deux Pandora Box qui ne sont pas les tiennes sur le dos. » En effet, en plus de celle de la Coupe, Milo avait récupéré la Cloth de Rebecca que Geist avait redéposé plus tôt. _ « J’ai obtenu du Pope le droit de rapporter la Cloth d’Aeson auprès de son élève, Crateris. Cela faisait des années qu’Aeson en trouver digne son disciple. Si bien qu’Aeson la sortait de son urne afin que Crateris entre régulièrement en symbiose avec lors de ses séances de méditation. Une sorte de passage de témoin en quelque sorte. _ Le Grand Pope a accepté qu’on respecte les dernières volontés de ce traître d’Aeson, grinça des dents Aiolia. _ Allons, tu sais que notre Grand Pope peut se montrer clément et ne pas s’arrêter uniquement sur les circonstances flagrantes. Il accepte volontiers de voir au-delà des apparences. Tu en as fait toi-même l’expérience par le passé. Et plus d’une fois si je ne me trompe pas. La trahison d’Aiolos. Ton tempérament rebelle lors de la Guerre Sainte contre les Titans… » Vexé par le souvenir de son frère, Aiolia ravala sa morgue. Milo n’insista pas, il conclut en montrant du doigt la Pandora Box de bronze dont il portait les lanières au-dessous de celle de la Coupe : « En échange de l’exécution de la volonté d’Aeson, le Grand Pope m’a demandé de conduire la Cloth de bronze de Cassiopée à Albior de Céphée sur l’île d’Andromède. Avant même le décès de Rebecca, Albior mentionnait dans ses messages à l’attention du Sanctuaire qu’un de ses élèves, Anikeï, était aspirant à cette Cloth. Le temps qu’il achève sa formation, la Cloth se sera régénérée dans son urne. » Aiolia acquiesça. Il songea un instant : « Le nombre d’aspirants est en constante progression en cette ère. Cela annonce de nombreuses Guerres Saintes en notre époque. Le Pope ne perd pas de temps afin de garder une armée importante en nombre. » Au regard inquiet de Milo, il comprit que son compatriote partageait la même pensée. Chacun reprit son chemin et bientôt Aiolia posait genou à terre devant le Grand Pope fermement cramponné à son trône. _ « Félicitations Aiolia. Tes frères d’armes ont tour à tour précisé que notre victoire d’hier n’a pu être possible que grâce à ton succès face à l’Utérus. » Portant encore sur lui les écorchures d’Hysminai et les ecchymoses de Galan, Aiolia restait focalisé sur son avenir. _ « Merci Majesté. Ce fut avec opiniâtreté que j’ai respecté votre plan d’assaut. Vous n’aviez plus fait appel à moi depuis la bataille contre Cronos. Il était important que je revienne dans les bénédictions d’Athéna. _ Ton impétuosité à l’époque a fini par me lasser. Toutefois, ce jour, tu parais bien plus mûr. Bien que je discerne toujours chez toi un tempérament de feu, pouffa sympathiquement de rire Saga. » Aiolia afficha une mine partagée entre flatterie et gêne. Il était rare que le Pope fasse preuve de sympathie. Néanmoins, il se remémora une des circonstances qui l’a rendue plus mature. _ « J’avoue que la révolte des soldats des Titans alors que j’avais obtenu auprès de vous leur grâce lors du climax de la Guerre Sainte contre Cronos m’a profondément atteint. L’enfant que j’étais s’était tant battu pour leur offrir une vie meilleure, comme moi qui me battais pour effacer l’image d’Aiolos qui me collait à la peau. » Sous son masque et son casque en or, Saga sua l’espace d’un instant. Le complot hourdis autour de l’accueil des soldats Titans au Sanctuaire demeurait un succès. A l’entendre, Aiolia n’y avait vu que du feu. _ « Lorsque je revins du Cronos Laburinthos et que je découvris leur tentative d’invasion, ma candeur a pris fin. Tout n’est pas blanc ou noir. L’être humain est complexe. Je compris qu’à mes yeux Aiolos était peut-être un grand guerrier. Il n’en demeurait pas moins un traître. La bataille me fit réaliser qu’ils avaient beau être les assassins de mon frère, les autres Saints n’en demeuraient pas moins mes frères d’armes de confiance. » Saga ne put retenir une larme tant le poids de ses mensonges avaient fini par corrompre l’amour et la foi d’un cadet envers son frère aîné. _ « Si bien que l’exil que vous leur offrîtes sur Death Queen Island était une bien douce punition, acheva Aiolia résigné. » Saga se racla la gorge pour ne pas trahir son émotion : « Il s’agit de la décision d’Athéna. Elle demeurera toujours bonne envers son prochain. Fut-il un ennemi. Athéna t’adresse à travers moi ses remerciements et ses félicitations pour cette mission accomplie Aiolia. Tu peux disposer et bénéficie de trois jours de permission qui t’aideront à te remettre de tes blessures. » Aiolia hocha la tête pour prendre acte et fit volte-face. En se dirigeant vers la sortie, il serra les dents : « Les soldats Titans… Finalement, ils avaient en ce dieu malfaisant qu’était Cronos le dieu qu’ils méritaient… Mais au fond de moi, maintenant que j’ai découvert la vérité à propos de Galan, cette guerre n’est pas finie… Lithos m’a menti… » Tandis qu’Aiolia quittait le palais, le Grand Pope indiqua d’un signe de la main aux deux soldats portiers d’en faire autant. Seul, il ôta son heaume et son masque pour libérer ses longs cheveux bleus et essuyer ses larmes de culpabilité. En se dirigeant vers le balcon qui domine l’horizon, il paraissait très affecté : « Aiolos… Mon ami… Comme je m’en veux de devoir infliger ces mensonges à ton frère… » Seulement, quelques secondes suffirent à sa chevelure pour devenir grisâtre. Les larmes ne coulèrent plus dans ses yeux rouge empreints de folie : « Cependant, cette Guerre Sainte contre les Titans m’aura permis d’achever la formation de nombreux Saints d’or et de découvrir que des entités bien supérieures à Hadès, Poséidon ou encore Zeus menaçaient mon plan de domination. Pontos… J’ai perdu contact avec lui qui fomentait également contre les Titans à l’issue de cette bataille. Il n’a pas pu disparaître ainsi. Sans que mes Saints ne s’en rendent compte, les différentes Guerres Saintes menées contre le panthéon égyptien m’a permis de récolter de nombreux indices. Pas encore assez, hélas. Mais je sais au moins que ce panthéon n’était qu’un leurre. Des marionnettes que l’Olympe a placées pour sceller des forces supérieures. Des ruines plus profondes. Où se terre certainement Pontos aujourd’hui. Le jeune Mirai ira compléter l’équipe de recherche de Retsu du Lynx une fois qu’il sera fait Saint. Dans l’attente, Juan et Georg iront renforcer les rangs également. La réquisition de gens de leur calibre ne devrait pas éveiller trop de soupçons sur mon obstination pour ces recherches… »
Au Sud Est du domaine, sortie du camp des femmes, Shaina se débarbouillait à l’abri des regards de son combat et des tâches harassantes qui s’en suivirent. Son masque, posé sur ses vêtements au bord de l’eau, fut ombragé par l’arrivée d’une camarade dont le cosmos lui était familier. _ « Ton rapport est terminé, demanda Shaina ? » Faisant grossièrement tomber ici et là chaque morceau de son armure de mercenaire, Geist se dépêcha de se laisser tomber dans l’onde pour rejoindre son amie. _ « Je n’eus pas besoin de m’étaler. Gigas m’attendait au coin d’une ruelle d’Honkios afin que je ne sois pas découverte à faire mon rapport au Grand Pope. » La brune se laissa tomber en arrière pour noyer ses longs cheveux. Passant de l’eau sur son visage, Shaina déplora : « Tout de même, quel fait d’arme te faudra-t-il pour avoir de nouveau droit aux faveurs d’Athéna ?! » Geist releva les genoux pour exposer son corps nu tout entier à la vue de l’Italienne qui en connaissait déjà les moindres détails : « Disons que cela est un bon compromis. Mon apparent exil me permet de réaliser des missions que beaucoup refuserait de faire et que j’accomplis sans état d’âme. Ça me permet de défouler cette part d’ombre en moi tandis que je reste dans les petits papiers du Pope Arlès. » Shaina l’imita pour venir la prendre par la taille : « Tout de même… Aujourd’hui c’est Misty le capitaine des armées. Mais si un jour je parviens à me hisser à ce rang, alors je demanderai au Général Gigas de te réhabiliter. » Geist approcha ses lèvres des siennes : « Je te manque tant que ça ?! » En aucun cas Shaina ne voulut se dérober à ce baiser. Elle en profita pour l’étreindre lascivement et sentir sa poitrine frictionner la sienne. A l’issue de cet échange langoureux, Geist la taquina. _ « Tu as pourtant Marin pour combler ta solitude. _ Je la soupçonne d’être attirée par le pestiféré du Sanctuaire, Aiolia. Elle passe dorénavant énormément de temps avec son disciple et lui à ce qu’on dit. _ De tous les hommes du Sanctuaire, il a fallu qu’elle choisisse le moins bon parti, ricana Geist. Néanmoins, je la comprends, elle qui a longtemps été brimée en raison de ses origines, elle doit comprendre mieux que quiconque la souffrance de cet homme, compatit-elle sans vouloir médire davantage. Cependant, ces années où elle s’est isolée après être faite Saint semble avoir été propice au développement d’aptitudes qu’on ne lui soupçonnerait pas. _ Que veux-tu dire ? _ Je ne sais pas… Durant notre combat contre Emony, j’ai senti comme un cosmos… Comment dire… Pas inhumain… Mais supérieur à nous autre en tout cas… Différent tout du moins ! _ Arrête. C’est impossible. Marin n’a jamais démontré un potentiel supérieur à la moyenne de notre caste de Saint d’argent. Et tu sembles oublier qu’après Mayura, j’étais la Saint la plus puissante du Sanctuaire. _ A ce propos, maintenant que Rebecca n’est plus, que Mayura ne pourra reprendre à sa place, j’imagine que le Pope va te confier la remise sur pied du camp, le recrutement et l’apprentissage des nouvelles femmes chevaliers. _ Rendre à ce camp sa beauté d’antan, je l’accepte volontiers. Après tout, nous y avons vécu tant de belles années. Recruter de nouveaux éléments, en visitant régulièrement l’ensemble du domaine, ou en partant en mission dans le monde contemporain, ça doit être possible. Néanmoins, prendre la responsabilité de l’apprentissage, très peu pour moi. Il me reste encore la formation de Cassios à achever. » Geist tourna le dos à son amie et reprit la direction de la berge. _ « Tu m’épates. Malgré tes réactions belliqueuses et ton ambition, tu restes mesurée et raisonnée. J’aurai aimé te ressembler. _ Où vas-tu ? _ Rejoindre mes hommes avant qu’ils ne soient découverts. Nous avons ordre de quitter au plus vite le Sanctuaire. Une nouvelle mission nous attend. _ Reviens-moi vite. _ Promis. Et en attendant, garde un ½il sur Marin. Tu l’as ignoré depuis qu’elle a quitté le camp. Nous étions toutes les trois très proches. A présent elle semble être une parfaite inconnue pour toi. Qui est son disciple ? Mes soupçons à propos de son potentiel sont-ils fondés ? Souffre-t-elle de solitude ? Ou bien, sa relation supposée avec Aiolia ne la met-elle pas en danger ? Autant de mystères que tu ferais bien d’élucider. _ J’ai toujours soupçonné que tu lui trouvais plus d’intérêt qu’à moi, minauda Shaina. _ Tu vas le faire, insista Geist ? _ J’ai peur que l’intérêt et le temps me manque, termina Shaina. _ J’espère dans ce cas que tu ne le regretteras pas ma belle. »
Dans les villages du Nord, Milo traînait des pieds à l’approche du logis où Aeson vivait reclus avec son disciple depuis des années. Il craignait de voir Crateris ouvrir la porte avec le regard rempli de doutes et de devoir lui briser ses derniers espoirs. _ « De toute évidence, il n’est pas dupe, se reprit Milo, en tant que futur Saint d’argent, il a bien ressenti le cosmos de son maître nous quitter. » Le Scorpion sortit de ses pensées lorsqu’il tomba nez à nez avec le prétendant de la Coupe déjà sur le perron. _ « Crateris… Tu m’as senti approcher ?! » Les yeux rougis par le chagrin, Crateris pointa du doigt la Pandora Box de la Coupe que Milo portait par-dessus celle de Cassiopée : « J’ai ressenti l’armure. Elle m’appelait à mesure que vous approchiez. » L’expression de son visage était dure. Il parlait sèchement. Depuis la veille où il était passé ici pour saluer Aeson, Milo avait constaté un profond changement chez Crateris. Il demeurait vêtu d’une tunique grise, gardait les poignets entourés de bandelettes de papier. Ses longs cheveux violets tombaient toujours derrière ses épaules et quelques mèches passaient encore sur son front et devant ses yeux bleu marin. Physiquement il était bien le même. _ « C’est l’émanation qui vient de lui. Cette impression de puissance, de maturité, de détermination qu’on ne trouve qu’en nous autre Saints confirmés. L’armure ne l’a pas encore revêtu qu’il dégage déjà le charisme d’un chevalier. » Crateris ramena Milo à la conversation. _ « Il le sentait Seigneur Milo. _ Pardon ?! _ Aeson. Il avait senti que le moment de mon sacre était venu. On dit qu’on peut voir son avenir à court voire moyen terme en observant son reflet dans l’eau qu’on déverserait dans le totem de ma Cloth. Il savait que cette mission était sa dernière. Et moi aussi. Je me suis vu, juste après lui, porter cette armure. Et je n’ai rien fait pour l’en empêcher. Je l’ai laissé partir. » Milo posa sa main sur l’épaule du jeune homme et déposa à côté de lui l’urne : « Tu n’as pas à t’en vouloir. Il avait reçu son ordre de mission. Il devait accomplir son devoir. Et l’armure avait déjà préparé sa succession. Comme elle la préparera un jour pour toi. » Aeson se plia en avant pour saisir la hanse permettant d’ouvrir la Pandora Box : « Elle n’en aura pas le temps. Car j’ai vu ma promotion… Puis ma mort… » Il tira dessus et libéra l’armure qui vint le couvrir : « Je mourrai des mains de l’ombre infini qui dévore la volonté des morts. Hadès en personne ! » Milo baissa la tête, confus. _ « Je n’en suis pas gêné, reprit Crateris. Après tout, c’est bien en notre époque qu’Hadès se réincarnera n’est-ce pas ? _ En effet. _ Alors, pour la mémoire de mon maître, j’espère faire en sorte que notre génération sera celle qui verra mettre un terme à la répétition de ces batailles. » Aussitôt, dignement, Crateris pose un genou à terre pour effectuer une révérence vers son supérieur qui, en déposa sa main sur le sommet de son crâne, l’adouba : « Je le souhaite de tout mon c½ur. C’est à cela que je suis préparé depuis que je suis fait Saint. Et même si ton appartenance à la chevalerie sera éphémère Crateris Saint d’argent de la Coupe, je te souhaite qu’elle soit honorable. »
Au temple des prêtresses, Shoko ajustait sa toge immaculée à l’instar d’Erda et Xiao Ling, nouvelles venues. Katya les présenta brièvement à leurs cons½urs. Chacune des trois ayant été acceptées pour leurs faits d’armes lors de la Guerre Sainte contre Eris, elles obtinrent toutes de sincères applaudissements chaleureusement menés par celle qui deviendra dans quelques mois la Lilith de Deathmask. Néanmoins, ce succès n’était pas au goût de toutes. Une prêtresse, recluse derrière les autres, applaudissait avec moins de dévouement. Dévisageant sa s½ur Katya qui souriait franchement aux trois recrues, Maria lisait à travers ce geste une reconnaissance qu’elle n’a jamais eue en retour. Elle maudit alors à nouveau sa faiblesse qui ne lui permit jamais d’obtenir un tel respect de son aînée contrairement à ces inconnues. Aussitôt, comme tant d’autres avant elle, une Evil Seed qui virevoltait depuis la veille au gré du vent, infiltra son c½ur. Devant, bien qu’élogieusement accueillie, Shoko n’en demeurait pas moins intérieurement bouleversée par les évènements récents. Tandis que Mii avait pris le relais de Katya pour assurer la visite des locaux, Shoko ne l’écoutait que d’une oreille. _ « … et ce sont les Saintias précisément qui sont les seules autorisées à s’occuper du corps humain de la déesse Athéna. Tâche si essentielle que seules Katya et Kyoko furent promises Saintias. Car elles ont su s’en montrer dignes... » A l’évocation du nom de sa s½ur, Shoko ne put refreiner un souffle d’amertume. Cela la sortit de sa léthargie et lui permit de remarquer qu’elle n’était pas la seule à rêvasser pendant les explications de Mii. En effet, Xiao Ling qui suivait à la semelle Erda semblait plus intéressée par elle que par leur future mission. Bien que cela amusa Shoko, Mii n’y gouttait guère : « … alors que nous autres, aspirantes, sommes uniquement des prêtresses pour l’heure. Et rares sont celles qui reviennent de leurs soins à Athéna ! Certainement bannies car jugées trop impures ou incompétentes pour cette tâche ! Après tout, il s’agit de satisfaire la volonté de la Déesse de la Sagesse ! N’est-ce pas Xiao Ling ?! » La Chinoise sursauta aussitôt, ce qui fit pouffer de rire Shoko. Mii, ignorant tous des m½urs de Saga qui provoquaient tant d’hécatombes dans leurs rangs, apparut bien sévère vis-à-vis de sa camarade asiatique qui s’effaça aussitôt. S’en fut assez pour que Shoko objecte : « Si je comprends bien Mii, toi qui es si passionnée par ton rôle et y mets tant de c½ur à l’ouvrage, tu es du même rang que nous et n’a jamais eu l’honneur de rencontrer sa Majesté Athéna ?! » Cette remarque acerbe ne manqua pas d’assurer un sourire en coin sur les lèvres de la discrète Erda, de soulager Xiao Ling et de renforcer la rivalité entre Shoko et Mii. Tout cela, bien entendu, sous le regard bienveillant de Katya, soulagée de savoir ces nouveaux caractères bienvenus à l’abri pour le moment des mauvaises pulsions de l’homme qu’elle aimait…
Pendant ce temps, dans les villages du Sanctuaire, Aiolia restait à regarder la fenêtre grande ouverte de la demeure où il vivait avec son frère avant que celui-ci n’attente à la vie d’Athéna. Désormais résidence de Lithos, il profitait qu’elle aéra cette maisonnette qu’elle a incroyablement fleurie pour la regarder s’agiter aux fourneaux. Il resta de longues minutes, partagé entre nostalgie de leur amitié passée et colère de lui avoir caché la mort de Galan. Compréhensif mais furieux, il revit l’espace d’un instant ses deux domestiques à ses côtés dans la maison du Lion. Ce tableau appartenant désormais au passé ne devait pas être brisé. Il tourna alors les talons, abandonnant toute dispute éventuelle. C’est alors qu’il se pensait assez loin, que la voix fluette de Lithos l’interpella : « Maître Aiolia ?! » Elle était juste dans son dos. Elle l’avait rejoint. _ « Je vous ai vu vous éloigner depuis ma fenêtre… Vous n’êtes pas venu me voir après votre mission… _ J’ai… C’est... C’est trop difficile… _ Ça ne l’a pourtant jamais été entre nous jusqu’à présent. » Aiolia garda le silence. La phrase de Lithos était volontairement pleine de sous-entendues. Admirative pour son sauveur alors qu’elle n’était qu’une enfant, dévouée à son service en tant qu’adolescente, elle ne pouvait pas demeurer insensible à sa droiture maintenant qu’elle était une femme. Pourtant, Aiolia ne l’entendit pas de cette oreille. Toujours dos à elle, il serrait nerveusement les poings. _ « Vous savez n’est-ce pas, s’hasarda-t-elle ? On dit qu’Eris a corrompu des êtres de bravoures du passé. Vous avez découvert la vérité c’est ça ? » Rompant le silence d’Aiolia, une voix familière répondit à sa place : « Dans les pires circonstances qui puissent être en effet. » Marin revenait alors du camp des femmes et croisa les deux amis. Comprenant que Marin prendrait la défense d’Aiolia, Lithos tenta de s’en expliquer : « C’était… C’était la volonté de Galan… Il m’a fait promettre de ne jamais vous le dire… Il préférait que vous le croyiez heureux et libre… Et… » Aiolia la coupa sans ménagement : « Au lieu de ça il a été mis en terre dans les bas-fonds du Sanctuaire. Torturé par Eris à qui il a refusé de prêter allégeance. Possédé, meurtri, anéanti corps et âme par l’Utérus. Alors que je l’ai toujours cru heureux et libre, oui. La vérité m’est venue de la bouche d’une Dryade. Pendant que j’étais en bonne santé et ignorant, mon ami, acteur de ma réussite, souffrait mille tourments de son vivant puis dans sa mort. » Confuse Lithos lâcha de façon malheureuse : « Nous n’aurions rien pu faire ! » Le visage défiguré par la colère, il se retourna en grondant vers elle : « Qu’en sais-tu ?! Qui es-tu donc pour pouvoir avoir de telles certitudes ?! » Choquée, vexée, profondément blessée par ces paroles, elle recroquevilla ses deux mains devant sa poitrine pendant que ses deux grands yeux ronds se gondolèrent de larmes. Tel un rugissement, la voix d’Aiolia avait attiré les passants. Quelques curieux commencèrent à tendre l’oreille. Hélas tristement connu, Aiolia ne put poursuivre davantage aux yeux de tous, devinant que déjà certains allaient médire à son sujet. D’un bond prodigieux, il disparut dans le ciel. Seule avec elle, Marin enfonça le couteau dans la plaie : « Je t’avais dit que la découverte un jour d’un tel mensonge serait pire que de lui avouer la vérité. » Meurtrie, Lithos dévisagea avec ranc½ur la Saint d’argent. Dans sa poitrine qu’elle cramponnait, une Evil Seed germait en secret. _ « Ne me dis pas que ça n’arrange pas tes affaires ?! » Marin préféra ne pas chercher querelle et tourna les talons. _ « C’est ça, continue à être Marin la juste, la bienveillante, toujours à tomber à pic pour remonter le moral d’Aiolia une fois que Galan et moi avions fini d’essuyer les pots cassés ! _ Alors c’est donc ça, cessa son départ Marin ?! _ Tu nous as pris Aiolia ! C’est toi qui l’as éloigné de nous ! C’est pour ça qu’il nous a renvoyé de chez lui ! _ Tu n’y es pas du tout. Il voulait une meilleure vie pour vous qui aviez tant subi à ses côtés justement. _ Mensonge ! Tu as toujours vu d’un mauvais ½il qu’une autre vive sous son toit ! » Marin avait compris que les années aidant, il y avait bien plus qu’un amour fraternel de Lithos envers Aiolia. Ignorant tout du fait que cet amour était exacerbé désormais par les graines de l’Utérus, Marin repartit comme elle arriva… En chemin, bondissant de roche en roche, elle revit quelques images horrifiques du bain de sang du camp des femmes qu’elle découvrit après la bataille. Animée par sa mission d’Aigle de Zeus, consciente des machinations qui entouraient les dernières Guerres Saintes, elle était davantage convaincue que l’entraînement qu’elle prodiguait à Seiya devait être le plus rigoureux possible. Car ce Pégase sera celui qui aura entre les mains l’avenir de l’humanité face aux dieux…
Dans la partie Ouest de l'Océan Indien, près de la Somalie, Milo n’arrivait pas à apprécier la brise. L’air marin sur l’île d’Andromède demeurait brûlant sur cette terre où une chaleur infernale le jour, dépassant aisément les 50 degrés Celsius, harassait les élèves d’Albior. Fixant la Pandora Box de Cassiopée qu’il a déposé au bord d’une falaise pour profiter par la même occasion de la vue, Milo souffla : « Je n’arriverai jamais à m’y faire à ce climat ! » Son interlocuteur, un homme blond, à la carrure massive et au visage mûr, rajouta : « Et encore, lors de tes visites tu ne t’es jamais attardé la nuit. Tu ignores tout du froid glacial qui s'abat sur l'île une fois le soleil couché. » Milo tourna la tête sur sa droite pour voir Albior le rejoindre. _ « Très peu pour moi. Je ne pensais pas revenir te rendre visite de sitôt mon ami. » Imposant dans sa Cloth d’argent, Albior inclina la tête en guise de respect et s’assit sur un rocher plus bas, juste aux pieds du Grec. Milo l’imita alors. _ « Ton courrier au Grand Pope a été apprécié. Il évoquait les difficultés qu’il avait à te rallier à lui depuis que nous sommes allés combattre en Egypte. _ Si notre présence en Egypte a permis de libérer quelques partisans athéniens du dictat des représentants du panthéon égyptien, combien de morts innocentes cela a-t-il engendré ? Cela justifie-t-il que depuis, les uns après les autres, nous attaquions chaque sanctuaire égyptien pour imposer notre régime ? _ Est-ce ce que tu inculques à tes élèves ? _ Pas le moins du monde. J’ai beau trouver la politique d’expansion du Pope en Egypte anormale, je garde un devoir de neutralité. La preuve, il a su le reconnaître en relevant dans mon dernier courrier qu’un postulant à la Cloth de Cassiopée est bientôt prêt à se rendre au Sanctuaire pour lui prêter allégeance. _ La perte de Rebecca a été l’opportunité pour le Grand Pope de te prouver la considération qu’il a pour toi. Il a immédiatement fait suivre cette Cloth. _ Certainement pour renforcer son armée et mener de nouvelles batailles. _ Si tel est le désir d’Athéna. » Albior soupira et se releva : « Pff… Je t’ai connu plus opiniâtre par le passé. » Milo le suivit vers le centre de l’île. _ « Où veux-tu en venir ? _ A l’époque, tu réfléchissais davantage aux causes et aux conséquences d’une Guerre Sainte. C’est cette sagesse, ton sens de la stratégie et ton acharnement sur le champ de bataille qui m’ont donné plaisir à lutter sous tes ordres, mon ami. _ Nous avons traversé de grandes épreuves ensemble, il est vrai. _ Toutefois, depuis, je te sais être parti de nombreuses fois au combat, exécuter diverses missions. Et à ton discours de l’instant, je ressens bien que tes agissements ne sont plus autant raisonnés qu’antan. » Les deux alliés arrivèrent au bord d’un précipice en bas duquel les disciples d’Albior s’exerçaient. Ceux-ci, tout en bas, furent interpellés par le reflet du soleil sur la Cloth de l’homme qui accompagnait leur professeur. Parmi tous, curieux et aveuglé, Shun baissa sa garde un instant, ouvrant une brèche que Spica s’empressa d’exploiter pour le renvoyer visage contre terre. June courut immédiatement le relever : « Shun ! Tu n’as rien de cassé ?! » Anikeï le réprimanda aussitôt : « Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas baisser ta garde même lorsque tu combats un camarade ?! La confiance aveugle que tu portes à tes adversaires finira par te jouer des tours. » Mais le futur Saint d’Andromède n’y entendait rien. Il restait fasciné par la vue de ce chevalier qui l’éblouissait et dont il n’arrivait pas à bien distinguer les traits. Reda, venu féliciter Spica pour sa victoire, s’empressa d’être condescendant : « Notre maître reçoit régulièrement des visites de Saints de haut rang venus tout droit du Sanctuaire ! Il a mené de grandes batailles et est respecté de tous. Quel dommage que tu offres un tel spectacle Shun ! A part décrédibiliser le travail accompli par Maître Albior, tu ne sers vraiment pas à grand-chose ! » Plus haut, loin de se soucier des querelles ou des piètres prestations de ses élèves, Milo demeurait vexé par les propos outranciers d’Albior. _ « Tu finiras par empoisonner tes élèves à tenir de tels discours, que tu le veuilles ou non. _ Je te rassure, j’ai choisi simplement d’inculquer mon art. Pour le reste, je fais preuve de neutralité. _ Faire preuve de neutralité c’est ignorer les ordres du Sanctuaire. Le Grand Pope est tout autant magnanime qu’il peut être intransigeant. Au point de faire punir ceux qu’il considère comme des traîtres par leurs proches. Un châtiment traumatisant destiné à marquer les esprits d’éventuelles mauvaises résolutions d’autres sujets. _ Gouverner par la terreur. Le Grand Pope Shion nous a habitué à mieux par le passé. Son frère Arlès n’aurait-il pas une mauvaise influence sur lui depuis ces dernières années ? _ Je crains surtout qu’avec une telle attitude, je ne sois envoyé un jour ici pour te punir en personne. » Albior le regarda alors fixement : « Si ce jour venait alors, par respect envers notre camaraderie, je te demande de me combattre de toutes tes forces. » Bien que droit, Milo grimaça : « Tu sais très bien que j’en serai incapable. Car je sais qu’au fond, tu demeures un Saint digne d’Athéna. Faire l’étalage de toute ma puissance serait alors te condamner sans retour possible. » Albior repartit récupérer la Cloth de Cassiopée en tempérant : « Prions Athéna alors pour que ce jour n’arrive jamais. » Milo le laissa prendre ainsi congé. Avant de repartir d’un bond jusqu’au Sanctuaire, sa récente discussion avec Aiolia et les doutes évoqués par Albior le perturbèrent : « Pourrais-je vraiment condamner Albior ? Après tout, il est vrai que le Grand Pope est très changeant. Par exemple, il accède à la dernière volonté d’Aeson alors qu’il a trahi par deux fois le Sanctuaire. La première fois en enfantant par deux fois avec une Saintia, un parjure envers Athéna. Et pire que tout, la seconde en se rangeant du côté d’Eris. Tout comme il semble accorder ses faveurs à Aiolia qui, même s’il est un vaillant frère d’arme, n’en reste pas moins le frère du traître. Comment garder les idées claires après tout ça ? » Flashback
Perdu dans ses pensées, Rigel demeure dans le sillage d’Eris. Il ne prête guère plus attention aux temples desquels s’écoule sous forme de cascades l’eau des ruisseaux, ni aux pierres blanches qui dallent le sol. Tout ceci, il l’arpente maintenant depuis trois ans au milieu des Dryades et de ses camarades Fantômes, Aeson et Olivia. D’ailleurs, c’est lorsque Kyoko arrive devant un banc de pierre entouré d’anciennes statues d’athlètes et penseurs, qu’elle ramène à lui le Ghost Saint. D’un demi-tour gracieux, elle lui offre un sourire semblable à ceux d’autrefois alors qu’elle était une Saintia et lui un Saint. _ « Cet endroit n’est-il pas magnifique ?! Je veux parler du Jardin d’Eden tout entier ! _ Si, bien sûr, incline-t-il la tête. » Elle achève la traversée de son Jardin d’Eden au sommet d’un escalier de pierre fort marqué par le temps. _ « Il me tarde de pouvoir entrer en scène ! Maintenant qu’Aeson, Olivia et toi êtes à mes côtés, j’ai hâte de retrouver le dernier membre de ma famille. La seule qui n’a pas voulu se joindre à moi. Shoko ! » Cette déclaration pleine de motivation rappelle à Rigel que les trois années passées ici à s’entraîner sont bien destinées à une Guerre Sainte plus sanglante que celle que le Sanctuaire croit avoir remporté contre Eris. Pour preuve, ils débouchent tous les deux sur l’esplanade principale au bout de laquelle autour du trône d’Eris, trois silhouettes l’attendent. Rigel n’avance plus, observant une distance que le rang de ces trois entités inspire. La première d’entre elle, un homme de grande stature, plus mature que les deux autres, s’impose. Blond, l’½il gauche dissimulé par une mèche de cheveu, il a un ton sévère : « Notre père Arès est-il enfin au courant ? » Kyoko fait apparaître entre ses mains sa lance à quatre branches. L’apparition de celle-ci réduit en cendres sa tenue contemporaine d’écolière et la remplace par sa longue robe pourpre. A cet instant, plus que jamais, elle est Eris : « Tout est prêt Deimos ! » Immédiatement, derrière l’athlétique Deimos, Harmonie, rejoint ses deux mains devant elle en entrelaçant ses doigts : « Alors après ces millénaires enfermés dans la Pomme d’Or, nous allons enfin pouvoir assister notre père. » Harmonie a de longs cheveux blonds et onduleux. Ses yeux sont bleus. Contrairement à ses frères, bardés des pieds à la tête comme de sanguinaires soldats, Harmonie est vêtue d'une robe blanche et d'un châle blanc. Enfin, d’apparence plus juvénile que Deimos et Harmonie, Phobos n’apparaît pas moins dangereux. Loin de là. Sa joue gauche balafré et la malice qui se dégage de son ½il gauche donnent au troisième membre de la garde rapprochée d’Arès une allure menaçante. L’½il droit caché comme son frère sous son diadème et sa mèche de cheveux bruns, il se précipite au-devant d’Eris : « Nous, les Ombres, la garde rapprochée d’Arès, allons enfin pouvoir être à ses côtés. Finis ces Berserkers qui n’étaient pour nous que des premières lignes. Ils ont causé assez d’échecs comme ça au Dieu de la Guerre en notre absence ! » Eris passe devant lui sans s’en soucier et s’installe lascivement dans son trône de pierre. D’un mouvement de la main, elle invite Rigel à la rejoindre. Le Saint déchu passe au milieu des trois dieux sans leur adresser un regard et s’agenouille aux côtés de sa bien-aimée. Eris conclut : « L’heure approche. Un peu de patience. En attendant, ça bouge à Asgard. Je viens de sentir le cosmos de Poséidon y interférer… »
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« le: 16 Mai 2022 à 11h32 »
Chapitre 81
En Argentine, devant le Disfrute, les secours ont fini de prendre en charge les prisonniers de Segador et la clientèle qui a fui les balles. Les forces de l’ordre sont maintenant regroupées autour du night-club, prêtes à l’intervention.
A l’intérieur de la chambre, Vasiliás l’a bien ressenti. Bien que désormais ce soit Peligra qui semble plus envieuse que lui, il devine que son instant de plaisir dans le monde contemporain doit cesser. Peligra, elle, s’est levée sur la chaise pour coller contre le visage mal rasé de l’Américain, le bas de ses hanches. Son souffle devient si envieux, haletant, qu’il étouffe à certains moments la musique qui résonne dans la pièce. Décidée à accentuer son plaisir, elle redescend peu à peu pour s’accroupir contre lui, bassin contre bassin, et mimer un coït en remuant de plus en plus vite. Ne sachant plus résister, elle se lève pour enfin ôter cet ultime habit qui la protégeait du dernier acte. C’est à cet instant précis que Vasiliás choisit de se lever pour ramasser ses vêtements dans l’étonnement le plus complet. _ « Que fais-tu ?! _ Je n’ai plus d’argent. Le spectacle s’arrête là. _ Tu m’as donné plus d’argent qu’il n’en fallait, je t’offre la suite de la prestation. » Malgré toute l’envie qu’il contient, Vasiliás réajuste grossièrement ses vêtements : « Si ce n’est pas déjà le cas, dans les secondes qui suivent tu n’auras plus de patron. Cet établissement ferme ses portes ce soir. Profite justement de l’argent que je t’ai donné, pour te trouver un meilleur job où plus personne n’exploitera tes charmes. » Sans même la regarder, il quitte la pièce et la laisse penaude.
A la sortie de la chambre, il reconnaît les sept surveillants de Segador étendus dans le couloir. La porte de la salle privée de l’établissement est entrouverte. Le corps de l’unique gardien survivant, celui au bras brisé, essaie de s’extraire en rampant. Souffrant, misérable, le videur laisse derrière lui sa trace dans son sang. Vasiliás le regarde avec dépit : « Tu m’as l’air condamné. T’achever serait te rendre service. Autant te laisser crever comme tu le mérites. » Il s’enfonce dans l’appartement aux murs tapissés de sang.
Positionné au centre de son quartier général, Segador présente une apparence méconnaissable. En s’avançant curieusement, espérant l’identifier mieux que ça, Vasiliás bute sur des membres humains coupés, deux pieds et deux jambes, préalablement transpercés puis brisés avant d’avoir été sectionnés. Le tronc humain, se vidant de son sang au niveau de ses organes génitaux arrachés, essaie de survivre en respirant du mieux qu’il peut. Ce n’est pas chose aisée. Il s’étouffe en avalant ses dents et le sang de sa langue arrachée, tandis que son nez est cassé. Les sons qu’il produit semble appeler à l’aide, bien qu’il ne reconnaisse pas l’intrus puisque ses yeux semblent avoir été percés. Son visage et son buste sont peints de sang après que le sommet de son crâne tatoué lui a été scalpé. Le général d’Arès ne peut que constater : « Il agonise. » Jaillit de l’ombre, s’agenouillant pour confirmer sa fidélité à son roi, Tromos déplore : « Trop vite hélas. »
A la sortie de sa chambre, à peine recouverte de son boxer, Peligra découvre les cadavres des six videurs pendant que le septième a réussi à se hisser jusqu’à son niveau. Cependant, le macabre spectacle ne l’accable pas. Cela stupéfait l’homme de main : « Toi la nouvelle ! Comment se fait-il qu’à peine embauchée tu te retrouves au milieu de tout ceci ? Ça ne peut-être une coïncidence ! » Indifférente, son visage séducteur prend une allure bien plus menaçante. Son ton enchanteur devient bien plus autoritaire : « Vulgaire être humain. Comment as-tu pu croire que j’étais réellement venue travailler pour ton patron ? Nous ne faisons pas parti du même monde. » La belle à la peau chocolat ponctue rapidement son aigreur en écrasant de son talon haut et pointu le crâne du malfrat…
En Grèce, Kyoko sautille presque en devançant Mars. _ « Vas-tu ralentir, s’exaspère Arès ! Nous serons bientôt rentrés à l’Aréopage que je n’aurai pas eu droit à la fin de ton récit ! _ Désolé ! C’est simplement que la conclusion est pleine de rebondissement et que je n’arrive pas à me contrôler ! »
Flashback Un bruit sourd résonnait dans la tête d’Erda. Il l’accompagnait à mesure qu’elle recouvrait ses esprits. Repoussée dans la forêt, enchevêtrée dans un arbre plié en deux sous l’impact, la tête lui tournait. Bien vite elle identifia le bourdonnement. Il lui parut plus clair d’entendre que de voir, tant les images autour d’elle tournoyait encore. Un énorme brouhaha ronflait tout autour d’elle. _ « Des vivats ? Des encouragements, croyait-elle reconnaître ? Le Sanctuaire tout entier a dû se réunir autour du camp pour nous soutenir. Geist a dû sortir victorieuse… Hélas… Pour le reste… Mais ! Oui ! Le reste ! Toutes ne furent pas vaincues ! En éliminant le bunyip, les survivantes ont dû réussir à défaire les Dryades, se redressa-t-elle en faisant fi de ses plaies ! » Chancelant d’arbre en arbre, Erda tituba jusqu’au camp, tenant fermement dans sa main le foulard qu’elle avait hérité de Rebecca. Elle slaloma entre les hauts buissons touffus qui masquaient l’entrée du camp. Elle les passait avec hâte. Pressée qu’elle était de retrouver des survivantes. Le dernier obstacle passé, elle déboucha sur le camp déjà prête à crier victoire. Cependant, une vision apocalyptique prit place à l’espoir. Les temples n’étaient plus que ruines sur un vaste champ à la terre retournée et aux arbres arrachés aux abords. Dessous les décombres, des corps innocents, baignant dans leur sang. Le vent emportait les Dryades et les restes du bunyip, tous fanés. De la quarantaine de femmes ici présentes au début de la bataille, ne restait qu’Erda baignant dans le lac de sang de ses amies. Irradiant à la surface, la Cloth de Cassiopée s’était reconstituée sous sa forme totémique devant un bras sortant des décombres. _ « Mito, s’époumona Erda en se jetant dans sa direction ! » Elle leva les blocs de pierre qui retenait son amie déjà condamnée avant cela. Elle était froide, livide, les yeux définitivement vides. Hurlant de détresse, Erda la serra fort contre elle. Le regard perdu vers l’horizon. Ne sachant que dire. Que faire. Seul un grésillement répété, nuisible, irritant, répondait à ses ahanements. Lorsqu’elle leva la tête pour les identifier, elle remarqua que les pétales de l’Utérus ne tombaient plus sur la surface dévastée. Ceux-ci grillaient au contact d’une onde violacée flottant dans les environs. Faisant baigner la surface macabre dans une atmosphère lugubre. En y regardant de plus près, les corps flétris des Dryades libéraient des boules de phosphore, comme pour emprisonner leurs âmes en temps normal soufflées au vent. Également, à bien y observer, le même phénomène se produisait au-dessus des cadavres de ses semblables. C’est alors qu’une voix nasillarde la convainquit d’une étrange manifestation : « Il en restait encore une… C’est qu’elles ont la peau dure ! Seki Shiki Meikai Ha ! » Découvrant derrière une colonnade tenant encore debout une silhouette en armure dorée, Erda se redressa pour la questionner. Néanmoins, son corps ne lui répondit pas. La vue qu’elle avait sur l’intrus devenait de plus en plus éloignée. Jusqu’à ce qu’elle réalise, que comme le phosphore qui flottait au-dessus des cadavres, son âme était extirpée de son corps et aspirée contre son gré… En même temps, les feux follets alentours disparurent en s’enroulant autour de Deathmask. Ils les conduisit au Yomotsu Hirasaka. Ne laissant que le corps inanimé d’Erda, retomber sur le flanc…
Devant le camp, au beau milieu des Saints amassés pour supporter les femmes au combat, une sphère d’énergie se matérialisa. Sept silhouettes prirent forme à l’intérieur. La première identifiable fut celle de Shaka. Suivi d’Aiolia, Milo, Georg, Juan, Apodis et Naïra. Le Saint de la Vierge avait téléporté ses camarades après leurs déferlantes de cosmos contre Eris. Misty le premier brisa le silence que cette apparition soudaine avait provoqué : « Seigneurs Shaka ! Aiolia ! Milo ! Vous êtes de retour ?! La déflagration dans le ciel ?! Cela veut dire que vous êtes vainqueurs ?! » Ce constat amorça la clameur des spectateurs qui vinrent se courber devant les Saints d’or, saluer les Saints d’argent et sauter dans les bras des Saints de bronze.
Dans une vieille demeure abandonnée, limitrophe à la forêt du camp des femmes Saints autour de laquelle le Sanctuaire s’était réuni, trois hommes attendaient à l’abri des regards des autres. Il s’agissait des mercenaires de Geist qu’elle appelait les Caraïb Ghost Saints. Leurs protections étaient différentes des autres Saints et mercenaires. Plus flexibles, elles épousaient davantage le corps de leurs porteurs comme le feraient des combinaisons. L’un d’eux faisait les cents pas. Il stressait un autre assis sur une chaise au bois vermoulu. _ « Allons Sea Serpent ! Calme-toi donc ! Tu ne feras pas revenir Dame Geist plus vite ! _ Tu m’épates Dolphin ! Je ne sais pas comment tu peux rester ici assis à attendre ! _ N’imagine pas que la situation m’amuse. Déjà que d’ordinaire nous n’avons pas le droit de nous promener dans le Sanctuaire, ne crois pas que rester cloîtré ici me satisfasse ! _ Qu’en penses-tu toi Kuraggu ? » Le susnommé restait fixé à la lucarne depuis quelques minutes à observer les autres Saints se regrouper au loin. L’armure aux couleurs pâles teintées de rose et de jaune délavé, Kuraggu serrait les dents en fixant un point particulier. De son casque semblable à un large chapeau en forme de méduse, tombaient ses gras cheveux blancs. Il dissimulait ses petits yeux noirs qui toisaient avec dédain un chevalier. _ « Kuraggu, demanda à nouveau Sea Serpent ? _ Que regardes-tu, le rejoignit alors Dolphin ? _ Je vois, constata Sea Serpent qui fit de même ! » Les trois reconnurent Apodis parmi les nouveaux arrivants, héroïquement salué. _ « Ton fils, souffla Dolphin à Kuraggu. _ Ferme-là, l’empoigna aussitôt Kuraggu ! Ce n’est plus mon fils ! Ce petit salop m’a trahi en fuyant notre chez nous et en m’enlevant ma femme ! _ Allons Frontinus, se défit Dolphin en rappelant Kuraggu par son vrai nom pour le ramener à lui, après tout ce que tu lui leur as fait vivre, c’est de bonne guerre non ?! _ Hum, grognait le Caraïb Ghost Saint à l’emblème de la méduse. _ Dis plutôt que c’est le fait qu’il soit devenu un vrai Saint plutôt que toi qui n’a pu faire mieux que mercenaire qui te froisse, le charrie Sea Serpent ! _ Il me tarde de pouvoir lui faire subir ma vengeance pour m’avoir ainsi humilié ! _ Ne crains-tu pas qu’il te vainque ? On dit qu’il est très doué parmi les Saints de bronze, continua Sea Serpent ! _ Alors je le ferai souffrir d’une bien autre manière en lui prenant tout ce qu’il a de plus précieux ce sale merdeux ! _ Peut-être, reprit Dolphin, mais pas aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit d’être sur le sol du Sanctuaire. Nous venons rendre compte d’une mission officieuse avant de repartir. Dame Geist, ayant senti le danger, a volé au secours de son camp. Mais, malgré toute la malice dont elle peut faire preuve, elle n’en demeure pas moins extrêmement protocolaire à propos du lieu qui l’a fait devenir si forte. Nous y rendre pour l’aider, ou nous faire démasquer pour une toute autre raison, signerait notre mort de ses mains. »
Devant, les héros ne goûtaient pas aux plaisirs de leurs camarades. Pas plus que Mirai resté en retrait. Ne voyant pas Mayura au milieu des rescapés, il ne se fit guère d’illusions, lui qui ne sentait plus non plus le cosmos de Shinato. C’est alors que les totems des Cloths du Paon, de la Coupe et d’Orion arrivèrent au milieu de l’attroupement. Suivant les traces de Shaka, elles revinrent auprès des leurs. Algol posa sa main sur l’épaule de Juan : « Mayura… Aeson… Rigel… Vos sacrifices n’auront pas été vains. Ici, ainsi que sur l’Utérus, Eris est vaincue ! » Shaka leva la tête en direction du camp des femmes qui brûlait encore par endroits : « Eris est vaincue… Mais quelle victoire amère… »
Dans le camp, Xiao Ling, remise de ses émotions, espérait comme Erda retrouver quelques rescapées en regagnant le centre. Cependant, c’est à la chute inconsciente de sa camarade Erda que Xiao Ling assista. Sortant à son tour de la forêt où l’explosion l’avait repoussé, elle chancela jusqu’au camp dévasté où elle trouva uniquement Erda ne plus tenir sur ses jambes. Tanguant de gauche à droite puis de droite à gauche, Xiao Ling s’écroula le plus vite possible auprès d’elle : « Erda… Non… Tu ne vas pas me laisser toute seule ici, commença-t-elle à pleurnicher. » Elle la retourna sur le dos et la secoua : « Allez… Réveille-toi... » Rien n’y fit. Elle regarda devant elle la Cloth que portait Rebecca. L’armure manifesta aussitôt son besoin de ramener Erda : « Allez ! Je t’en prie ! Je suis venue ici pour Rebecca ! Aujourd’hui à quoi bon tout ce que j’ai traversé si je finis à nouveau toute seule ? Je t’en prie ! Allez ! Allez ! » Elle la secouait, apeurée et impuissante. Un nouveau coup d’½il sur la Cloth l’inspira. Elle reprit son calme et aligna bien les bras d’Erda le long de son corps. Elle arracha le peu de tunique qu’il lui restait, au risque d’être complètement nue, afin de surélever avec le tissu sa tête. D’un revers de la main elle lui dégagea les courts cheveux qui maquillaient son beau visage, et entama un massage cardiaque…
Sentant son âme être attirée contre son gré dans une obscurité sans fin, Erda eut le sentiment d’être écrasée, compressée, avalée… Lorsqu’elle reprit connaissance, tout n’était que ténèbres dans un monde obscur où elle ne distinguait à peine son ombre que grâce à quelques feu follets gravitant ici et là. _ « Tu es réveillée Erda, entendit-elle ? » Elle chercha tout autour d’elle d’où pouvait venir cette voix qu’elle chérissait tant. C’est alors que, par miracle, apparut dans le plus simple appareil, devant elle, Mito. _ « Tu n’as plus rien à craindre. Nous sommes là désormais. Toutes ensemble. _ Toutes ? _ Oui, toutes, répondit la voix de Rebecca qui se présenta elle aussi totalement nue dans son dos ! _ Fini ce monde de souffrance, lui prit la tête entre ses mains Mito. _ Il ne te reste qu’à rejoindre ce nouveau monde où les envies et les plaisirs ne sont plus honteux, s’approchait d’elles Rebecca. Où tu peux prendre ce que tu veux en l’arrachant à ceux qui ne le méritent pas. _ Comment ça, fronça les sourcils Erda qui ne reconnut pas les préceptes de son mentor ? _ Comme ceci, l’embrassa à pleine bouche Mito. _ Mito, songea Erda qui laissa la langue de Mito venir caresser la sienne dans sa bouche… Comme cela me manquait déjà… Mais, se sentit-elle oppressée, pourquoi cela me donne la nausée malgré tout… _ Oui, vint presser Rebecca le dos de chacune de ses disciples pour que Mito étreigne davantage son corps nu contre celui d’Erda… Comme cela aussi, passa-t-elle ensuite sa main sous le débardeur craqué d’Erda pour remonter jusqu’à sa poitrine… Tout ce que tu as toujours idéalisé peut-être soumis à tes désirs désormais, colla-t-elle son front à celui de ses élèves… _ Non, réagit au fond d’elle Erda, ce ne sont pas elles ! » A cet instant, un claquement de doigt libéra Erda de l’étreinte lascive à laquelle elle était soumise. Ses deux camarades prirent des mines démoniaques avant de se tordre de douleur, prisonnière d’une lumière violette qui les consuma. _ « Vous lui avez fait baisser sa garde en prenant un visage qui lui était familier. Ça fait de vous de pires dépravés que moi Fantômes ! _ Un… Saint d’or, s’exclama Erda tombée à genoux désabusée ! Se pourrait-il qu’il soit celui que j’ai vu au camp ? _ Deathmask du Cancer pour te servir, se présenta le chevalier. _ Fantômes ? Tu as parlé de mon amie et de mon maître en ces termes ? Pourquoi ? _ La scène était très excitante mais totalement trompeuse. Tes camarades sont là-bas ! » Il pointa du doigt une interminable file indienne humaine. Au-devant de la foule, proches d’un précipice où se laissent tomber chacun, Erda put identifier l’ensemble des membres du camp avec, parmi elles, celles qui lui étaient les plus proches. _ « Maître ! Mito, s’époumona-t-elle en commençant à se relever pour les poursuivre ! _ Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Elles ne peuvent plus ni te voir ni t’entendre. » Aussitôt, leurs âmes tombèrent dans le puit qui conduit au royaume des morts. _ « Où… Où sont-elles ? _ Tu l’as très bien compris. Nous sommes à la frontière qui relie le monde des vivants au monde des morts. Tous ceux qui tombent dans ce puit sont directement reçus par Hadès. Tes amies étaient d’ores et déjà mortes avant que tu n’arrives ici. En attente de leur jugement. _ Mais ? La Mito et la Rebecca qui m’ont accueillies ici ? _ Des Fantômes. Je te l’ai dit. Tes Fantômes pour être précis. Tu as été contaminée, comme tout le Sanctuaire, par des Evil Seeds, ces pétales qui tombent du ciel aussi jolis que des lucioles. Il s’agit en réalité des graines de la discorde que propageait Eris. Tant qu’Eris n’était pas vaincue, ces graines pouvaient éclore sur les cadavres qu’elles ont contaminés. Certains des miens ont achevé Eris en même temps que je vous ai toutes envoyées ici. Entre les rares survivantes et celles qui ont péri lamentablement, impossible de faire le tri. Il m’a fallu prendre le problème à bras le corps pour empêcher que tout le camp des femmes ne se réveille en Fantômes qui attaquent le Sanctuaire de l’intérieur. D’autant plus que les Dryades étaient déjà en surnombre. _ Vous voulez dire que… _ Oui. C’est moi qui ai rasé le camp. _ Pour… Pour neutraliser les forces en présences et celles à venir d’Eris, le sacrifice du camp était un mal nécessaire c’est ça, demanda Erda crédule ? Mourir pour préserver la paix est le devoir des Saints et de ceux qui se destinent à le devenir. Mais… Il restait encore des rescapées lorsque le bunyip fut vaincu. N’y avait-il pas d’autre moyen ? Ça a dû être pour vous une décision très difficile à prendre pour un chevalier sacré défenseur de la justice ? » L’Italien resta dubitatif devant toute la peine d’Erda, résignée à accepter le sacrifice des siennes si cela était nécessaire. Toutefois il ne put retenir plus longtemps un fou rire sarcastique qui glaça le sang de la dévouée apprentie. _ « Tu es fascinante de bêtise ! C’est parce que c’était la méthode la plus rapide que je vous ai toutes tuées en même temps ! _ Toutes, répéta Erda totalement abasourdie par l’attitude d’un des Saints censé être le plus noble du Sanctuaire ? Tu veux dire que… _ Oui… Toi aussi. Tu m’as vu au camp… Je ne peux laisser de témoin capable de… _ Ce camp était rempli de jeunes filles qui ne maîtrisaient pas encore totalement l’art du combat, s’emporta-t-elle les yeux ardents ! Tu as attaqué en sachant qu’elles se retrouveraient prises au piège, abandonna-t-elle toute marque de politesse ! En bafouant un lieu sacré de ta présence masculine, embrasa-t-elle son cosmos au Yomotsu Hirasaka ! Déterminé que tu étais à ne laisser aucun témoin, dessina-t-elle de son cosmos dans son dos la constellation de Cassiopée ! Est-ce ainsi que doit agir un chevalier sacré défenseur de la justice, avança-t-elle le poing chargé de cosmos ? Greatest Eruption ! » Telle une comète de lave, elle balança le dernier arcane enseigné par Rebecca avant sa mort contre le Cancer, qui l’encaissa de plein fouet sans que cela ne l’altère en rien. _ « La justice… Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu ce mot. J’ai patienté le plus longtemps possible que vous trouviez par vous-même la solution avant que je ne risque d’être découvert. J’estime avoir été raisonnable sur ce coup. Mais entre le risque que le Sanctuaire tout entier soit ravagé, sous prétexte que quelques morveuses ont failli et balayer à la fois le danger présent et le danger masqué d’un claquement de doigt, mon choix a été vite fait. _ Pourquoi, tomba-t-elle d’impuissance à genoux… Pourquoi Athéna garde-t-elle une pourriture telle que toi dans ses rangs ? » Deathmask resta à observer l’impuissance d’Erda. Il s’étonna à admirer toute la conviction de la jeune fille envers sa définition de la justice. De plus, les exhortations qu’il percevait venant d’autour du camp commençaient à l’inquiéter. En levant les yeux vers le ciel, Deathmask ressentit les secours en approche de là où il a laissé le corps d’Erda. Il fallait faire vite. _ « Tu devrais commencer à errer vers le Yomotsu Hirasaka normalement. Les âmes fortes qui reçoivent le Seki Shiki Meikai Ha sont prisonnières de cet entre-deux monde et lorsqu’elles finissent à bout de cosmos pour survivre, elles regagnent les rangs de ces files destinées au jugement d’Hadès. Les faibles, elles, meurent sur le coup. Ou ne s’éternisent pas longtemps ici. Malgré que tu ne parviennes pas à m’atteindre, je sens ton cosmos continuer de brûler intensément. Tu veux croire en ta justice. » Pour seule réponse, Erda fixa de ses yeux brûlants Deathmask pour lui témoigner toute sa haine. _ « Écoute, poursuivit Deathmask, je doute que tu rencontres un jour Athéna pour lui demander son avis sur mon sort. Quant au Pope, je ne suis pas sûr qu’il s’inquiète de ce genre de questions. Aucun témoin, aucune trace de ma présence au camp. Une autre rescapée vient d’arriver. Elle ne pourra que croire que la mort de Bunyip a ravagé le camp. Vos aînées approchent. Elles ne croiront pas qu’un Saint d’or est responsable de tout ceci, alors que ses frères d’armes se battaient sur l’Utérus, dit-il en s’approchant d’elle. Ta foi en ta justice mérite que tu la confrontes un jour à la mienne, la releva-t-il en la tirant par le bras. J’ai hâte de te voir te débattre vainement contre ma toute puissance, conclut-il en lui arrachant un baiser sans même qu’elle ne puisse réagir. » Elle ferma les yeux. La pogne si ferme du Cancer, sa Cloth si dure et froide, l’esprit épuisé après une telle journée, Erda s’abandonna l’espace d’une fraction de seconde à Deathmask…
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était étendue au sol. Machinalement, ses lèvres suivaient le mouvement initié par Deathmask… Plongée dans son inconscient, Erda épousait en réalité les lèvres de Xiao Ling en train d’effectuer les gestes de premier secours. La Chinoise, surprise, écarquilla grand et se défit du bouche à bouche devenu un intense baiser. _ « Erda, recula Xiao Ling partagée entre satisfaction et stupéfaction ! _ Xiao Ling, s’empourpra gênée Erda en redressant le buste ?! Ça… Ça fait longtemps que nous sommes ainsi ? _ Je… Je venais à peine de commencer à expirer lorsque tu m’as… _ Alors, pensa intérieurement Erda… Le Cancer… Son baiser… Tout ça était… » D’instinct, elle se redressa et fit le tour d’elle-même dans le but de le distinguer. Néanmoins, seules les silhouettes de Shaina, Marin et Geist arrivèrent. Aussitôt, elle ne put refréner des larmes de honte envers ses aînées, qui baissèrent la tête devant ce spectacle de désolation. Toujours à terre, Xiao Ling restait les yeux rivés sur la Cloth de Cassiopée, l’air abattu. Erda ressentit les derniers pétales de l’Utérus tomber à nouveau sur elle et sur le camp maintenant que le champ de force du Cancer avait disparu…
Déjà au loin, sur les marches de la première maison du zodiaque, Deathmask regagnait son temple. Il stoppa quelques instants, le temps de voir derrière lui la fumée encore apparente s’échapper du camp des femmes et de caresser ses lèvres qui conservaient un goût sucré : « Erda, susurra-t-il en souriant d’un air moins provocateur qu’à l’accoutumée. » Autour de lui, les pétales de l’Utérus grillaient au contact de son cosmos. Il leva la tête : « C’étaient les derniers pétales à virevolter dans les airs. L’Utérus n’est plus. J’ai lutté du mieux que j’ai pu pour que les Fantômes n’apparaissent pas. Comme toujours, Aiolia et les autres passeront pour les héros en ayant éliminé Eris pour que les autres graines semées dans le monde ne germent pas. » Flashback
_ « Et c’est tout, s’indigne Mars ?! » Kyoko et lui étaient arrivés devant le monolithe autour duquel s’amassent d’ordinaire les touristes et qui lui sert de temple, l’Aréopage. Observant autour d’eux qu’aucun contemporain ne puisse constater qu’avec leurs énergies ils peuvent pénétrer dans les catacombes du bloc de pierre par le pont cosmique de l’Aréopage, Kyoko soupire. _ « Tu es fatiguant à râler sans cesse. La bataille était pleine de rebondissement non ? _ Mouais… Mais une fois l’Utérus détruit, où t’es-tu caché pendant trois ans ? _ Là où se trouve mon vrai sanctuaire. _ Le Jardin d’Eden ?! _ Oui. A Hokkaido, au Japon. Dans des lieux escarpés où aucun contemporain ne peut parvenir. Jailli des entrailles de la Terre où il avait été enseveli. Réapparu grâce à tout le cosmos emmagasiné par l’Utérus. _ Ingénieux. _ Oh… Tu n’es pas au bout de tes surprises. Cependant, tes Berserkers ne vont pas tarder à revenir. Avant de repartir d’où je viens, dis-toi que l’enfouissement du Jardin d’Eden n’était pas l’unique punition que nous avait infligée Athéna lors de l’ultime bataille que nous avions lancé de concert toi et moi en des temps immémoriaux. _ Oui, grommelle Arès en grimaçant, mes enfants… _ Tes enfants ! Tes vrais lieutenants, les Ombres ! Ceux qui commandaient aux Berserkers ! _ Harmonie. Deimos. Phobos. _ Le sceau d’Athéna qui les retenait dans mon Jardin d’Eden enfoui, brisé par la toute-puissance offerte par l’Utérus. _ Alors pendant tout ce temps, frétille Mars… _ Pendant tout ce temps, se rapproche-t-elle de lui, nous t’avons laissé reconstruire une armée de chair à canon, afin qu’au moment opportun, les Evil Seeds et tes Ombres rappellent aux hommes qui sont devenus des Berserkers, qu’on ne dicte pas leurs conduites aux dieux, plonge-t-elle son regard déterminé dans le sien. » Elle tourne ensuite les talons et s’éloigne en concluant : « Retrouve ton sanctuaire. Qu’Athéna tombe dans les pièges laissés par les Olympiens. Laisse ton Berserker de la Royauté frapper quand il pensera le moment venu. Tes Ombres te reviendront alors. La discorde enfouie dans le c½ur des hommes où sont déjà semées mes Evil Seeds te permettra de lever une vraie armée grâce aux cadavres amers laissés sur le champ de bataille. Ton succès ne pourra échapper aux yeux de l’Olympe. Tu te hisseras à ton juste titre et assistera à la chute sanglante des mortels sur lesquels je régnerai, moi Eris Déesse de la Discorde, en ton nom, Arès Dieu de la Guerre. L’homme, anéanti, s’en retournera de nouveaux vers de vrais dieux, satisfaisants l’Olympe, et te faisant briller bien plus encore auprès des tiens. »
Ne prononçant plus un mot, rêveur, Mars laisse Kyoko disparaître à l’horizon. _ « Mes Ombres… Une armée de Fantômes offerte par Eris sur les monceaux de cadavres laissés par mes Berserkers submergés à leur tour par ma suprématie retrouvée… L’Olympe qui reconnaît mon rôle dans la foi retrouvée des hommes. Une foi cultivée dans le massacre, le sang… » Ses yeux rouges brillent d’une lueur sanguinolente à mesure qu’il projette ses espoirs. L’aura qui s’en dégage ne laisse aucun doute quant au fait qu’Arès habite en cet instant les profonds désirs de l’homme qu’espère manipuler Vasiliás.
A Buenos Aires, des hordes de policiers et autres forces d’intervention pénètrent dans le Disfrute. Rapide, rhabillée et à l’allure innocente, Peligra sort de l’établissement sans faire remarquer autre chose que sa beauté. Prise en charge par les secours, mise en retrait près d’une ambulance, elle profite que l’attention soit portée sur l’assaut pour s’échapper. Elle traverse l’avenue pour s’engager d’un pas rapide et élégant dans une ruelle déserte. A l’abris des regards, elle bondit alors sur le toit d’un bâtiment de plusieurs dizaines de mètres de haut qui donne vue sur le club investi. Là-haut, l’intrigante demoiselle en trouve une encore plus désirable.
Classe dans sa longue robe pourpre, le visage agrémenté de son tatouage en forme de c½ur, Helénê, l’Ange d’Apollon qui se fait appeler Ksénia, observe avec intérêt la scène. Sans même se retourner, elle sent dans son dos l’arrivée de Peligra et lui demande de son bel accent russe : « Alors ? Qu’en as-tu pensé Kassandra ? » La danseuse portant en réalité le nom grec de Cassandre, la fille du roi de Troie, se laisse aussitôt revêtir de sa Glory en tout point similaire à celle que porte habituellement Helénê et les autres guerriers de l’Olympe. _ « J’ai pu m’approcher d’eux et ressentir l’étendue de leurs cosmos. _ Il était important que tu puisses jauger leurs réelles capacités. » La femme à la peau ébène songe à sa rencontre un peu plus tôt avec Arès…
Flashback Quelques heures auparavant, en Grèce, à l’Aréopage, sur ordre de Vasiliás, Atychia prenait le commandement des troupes pendant que Tromos et lui prenaient la direction du monde moderne.
Esseulé sur son trône, l’esprit absorbé par son verre de vin qu’il faisait tournoyer avec son poignet, l’imposant seigneur du temple en forme de cône ne se souciait pas des matérialisations de cosmos qui se produisaient sous ses yeux. Absolument admirables, Helénê et Kassandra arrivèrent dans le sanctuaire vide de toute présence arèsienne. Toujours aussi familière avec le maître des lieux, Ksénia se permit de déclarer : « Vos hommes sont prêts à la guerre à ce que je vois. Aucun soldat ne reste à l’intérieur du temple. Atychia, cette Berserker du Malheur, semble les apprivoiser dehors. » Kassandra ressentit dans la voix d’Helénê un ton amer. Ksénia se remémorait l’attirance d’Atychia à l’endroit de Vasiliás qu’elle affectionne du plus profond d’elle. Sans même relever la provocation de Ksénia, Arès toisa plutôt la nouvelle venue, aguichante dans sa tenue contemporaine affriolante. _ « Je vois que tu as répondu à mes inquiétudes. _ En effet, vous vouliez un renfort supplémentaire lorsque l’heure sera venue pour vous d’attaquer le Sanctuaire. » L’être réincarné sous le nom humain de Mars, se leva pour dévoiler son imposante stature et mieux se rapprocher de la nouvelle venue. _ « J’ai envoyé toutes mes servantes dans les thermes. Leur présence me manque, peut-être devrais-je m’occuper de cette… » Spontanément, la fidèle d’Apollon s’interposa : « Je vous présente Kassandra. Un Ange au service de mon maître et rattaché, à la demande de ce dernier, à vos services pour mener à bien votre mission et vous prouver toute la confiance qu’il vous accorde afin de vous réintégrer en lieu et place d’Athéna en Olympe. _ Parfait. J’ai bien conscience que le jour où Vasiliás essaiera d’asseoir sa puissance sur le Sanctuaire, il mettra tout en ½uvre pour m’évincer. Je me dois donc de le devancer en l’ayant par surprise. Même si elle ne dégage pas autant de puissance que toi, cet Ange m’apparaît très puissante. L’avoir à mes côtés dès à présent me rassure… _ Pourtant vous me semblez déjà bien entouré… » Ksénia tourna en même temps la tête en direction de Kyoko restée cachée dans l’ombre... Sous-estimant l’Ange, Mars fut déstabilisé qu’elle ait découvert le rapprochement entre Arès et Eris. _ « Allons Arès… Vous ne pensiez pas que la présence d’Eris sur Terre passerait inaperçue. Après tout, comment croyez-vous que la comète Repulse a pu se rapprocher à nouveau de l’orbite terrestre ? » Kyoko commença à sortir de sa cachette : « Tu veux donc dire que… » Devinant la question, Ksénia anticipa : « Oui, c’est l’attraction solaire qui a reprise et influencé la trajectoire de la comète. La Déesse de la Discorde ne doit son retour sur Terre que grâce au cosmos de mon maître Apollon ! » Les bras en tombèrent à Arès tandis qu’Eris feignit de rester digne. _ « Mon maître vous donne toutes les chances de réussir. Il te propose une place en Olympe, Arès. Et te permet de garder un relais sur Terre par le biais d’Eris. Et tout cela avec l’appui des Anges. _ L’appui ?! Tu veux plutôt dire que Kassandra va rester ici pour nous chapeauter ?! _ Il y a méprise je pense. Le Dieu du Soleil a toute confiance en votre réussite. Je venais seulement faire les présentations et acclimater Kassandra à l’humeur terrestre. Elle va de ce pas à la rencontre de Vasiliás et Tromos pour mieux jauger à qui elle a à faire. Elle ne reviendra auprès de vous que lors de l’instant fatidique sur le champ de bataille. _ Dans cette tenue, douta-t-il devant son apparence très provocante ? _ Si j’ai bien compris, l’endroit où se rendent vos deux Berserkers n’est pas des plus fréquentables pour les hommes. Avec une telle plastique, je doute que Kassandra, que nous renommerons Peligra pour l’occasion, ne se fasse pas vite embaucher dans ce bordel où ils se sont rendus. Elle a tous les arguments nécessaires. » Flashback
Soudain, le bruit d’une trappe sur le toit du Disfrute trahit les souvenirs de l’Ange. Les deux envoyées du monde céleste reconnaissent au loin Vasiliás et Tromos fuir les enquêteurs indélicats. A cet instant, en voyant s’élever de battisses en battisses les deux hommes, et plus précisément celui qui l’accompagnait ce soir, Kassandra ressent cette soudaine chaleur qui lui a pris le bas ventre il y a peu encore. Les paupières à demi closes, elle se sent l’espace d’un instant redevenir Peligra. Les Olympiens, soumis à l’autorité de leurs dieux, sont irrémédiablement séduits par leur charme et leur impériale prestance. Pourtant, bien que différent de celui d’un dieu, le charisme de Vasiliás a bouleversé l’Ange, comme l’a été Helénê avant elle : « Cette confiance exacerbée pourrait passer pour de l’arrogance, néanmoins, à travers ses yeux, j’ai deviné des certitudes en cet homme. Elles m’ont permis de le voir autrement qu’un être quelconque et indigne du sang divin qui coule dans les veines de tout Olympien. » Loin d’être dupe, Helénê sent son c½ur se serrer lorsqu’elle demande : « Comment était-ce ? » Interdite par cette question à laquelle elle ne s’attend pas, et honteuse de ce ressenti nouveau qu’elle a éprouvé au contact du charme de l’Américain, Peligra perd ses mots. _ « Euh… Ils… Oh… Ce fut… Ils renferment une cosmo énergie ahurissante pour des humains. Si Tromos reste largement à notre portée, Vasiliás demeure un mystère. » Ksénia la reprend d’un ton inquisiteur sans forcément insister davantage de peur d’être démasquée elle aussi : « Un mystère ? » Passionnée, l’Ange au teint bruni reprend comme envoûtée : « En tout point… Un mystère ! » A son tour, Helénê se sent retrouver la Ksénia étrangement conquise par celui qui fut l’objet d’une de ses missions sur Terre. Passant discrètement sa main contre sa poitrine, elle éprouve les sentiments qui l’étreignent déjà depuis qu’elle a vu Atychia se rapprocher de Vasiliás. Ranc½ur, peine et jalousie. Refusant que cela n’influe son jugement, elle se concentre à nouveau sur sa mission : « Plus besoin de les retenir davantage. Ils vont pouvoir rentrer en Grèce. Je pense qu’Eris a fini de dévoiler son plan à Arès. Il a maintenant toutes les cartes en main pour agir lui aussi. _ Lui aussi, demande Kassandra ? _ Oui. Le réveil d’Hadès est proche. Et en attendant, cette nuit Poséidon a lancé les hostilités en infiltrant un de ses sujets à Asgard. Une belle sirène qui a fait fondre des c½urs et qui provoquera la fonte des pôles. _ Si avec ça Athéna n’est pas poussée à la faute… »
Justement, à l’autre bout du monde, à l’extrême Nord de l’Europe, le petit matin du 22 mars 1987 se lève plus calmement que la veille après une nuit intense et charnelle au temple Walhalla.
Avant d’éventuelles rencontres fortuites, Thétis s’empresse de fuir sur la pointe des pieds les appartements de Siegfried, enroulée dans ses couvertures.
A l’autre bout du couloir, perturbée par cette nuit passée et le regard qu’elle portera dès aujourd’hui à Siegfried, Hilda reconnaît la silhouette de celle avec qui elle a partagé tant de plaisir la veille. _ « Thétis ?! Siegfried ?! » Tant de question se chamboulent dans sa tête avant de réaliser immédiatement de quoi il en retourne. Un sentiment de colère, puis de jalousie et enfin d’interrogation sur l’effet recherché par Thétis d’avoir une telle liaison s’entremêlent dans l’esprit de la prêtresse. C’est seulement à cet instant qu’elle se tient la poitrine, rongée par la culpabilité et les conséquences d’avoir donné pour une nuit son amour à une autre qu’elle connaît à peine. Honteuse, confuse, c’est Siegfried qui lui vient instamment à l’esprit : « Lui a-t-elle dit que j’ai crié le nom de Siegfried ? Lui a-t-elle dit que je l’aime secrètement ? A-t-il agi de la même manière lorsqu’il était en elle ? »
Au même instant, sort à peine vêtu Siegfried, curieux du départ inopiné de Thétis. En tournant la tête, il reconnaît Hilda et, alors que d’ordinaire il se serait courbé pour la saluer, il fléchit sommairement les genoux avant de s’enfermer, honteux d’être découvert. Mais aussi convaincu que Thétis disait la vérité lorsqu’elle lui racontait qu’elle venait auprès de lui après avoir pris du plaisir auprès d’Hilda. En faisant les cent pas, il s’interroge : « Alors c’était vrai. Elle a fait ça, avec Thétis. Elle ne peut m’en vouloir après tout. Nous pouvons dire que nous sommes quittes… » Il se prend la tête entre les mains et grogne : « Non mais qu’est-ce que je raconte ?! Ce n’est pas un jeu. Thétis dira-t-elle à Hilda avant de partir que j’ai pensé à elle quand nous étions à deux ? »
Soudain, à travers sa porte, il entend Hilda interpeller un autre habitant du Walhalla : « Alberich ! Alberich ! » L’héritier du pourfendeur du Dragon de Fafnir peut discerner à travers la porte les pas pressés d’Hilda pour rattraper son rival.
Dans les allées du château, l’Asgardien aux cheveux d’améthyste s’arrête en soufflant d’agacement. Les deux soldats qui l’escortent, comme c’est le cas pour tout noble du palais, s’inclinent immédiatement envers Hilda. Alors, Alberich grimace en exagérant son dévouement. Un genou à Terre il s’inquiète faussement. _ « Que se passe-t-il Majesté pour que de si bon matin vous veniez me trouver ? _ Lorsque je t’ai vu sortir de tes appartements je me suis rappelée que nous passons hélas peu de temps ensemble. Je voulais savoir si tu consens à m’accompagner ce matin à l’Autel du Destin ? » Cette proposition transperce aussitôt le c½ur de Siegfried et surprend Alberich : « Cette tâche très particulière incombe pourtant à Siegfried d’ordinaire, votre homme de confiance. » Confuse, honteuse à l’idée d’échanger avec Siegfried à propos de leurs soirées respectives avec Thétis, Hilda ne s’étend pas sur le sujet : « Siegfried est occupé pour ce matin. Puis-je compter sur toi ? Oh, je sais qu’il n’y a rien de palpitant. Attendre des heures pendant que je prie Odin… Mais le trajet est assez long et ça serait l’occasion de pouvoir converser ensemble. Après tout… » Ravi de pouvoir éclipser Siegfried, de Megrez ne se fait pas prier sans pour autant ne pas oublier cette défiance qui le lie à la monarchie : « Oui, après tout vous n’avez fait que me rabrouer ces dernières années. Un entretien cordial n’est donc pas de refus. » Suivis par les deux gardes d’Alberich, ils prennent la route.
Seul, dans sa chambre, Siegfried se laisse tomber à la renverse sur son lit défait. En croix, il soupire : « Hilda… Si vous saviez à quel point je vous aime… » C’est alors que par précaution, il ramasse ses vêtements et détale à l’opposé de la direction prise par Hilda et Alberich. Faisant courber l’échine à chaque garde qu’il croise sur son passage, Siegfried presse le pas jusqu’à l’arrière cours où un guerrier de haute stature en domine quatre autres dans une épreuve de lutte. Il ressemble beaucoup à Siegfried. Ses cheveux sont blond vénitien et raides, sauf ses mèches sur son visage qui sont légèrement ondulés. Il les porte courts, à la différence de Siegfried qui les a très longs. Ce détail permet de mieux les distinguer. _ « Petit frère ?! Que viens-tu faire ici ?! Cela fait un moment que nous n’avons pas eu l’honneur d’avoir le grand Siegfried nous gratifier de sa présence ! Mes hommes seront ravis de recevoir les conseils du plus vaillant de nos combattants ! _ Sigmund… » Siegfried n’en dit pas plus. Sa voix empruntée lorsqu’il nomme son frère aîné permet à Sigmund de mieux appréhender l’objet de sa venue. Bien que son frère cadet lui soit supérieur en force, Sigmund a toujours su rester l’épaule sur laquelle son petit frère peut se reposer. Et de ses grands yeux violets, il peut lire sa détresse. En claquant des doigts, Sigmund demande à ses hommes de reprendre leurs tenues de rondes. Tandis qu’ils réajustent leurs plastrons et leurs casques à corne, il éloigne Siegfried des oreilles indiscrètes. _ « J’ai besoin que tu veilles sur la Princesse Hilda aujourd’hui, confesse sans détour Siegfried. _ Tu ne la quittes jamais des yeux. L’arrivée hier de cette étrangère à la voix de sirène ne semble pas être un hasard à cette étrange position, devine Sigmund. _ Thétis nous a mis dans une position délicate Hilda et moi. Je ne peux t’en dire davantage mais… » Lisant en Siegfried comme dans un livre ouvert, mais refusant d’être embarrassant, Sigmund n’insiste pas. Il interrompt son frère d’une franche empoignade par l’épaule. _ « Ça ira ! A cette heure j’imagine qu’elle est en route pour l’Autel du Destin, partie prier Odin. _ Elle est censée ne rien craindre, Alberich l’accompagne. Néanmoins, je serai plus rassuré si tu pouvais garder un ½il sur ce serpent… » Sigmund acquiesce et en quelques bonds, s’empresse de prendre la direction du précipice où Hilda implore quotidiennement Odin…
Au même moment, dans le sanctuaire sous-marin, Thétis approche le parvis du temple de Poséidon. Ses écailles roses dissimulent son intimité qu’elle a dévoilé la veille à Hilda et Siegfried. A peine essoufflée après avoir parcouru sous les océans la distance reliant Asgard au-dessous de la Méditerranée, elle s’avance jusqu’à son supérieur au heaume ombrageux. _ « Je te félicite Thétis. » Vexée de devoir s’abaisser à exécuter la mission qui lui a été confiée, en jouant de son corps et en trahissant les sentiments sincères que se vouent Hilda et Siegfried, Thétis s’incline malgré tout. D’une voix résignée, elle salue celui qu’elle ignore être Kanon des Gémeaux : « Dragon des Mers… Si cela est pour satisfaire la volonté de sa Majesté Poséidon. » Cependant, Kanon reste inquiet du succès de son plan. _ « Tu es revenue bien vite d’Asgard. Es-tu sûr qu’Hilda ira prier seule ? _ Elle ne sera pas seule. Mais elle ne peut pas être mieux accompagnée. Elle sera suivie d’Alberich de Megrez. _ Alberich de Megrez, celui que nous avons observé être fasciné par le pouvoir et qui s’est renseigné sur l’anneau des Nibelungen ? _ Celui-là même. _ Alors en effet. Il est faible et vicieux. Il n’aura pas le courage de se hisser contre Poséidon lorsqu’il attaquera Hilda. Et il gardera sous silence sa possession au vu de tourner ça à son avantage. _ Que devons-nous faire à présent ? _ Rassemble les soldats Marinas pour surveiller le périmètre dès que les hostilités seront engagées. Je vais de mon côté avertir Poséidon qu’il peut se tourner dès à présent vers Hilda. » Thétis acquiesce et s’éclipse pour mieux laisser Kanon apprécier la réussite de son projet.
Le Dragon des Mers défait son heaume pour mieux scruter l’horizon marin : « Oui, je me suis habitué à cette atmosphère salée et ses coraux. Mais la surface me manque. Mon plan va bientôt réussir et j’aurai exploité les pouvoirs de Poséidon sans même l’avoir éveillé totalement. Pour cela je dois continuer mon travail d’éloignement de Sorrento vis-à-vis de Julian Solo. Dès qu’Hilda sera possédée, j’enverrai Sorrento pour la surveiller sur un soi-disant ordre de Poséidon. »
Dans la contrée d’extrême Nord de la Sibérie orientale, à Blue Graad, le vent se lève étrangement. Le royaume qui a rudement souffert ces derniers mois de la Guerre Sainte contre Asgard et des conditions climatiques craint de nouveau les prémices d’une catastrophe.
En tenue de civil, bras et jambes dans la neige, Alexer aide les quelques villageois qui n’ont pas achevés la reconstruction de leurs demeures. Beaucoup plus proche de son peuple après la bataille contre Asgard, le gardien du Grand Nord se sent redevable auprès de lui afin d’expier son crime envers son père. Le parricide lève les yeux vers la brume environnante et déclare : « Cette météo ne me dit rien qui vaille. Les manuscrits de notre bibliothèque ont toujours fait état d’un temps plus clément après une lourde vague de froid. Il est encore trop tôt pour que la rudesse s’attaque de nouveau sur le pays. »
Une voix douce et familière, emmitouflée dans un épais manteau se présente devant lui. Belle, grande, déjà si femme alors que lui n’est que jeune homme, le nouveau roi est en admiration devant sa s½ur Natassia. _ « Peut-être l’annonce d’un triste événement mon frère. _ Je ne sais guère. J’ai reçu hier des nouvelles d’Asgard. Il n’y avait aucune mention du moindre danger dans le courrier de la Princesse de Polaris que m’a fait parvenir son messager de confiance Utgarda. De plus, Athéna a repris le contrôle du Sanctuaire. Nous n’avons pas de raison d’avoir peur. Mon devoir, à moi, c’est de veiller avant tout sur mon peuple. Je vais répondre aujourd’hui à Hilda afin qu’Utgarda puisse repartir avant que les des caprices du temps ne l’en empêche. J’en profite pour l’avertir de nos interrogations. Hilda saura trouver la réponse auprès d’Odin. » Tournant le dos à son frère, Natassia demeure suspecte : « Tout de même, ce temps si rude alors que nous sortons qu’une vraie tempête n’est pas commun. Quelque chose se trame, j’en suis sûre… »
Voyant sa s½ur regagner le palais, Alexer fait la moue. _ « J’aimerai me rendre à Asgard, au Sanctuaire, et garantir la paix pour expier mes fautes. Mais mon salut doit avant tout passer par le pardon de mon peuple. Je suis désolé s½urette. »
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« le: 20 Février 2022 à 11h05 »
Chapitre 80
En Argentine, le night-club appartenant au chef de la pègre est peu à peu encerclé par les secours et les forces de l’ordre. A l’intérieur, il ne reste plus que d’un côté Vasiliás et Peligra, et de l’autre Tromos et Segador.
Dans l’alcôve, où ils se sont enfermés, Vasiliás et Peligra dégustent à tour de rôle sur leurs corps le champagne qu’ils font couler. Ils sont loin de connaître les détails des retrouvailles entre Segador et Tromos. Leurs vêtements jonchent le sol, disséminés aux quatre coins de la pièce. La montre-gousset de Vasiliás, d’ordinaire si chère à son c½ur, abandonnée dans la poche de son pantalon qui traine à ses pieds. Ne gardant que leurs sous-vêtements pour barrière à la concrétisation des envies qu’ils suscitent l’un chez l’autre, ils poursuivent leur corps à corps endiablé. A genoux contre le Berserker assis, Peligra ne cesse d’appuyer sa poitrine en allant et venant sans cesse contre sa taille. Ouvrant même parfois sa bouche comme pour accueillir à travers son boxer blanc l’intimité sacrément manifestée de Vasiliás…
A quelques mètres de là, au fond du couloir, les bras ballants, Segador abandonne sa mine enjouée. Un à un, les os de ses doigts puis de ses poignets, avant ceux de ses épaules et de son coude, ont été brisés. Ses yeux à l’agonie devinent à la fouille qu’opère Tromos dans son bureau, que sa torture ne fait que commencer. Brandissant d’un tiroir une pince, le colossal Argentin se congratule déjà des futurs résultats de ses sévices : « Que penses-tu que je puisse t’arracher avec ça une fois que je t’aurai ôté chacune de tes dents ? » Puis, en refermant le tiroir, il trouve une manivelle dans celui du dessous : « Oh ! J’ai comme l’impression qu’il sera plus amusant de percer lentement tes genoux avant, pour ne pas que tu craches trop de sang après t’être fait opérer le râtelier ! » L’odieux personnage change très vite d’attitude. Désormais anxieux, Segador est défiguré par la folie qui symbolise la souffrance qu’il n’arrive même plus à hurler tant il s’égosille…
En Grèce, au sommet d’une falaise qui surplombe Athènes, Kyoko grimace après sa dernière gorgée d’alcool. _ « Le champagne a vite réchauffé ! _ Le temps passe très vite. D’ailleurs j’aimerai que tu reprennes le récit de tes exploits avant que Vasiliás et Tromos ne reviennent de leur escapade et suspectent quoi que ce soit te concernant. _ Bien, bien… »
Flashback Sur l’Utérus, la structure complète cédait peu à peu depuis qu’Aiolia avait brisé le c½ur de l’arbre nourricier. Les catacombes avaient déjà cédé. Les étages suivants se désagrégeaient tour à tour. Dans l’un d’eux, alors que l’édifice s’écroulait tout autour, Rigel restait les bras ballants. Tremblant, partagé entre la cruelle vérité et son amour indéfectible pour Kyoko. _ « … Voilà la vérité sur ma naissance, mon adoption et l’absence d’Athéna du Sanctuaire. » Une fois qu’elle eut fini, Rigel préféra s’adresser à son maître Aeson devenu Ghost Saint. _ « Et c’est ainsi que vous espérez vous faire pardonner Aeson ?! En vous joignant à Eris ?! » Sagement appliqué à expier sa faute passée, Aeson demeurait silencieux. Kyoko poursuivit alors. _ « Je comprends que cela soit difficile à accepter pour toi. Ton monde s’écroule. _ Non ! Penses-tu ! Mon maître, celui à qui je dois tout, que j’ai toujours cru être un modèle de droiture, a d’abord exécuté sa femme, renoncé à ses enfants, puis aujourd’hui il trahit Athéna ! Athéna qui d’ailleurs a disparu depuis onze ans du Sanctuaire ! Un Sanctuaire qui m’envoie tuer la femme que j’aime qui n’est autre que la réincarnation d’Eris ! _ Mais tu en es incapable n’est-ce pas, s’approcha tout doucement Eris ? _ Recule ! N’avance pas, dit-il en faisant marche arrière ! _ Pourtant je suis là, à ta merci, gorge déployée. Tu n’as qu’à prendre ma vie et rentrer dignement au Sanctuaire où tu seras un héros. Ne le veux-tu pas ? _ Non ! Je me fiche d’être un héros au Sanctuaire ! Pas dans ce Sanctuaire là en tout cas ! Tout ce que je veux c’est que tu quittes le corps de Kyoko et qu’elle me revienne ! _ Mais je suis là, rigola-t-elle amoureusement. Kyoko. Eris. C’est la même chose. Nous ne sommes qu’une. Vivre dans le secret. Dans la menace d’être un jour découvert. Condamnés, par un camp rempli de menteurs. Pour une foi caduque envers une déesse pleutre, cachée et affaiblie. Tout ça peut disparaître en embrassant ma cause. En embrassant ces lèvres que tu connais tant… » Arrivée à lui, Eris saisit dans ses mains le visage fuyant de Rigel, pour l’obliger à plonger ses yeux dans les siens. Le regard de la jeune femme avait changé en effet. Il était plus sournois, ses traits étaient plus tirés. Mais dans le reflet de ses yeux, Rigel voyait encore Kyoko et leurs courses enfantines dans les prairies désertes du Sanctuaire, leurs baisers d’adolescents volés derrière un arbre, leurs étreintes lascives d’adultes au milieu des fleurs d’été. Sa gorge était nouée, sa bouche sèche. Dans le dos de sa bien-aimée, honteusement agenouillé, son maître ne bougeait pas d’un pouce et lui rappelait tout ce en quoi il a cru. Il constata alors combien il fût idiot d’être gêné du crime qu’il commettait en s’énamourant d’une Saintia qu’il avait détourné du droit chemin dans un Sanctuaire mensonger, dirigé par un imposteur. Seulement, son combat contre Jaguar lui remémorait la lâcheté des Ghost Saints, mus d’intérêts personnels, renonçant à leur honneur. Le goût du sang et du conflit d’Eris qu’on leur apprend dès l’enfance au Sanctuaire et la menace que ferait peser Kyoko sur le monde le hantèrent aussi. Pourtant, à bien y réfléchir, les hommes de Gigas sur lesquels elle lui ouvrit les yeux quelques minutes plus tôt ne valaient guère mieux. La sentence subie par Olivia, la mère de son amante, ne pouvait faire croire que le Sanctuaire était un lieu idéal, destiné à protéger un monde de bonté. Enfin, toutes ces légendes horribles à propos d’Eris étaient contées par son maître Aeson. Un maître qui abandonna ignoblement sa famille. Tous ces sentiments s’entremêlèrent une fraction de seconde, le temps qu’il prenne sa décision et qu’il remonte ses bras à son tour pour caresser le visage de sa bien-aimée. En plein conflit avec ses tourments, il profita de son approche pour descendre ses mains du visage de Kyoko jusque dans son cou…. Il commença à serrer fort. Aussitôt, Aeson se releva mais, alors qu’elle pliait en arrière sous le poids de l’étreinte de Rigel, Kyoko tendit le bras pour empêcher son père d’intervenir. Pris de sanglots, Rigel murmurait à répétition : « Je suis désolé, je suis désolé, je suis… » Bientôt Kyoko était couchée sur le dos, le visage bleui, la langue gonflante. Sa vue gondolée par les larmes empêchait Rigel de parfaitement distinguer la mort venir à sa compagne. Lui non plus ne respirait plus. Il y mettait tant de force, tant d’opiniâtreté, qu’il retenait son souffle. C’est lorsqu’il distingua les yeux révulsés de Kyoko qu’il fut frappé de terreur. D’une aspiration profonde, il relâcha sa prise et chuta sur son postérieur avant de reculer à terre de dégoût. Ses yeux étaient grands écarquillés, son visage pris de spasmes. Il regardait ses mains meurtrières avec effroi, bien qu’il savait qu’il n’avait pas été capable d’aller au bout de son geste. Le rire sarcastique de Kyoko le lui confirma. Elle se redressa lascivement et rigola de plus en plus fort. _ « Je savais que tu en étais incapable. Ta culpabilité et le sentiment d’avoir été trahi par tout ce en quoi tu as cru sont plus forts. _ Tout ce en quoi j’ai cru, toi y compris, vociféra-t-il. _ Tu te trompes. Je ne cherche pas à te duper. Ma proposition est intéressée mais sincère. Tuer le temps dans tes bras en attendant que tu combattes pour moi, qu’on le fasse chez Athéna ou ici, où est la différence ? Entre nous, rien ne changera. Pour le monde, rien ne changera. Eris ou le Sanctuaire, il est voué à la destruction. Sauf que tu as la possibilité de disparaître ici et maintenant, ou de le vivre à mes côtés. » Indécis, Rigel n’osa pas la dévisager davantage. Jusqu’à ce qu’un heurt traversa la pièce et frappa Eris par surprise en plein abdomen, l’obligeant à s’écrouler. Faisant bondir Aeson jusqu’à elle. Soudain, depuis l’angle de la pièce d’à-côté, Olivia apparut. Elle suivit la direction empruntée par le coup qui toucha Eris à l’instant. _ « Olivia, grinça des dents Aeson qui se mit en garde ! » Toutefois, Olivia titubait en se tenant sa poitrine, percée, et en agitant d’un signe négatif la tête afin de manifester son innocence avant de s’écrouler. Elle était incapable de parler en raison du flot d’hémoglobine coagulée qui fuyait sa bouche. Derrière elle, la Cloth en miettes, le masque brisé sur la moitié inférieure du visage, Mayura traînait la jambe, déterminée. Elle crachait du sang elle aussi lorsqu’elle conjura à Rigel de se ressaisir. _ « Ne l’écoute pas Rigel ! Ses paroles sont empoisonnées ! » Pensant Kyoko meurtrie par l’attaque surprise de Mayura, Rigel avançait à genoux en direction de son amante. _ « Non, scanda-t-il ! Tu ne sais pas toute la vérité ! » Passant devant Olivia, Mayura fut soudain retenue à la cheville par sa main. _ « Sache que malgré ma liaison avec Aeson et la naissance de mes filles contre la voie chaste des Saintias que j’ai choisi trop jeune, mon amour et ma dévotion pour Athéna étaient sans faille, confessa Olivia. Lorsque je fus découverte, emprisonnée, torturée puis condamnée, je n’ai cessé de la prier jusqu’au dernier instant. Mais elle ne m’est jamais apparue. Même lorsque le Pope me fit arrêter. Lorsqu’il laissa Gigas et ses hommes de mains me passer un à un, plusieurs fois par jour, durant des semaines de détention, sur le corps. Même lorsqu’il délibéra sur mon sort, nommant le père de mes enfants comme bourreau. Elle ne m’est jamais apparue. Je ne priais pourtant pas pour moi. Je priais simplement pour le salut de mes filles. Je lui demandais juste de veiller sur elles. Mais rien. J’allais mourir avec une profonde désillusion. Et tu sais qui m’a répondu ? Eris. Seule Eris me vint. Dès lors que je sentis un coup sec derrière ma nuque puis le néant. Pendant que ma tête roulait au sol devant les pieds d’Aeson et sous ton regard Mayura, mon amertume fut saisie aux portes des Enfers par Eris en personne. Elle fut la seule à m’entendre. » En écoutant cela, Rigel fut davantage décidé à prendre Kyoko dans ses bras pour inspecter sa blessure. _ « Les lois du Sanctuaire sont strictes et cruelles, afin que ses représentants soient justes. Car d’eux dépendent justement la paix et les libertés dont nous nous privons au profit du reste du monde, protesta Mayura. _ Je vais te dire un secret, poursuivit malgré tout Olivia. Ce Sanctuaire si rigide que tu défends. Ce Sanctuaire donneur de leçon, modèle de vertus. Par qui crois-tu qu’il soit tenu ? Allons, n’as-tu pas remarqué depuis ma mort ce symbole à tête de mort parcouru d’un reptile ailé tatoué sur plusieurs soldats athéniens. Cela a commencé à se répandre un an avant ma mort. Le Pope qui m’a condamné, qui a accepté ma torture, qui t’envoie en guerre contre des dieux mineurs pourtant peu menaçants. Il n’a rien du Grand Pope qui nous envoyait en missions de prévention dans les domaines annexés. Le Grand Pope Shion n’est plus. Pas plus que son frère Arlès. Le Pope depuis onze ans est un imposteur. Et cette Athéna pour qui tu es prête à tuer ma fille aujourd’hui n’est pas là-bas ! _ Tu mens, dit Mayura en se défaisant d’un mouvement de jambe de l’étreinte d’Olivia, et je vais te le prouver maintenant, s’élança-t-elle vers Kyoko ! » Le choc qui s’en suivit fut si brutal que les murs du hall furent inondés de plasma. Aeson, devancé, resta statufié, maquillé de sang. Ce sang roulait sur le visage de Kyoko et était absorbé par sa robe écarlate. Incapable de progresser davantage, désabusée par la couardise de son camarade, Mayura se laissa tomber à genoux, les bras le long du corps, ne pouvant retenir les gerbes d’hémoglobine qui jaillissaient de sa trachée. Devant elle, bras encore rigide, main raide et doigts tendus au bout desquels des flammèches scintillaient, Rigel murmura : « Ignis Fatuus… Je suis désolé Mayura… Mais ton obstination même face à la vérité ne peut avoir raison de la femme que j’aime. » Alors qu’il venait de lui trancher la gorge, Rigel tourna le dos à Mayura. Il refusa de regarder sa bouche démasquée tenter de happer l’air, dans un ultime instinct de survie. Agonisant d’asphyxie, le cosmos de Mayura parvint malgré tout à dessiner un Paon d’or par-dessus elle…
Sur terre, dans la forêt qui délimite le camp des femmes Saints, les derniers éclairs du Thunder Claw de Geist cessaient de grésiller dans l’atmosphère. Aveugle, calcinée, Emony s’écroula dans l’herbe avant de devenir une fleur. Epuisée, Geist s’appuya contre la roche où Emony était prisonnière pour ne pas s’effondrer. Une voix connue, étouffée sous un masque, la congratula. _ « Félicitations ! Tu as vaincue une Dryade et pas des moindres. » Geist observa venir depuis l’extérieur Marin dans sa Cloth d’argent. Néanmoins, la mercenaire n’en était pas plus rassurée : « Marin ! Ton renfort ne sera pas de trop ! Une Dryade vaincue fane. Regarde donc celle-ci. » Devant elles, Emony bourgeonnait, poussait, devenait de plus en plus colorée. De fleur, elle devint une plante resplendissante. Immédiatement, les femmes se mirent en garde. Lorsqu’elle eut éclos dans sa Fane, Emony n’était plus une enfant. Elle était devenue femme. Ses yeux maquillés de contours rendaient son regard plus dangereux et s’accommodaient à merveille avec l’émanation provocante de son cosmos. Désormais dépourvus d’épaulettes, ses longs bras nus présentaient un galbe envoûtant, rappelant le charme dont aimaient jouer ses aînées Dryades. Néanmoins, Emony paraissait toujours aussi cruelle et déterminée à en juger le sourire et le regard psychotique qu’elle balançait tour à tour à Marin et Geist. _ « Je vois que nous avons une invitée, s’adressa-t-elle à Marin sur qui elle fit tomber une pluie de lobélie. Tu espérais que cela m’empêcherait de me venger du mal que tu viens de me faire, asséna-t-elle dans une onde de choc envoyée sur Geist. » Cette dernière fut repoussée contre la pierre, impuissante. Marin voulut lui porter secours mais ce fut vint, ses jambes flageolaient déjà. Autour d’elle, virevoltaient des papillons, qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’alors. _ « Nightmare Scheme, prononça Emony. Mes lobélies, semblables à des papillons tombent sur toi puis te recouvrent. Ces fleurs vont se servir de ton corps comme de la semence pour pousser jusqu’à se repaître entièrement de tes forces. » Ainsi, les papillons se posaient sur elle et de chaque papillon naissait une nouvelle pousse. Emony abandonna donc Marin, condamnée, et partit rejoindre sa principale rivale. D’un coup de pied retourné, elle plaqua son talon contre la gorge de Geist pour la tenir à sa merci contre la roche. _ « Quand as-tu pu déployer sur Marin ta technique, sans que nous n’y voyons rien, demanda d’une voix étouffée Geist ? _ Ah ! Je ne t’avais pas prévenu ?! Disons que les lieutenants de Mère ont tous le pouvoir de rivaliser avec au moins vos Saints d’argent. Pour ma part, j’ai toujours trouvé grossier de faire preuve d’une grande démonstration de force à moins d’y être obligée. Et tu m’y as obligé, écrasa-t-elle davantage la gorge de son adversaire. Maintenant, tu vas mourir lentement pour ça ! » Dans le dos d’Emony, les lobélies continuaient d’éclore. La mousse au sol était maintenant recouverte et tout autour de Marin des fleurs gagnaient sans cesse du terrain. Si bien que le bleu de leurs pétales irradiait derrière la Dryade de la Méchanceté. Il se reflétait dans le masque de Geist derrière lequel la mercenaire avait le blanc des yeux rempli de vaisseaux sanguins éclatés, mourant d’asphyxie. _ « Comment est-ce possible que les lobélies poussent encore, cessa son étreinte Emony. Je n’ai jamais rencontré d’adversaire détenant une telle source de cosmos. Elle parait infinie ! » Inconsciemment, Marin se releva malgré les racines épaisses gorgées d’énergie qui la clouaient à terre jusqu’alors. Epuisée, Geist se laissa glisser contre le sol, ne soupçonnant pas non plus une telle réserve d’énergie chez sa camarade. Sans même se défaire des sangsues végétales qui la consumaient, la Saint accrut volontairement son cosmos. Si fortement que les tiges grossirent à s’en faire dégorger de sève et que les pétales s’arrachèrent des bourgeons, incapables qu’ils étaient de contenir tant de puissance. C’est là qu’elle recroquevilla son coude droit pour prendre plus d’élan, avant de tendre son poing à la vitesse de la lumière vers Emony : « Ryu Sei Ken ! » Déclenchée plus rapidement que d’ordinaire, l’Attaque de Météores se changea en faisceaux lumineux qui s’entrecroisèrent et martelèrent Emony dont la Fane éclata par endroit. La Dryade reçut ainsi près de cent millions de coups en une seconde sans avoir pu les anticiper. Elle fut projetée contre la roche, par-dessus la tête de Geist, et retomba derrière elle avec la pierre changée en vulgaires cailloux. Epuisée, vidée, Marin profita de son élan pour s’écrouler devant Geist. _ « Marin… Marin, la secoua tant bien que mal la mercenaire… _ Ca va Geist… Je n’ai simplement plus aucune force… Cette Dryade a vidé toutes mes ressources… C’est un miracle que j’ai pu les réorienter contre elle… _ Quelle dommage pour vous, se releva derrière elles Emony furieuse ! » Le visage menaçant, défigurée par la colère de l’échec, elle était maquillée du sang qui perlait de son cuir chevelu où son bandeau avait été arraché par l’impact. Surplombant les deux alliées, elle élança son bras pour les achever lorsqu’elle fut contrée inopinément par la pointe du pied de Shaina. D’un saut acrobatique, la Saint d’argent d’Ophiuchus arriva à leur secours. _ « C’est mon tour de t’en faire voir de toutes les couleurs, décréta l’Italienne qui partit à l’assaut ! _ Encore une femme Saint qui fanfaronne ! Je vais te remettre à ta place ! » Shaina balança ses griffes de façon horizontale. Emony esquiva grâce à une roue arrière pleine de grâce. L’Ophiuchus anticipa son point de réception en arrivant depuis les airs talons en avant. La Dryade para avec son avant-bras gauche mais sa Fane déjà entamée par Marin se fendit davantage sur le coup. Perturbée, elle laissa Shaina poursuivre son acrobatie en tournant sur elle-même pour la cogner en pleine tempe d’un coup de pied retourné. Emony évita de peu en s’abaissant. Elle prit même l’avantage en se redressant plus vite que Shaina ne retombait sur ses jambes pour la cogner du poing en pleine cuisse et ainsi lui contracter les muscles. Ne tenant plus que sur une jambe, Shaina eut du mal à ne pas céder de terrain sur la série de coups de poings que poursuivit Emony. Elle pivota légèrement au dernier instant pour la laisser être emportée par son élan et espéra contre-attaquer en se retournant à une des vitesses les plus rapides parmi les Saints d’argent du Sanctuaire : « Thunder Claw ! » Tandis qu’elle laissa depuis les airs ses Griffes de Tonnerre retomber, Emony réussit à faire volte-face à temps et rasa le sol de son poing pour remonter en direction de Shaina, portant un coup dans le sens inverse de celle-ci : « Ton amie a déjà utilisé cette attaque contre moi, elle n’a plus de secret pour moi. Innocent Glumness ! » Un violent coup de poing contre celui de Shaina, suivi d’une multitude de coups approchant la vitesse de la lumière, brisa la main de Shaina, annihila sa technique et la pilonna jusque haut dans les airs. Tandis qu’elle retombait en direction du sol tête la première, Emony chargeait à nouveau de son autre poing : « Tu m’as l’air robuste toi ! Je vais m’assurer que tu ne te relèves jamais en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! » Contre toute attente, ce fut Geist qui devança Emony en apparaissant devant elle : « Cette fois c’est moi qui connaît déjà cette technique ! Thunder Claw ! » Geist la frappa à l’épaule avant même qu’elle n’ait eu l’occasion de déployer totalement son bras. Le heurt à bout portant explosa la Fane à hauteur de la clavicule et arracha l’épiderme de tout son biceps à la Dryade. Pendant ce temps, Marin réceptionna Shaina afin de lui éviter une chute fatale. _ « On a eu chaud, confessa Marin. _ Néanmoins, même si j’ai pu gagner son bras gauche, elle garde sur nous l’avantage de la vitesse, déplora Geist qui reculait jusqu’à elles. _ Et elle semble connaître toutes nos techniques, ragea Shaina meurtrie. _ Pas tout à fait, corrigea Marin. Il nous reste une chance. J’ai une idée. Ecoutez bien… »
Plus loin, à l’intérieur du camp, tandis qu’Erda extrayait Rebecca des branches qui leurs étaient tombées dessus, Mito tentait de voler au secours de chaque camarade. Hélas, pour une élève rescapée, une autre tombait dans son dos par les griffes des Dryades ou la gueule du bunyip. _ « Ca va aller, prononça-t-elle essoufflée à la dernière de ses amies qu’elle venait d’extirper d’un ennemi. » Elle ne se rendit même pas compte que le temps qu’elle tourne la tête, cette camarade secourue fut aussitôt décapitée par l’adversaire suivant. L’instant d’après, une Dryade frappa du plat du pied derrière le genou de Mito pour le lui faire mettre à terre. Une seconde arriva alors pour la frapper de volée en plein visage et l’envoyer choir au milieu de quatre de ses alliés Dryades. Ce fut alors que les quatre guerriers d’Eris furent retenus dans leurs mouvements par une bourrasque qu’ils ne parvinrent pas à surmonter. Bandeau violet, kimono pourpre, Shinato arriva à son tour en libérant tout son cosmos. Juste après, Xiao Ling suivit l’élève de Mayura. Elle vint relever Mito afin qu’elles se regroupent toutes les trois auprès d’Erda et Rebecca. Par petits groupes, disséminés dans le camp, il ne restait qu’une quinzaine d’élèves qui survivaient tant bien que mal. Shinato et Mito se tenaient déjà en garde. Xiao Ling tremblait en faisant le tour d’elle-même au milieu de ce charnier. Rebecca, qu’elle était venue retrouver, était plus morte que vive. Son héroïne du passé était impuissante dans ce présent apocalyptique. Malgré la perte de son bras, Rebecca, avec l’aide d’Erda, devança les jeunes femmes. _ « Toutes ces femmes… Ces filles… Ces enfants… Elles avaient foi en moi, déplora la Saint en voyant tomber sur les cadavres les graines scintillantes de l’Utérus… Je les ai trahis… _ Ne dites pas de bêtises, l’implora Erda qui essaya de la tirer en arrière pour chercher la retraite ! Vous êtes notre guide ! Nous devons nous replier maintenant ! _ Erda a raison, renchérit Mito. Nos forces sont divisées, affaiblies et en minorités. » Rebecca détacha de son omoplate son foulard imbibé de sang qui retenait à peine l’hémorragie de son bras amputé. _ « Oui, je sais, Erda a raison, lui tendit Rebecca le tissu. Vous devez battre en retraite. Les Dryades seront à votre portée une fois le bunyip vaincu. » Elle se jeta sans crier garde contre le monstre. _ « Maître, hurla de désespoir Erda ! _ Nous devons l’aider, convainquit Shinato une Mito déjà prête à la suivre ! » Erda se joignit à eux, laissant Xiao Ling incapable de la moindre réaction. Alors qu’elle s’élançait pour frapper la première, Shinato s’interrompit d’elle-même, prise d’un profond malaise au moment où elle perçut depuis les cimes le cosmos de Mayura décliner. Elle devina le sort de son maître sur l’Utérus. De son côté, après avoir surpris ses élèves, se présentant à l’arrière de Bunyip, Rebecca répéta son précédent arcane : « Burning Lava Rain ! » Pris à revers, Bunyip sentit ses pattes arrière s’écrouler, martelées et brûlées qu’elles étaient par les météores de laves que Rebecca libérait de son bras droit. Son cosmos aussi vert que sa Cloth brilla au firmament avant de chanceler. _ « Rebecca donne tout ce qu’il lui reste, se reprit Shinato ! _ Nous devons à tout prix la sauver, s’obstina Erda ! » Erda se jeta vers son maître avec inconscience. Mito, voyant un tentacule de Bunyip fondre sur sa bien-aimée, dévia la trajectoire d’Erda qui, l’espace d’une fraction de seconde, resta suspendue dans les airs. Coupable d’avoir agi sans retenue, Erda se retrouva à observer son sauvetage par Mito en étant impuissante. Obligée de fixer la sentence irrévocable qui se produisit sous ses yeux. Comme si cela durait une éternité. Si long que Xiao Ling eut le temps de passer ses mains devant ses yeux. Et pourtant, si net et cinglant, qu’Erda n’entendit pas le son déployé de sa gorge en criant le nom de Mito lorsque le fouet de Bunyip trancha en deux, de l’épaule gauche à la hanche droite, celle qu’elle aime, dans un claquement vif et percutant. Erda roula au sol en première, perdant son masque. Le tronc de Mito en second. Ses jambes ensuite. Le bras tremblant, Rebecca succomba au désespoir en voyant une de ses meilleures élèves vaincue. La croupe au sol, Bunyip abattit un tentacule sur la Saint de Cassiopée. Un second tentacule voua le même sort à Xiao Ling. Contre toute attente, alors que tout semblait perdu, Shinato les dévia en libérant sous la forme d’une bourrasque son cosmos. Dans son dos, l’emblème de l’Oiseau de Paradis, sa constellation protectrice et dont l’armure était déjà promue à Apodis, irradié d’un cosmos orangé. Les appendices de Bunyip fendirent le sol en deux à côté de Rebecca et Xiao Ling, épargnées grâce à Shinato. Cependant, les bras écartés de parts et d’autres, Shinato ne perçut pas un troisième tentacule qui lui perfora l’abdomen depuis le dos, sectionnant en deux sa colonne vertébrale. Le craquement de ses os fit frémir Xiao Ling qui, de panique, remplie d’adrénaline, se jeta finalement à corps perdu dans la bataille. Esquivant le quatrième et le cinquième tentacule, elle vit sa route barrée par une douzaine de Dryades. N’écoutant que son courage soudain, elle repoussa la première d’un coup de pied retourné, écrasant du tranchant de la main le larynx du second, enfonça du plat de l’autre main la cage thoracique du troisième, avant d’être submergée par la dizaine restante… Cet acte de courage, galvanisa les dernières apprenties qui la suivirent dans une ultime tentative de révolte contre les Dryades pour venger Shinato venue héroïquement sacrifier sa vie. Mito était à peine consciente, incapable de happer l’oxygène, sentant ses intestins se déverser. Traînant au sol jusqu’à elle, Erda serrait fort dans son poing le foulard de Rebecca. Le tentacule tombé à côté du professeur reprit sa liberté de mouvement maintenant que Shinato était suspendue en l’air par un autre appendice. Il enroula Rebecca et la conduisit vers sa gueule. L’animal désormais rampant, le train arrière démantibulé par l’arcane de Rebecca, se hissa sur ses pattes avant. Bunyip laissa d’abord tomber Shinato, encore vivante, dans sa gueule. A peine la chair de l’apprentie au contact de sa langue, il croisa sa dentition, broyant le corps, quitte à faire pendre de sa gueule un bras et une jambe de la malheureuse. La gueule baveuse de chair et de sang, puante de cadavres en putréfaction, Bunyip répéta son geste à l’attention de Rebecca, résignée. En levant les yeux vers elle, le visage bleui de larme, Erda vit la mine déconfite et blafarde de celle qu’elle a toujours admirée, du jour où elle l’a extirpée de sa condition misérable jusqu’à présent où elle l’a fait grandir et devenir une femme forte. Tandis que Bunyip lâcha d’en haut sa proie pour l’engloutir toute entière, Erda refusa de s’avouer vaincue. D’un bond rageur, les bras croisés devant elle, au milieu des cris et des pleurs de ses condisciples tombant tour à tour, elle réunit ce qu’il lui resta de force et imita la technique de Rebecca qu’elle admirait depuis tant des années : « Burning Lava Rain ! » Frappé à l’arrière par la Pluie de Lave Brûlante, bien que moins impressionnante que celle de Rebecca, Bunyip garda la gueule grande ouverte pour libérer un cri de souffrance. Condamnée à chuter au fond de cette gorge caverneuse et puante, Rebecca transmit alors son cosmos chaleureux et bienveillant à Erda : « Erda… Ma petite Erda… Comme tu as grandi… Comme tu es devenue forte… Guide tes camarades qui auront survécu… Deviens une Saint digne et respectée… Deviens-le grâce à cette dernière technique que je n’ai pas eu le temps de t’enseigner ! Greatest Eruption ! » Sombrant tête la première, Rebecca devint alors une boule de lave qu’engloutit malgré lui l’animal. Ardente à s’en consumer elle-même, elle phosphorait depuis l’intérieur de Bunyip au point d’en être visible depuis l’extérieur par les spectateurs de la scène. Pris en étau, Bunyip écarquillait ses quatre yeux rouges en luttant contre l’avancée de Rebecca qui lui brûlait l’½sophage après lui avoir déchiré la glotte. Donnant tout ce qu’il lui reste, Erda n’abdiqua pas. Elle frappait toujours l’arrière de l’animal pour l’empêcher de lutter en son for intérieur contre la progression de Rebecca. Réalisant le sacrifice de Rebecca, elle accrut son cosmos à son paroxysme au point que celui-ci dessina derrière son dos Cassiopée, l’emblème de son professeur. Au même instant, achevant son treizième adversaire, Xiao Ling arriva pied en avant contre le flanc de Bunyip, là où sa collerette ne couvre pas le reste de son corps. Bunyip en eut alors le souffle coupé, incapable de contenir en son sein plus longtemps La Plus Grande Eruption, attaque ultime de Rebecca. Bunyip recroquevilla sa tête entre ses épaules et replia ses pattes avant contre sa poitrine alors qu’il tombait sur le flanc. A l’intérieur, la lumière de Rebecca était si flamboyante qu’on voyait les organes de Bunyip à travers lui. En boule, martelé par Erda et rongé de l’intérieur par Rebecca qui n’était plus qu’un amas de chair en fusion, Bunyip implosa. Balayant la surface de viscères au liquide gluant et verdâtre. Soufflant plus loin Xiao Ling et Erda. Couchant au sol les dernières apprenties et les Dryades. Pliant en deux les arbres qui délimitaient le champ de bataille. Faisant céder les derniers vestiges du camp qui tenaient encore debout. Bunyip était vaincu. Au prix de nombreux sacrifices. De l’extérieur du camp, la détonation laissa pantois tous les supporters athéniens. Mal à l’aise depuis qu’il avait senti une perturbation dans le cosmos de Mayura peu avant, Mirai se tenait la poitrine de douleur, bouleversé après la disparition soudaine du cosmos de Shinato. Personne ne parlait. Le silence de mort qui planait au milieu du camp après l’explosion, avait eu raison de ses alentours également.
A l’intérieur du camp justement, pendant que les survivants, femmes ou Dryades, reprenaient leurs esprits, une ligne dorée traversa l’horizon. Le silence qui suivit l’implosion assourdissante de Bunyip permit d’entendre enfin retentir un claquement de doigts. Aussitôt, le sol se déchira. L’enfer s’en échappa. Des feux follets jaillirent des entrailles du centre d’entrainement. Ils emportèrent, sans distinction de camps, les âmes des survivants, incapables du moindre réflexe …
Plus haut, sur l’Utérus, Rigel redressait Eris étonnamment bien remise du coup porté par Mayura. Au-dessus de leurs têtes, le plafond s’effritait. Le niveau du dessus les menaçait. Il commençait à s’écrouler. Aeson, lui, portait assistance à Olivia. Le Saint d’argent de la Coupe, désormais Ghost Saint, était dérangé par le Paon d’or que s’obstinait Mayura à faire briller dans ses derniers instants. _ « Que… Que fais-tu, s’enquerra Aeson ? Serais-tu… Serais-tu entrain d’alerter les autres Saints ! _ Ce n’est rien, le rassura Eris, l’Utérus a été détruit de toute façon. Tout est voué à disparaître ici. _ Dans ce cas, par respect envers la Saint qu’elle fut, je vais mettre un terme à sa douleur, conclut-il. _ Non, lui interdit Olivia en lui retenant le bras. Je veux la voir agoniser dans d’horribles souffrances. » Rigel demeurait au sol interdit. Coupable d’avoir trahi Mayura, il fixait avec maladresse Kyoko qui apparaissait sous son vrai jour. _ « Tu n’étais pas blessée… Tu n’avais rien… Depuis le début… Depuis notre arrivée ici, tu n’as pas accru ton cosmos pour ne pas être repérée puisque tu te baladais dans l’Utérus tandis que les Saints te croyaient au sommet. La destruction de l’Utérus était convenue. Seule comptait ta vengeance. _ En effet. Néanmoins, rien de tout ce que je t’ai dit n’était faux, lui cueillait-elle à nouveau le visage. Cette étape est un succès, le Sanctuaire brûle partiellement. Mes graines ont éclos et seront semées au gré du vent mauvais pendant des années. Ma famille est presque au complet. L’Utérus a récolté suffisamment d’énergie pour faire ressurgir mon vrai sanctuaire, le Jardin d’Eden. Et tandis que je vais m’y retirer pour enfin y recouvrer toutes mes forces, le Sanctuaire va se remettre en me pensant vaincue. Joins-toi à moi, s’accroupit-elle jusqu’à coller son front au sien. » A cet instant, depuis l’étage du dessus qui s’effondrait, Shaka et Naïra arrivèrent. _ « Mayura, s’épouvanta aussitôt la Vierge avant que le sol ne se déroba sous ses pieds. » Depuis le flanc, Milo et Apodis les rejoignirent aussi. _ « Aeson, s’indigna Milo ! _ Rigel, s’inquiéta immédiatement Apodis ! » Sur le flanc opposé, Georg et Juan titubaient côte à côte en se protégeant des débris constants sous le bouclier de l’Ecu. Enfin, depuis l’orifice par lequel l’arbre matriciel traversait tout le sanctuaire, Aiolia surgit. Dans son dos, l’arbre tout entier alternait entre la brillance dorée du Photon Burst du Lion et la noirceur de son écorce de plus en plus calcinée. Il menaçait d’imploser, emportant avec lui le reste de la ziggourat dans un nuage de cendres. Chaque Saint envisageait de venir porter assistance à Mayura agonisante. Mais le sol se fissura devant chacun d’eux. Les séparant les uns des autres. Laissant la Saint d’argent du Paon au milieu d’Eris, Olivia, Aeson et Rigel. Se sachant condamnée, Mayura pencha alors sa tête sur le côté afin de voir une dernière fois Shaka. Elle tendit sa main, impuissante, manquant d’air, vers lui. Incapable d’intervenir, le Saint de la Vierge ressassa alors en une fraction de seconde les derniers mots durs qu’ils s’échangèrent avant la bataille. Au milieu de tout ça, ignorant l’ennemi et le sol qui s’effritait sous eux, Eris n’avait pas perdu des yeux Rigel. Elle avait gardé son visage entre ses mains et attendait de lire dans ses yeux sa résignation. Partagé entre la condamnation de Mayura et le danger qui guettait Rigel, qu’il espérait encore pouvoir sauver, Apodis s’époumonait à crier son nom pour le sortir de sa torpeur. Des failles du sol, des murs et du plafond, commençaient en sortir le restant des Dryades qui n’avaient pas pris part aux combats. Elles se réunissaient tout autour d’Eris faisant définitivement abandonner aux Saints l’idée de pouvoir intervenir auprès de Mayura ou de Rigel. Soumis par l’amour qu’il lui portait et la démonstration de force dont elle fit preuve, Rigel se laissa conquérir par l’approche du visage de Kyoko contre le sien. L’Utérus éclata de part en part. Volant en éclat. Morceau par morceau. Rigel pleura de joie de pouvoir embrasser à nouveau celle qu’il aimait. Il passa sa main derrière sa tête pour appuyer son baiser passionné afin qu’il ne s’arrête jamais. Ce geste en fit tomber le long de son corps ses bras à Apodis. Ses camarades baissèrent tous la tête, abattus. _ « Tant de souffrances endurées pour voir ça, pesta Aiolia. » Seul Shaka resta figé vers Mayura. Il avait rouvert ses yeux désormais embués de larmes. Elle avait cessé d’essayer de respirer. Son cosmos ne brillait plus. Autour d’elle, les Dryades espérant échapper à la mort étaient de plus en plus nombreuses. Elles pullulaient. Entre elles, le sol s’ouvrit encore. Il laissa Mayura tomber dans le faisceau de lumière qui en sortit, faisant disparaître son cadavre dans le néant. Eris se libéra enfin du baiser de Rigel et exposa à la vue de tous le filet de sang qui fuyait ses lèvres. Tous découvrirent alors Rigel à genoux, la tête penchée en arrière, s’étouffant dans son propre sang qui jaillissait de ses entrailles. Les Saints comprirent alors qu’il n’y aurait plus d’autre chance de mettre un terme à tout ceci. Shaka, yeux toujours grands ouverts, les enjoignit tous. Il s’adressa à eux par télépathie : « C’est maintenant ou jamais ! Nous devons terrasser maintenant Eris afin d’être sûrs qu’elle meurt emportée dans l’explosion de l’Utérus en compagnie de ceux qui nous ont trahis ! » Tandis que Rigel tombait à la renverse, mort d’un baiser empoisonné, tous les Saints puisaient dans le restant de leur cosmos. Les effluves dorés des Saints d’or, argentés des Saints d’argent, blanches de Naïra et orangées d’Apodis, s’unirent toutes haut dans le ciel pour former un dôme dont la pointe de cosmos retomba au-dessus de la tête d’Eris et ses hommes. La déesse dégaina son sceptre à quatre branches pour dresser un bouclier contre ces émanations. _ « Maintenant, s’élança Milo, Scarlet Needle Antarès ! _ Wing Jikan No Yoyu, suivit Apodis ! _ Typhoon Bullet, invoqua Naïra ! _ Astral Gravitation, frappa Juan ! _ Geistig Blitz, déclencha Georg ! _ Lightning Bolt, libéra Aiolia ! _ Tenma Kofuku, conclut Shaka ! » Encerclés par des déferlantes de cosmos, Eris n’angoissa guère. Derrière elle, Aeson ramassait le corps de Rigel. _ « N’ai crainte, le rassura sa déesse, il s’agissait du baiser de la renaissance. » A cet instant, Rigel rouvrit les yeux. Il eut dans le regard le même flou que celui qui habitait Aeson depuis sa résurrection. L’Utérus implosa au moment de l’impact de tous les arcanes. Le choc fut tel que le bouclier d’Eris se corroda de part en part. Soufflés par les explosions successives, les Saints furent incapables de voir les Dryades être emportées par les salves lumineuses au milieu desquelles elles disparaissaient de leurs champs de vision.
Une onde de choc si puissante fit alors trembler le sol terrestre sur toute sa surface. Ebranlant ainsi le monde contemporain. Un bruit sourd détonant assourdit la Grèce entière tandis qu’un éclat rougeoyant illumina une fraction de seconde le quotidien des Grecs avant qu’un large manteau nuageux, en réalité la poussière de l’Utérus et du temple, ne couvre le ciel européen tout entier.
Au Sanctuaire, la lumière puis la détonation de la destruction de l’Utérus parvinrent. Les Athéniens sautèrent de joie dans tout le domaine. Autour de la forêt, les spectateurs s’échangeaient quelques sourires rassurés. Hormis Mirai qui gardait un mauvais pressentiment.
Dans la forêt, Emony guettait le ciel. Elle ne paraissait pas inquiète malgré la disparition du cosmos d’Eris. Elle essayait de replier les doigts de son bras gauche mutilé, en vain. Abandonnant l’idée d’y avoir recours, elle arracha un morceau de tissu noir qui habillait son abdomen pour bander son bras ballant contre son corps et laisser son nombril à l’air. _ « Bien, mon seul bras droit devrait suffire à vous anéantir. Je vois que vous avez une idée derrière la tête, mais je demeure plus rapide et je connais toutes vos techniques. » Devant elles, les femmes se tenaient déjà en position après avoir écouté le plan de Marin. _ « Tu es bien présomptueuse alors qu’Eris vient d’être vaincue, ricana Geist. _ Tu es seule désormais et une même attaque ne peut marcher deux fois contre un Saint, l’avertit Shaina. _ Et tu as déjà utilisé toutes tes techniques contre nous, ajouta Geist. _ Naïves, pouffa Emony… Mon Innocent Glumness invoqué au paroxysme de ma puissance sera si rapide et puissant qu’il vous sera bien égal de savoir en quoi consiste l’arcane. Un seul coup que vous ne parviendriez pas à esquiver vous sera fatal. » Soudain, les trois femmes furent saisies en même temps d’un étrange pressentiment. _ « Le camp, s’inquiéta Geist. _ Tout à coup… Tous les cosmos ont disparu, confirma Shaina. » Marin, au centre, restait silencieuse : « Maudites soient les Dryades. Malgré la destruction de l’Utérus, elles auraient réussi à nous porter un coup fatal ?! Le temps presse. Le Ku Ken. Avec cette technique je peux faire croire que je porte un coup. Si je le déclenche en premier, en simulant le Ryu Sei Ken, j’obligerai Emony à dégainer aussitôt pour contrer et nous avoir toutes dans le champ de tir. » Elle pivota légèrement vers Geist tout en accroissant ce qu’il lui restait de cosmos : « Tu es prête Geist, il faut que nous soyons parfaitement synchrones. » Geist hocha la tête d’un geste d’approbation. C’est alors que Marin s’élança, poing détendu pour lâcher ses météores. Emony cria déjà victoire : « C’est pitoyable ! Regroupées comme vous êtes, c’en est trop facile ! Innocent Glumness ! » Frappe déployée à son tour, défigurée par la joie de la victoire, Emony relâcha tout son cosmos en ravageant le paysage. Ses coups de poings balancés à une vitesse proche de celle de la lumière pilonnèrent l’horizon, arrachèrent la végétation et les vestiges de la Grèce Antique. Le nuage de poussière levé l’empêchait de voir les corps démantibulés de ses victimes sans que cela ne l’incite à interrompre. Toutefois, un violent pincement à la nuque lui fit perdre l’usage de ses jambes. _ « Eagle Toe Flash, murmura Marin retombée en pic pied droit en avant depuis le ciel dans son cou. _ Thunder Claw, prirent en étau et en ch½ur Geist et Shaina ! » Tandis qu’Emony eut la colonne vertébrale brisée sur ce coup du lapin de Marin, Shaina lui planta de sa dernière main valide ses griffes en plein sommet du crâne, lui brisant ainsi son diadème, et Geist en plein pubis, transperçant la ceinture de sa Fane. Chacune poursuivant son geste, Shaina de haut en bas, Geist de bas en haut, les Griffes de Tonnerre s’entrecroisèrent et déchirèrent verticalement et profondément Emony. Brisant sa Fane, s’insinuant dans sa chair, lacérant son visage. A genoux, entourée des trois femmes, sa gorge arrachée ne parvenant à remplir ses poumons d’air tandis que par gerbes régulières son sang fuyait ses plaies, Emony aspirait dans un douloureux râle. Ses paupières arrachées laissaient crédules ses yeux rougis par le sang. Marin lui apporta alors la raison de sa défaite : « Tu étais persuadée de ta victoire et nous y avons contribué en te laissant admettre que tu étais plus rapide et que tu connaissais toutes nos techniques. Sur le premier point tu avais l’avantage en effet. Sur le second, tu m’as sous-estimé. Il me restait deux techniques non employées. Le Ku Ken est un coup illusoire. J’ai simulé le Ryu Sei Ken que tu connaissais déjà pour engager les hostilités et te faire dégainer. Sauf qu’au même moment, Geist utilisa le Phantom Genwaku Ken pour maintenir une image rémanente de nos positions. En réalité, nous avions déjà quitté nos places en poussant nos cosmos à leurs paroxysmes. Ton Innocent Glumness que tu as lancé avec suffisance n’a rien fait d’autre que de frapper le vide. J’étais au-dessus de toi, prête à retomber en piqué. Geist et Shaina sur chacun de tes flancs, à attendre que mon Eagle Toe Flash que tu ne connaissais pas et ne pouvais pas voir venir te désarçonne pour t’achever de leurs deux techniques, certes connues, mais mortelles et désormais imparables pour toi. » Marin lui tourna le dos tandis qu’elle glapissait. Succombant, sa peau flétrissait, elle commença à faner pour de bon. Geist, cruelle, la coucha au sol d’un coup de pied en pleine poitrine pour qu’elle suffoque dans son sang. Enfin, Shaina resta à la voir agoniser en la blessant psychologiquement davantage : « Certaines Dryades ont peut-être le niveau des Saints d’or. Mais toi tu n’en fais pas parti. » Malgré la douleur et la vexation, Emony resta un sourire aux lèvres. Elle pensait : « Le Jardin d’Eden… Notre diversion a donc permis sa résurgence. Tu as réussi Mère… Ma mission fut un succès… » Le vent balaya la fleur pourrie Emony, tandis que Shaina rejoignait tête baissée ses alliées qui ne pressaient pas le pas. Toutes les trois avaient senti qu’elles ne trouveraient que désolation dans ce qui restait du camp des femmes Saints… Flashback
_ « Je suis désolé de t’interrompre Eris, la coupe Mars, mais il va nous falloir conclure ton récit sur le chemin du retour. Je sens que mes hommes en ont bientôt fini en Argentine. _ Très bien. Une petite marche ne me fera pas de mal, répondit elle friponne. Tu ne seras pas déçu de découvrir ce qui se passa réellement au camp des femmes Saints… »
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« le: 28 Janvier 2022 à 14h06 »
Chapitre 79
En Argentine, dans le night-club, Tromos est aux portes de sa vengeance. En poussant la porte gardée, il débouche enfin sur un grand bureau. Celui-ci dispose d’un mur fait de télévisions retransmettant la vidéosurveillance de l’établissement. Affalé dans son siège en cuir, le propriétaire du Disfrute n’en revient pas : « Je ne pensais vraiment pas que tu arriverais jusqu’ici. C’est lorsque tu as vaincu facilement le monstre dans la cave que j’ai commencé à avoir des doutes… » L’ignoble individu dévoile enfin son visage à Tromos instantanément saisi. _ « … Tu as gagné, achève sa phrase le chef de gang. Je t’engage ! Je vais faire de toi un homme riche. Tu auras tout ce que tu veux. _ Tu… Tu n’as pas changé, reste un instant bouche-bée Tromos devant lui. Hormis quelques rides, tu restes le même que dans mes pires cauchemars. Un visage crapuleux, chauve avec tout le crâne tatoué, un menton carré et des dents pointues. _ On se connaît ?! _ Il y a vingt-et-un ans. Je n’étais qu’un petit garçon, frêle et innocent comme tous les enfants de huit ans. Un petit village dans lequel tu instaurais déjà la terreur. Tu obligeais les gens, de courageux ouvriers travaillant pour nourrir leurs familles, à te verser presque l’intégralité de leurs revenus, sous prétexte qu’ils vivaient dans une citée dont tu te prétendais maître. Tu te servais de cette zone résidentielle pour commencer tes basses besognes. Prostitution, trafic de drogues… » Toujours confortablement installé dans son siège, le malfaiteur s’allume une cigarette en se sentant glorifié par cette histoire. _ « Oh tu sais, j’ai commencé jeune à monter mon empire. Je ne me souviens pas de toi. _ Moi je me souviens de cette nuit où tu es venu en personne punir mon père, qui n’avait pas assez d’argent pour payer ta taxe clandestine. J’ai été le seul à avoir eu le temps de me cacher sous le lit de mes parents. Je me souviens de tout. De tes hommes battant mon père. Le laissant tout juste conscient, pour qu’il puisse te voir violer ma mère et déshonorer mon frère avant de les égorger. Je me remémore encore l’incapacité de ma petite s½ur à répondre, lorsque tu lui as demandé lequel des jumeaux d’un mois elle voulait sauver, alors que tu lui promettais qu’elle aussi s’en sortirait si elle choisissait. J’ai encore ses cris gravés dans ma mémoire lorsque tes hommes ont abusé d’elle, alors qu’elle n’était qu’une enfant pendant que tu m’étais le feu au berceau des deux bébés qui pleuraient car ils mourraient de faim. Et chaque jour, je me vois impuissant, à essayer de tirer mon père immobilisé pour le sauver du feu qui se propageait dans la maison. Il n’y a pas un instant, pas un soupir, durant lequel je ne me maudis pas d’avoir échoué et d’avoir laissé cette peur de petit garçon me forcer à prendre mes jambes à mon cou pour échapper au même sort que les miens. _ Mouais, recrache insensible Segador sa fumée… Une de mes aventures parmi tant d’autres. Loin d’être la plus palpitante ! _ Comment, s’avance le poing serré Tromos ?! » Contre toute attente, de chaque côté du large bureau, tapis dans l’ombre, sortent deux derniers hommes de main. _ « Je te présente les plus habiles tueurs de mon gang. Ils manient aussi bien tous les types d’armes que les styles de combats à mains nues. Je sens que tu vas m’offrir un spectacle beaucoup plus digne que celui de ta mère et ta s½ur dont je ne me souviens pas. » Ces mots suffisent à faire basculer définitivement Tromos dans cette soif de justice subjective que véhicule Vasiliás. Sans même laisser le moindre agent réagir, il les terrasse en les tranchant tous les deux en deux à hauteur du buste. _ « Le Berserker de la Royauté, notre Roi, a raison. Le mal doit être éradiqué à la source. Et je vais m’en charger avec toi. » Malgré sa fin imminente et inévitable, Segador se permet de se moquer de ses anges gardiens qui gisent au sol : « Les pauvres. Ils devaient manquer d’entraînement ! » Cette indifférence ne démotive pas l’Arèsien, au contraire. Il bondit sur Segador et se retient du mieux qu’il peut pour ne pas le tuer d’un seul coup. En le callant bien dans le creux de son siège, il lui assure : « Je vais te réserver les pires tourments que tu as commis. Et je te promets, moi, homme de parole, que tu perdras ton sourire narquois avant de rendre ton dernier souffle. » La cigarette lâchée sous le choc, Segador continue d’afficher sa mine sournoise alors que le mégot lui brûle la cuisse, comme pour annoncer que la tâche sera ardue…
En Grèce, les clients de la brasserie sont incommodés par les éclats de voix du couple contaminé par les Evil Seeds d’Eris. En intérieur, ils s’inquiètent des débris de vaisselles produits par la table retournée dans l’élan de colère de l’amoureux éconduit. Tandis qu’il lève la main en l’air pour réprimander sa bien-aimée, le serveur, amant secret de la cliente, se précipite vers lui. _ « Je crois que j’aurai mieux fait de commander un autre verre, soupire Mars. Tu as fait germer trop tôt ta graine, alors qu’il te reste encore beaucoup de péripéties à me raconter. _ Justement, nous avons tout le chemin du retour pour achever cette histoire. » Pris de panique et de colère, le serveur ramasse sur son passage une bouteille en verre. Il la fracasse sur la tête de l’homme irrité qui s’écroule inconscient au sol. Dès lors, sans qu’elle ne réalise vraiment pourquoi, prise d’un excès d’adrénaline en plein tourment, partagée entre la nostalgie d’un amour passé avec son compagnon qu’elle souhaite quitter et la fureur de l’instant, la cliente ramasse un couteau sur le sol. Elle poignarde en plein c½ur son amant, à qui elle en veut d’avoir frappé son petit ami. La foule en reste stupéfaite. Incapable de la moindre réaction. Interdit, ce dernier lâche le tesson de la bouteille qu’il a brisé sous le choc et s’écroule impuissant. Il tombe à côté du conjoint qui reprend ses esprits. Furieux envers sa compagne de son infidélité, il récupère le tesson et transperce à plusieurs reprises sa gorge. Les spectateurs, cette fois-ci, hurlent et fuient dans toutes directions. Seuls restent à proximité Kyoko et Mars qui se délectent du spectacle. L’homme trompé, devenu assassin, réalise son acharnement mais n’en perd pas son panache. Totalement recouvert du sang de sa bien-aimée, il finit par se lacérer son propre visage par culpabilité. Si profondément que lorsqu’il achève son acte, la douleur est trop atroce pour le supporter. Tandis qu’il convulse, Kyoko détendue devant les trois corps sur la terrasse déserte, récupère dans le seau à glace d’une table voisine une bouteille de champagne et deux coupes. _ « Voici ce qu’est la discorde. Voici un échantillon de tout ce que j’ai semé. _ Dans ce cas, entamons le chemin du retour tandis que tu termines de me raconter comment nous en sommes arrivés à un tel niveau de corruption chez l’homme, l’enjoint-il en piétinant le mourant qui se tortille au sol… »
Flashback Sur tout le Sanctuaire, semblable à un nuage de lucioles, les pétales de l’Utérus pleuvaient. Les villageois s’en émerveillaient, les prenaient dans la main, sans en percevoir le moindre effet. A l’Ouest, Marin esquivait ces Evil Seeds tout en écrasant une à une les Dryades qui éclosaient sur son chemin. _ « Le camp des femmes a été ciblé. Qu’on me barre ainsi la route n’est pas anodin. Et cette frappe à cet endroit précis ne peut qu’être un stratagème pour focaliser notre attention. Il s’agit à coup sûr d’une diversion. Ces fleurs feraient-elles parties du plan ? J’aurai peut-être dû prendre Seiya avec moi ! Même s’il a encore beaucoup à apprendre, son niveau actuel m’aurait permis de me déblayer le passage ! » Tout à coup, comme pour exaucer son besoin de renforts, deux voix familières lui parvinrent. _ « Funerary Torments ! » _ Mavrou Tripa ! » Sergent et vétéran du domaine, Circinus du Compas balaya toutes les Dryades encerclant Marin. Son supérieur, Misty du Lézard déblaya l’horizon devant eux. Le Saint de bronze et son lieutenant se joignirent à la bataille. Misty l’encouragea à plus forte raison qu’en qualité de capitaine de l’armée il était le meneur de sa caste : « Allons Marin ! Il faut faire vite ! Nous allons t’escorter ! » Tous trois reprirent la route à grandes enjambées.
Dans la forêt, Emony pleurait devant les morceaux déchirés de son ours en peluche. _ « Quelle méchante dame Mick ! Je t’ai vengé en lui donnant une bonne leçon. » Dans son dos, Geist était inconsciente, prisonnière du Lunatic Bind. _ « Bien. Je vais rejoindre Bunyip maintenant. Heureusement qu’il me reste mon animal de compagnie pour me consoler. _ Attends, lui répondit la tête arrachée de Mick ! _ Mick, s’étonna-t-elle, ce n’est pas possible ?! Tu ne parles pas ?! _ Je ne suis pas censé cracher du feu non plus, articula-t-il les lèvres. _ Mais si tu fais cela, c’est parce que je t’enchante avec mon cosmos ! Donc là, si tu parles, c’est que… » Elle se tourna d’instinct vers Geist toujours étendue. _ « C’est que quelqu’un est capable de produire des illusions avec le sien, poursuivit Mick. » L’ourson lui balança une déflagration semblable à celle reçue par Rumi. Prise à revers, Emony fut balayée dans un cri de souffrance par son propre piège. _ « Phantom Genwaku Ken, se redressa Geist en invoquant son arcane ! » Retombée tête la première, face contre sol, Emony pleurnicha de colère. Comme une enfant gâtée, elle tapotait des poings en se relevant : « Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Comment peux-tu ?! Tu as joué avec Mick alors que je ne t’y ai même pas autorisé ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! Tu vas payer ! » Aussitôt sa crise passée, Emony fixa du coin de l’½il Geist avant de foncer sur elle à une vitesse que la mercenaire ne lui soupçonnait pas. Elle lui asséna un coup de tête. Reculant d’un pas, Geist voulu réagir mais sa droite brassa de l’air car Emony retomba au sol en tournoyant sur elle-même. A peine elle eut regagné le sol avec ses pieds, elle cogna à hauteur du genou avec sa jambe Geist, afin de la faire plier légèrement. Puis totalement, grâce à un direct du gauche dans l’estomac qui la fit se pencher en avant. Emony n’eut plus qu’à bondir vers l’avant pour frapper avec le sommet de son crâne le menton de Geist, afin de l’étourdir et déclencher sa seconde technique : « Innocent Glumness ! » Cette fois-ci, les lobélies prirent la forme de papillons par centaines qui rossèrent toutes la surface du corps de Geist. Elle retomba plus loin, incapable de réagir. _ « Tu pensais t’extraire facilement de mon Lunatic Bind n’est-ce pas ?! Certes il n’est pas parvenu à te faire plonger dans un cauchemar éternel, mais il a quand même absorbé peu à peu tes forces ! _ Voilà donc pourquoi il m’est difficile de répondre à ses mouvements alors que je parviens à les lire, grommela Geist en se relevant. _ L’Innocent Glumness est une technique de coups plus directs. Maintenant que tu es affaiblie, ce coup à la vitesse du son me suffit. _ J’ai donc perdue en vitesse et en force de frappe. Mon prochain coup devra donc t’être fatal ! Phantom Genwaku Ken ! » Cette fois-ci un varan énorme se matérialisa entre Geist et Emony. En tournoyant sur lui-même, l’animal asséna un coup de queue qu’Emony esquiva sans mal. Dans son geste, elle recula jusqu’au fronton d’un temple en ruine couvert de mousse. C’est là qu’Emony se retrouva immobilisée malgré elle. Geist matérialisa de nombreux avant-bras similaires à ceux de sa protection pour la clouer contre la pierre. Profitant de la restriction et de l’effet de surprise, Geist apparut à la vitesse du son devant la gamine. Elle planta ses griffes dans ses yeux et ses joues avant de libérer tout son cosmos : « Thunder Claw ! » Dans la gerbe de sang qui jaillit de la prise, s’insinua la foudre libérée par les Griffes de Tonnerre. Parcourue au plus profond de ses entrailles par les éclairs, Emony convulsa pendant que sa peau noircissait sous la combustion… A la sortie d’Honkios, dans le canyon délimitant la ville au reste du domaine, Shaina pouvait compter sur la force colossale de son élève pour assurer ses arrières. L’Italienne taillait en pièce chaque adversaire. Comme de la mauvaise herbe, aussitôt une déracinée, trois autres poussaient. Cassios veillait à ce que celle qu’il aimait en secret ne soit pas prise à revers. Ecrasant leurs crânes entre ses mains, broyant leurs os, les repoussant par de grosses charges, il se démenait comme un diable tout en faisant la fierté du Saint d’argent de l’Ophiuchus. _ « Cassios a énormément progressé ces dernières semaines. Néanmoins, sa maîtrise du cosmos reste limitée. Son endurance faiblit. Il s’épuise et bientôt, il n’arrivera plus à me suivre. La route vers le camp est encore longue. J’ai senti le cosmos de Geist brûler intensément avant de faiblir. Je dois vite la retrouver. Mais je ne peux pas abandonner Cassios ici. Il se fera vite submerger… » C’est alors que la voix roque d’un ami la sortit de ses pensées : « Herakles Mo Shu Ken ! » Deux météores immenses vinrent heurter la base d’une falaise et ensevelir pas moins de la moitié des Dryades qui bloquaient le passage. Tombant à en secouer le sol devant son frère les mains sur les genoux, Docrates se joignit à la bataille : « Allons Cassios ! Un peu plus de cran ! Après tout, tu concoures pour devenir Saint ! Tu ne veux pas finir mercenaire comme ton frère ! » Cassios sourit de joie, comme Shaina sous son masque. _ « Docrates ! Ton aide sera la bienvenue, lâcha-t-elle. _ Et les notre ne seront pas de trop non plus, ajouta une nouvelle silhouette postée en haut d’un rocher. _ Algol ! Lieutenant du Nord ! _ Je ne suis pas seul, hocha la tête vers sa gauche le bien nommé. » En effet, trois autres Saints d’argent venus de l’Est tombaient à pic. _ « Dio ! Sirius ! Algethi ! Le trio argenté ! Lieutenants de l’Est ! Vous êtes là aussi, s’enthousiasma Shaina ! _ Tous les guerriers, Saints, soldats ou apprentis, se réunissent autour du camp pour bloquer la retraite des Dryades et escorter les femmes Saints souhaitant apporter leurs renforts, commença Dio. _ Il est donc normal que nous nous rejoignons tous, poursuivit Sirius. _ Nous allons te dégager le passage jusqu’au camp, entrechoqua ses poings Algethi ! »
Sur l’Utérus, au cinquième étage, Georg avait le visage plaqué sur le sol de glace. La fraîcheur du parterre soulageait ses plaies, tandis que l’eau qui ruisselait des colonnes nettoyait son sang en rejoignant l’évacuation au centre de la plateforme. _ « Parmi les Saints d’argent, je sais que je ne fais pas parti des plus rapides, songea-t-il. Mais lui, il fait clairement parti des Saints d’exception de notre caste. Pourtant, la force de frappe de mon éclair peut clairement le vaincre… S’il n’avait pas ce maudit bouclier ! _ C’est presque trop facile, le sortit Jan de ses songes. C’est à se demander ce qu’a donné l’instruction des Saints depuis ces derniers siècles, se tourna-t-il en direction du quatrième niveau. _ Je ne peux pas abandonner maintenant, se résigna Georg. S’il descend par-là d’où je viens, il prendra Juan en étau avec son adversaire ! » Faisant irradier son cosmos dans son dos, dessinant la constellation de la Croix du Sud, Georg reprit sa garde : « Attends ! » Jan se dissimula aussitôt derrière une colonne de glace pour jouer de son reflet. _ « Alors la leçon ne t’a pas suffi ? _ Le combat n’est pas encore terminé, tira-t-il un éclair en direction de Jan en détruisant trois piliers sur son passage. » Jan dégagea l’éclair d’un revers de bouclier avant d’aller se cacher derrière un autre. _ « Mais qu’est-ce que tu veux faire pauvre fou ? Briser tous les piliers de ce niveau ?! Un tel geste ferait s’effondrer le niveau supérieur qui écraserait tous les étages inférieurs et précipiterait tes amis dans une mort certaine. Est-ce ce que tu veux ? » La clairvoyance de Jan le désarçonna. Jan ne se cachait pas par faiblesse depuis le début. Il n’agissait ainsi que par stratégie. Dans le but d’entraver les actions entreprises par Georg. _ « Il a raison, serra les dents Georg de colère. A moins de faire mouche avec un éclair dans lequel j’aurai mis toutes mes forces, je ne pourrai pas éternellement détruire la structure. Mais si je réduis ma force de frappe pour épargner les colonnes, je ne viendrai jamais à bout de lui, baissa-t-il sa garde. _ Puisque tu veux mourir je vais exaucer ton v½u, le provoqua Jan ! » Une goutte d’eau tomba du plafond de glace sur le sommet du crâne du Saint. Ses yeux s’écarquillèrent alors en grand : « Un éclair ne suffira pas ! Je dois d’abord l’immobiliser pour ensuite déchaîner contre lui toute ma cosmo énergie ! » Une seconde, puis une troisième goutte, suivirent la première. Avant qu’un filet d’eau ne s’en suive. Serrant les poings et grondant pour se donner du courage, Georg poussa son cosmos à son paroxysme : « Oh non je ne souhaite pas mourir ! J’ai une mission bien trop grande à remplir pour accepter de mourir en espérant que les générations futures me libéreront ensuite du Cocyte ! C’est aux Saints de cette génération et à moi-même de faire ce qu’il faut afin de ne pas revenir un jour en Ghost Saint fanfaronner sur nos exploits passés qui n’ont pourtant servi à rien ! Alors aujourd’hui, comme demain, je lutterai jusqu’au bout pour ne pas mourir ! Geistig Blitz ! » Alors qu’il attendait dissimulé derrière un pilier cristallin qu’un nouvel éclair balaye l’horizon jusqu’à lui, Jan constata désarçonné que Georg libéra une simple fulgurance en direction du plafond. Plus précisément, sur le filet d’eau qui lui gouttait dessus. Aussitôt, l’étage tout entier resplendit d’éclairs qui se répandaient du sol au plafond, d’un pilier à l’autre. L’effet miroir de la structure électrisa Jan frappé de toute part. Soulevé du sol, pris par d’innombrables spasmes en raison du courant qui traversait son corps, il ne perdit pas pour autant son air narquois. _ « Tu as beau sourire, ton bouclier ne t’est plus d’aucune utilité ici ! _ Qu’importe ! Pour conduire ton électricité sans briser la structure tu en as réduit la force ! C’est bien trop peu pour me vaincre ! _ Alors je viendrai te briser moi-même ! » Gardant son index droit pointé au plafond, Georg fonça le poing gauche chargé de cosmos sur Jan : « Geistig Blitz ! » Malgré ses contractions, Jan demeura plus rapide que le Saint et se cacha derrière son bouclier pour contrer à nouveau le poing d’éclair. Poing contre bouclier, index au plafond, Georg se servit alors de la conduction de l’électricité dans l’étage pour pousser davantage son cosmos contre Jan, tout en prenant soin de localiser l’impact. Les spasmes devinrent alors plus conséquents. A chaque mouvement de membres, les vaisseaux sanguins de Jan bouillonnaient un peu plus, éclatant l’un après l’autre. La Leaf ne tint pas plus longtemps et, à l’endroit même où son corps se meurtrissait, la protection s’ébréchait. Le Ghost Saint abandonna sa mine provocatrice et s’inquiéta plus sérieusement de la situation. L’Ecu, symbole de sa constellation, irradia dans son dos tandis que les éclairs crépitaient sur sa peau. Plus son cosmos émanait de lui, plus les éclairs étaient repoussés. _ « C’est impossible, vit Georg la victoire s’échapper un peu plus ! » Enfin, il dégagea de son être une bulle de cosmos qui lui servit de bouclier contre lequel ricochèrent sans effets les éclairs. Toujours en lévitation, cette fois-ci grâce à l’effet de son blindage, Jan tournoya de plus belle : « Je t’avais dit qu’au-delà de mon armure, j’avais fait de mon cosmos et de mon être un bouclier ! Bone Crush Screw ! » La Vrille Briseuse d’Os retomba sur Georg qui resta immobile, abandonnant sa conduction d’électricité après avoir raidi son corps, comme s’il contractait tous ses muscles pour tenter d’encaisser l’attaque. Au moment du choc, Jan perfora le sol, passant au travers de Georg dont la silhouette apparaissait pourtant encore. _ « Geistig Blitz ! » Georg usa de faisceaux d’éclairs pour laisser dans la rétine de Jan son image rémanente. Jan comprit trop tard qu’il s’était empêtré dans la silhouette résiduelle faite d’éclairs. C’est quand il constata que le vrai Georg était face à lui, prêt à décocher un nouveau coup, qu’il comprit que la crispation de Georg plus tôt n’était en fait qu’une accumulation de cosmos. Jan était prisonnier de son coup le plus puissamment frappé. Dès lors, son cosmos et ses gestes entravés par la cage de foudre, il lui fut impossible de dresser son bouclier devant lui. Jan voyait son autre point fort, après la défense, sa vitesse, être obstrué. _ « Geistig Blitz ! » Héros du passé, au prix d’un effort considérable, s’en rompant les nerfs, le Ghost Saint de l’Ecu réussit au dernier instant à ériger son écu devant lui pour se protéger. Toutefois, c’est un nouveau Georg fantôme d’éclairs qui vint choquer contre. _ « Comment, déplorait d’incompréhension Jan ?! _ Geistig Blitz, relança cette fois-ci juste sous ses yeux le vrai Georg ! » Là, Georg put pallier à sa lenteur en déclenchant sa plus grosse qualité, sa force de frappe. Le poing chargé de tout son cosmos, il libéra une boule d’éclairs. Son coup traversa net l’écu, arracha le haut du bras puis pénétra le c½ur de Jan. Interloqué, reprenant difficilement son souffle, le Ghost Saint eut le regard brisé. Tenant encore debout grâce au poing logé dans sa poitrine, il balbutia : « Plutôt que frapper par violentes ondes de choc… Tu as concentré ta force en des points précis… Pour m’immobiliser… M’affaiblir… Puis amoindrir la résistance de mon bouclier… Tout ça en transformant ton corps en bouclier d’éclairs… Des éclairs qui ont finis par me transpercer… Le meilleur bouclier… Au service de la meilleure attaque… C’est toi qui les as détenus au cours de ce combat… Ma trahison envers Athéna me réservera des châtiments encore pires que le Cocyte à présent… Ne tombe jamais dans mes travers… Ne regrette rien… Et tiens parole… Que ta génération et toi-même alliez au bout de ces Guerres Saintes… Libérez le monde de ces dieux tortionnaires… » Puis, balayé par une bourrasque qui rafraîchit l’étage, Jan s’émietta comme les feuilles d’une fleur fanée emportée au gré du vent. Au bord de l’épuisement, Georg commença à flancher quand soudain un bras au large écu le soutint. Celui-ci était argenté et familier. _ « Heureusement qu’une fois de plus j’étais là, badina Juan ! _ Te voilà enfin arrivé, il t’en aura fallu du temps, grimaça de douleur Georg ! _ Si peu, commença-t-il à flancher à son tour avant que Georg ne le retienne. _ Je pense qu’en nous soutenant l’un l’autre nous arriverons les premiers au palais d’Eris pointa-t-il du doigt l’escalier de cristal droit devant eux. »
En dessous d’eux, au dehors de la salle de l’Utérus où Aiolia combattait, il ne restait plus rien. Le choc de l’affrontement entre Mayura et Até avait emporté tout l’étage. Il n’y avait guère que les colonnes, désormais toutes effritées, qui soutenaient tant bien que mal les niveaux supérieurs. Les nombreux couloirs, les ornements et autres décorations, tout avait été arraché. Les murs emportés. Le jour passait et traversait l’étage par tout son pourtour. Sur le sol de pierres blanchies, creusé comme le plafond par l’explosion, Mayura, fort diminuée, redressait difficilement son buste. Tenant sa tête au masque fissuré depuis son impact à l’½il, elle chercha instinctivement son ennemie. Celle-ci avait repris forme humaine. Du moins, pour ce qu’il en restait. Até rampait à l’aide de son seul bras gauche. L’autre ainsi que ses jambes furent emportés. Ses cheveux avaient brûlé. Ses dents brisées étaient visibles puisque sa mâchoire était fracturée. Néanmoins, elle paraissait plus prompte à achever son adversaire que ne l’était Mayura. Etourdie, engourdie, la Saint d’argent voyant poindre le danger sans pouvoir s’en dépêtrer. C’est alors que la voix salvatrice de Rigel la rassura : « Ignis Fatuus. » Des flammes bleues et blanches encerclèrent alors Até avant de se replier sur elle. Recroquevillée sur elle-même, la Dryade fixait avec désarroi l’amant de Kyoko qui la toisait avec dédain. Carbonisée peu à peu, Até put voir dans les yeux de Rigel sa ranc½ur envers elle après l’assaut du Sanctuaire. Rigel acheva le tas de cendres en le piétinant. Il aida ensuite Mayura à se remettre sur pieds : « Félicitations Mayura, tu es venue à bout de la chef des Dryades. _ Je n’y serai pas parvenue sans toi, assura-t-elle avec modestie tout en touchant l’armure corrodée de son ami. _ Oui, comprit-il, j’ai moi-même rencontré quelques obstacles avant d’arriver jusqu’ici. » Pour accompagner leurs congratulations, un tapotement de main, mimant lentement un applaudissement, les ramena à eux. Vêtue de sa toge de Saintia, dissimulée sous un masque de démon, Olivia se joignit à eux. Le masque noir et amarante contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux. C’est cela et ses cheveux violets qui induirent Rigel en erreur : « Kyoko, s’éprit-il en avançant spontanément vers elle ! _ Non, le retint Mayura par le bras ! Elle lui ressemble, son aura lui ressemble, mais si tu te concentres bien, tu verras que ce n’est pas elle. » Le Saint d’Orion stoppa sa progression et s’exécuta. _ « En effet. Leurs cosmos sont familiers à bien des points. Mais ce n’est pas le sien. _ Rejoins Eris et vite. Laisse-moi avec elle. Tu ne l’intéresses pas. Pas encore en tout cas. _ Pas encore ?! _ Elle se serait déjà mise en travers de ta route si ça avait été le cas. » Rigel s’exécuta alors. Il prit la direction empruntée plus tôt par Juan et Georg en prenant soin de ne pas perdre de vue Olivia de crainte de subir une attaque dans le dos. Une fois seules, Olivia ôta son masque pour fixer de ses grands et beaux yeux bleus la femme Saint. _ « Je ne sais vraiment pas comment vous faites les femmes chevaliers pour porter un masque à longueur de temps. _ Tu aurais peut-être pourtant dû en porter un à l’époque vu comme tu t’es détourné du v½u pieux des Saintias. Une vie de Saint plutôt que de Saintia t’aurait mieux convenu. _ Toujours à redresser les torts de tes semblables Mayura, souriait-elle de sa mine angélique. Certaines choses ne changeront jamais. _ Contrairement à d’autres. Malgré que tu ais trahi le serment chaste des Saintias, je ne t’aurai jamais cru capable de te lier un jour à Eris en tant que Fantôme. _ Elle est ma fille. C’est tout naturellement que je me suis jointe à elle. Quand dans les entrailles du Sanctuaire l’Utérus m’annonçait le retour d’Eris qui se réincarnerait en une de mes filles, j’ai toujours pensé que Shoko serait choisie mais… _ Mais au final Kyoko était toute disposée ! Après tout, elle suivait le digne chemin prit par sa mère ! » Pour réponse, Olivia arracha sa tunique. Habillant son corps nu, une Leaf fine et moulante épousait son corps. Cette fois-ci couverte de ténèbres et de sang, Olivia garda son sang-froid. _ « Tout à fait. D’ailleurs je trouve qu’elle a meilleur goût que moi pour les hommes. Ce Rigel est très beau et parait bien plus sincère en amour qu’il ne l’est en chevalerie, contrairement au père de mes enfants. _ Aeson n’a fait que son devoir. C’était la pire punition qu’il put recevoir pour expier sa faute. Le fait qu’il l’accomplisse était tout à son honneur. _ Comme tu as accompli le tien mon amie, restait-elle douce. _ Si j’ai accepté de confier tes filles à un soldat du Sanctuaire, c’était justement par fidélité en notre amitié. Nous avons fait nos classes ensemble. Je ne pouvais pas laisser tes enfants, nées d’un péché à l’encontre d’Athéna, être condamnées à mort. La sentence dans ce cas est irrévocable. Et pourtant, en prenant le risque d’être désavouée et en le demandant au Grand Pope, j’ai obtenu pour elles la vie. _ En les cachant à leur vrai père, les condamnant à une vie de misère, tu n’as surtout pensé qu’à sauver ta peau. _ Pardon ?! _ Tu savais très bien pour l’existence de mes enfants. Tu étais présente lors des missions extérieures auxquelles j’ai pris soin de participer, pour vivre secrètement et loin du Sanctuaire mes deux grossesses. Tu savais qu’à chaque retour je les confiais à Aeson et venais les visiter en secret. Et quand nous fûmes découverts par le Pope, tu as surtout eu peur qu’il comprenne que tu étais dans la confidence et que tu sois condamnée toi aussi. _ Tu sais très bien que si cela avait pu t’épargner, j’aurai donné ma vie à ta place pour que ces enfants vivent auprès de leur mère. _ Balivernes ! Au lieu de ça tu es montée dans la hiérarchie au point d’être reconnue de tous ! De devenir la femme Saint la plus puissante du Sanctuaire ! Allant jusqu’à t’attirer les faveurs d’un des plus dignes Saint d’or ! _ Tu es devenue complètement folle. Du moins… Tu l’as toujours été… Par deux fois, à chaque naissance de tes enfants, je lisais dans le ciel qu’elles étaient nées sous la même étoile de mauvais augure. Je pensais que c’était ton parjure qui les avait condamnées. Mais en réalité, c’était l’essence même de ta personnalité qui a empoisonné leur destin. _ Comme nos bons vieux coups de gueule m’avaient manqué. Je sens que notre réunion de famille va être palpitante. _ Notre réunion de famille ?! _ Qui crois-tu que Rigel va trouver sur son chemin ? Son maître Aeson ? Ma fille ? Les deux peut-être ? Il ne manque que toi et moi à la fête ! _ Tout… Tout ceci… Tout ce qui se passe ici… Tout ça n’est donc qu’une mascarade ? _ Je peux te le dire puisque tu n’y survivras pas. C’était l’occasion pour ma fille de régler ses comptes avant que nous ne disparaissions un moment. Il ne manque hélas que Shoko. Mais nous aurons plaisir à la rallier à nous lorsque le vrai moment sera venu pour Eris d’être sur le devant de la scène, en pleine disposition de ses moyens. _ Rallier Shoko ?! _ Comme moi, écarta-t-elle les bras d’un air chaleureux. Comme Aeson le fera, pétri de remords qu’il est. Comme Rigel le fera, amoureux éperdu qu’il est. Bientôt les Dryades ne seront plus que des sous-fifres dirigés par les Fantômes d’Eris, notre famille enfin réunie. _ Tu es complètement folle, je dois t’arrêter coûte que coûte, dit Mayura en se mettant garde. » Tout en paraissant délicate, Olivia concentra sa cosmo énergie. Elle dessina dans son dos une chouette d’un blanc immaculé. _ « Symbole d’Athéna, je ne garde de la chouette que ses chuintements, ses cris stridents, son vol fantomatique et ses cavalcades, afin d’accréditer une présence spectrale. La chouette effraie, appelée communément la dame blanche, va te dévorer ! » La chouette cosmique déploya ses ailes pour faire face au plumage radieux du Paon. Le plumage d’Olivia devenait de plus en plus grand. Menaçant. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile devint un voile, un effluve spectral. _ « Je vais supprimer le poison qui se niche dans ton c½ur : Hisen Hajakuchobuku, s’élança Mayura en première ! » Les yeux noirs de la chouette transpercèrent en plein élan Mayura, perçant chaque épaule pour mieux stopper sa course et l’immobiliser. La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte vint engloutir la Saint d’argent à la tentative annihilée. _ « Yokai O Musabori Kuu ! »
Dans la salle du c½ur de l’Utérus, le sang s’étirait du visage d’Aiolia jusqu’au sol sous la forme de filaments. A genoux, commotionné, écorché et estropié, Aiolia distinguait mal ses adversaires de ses yeux gonflés d’hématomes. Hysminai posait sa main sur le torse de Galan pour le féliciter. Le corps du Fantôme profitait des clignotements rubiconds du c½ur de l’Utérus pour résorber ses blessures. Des écorces de bois cicatrisaient ses plaies. _ « Son King’s Roar est de plus en plus fort et de plus en plus développé à chaque utilisation. Eris a gorgé sa vie de plus de puissance, constatait Aiolia. Et l’Utérus le dope continuellement, allant jusqu’à le transformer en monstre. J’ai tellement été abasourdi par la nouvelle de sa mort, que je me suis refusé de le condamner à nouveau. J’aurai tellement aimé l’épargner… Le sauver… Mais là… Il n’a plus rien d’humain… Ce monstre risque de me surpasser. Et avec cette Dryade de haut niveau, je risque d’échouer. » Peinant à se mettre debout, Aiolia redressa d’abord son buste en se forçant à rester à genoux. Galan, pris au piège de l’Evil Seed planté en lui de force, resta admiratif. L’image du jeune Aiolia qui se teintait les cheveux de cuivre il y a presque dix ans, mais qui faisait déjà preuve d’une grande détermination, lui revint en mémoire. Pour taire la douleur, Aiolia fit brûler son cosmos à son paroxysme. Galan ne put refreiner de son ½il humain une larme de compassion. Son geste de courage agrandit les plaies du chevalier. Son cosmos scintillant fuyait son corps en se mêlant à son sang. Prenant du plaisir en admirant la douleur d’Aiolia, Hysminai commenta : « Son corps meurtri ne peut contenir un tel flot d’énergie. Ses hémorragies font s’aggraver. Son sang va s’échapper. Il va se vider de son cosmos. Du coup, il ne pourra concentrer en lui aucune force. Il est à ma merci. » Ne réalisant pas que le cosmos d’or s’extirpait des particules de sang et remontait dans les airs, Hysminai fonça sur Aiolia. Temporairement émancipé de l’Utérus, Galan identifia l’attitude d’Aiolia : « Photon Invoke. » _ « Cette technique est à double tranchant… J’ai besoin d’encore un petit peu de temps… Je ne vois pas d’autre moyen de détruire l’Utérus. Mais il va falloir que je me débarrasse d’Hysminai avant qu’elle ne se rende compte de la supercherie. » Lorsqu’elle arrive à sa portée, il déclencha un Lightning Plasma dont elle ne soupçonna ni la force ni la vitesse. Elle s’écrasa plus loin au sol après avoir été repoussée dans les airs. _ « Ah ! Il te restait encore tant de forces, se rétablit-elle avant de sourire, mais c’est désormais trop peu pour me résister. » Aussitôt, des entailles nouvelles et profondes déchirèrent la peau d’Aiolia qui n’avait rien vu de la contre-attaque : « Elle se relève comme si de rien n’était, s’inquiéta-t-il. Normalement cette attaque aurait dû la diminuer davantage… _ Tu te demandes comme se fait-il que je contre tes attaques et les encaisse si bien, lut-elle presque dans ses pensées ? Regarde tes cuisses, sur lesquelles tu prends puissamment tes appuis lorsque tu attaques. Regarde tes bras, desquels tu fais jaillir ta force. Depuis le début du combat, ces points sont lacérés de plus en plus profondément. Laissant mon cosmos s’insinuer en toi. Il t’empoisonne. Et tandis que ta vie se dérobe, je peux maintenant voir la vitesse de ta technique décélérer et comprendre quels coups encore mortels je dois esquiver et ceux que je peux encore encaisser. Tout en ayant le temps de placer ma technique. Serrated Blade, repartit-elle à nouveau à l’assaut ! _ J’encaisserai tes lames jusqu’au bout ! Tant que je n’aurai pas eu raison de toi ! Lightning Plasma, lui barra-t-il la route de son bras droit ! » Hysminai se fraya un chemin entre les jets de lumière. Ses boomerangs coupants pénétraient sa peau et entamaient chaque fois un peu plus profondément sa Cloth. Quelques heurts ralentirent malgré tout la progression d’Hysminai et, lorsqu’elle arriva à hauteur du Lion pour lui trancher la tête, il lui barra la route en dressant son bras gauche chargée d’une boule de cosmos crépitant d’éclairs. Au contact de la Dryade, ce Lightning Bolt doubla de volume pour avaler sa poitrine puis doubla à nouveau pour engloutir son corps tout entier et la repousser jusqu’au précipice, la Leaf arrachée. Tête baissée, visage ombragé, Aiolia semblait avoir perdu connaissance après un tel exploit. Dans la salle, les particules de cosmos libérées par ses effusions de sang gagnaient encore en puissance et en éclat. Elles demeuraient en suspension dans l’air comme une nuée d’insectes. Bras encore tendu, instinctivement combatif, Aiolia fut ramené à lui par une douleur lui déchirant les entrailles. Son premier réflexe fut de chercher Hysminai. Cependant, celle-ci demeurait étourdie là où il l’avait vu retomber quelques secondes plus tôt sous le coup du Lightning Bolt lancé par surprise. En baissant son visage ruisselant de sang, il identifia la douleur en reconnaissant quelque chose de semblable à une branche qui lui a perforé les côtes droites du dos vers le ventre. Légèrement suspendu dans les airs par le bras difforme et allongé de Galan, il pivota son buste en derrière. _ « Non… Ce n’est pas vrai… Il y en a marre… » Encore une fois, le Fantôme avait un élan belliqueux, l’Utérus l’avait réinvesti. Malgré tout, Galan continuait de reconnaître la technique à venir d’Aiolia : « Cosmo Open. » A cet instant, Aiolia comprit : « Il s’est souvenu des étapes de ma technique. Et l’Utérus en infiltrant sa mémoire anticipe. » De nouveau, le Fantôme développa une dysmorphie encore plus grossière, témoignant de la surenchère de puissance qui rongeait Galan. Pour la première fois, il ne put contenir un hurlement. Véritable rugissement de folie et de souffrance. Son membre végétal grossissait de l’épaule au bout de ses doigts, agrandissant ainsi l’orifice qui maintenait Aiolia suspendu. Tandis qu’il déplorait son impuissance, épargné encore de l’écartèlement grâce à sa Cloth d’or qui s’évertuait dans de très aigus crissements à ne pas se briser davantage malgré la trouée faite dans son buste, Aiolia eut le souffle coupé en voyant Hysminai déjà reparti à l’assaut. Le plastron détruit, le casque brisé, les crans aux bras et aux coudes arrachés, la Dryade brandissait au-dessus de sa tête un morceau de lame de sa Leaf qu’elle ramassa dans la mare de sang où elle gisait plus tôt. A sa merci, Aiolia compta sur des abdominaux quotidiennement travaillés pour se gainer à la dernière seconde et opposer d’un mouvement acrobatique le poing de Galan sortant de sa poitrine plutôt que le sommet de son crâne. Le geste désespéré de la Dryade amputa Galan et permit à Aiolia de s’en extirper dans une vague de sang. Ne pouvant contenir l’hémorragie que maintenait la pression du bras de Galan dans sa plaie, Aiolia fut emporté avec Hysminai par la vague de sève qui fuyait également l’amputation de Galan. Le vert blanchâtre de sa sève roula les deux opposants plus loin, laissant au sol une traînée de liquide visqueux. Très vite, la plaie de Galan cicatrisa pour laisser apparaître par-dessus son moignon de nouvelles pousses déjà prêtes à éclore. En même temps, à terre, la sève s’évaporait sous l’effet de la chaleur du sang doré d’Aiolia. Celui-ci rejoignait en de nouvelles particules toutes les autres déjà en suspens dans l’atmosphère. Au bord du précipice, ruisselant d’hémoglobine, Aiolia commença à se tenir à nouveau sur ses jambes. Quand tout à coup, Hysminai, dépassée par la situation, les lui balaya pour entamer un corps à corps. Meurtrie par ses blessures, elle était devenue trop lente pour mettre en danger le Lion. Ses coups de poings faisaient mouche mais ne parvenait en rien à faire incliner Aiolia. Chacun leur tour, l’un frappait l’autre. Tour après tour, la jeune femme se remettait de plus en plus difficilement de chaque coup encaissé et frappait de moins en moins fort les siens. Condamnée, elle fut sauvée par un dernier rugissement de Galan. Ce qui restait de sa Leaf avait volé sous la pression de son corps aux proportions absurdes. Putréfiée comme un fruit trop mûr, son épiderme craquelait pour laisser couler sur son corps un fluide oscillant entre le vert Véronèse et le marron. Il se jeta sur Aiolia alors qu’Hysminai était à sa merci. _ « Bordel ! Ce n’est pas vrai ! Ça ne va pas recommencer ! _ Oui ! Vas-y Fantôme d’Eris ! Accompli la volonté de l’Utérus et offre-toi une vraie vie bien plus héroïque que ta minable existence humaine ! » Aiolia ferma les yeux un instant, désespérément. Reprenant son souffle. Puis expirant plus posément. Abandonnant toute défense, tenant de sa main gauche son poignet droit qu’il leva en l’air, Aiolia tempéra les propos d’Hysminai : « Galan. Tu as vécu ta vie. Peut-être pas une vie aussi grande ni aussi belle que celle que tu aurais aimé. Mais cette nouvelle existence menace celle d’autres vies prometteuses et innocentes. Comme celle de Lithos… _ Toutes ces particules, remarqua enfin Hysminai les scintillements dans l’air… On se croirait dans l’espace… Au milieu des étoiles, commença-t-elle à tendre la main vers l’une d’elle… » La lumière se posa dans sa main puis pénétra à l’intérieur. Puis d’autres lui tombèrent dessus, sans la moindre douleur. Elles disparaissaient en son sein. En faisant le tour d’elle-même, le phénomène se produisait de même sorte sur Galan et l’Utérus. _ « … Elles traversent la matière, à la manière, écarquilla-t-elle en grand les yeux lorsqu’elle comprit trop tard, de véritables photons ! » Bras au ciel, Aiolia provoquait le déplacement des photons vers ses adversaires. Les bras grands ouverts pour mieux le capturer dans son étreinte, le front suintant de décomposition, Galan bava : « Photon Drive ! » Hysminai aussi commença à se jeter sur le Saint d’or. La menace était si sérieuse que la scène lui parût interminable. Comme bloquée, au ralenti, avec Galan, coupée de cette dimension, élancée dans les airs, elle était suspendue aux lèvres d’Aiolia qui poursuivait sa déclaration à Galan : « … Pour cela, je ne peux te laisser continuer. Mais avant de mettre un terme à cette torture qu’Eris t’inflige, je veux que tu saches que pour moi, ta vie fut grande. Tu fus un grand homme. Par ton sens du devoir, du sacrifice, pour ceux que tu aimes. Pour ta patience et ta foi envers un Sanctuaire qui ne t’a rien épargné. Tu as éduqué et canalisé le lionceau que j’étais. Tu m’as fait devenir lion après que le chaton a marché dans tes pas de grand fauve. Tu n’es pas un lion noir au service d’Eris. Tu es un lion majestueux à la crinière flamboyante. Et c’est des crocs du jeune animal, que tu as épaulé que tu vas pouvoir reposer en paix à jamais ! _ De quelle paix lui parles-tu, vociféra Hysminai toute proche ? Il sera condamné aux Enfers et torturé pour l’éternité si tu l’élimines aujourd’hui ! _ Dans ce cas Galan, ferma-t-il les yeux alors que ses deux adversaires étaient arrivés à un cheveu de lui, je te fais la promesse que nous détruirons le royaume d’Hadès et te libérerons du joug de sa servitude, rouvrit-il les yeux pour le fixer avec détermination ! Que ce soit moi ! Ou un autre Saint de cette génération ! Je l’épaulerai ! Je lui donnerai ma vie pour qu’il y parvienne ! Mais je te le promets ! Et tu sais à quel point je suis un homme de parole Galan ! » Là, dans ses yeux devenus globuleux, Galan reprit dans son ½il bleu une expression chaleureuse. A cet instant, par millions, des trouées de lumière jaillirent de l’Utérus. Des pieds au sommet, d’un côté à l’autre, tel un soleil perçant un fin rideau de soie, les photons explosèrent. _ « Photon Burst, conclut le Saint d’or ! » Comme des lasers qui lui traversèrent les yeux, Hysminai fixa vainement Aiolia avant d’être anéantie de part en part. L’image de son invincible rival restant la dernière chose qu’elle emporta avec elle dans la mort. Irradiant d’un bout à l’autre, Galan acheva sa charge en étreignant Aiolia. Engourdi, incapable de se défendre, le chevalier ne sentit pas ses os se rompre. En effet, Galan ne cherchait plus à le briser. Il l’enlaçait affectueusement. Le poison quittait ses veines à mesure que les radiations jaillissaient de ses entrailles. Il lui murmura à l’oreille d’une voix aussi bienveillante que dans ses souvenirs : « Merci Aiolia. Pour aujourd’hui. Pour hier. Pour demain… » L'accolade devint moins insistante. Aiolia recula son buste et retrouva le Galan qu’il a affranchi. Amputé, borgne… et souriant. Au même moment, depuis les catacombes, une lumière solaire remontait et corrodait l’arbre. Etage après étage, la végétation s’assécha et abandonna le maintien de la structure qui tombait morceau après morceau. A commencer par le sous-sol où Milo vainquit plus tôt Phonos… Face à eux, le n½ud de l’arbre ne clignotait plus comme pour simuler les battements d’un c½ur. Tel un rubis qui avait perdu de son éclat, il se fissurait. De ses craquelures, des rayons solaires baignèrent de lumière les deux amis. Aiolia réalisa que pour Galan, c’était le moment de se dire enfin adieu. _ « … Je suis fier de toi. Et je sais que tu tiendras ta promesse. Pas seulement pour moi. Mais pour tous ceux que tu as fait le v½u de protéger en devenant Saint. » Alors, ne laissant Aiolia lui dire à quel point il l’aimait, il ferma pour la toute dernière fois sa paupière et se laissa tomber en arrière, répandant dans la salle les éclats de lumière qui consumèrent son corps. Il disparut dans l’éclat qui remonta étage par étage et explosa chaque niveau au fil de son ascension. Sans voix, Aiolia n’eut pas la force de regarder dans le vide. Il cligna des yeux pour chasser ses larmes et leva la tête vers les étages supérieurs. Sa mission était accomplie. Il devait se hâter de rejoindre ses compagnons pour achever Eris ou s’assurer qu’elle soit emportée dans l’explosion de son palais…
Plus loin, Shaka, suivi de Naïra, poursuivait l’ascension de la ziggourat par le flanc gauche. Ils arrivèrent tous les deux au sommet de cette pyramide à étages. _ « Magnifique Seigneur Shaka ! Nous sommes parvenus les premiers ici grâce à vous, le congratulait-elle. » Shaka ne faisait pas montre du même optimisme. Marchant calmement, il fit le tour de la plateforme en baissant puis levant continuellement la tête malgré ses yeux clos. Une fois arrivé devant les deux obélisques qui marquaient la montée des marches vers le trône d’Eris, Shaka pointa enfin du doigt l’obélisque abîmé dans lequel fut encastré plus tôt Aeson : « Non… Nous ne sommes pas arrivés les premiers. » La Saint de la Colombe constata alors tout autour du pilier et sur les marches des traces de lutte, de sang, ainsi que des morceaux de Cloth. _ « En effet. A en juger les fractions d’armure ici présentes, au moins Aeson de la Coupe est parvenu jusqu’ici. _ Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’est plus là. Il n’y a d’ailleurs plus personne à cet étage, pointa Shaka le trône d’Eris vide. _ Vous voulez dire que… _ Oui. Après avoir accueilli ici Aeson, Eris est ensuite descendue dans l’Utérus à la rencontre d’autres Saints. _ Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens ! _ Peut-être plus qu’on ne le croit. Avant d’être Eris, Kyoko était une habitante du Sanctuaire. Je suis convaincu qu’elle connaît certains d’entre nous ici présents. _ Mais alors… Aeson… _ Oui. Le fait qu’un Saint d’argent soit parvenu jusqu’ici sans même le Saint d’or qu’il accompagnait, et pas des moindres en la personne de Milo du Scorpion, a dû être possible du fait de la volonté d’Eris. Et d’ailleurs, où est-il à présent ? S’il a été défait, où est son corps ? _ Je n’aime pas ça. _ Moi non plus. Descendons. Il nous faut retrouver Eris au plus vite et achever cette mission avant que la situation ne nous échappe totalement. »
Un peu plus bas, Rigel repoussait un nouvel adversaire. Grand et indéniablement athlétique, cet homme Dryade croula sous une déferlante de flammes : « Cosmic Inferno ! » Il accourut jusqu’à la Dryade agonisante qu’il saisit par le col : « Kyoko ! Eris ! Est-elle encore loin ?! » Suffocant à son hémorragie interne, l’ennemi mourut pris d’un fou rire angoissant. _ « Ils ne diront rien. Même sous la torture les Dryades sont fidèles à leur déesse, le résigna une voix connue. » Lorsqu’il redressa son buste, Rigel reconnut son maître, désormais son pair. _ « Aeson ! Alors votre groupe avec Milo et Apodis est parvenu à progresser depuis votre position initiale ! » Le Saint au bandeau rouge demeurait immobile. Silencieux. _ « Allons, pressons-nous ! La direction des étages supérieurs est par… » Rigel ne put finir sa phrase lorsqu’il remarqua la teinte différente de l’armure de son maître. _ « Aeson ! Votre Cloth ! » D’ordinaire argentée, elle brillait cette fois-ci de ténèbres et de sang. _ « Il n’est pas la peine de poursuivre ta route. _ Que dites-vous ? Et que portez-vous sur le dos ? » Pour seule réponse, Aeson, le regard vague, s’agenouilla en sentant dans son dos l’approche d’une silhouette dans l’ombre. _ « Mon père a dit qu’il n’est pas la peine que tu montes davantage, lui répondit une voix de femme. Quant à ceci, c’est une Leaf, caressa Eris de sa main l’épaulette d’Aeson. _ Kyo… Kyoko ?! Aeson… Ton père ?! _ Laisse-moi donc tout t’expliquer avant que n’arrivent mes derniers invités… » Flashback
Assis au bord d’une falaise, Kyoko tend sa coupe à Mars qui la lui remplit. Ne restant qu’un fond, il la finit à la bouteille puis la balance suivit de sa coupe vide vers l’horizon que fixe Kyoko. _ « Tu bois beaucoup ma s½ur ! Ça ne fait qu’interrompre ton histoire ! _ Et toi tu bois mal mon frère ! Ça te rend grossier ! »
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« le: 27 Décembre 2021 à 9h59 »
Chapitre 78
En Argentine, dans le night-club, en dehors de la chambre où Vasiliás se livre à un jeu salace, Tromos est arrivé d’un pas décidé à l’étage. Les yeux fixes et froids, il toise les sept veilleurs de Segador qui gardent la porte au bout du couloir. Un premier tend la main pour barrer le passage : « Qui t’es toi ? Pas un pas de plu… » Il n’a même pas le temps de finir sa phrase que Tromos lui retourne le bras, lui brisant ainsi tous les os. Ses camarades ne sont pas assez rapides pour dégainer leurs armes que le colossal Berserker zigzague entre eux pour les tuer d’un seul coup en frappant uniquement un point vital différent pour chacun. Avant de s’enfoncer dans la dernière pièce, il ramasse sur un des hommes de main une machette attachée à sa ceinture. Il s’en sert pour planter à hauteur de chaque rein le premier rempart au bras brisé : « Meurs en souffrance. C’est tout ce que tu mérites. »
En Grèce, Kyoko continue de raconter à Mars les détails du retour d’Eris sur Terre il y a trois ans. Sur la terrasse du café où elle a fait germer chez un couple les graines de la discorde, elle narre ses exploits en ignorant la dispute qu’elle a initié chez ses voisins de table…
Flashback Au Sanctuaire, à proximité du camp des femmes chevaliers, le mètre quatre-vingt-dix-sept de Voskos s’était recroquevillé pour concentrer son cosmos face aux Dryades qui venaient d’éclore. Le Saint de bronze du Bouvier chargeait de ses cent quatre-vingt-trois kilos une Dryade masculine : « Katapatisi Agria ! » L’adversaire subit le Piétinement Sauvage de plein fouet et retomba, les os rompus, à côté d’une autre Dryade déjà vaincue et qui fanait avant de finir en poussière. _ « Et de deux, se glorifia le rustre ! » Dans son dos, Xiao Ling reculait sous la pression de deux autres qui profitèrent que leurs deux alliées restantes barraient la route au rustre chevalier. _ « Fraîche, se lécha les lèvres une Dryade… _ Innocente, pressa le pas la seconde ! » Xiao Ling était acculée contre un bosquet. Lorsque la première se jeta sur elle, par réflexe, elle passa ses mains par-dessus sa tête pour saisir le tronc et, appuyant sur ses jambes, grimpa plus haut pour esquiver le coup. Enchevêtrée dans l’arbre, la Dryade n’eut pas le temps de s’en dépêtrer que Xiao Ling retomba sur elle d’un salto, le talon droit lui fendant le haut du crâne. Son premier assaillant vaincu, la Chinoise n’en demeurait pas plus rassurée malgré tout. Le second faisait déjà face, plus incisif. Avec quelques pirouettes et roulades, elle parvint à esquiver un moment, jusqu’à ce que l’ennemi finisse par planter ses griffes sur le bas de sa tunique, au niveau de l’entrejambe, la laissant à la merci de son autre main aux ongles acérés. Démunie, elle ferma les yeux, attendant le verdict. C’est alors que Voskos apparut dans le dos de la Dryade, lui attrapa l’arrière de la tête dans son immense pogne gauche et la lui éclata contre le sol, entre les jambes de la jeune femme fébrile. Éclaboussée par un sang qui n’était pas le sien, Xiao Ling rouvrit les yeux pour faire face au regard inquisiteur de Voskos : « M… Merci… » Sous leurs pieds, le sol tremblait des combats venant du camp des femmes chevaliers. Derrière Voskos, les dernières Dryades fanaient. Le colosse n’en tira aucune gloire. _ « Ne me remercie pas. Tu aurais dû parvenir à te défaire d’elle sans mon aide, demeura-t-il sévère. Surtout que tu es parvenue à en vaincre une. _ C’était un coup de chance. _ La chance… C’est comme le miracle dont parlait plus tôt le Seigneur Algol. C’est l’apanage des Saints. Nous créons notre chance. Nous accomplissons nos miracles. En surpassant nos limites. En brûlant notre cosmos. Tout à l’heure, tu es parvenu à défaire une Dryade. Tu as mêlé sang-froid, analyse tactique du terrain et technique de combat à laquelle tu as joins ton cosmos. Que tu l’ais brûlé inconsciemment ou non, il fallait au moins une once de cosmos pour parvenir à l’éliminer. _ Peut-être, baissa-t-elle la tête penaude… _ Je ne peux pas croire qu’une jolie jeune femme comme toi as traversé le monde pour venir jusqu’ici sans rencontrer d’embûches. Des gens malhonnêtes, mal intentionnés, tu as dû en rencontrer des dizaines. Pour t’en débarrasser, tu as dû surpasser ces gens, parfois équipés d’armes contemporaines. Certains chemins sont inhabités. Tu n’as pu voler pour te nourrir. Tu as compensé la faim en t’enveloppant de ton cosmos. Ou tu as chassé dans des lieux où seuls les grands prédateurs arrivent à se repaître. Ou peut-être les deux. Toujours est-il que c’est le cosmos qui t’a maintenu jusqu’ici. _ Peut-être, balbutia-t-elle à nouveau. Mais pourquoi me dire tout ceci ? _ Parce que nous sommes arrivés au camp, pointa-t-il du doigt le bosquet dont elle s’était servie plus tôt et qui marquait le début d’une dense forêt. Traverse la forêt et tu trouveras Rebecca. » Dans son dos, des hurlements de souffrances et de terreurs accompagnaient les tremblements de terre et les secousses cosmiques. _ « Mais… Mais… Je ne peux pas… C’est la guerre là-dedans… _ Justement ! C’est pour ça que tu dois aller y porter ton aide ! Nous autres, hommes, ne pouvons fouler cette terre bénie par Athéna. La seule chose que je puisse faire c’est empêcher la retraite des Dryades que vous, femmes, allez vaincre à l’intérieur ! » Xiao Ling aurait voulu se vautrer plus bas que terre. _ « … Je… Je ne serai qu’un poids… _ Un Saint n’est jamais un poids lorsqu’il risque sa vie pour défendre autrui ! _ Mais je ne sais même pas ce qui est en jeu dans cette guerre… _ Rebecca, celle à qui tu dois la vie aujourd’hui, risque la sienne pour sauver des innocentes prises au piège à l’intérieur et vaincre une menace qui pèse sur le monde ! _ Je ne suis pas aussi forte que Rebecca… _ Ton soutien lui donnera encore plus de forces ! _ J’en suis incapable… »
Dans les cieux, sur l’Utérus, Georg arpentait la bordure pentue qui longeait la chute d’eau vers le quatrième niveau. Il suivait la lumière du jour qui éblouissait le haut de cette montée. Une fois le halo de lumière passé, Georg débouchait sur le cinquième et dernier étage avant d’accéder au palais d’Eris. L’homme à la barbichette fut aussitôt ébloui par le reflet du soleil. Passant par réflexe sa main devant ses yeux, il abandonna sa garde, s’exposant ainsi à une vrille rouge qui s’enfonça dans son dos. Propulsé vers l’avant, la protection dorsale de son armure d’argent fissurée, il s’écrasa le front contre la première colonne qui lui fit face. Bien qu’amorti par son heaume, le choc fut suffisamment brutal pour que du sang coula de son front jusque dans ses yeux. Étourdi, il enroula ses bras autour du pylône pour tenter de garder l’équilibre. Cependant, sa prise glissait le long du pilier. Celui-ci était froid. Lisse. A mesure que ses esprits lui revenaient et que ses yeux s’habituaient à la lumière, il remarqua que la colonne était de glace. Comme toutes celles qui supportaient le niveau d’ailleurs. Des colonnes de glace qui soutenaient un plafond de glace. Plus il chercha à se reprendre, plus ses pieds s’éloignaient. Comme le plafond, le sol était semblable à un miroir. Légèrement incliné jusqu’à son centre d’où est sorti à l’instant Georg. D’architecture grecque, le cinquième niveau n’était ni de pierre ni de marbre, il était fait de glace. Le vent de haute altitude traversait cette plate-forme sans mur. Il glaçait les précipitations quand le soleil ne les faisait pas luire, pour s’écouler tel un ruisseau vers les étages inférieurs. Fasciné par ce jardin de miroirs, Georg comprit vite qu’en restant au centre de la plate-forme il était ainsi exposé malgré ses multiples reflets. D’un rapide coup de tête de gauche à droite, il identifia des milliers de réflexions de son adversaire. Un homme couvert d’une Leaf au rouge aussi ardent que sa tunique. _ « A en juger la forme de ton armure, celle-ci s’apparente plus à une Cloth. Tu es donc un Ghost Saint, déduisit Georg. Et par son profilage proche de celle de mon ami Juan, tu es un ancien Saint de l’Ecu. _ Oui, je suis Jan Ghost Saint de l’Ecu, on ne peut rien te cacher. J’espérais justement que ce soit ton ami qui m’affronte, afin que je prouve que de tous les boucliers de la Cloth de l’Ecu, ce fut le mien, forgé par mon cosmos, qui était le plus résistant ! _ Est-ce là tout ? Est-ce là ta raison d’avoir trahi ton serment envers Athéna, provoqua volontairement Georg ?! _ Quel serment ai-je trahi ? Je suis mort pour Athéna et souffre depuis des siècles et des siècles au Cocyte pour cela. Pour ma résurrection, j’ai promis fidélité à Eris. Nouvelle vie, nouveau serment. Voilà tout. _ Comme ta simplicité d’esprit me sidère, dit-il en fermant les yeux pour mieux se concentrer ! _ Vraiment, s’insurgea Jan ?! Il n’y a rien de compliqué à comprendre pourtant. J’ai fait de mon corps et de mon cosmos le bouclier destiné à défendre les idéaux d’Athéna. Des centaines d’années plus tard à avoir été torturé, Eris m’a fait réaliser que si nous n’avions pas été soulagés de nos peines au royaume d’Hadès, c’est parce qu’Athéna avait lamentablement échoué, génération après génération. Mon écu impénétrable lui avait juste servi à se cacher. Eris m’a alors offert de me libérer de mes tourments pour faire de mon blindage non pas une cachette mais plutôt un socle impénétrable permettant d’avancer. Je détruirai ainsi toutes les défenses d’Athéna pour prouver que la mienne demeure la plus efficace et qu’à défaut d’être une protection, elle peut être une arme, s’époumona-t-il ! Le meilleur bouclier au service de la meilleure attaque, scanda-t-il de toutes ses forces ! _ Je t’ai localisé, le surprit alors Georg ! Geistig Blitz ! » Georg concentrait jusqu’alors son ouïe pour trouver parmi tous les reflets son adversaire. Il lui fit volontairement hausser le ton pour lui balancer son Eclair Fantôme sous la forme d’un trait de foudre fracassant les colonnes sur son passage. C’est alors que la dernière colonne avant de frapper Jan venait d’être brisée, que la voix de son adversaire dans son dos le fit frémir : « Comment peut-on parler d’éclair quand ce petit courant électrique ne va pas plus vite que Mach 4 ! » Stupéfait, Georg se retourna avec un coup de coude qu’esquiva Jan en s’accroupissant. Georg profita qu’il soit abaissé pour frapper du poing vers le bas : « Geistig Blitz ! » Beaucoup plus rapide, le Ghost Saint dressa son bouclier devant lui. Georg s’y éclata la main, ébréchant sa propre Cloth. Déconcentré par sa fracture du poignet, il constata trop tard que Jan ripostait. Un direct du droit à l’estomac, doublé d’un gauche, suivi du même enchaînement au visage, le repoussant toujours plus loin sous l’impact. Avec du recul, pensant être à l’abri de l’allonge de son adversaire, Georg ne comprit que trop tard qu’il s’agissait de l’espace nécessaire à Jan pour déclencher sa technique. D’un saut dans les airs pour se donner de l’impulsion, il tourbillonna sur lui-même puis retomba pied en avant en plein torse de Georg : « Bone Crush Screw ! » La même Vrille Briseuse d’Os qui le prit par surprise à son arrivée, le fit cette fois-ci rebondir au sol pour mieux s’écraser ensuite contre un pilier de glace. Le long duquel il glissa lentement avant de s’écraser lamentablement parterre…
A l’étage du dessus, devant la chambre d’Eris, la déesse descendait les marches jusqu’à sa guerrière nommée Dame Blanche. Face à elles, le corps égratigné et fumant d’Aeson demeurait inerte. Sa Cloth d’argent était rayée sur toute sa surface. _ « Dame Blanche… Je n’aurai jamais imaginé que tu utilises si tôt ton Folklore Dévoreur. _ Je n’ai pu résister à ses paroles. Me faisant passer pour l’unique responsable de notre sort. Nous étions jeunes. Nous nous aimions. Nous savions très bien que ce que nous commettions en nous unissant alors que j’étais une Saintia, était un crime. Mais l’amour fut plus fort que tout. Je vous ai portées ta s½ur et toi, mises au monde en secret lors de missions de pèlerinage que je réclamais au Grand Pope Shion lorsque je découvris chaque grossesse. Chaque fois ton père était présent. Chaque fois il s’arrangea pour faire partie de la mission et revenir avec les nourrissons que j'ai fait naître en secret. Il présentait ces enfants comme des réfugiés des camps ennemis que nous visitions. Cela permettait de ne pas soulever trop de questions autour de nous et cela nous offrait suffisamment de bonheur quand je venais retrouver notre famille à Bifolco, ce village au Nord du Sanctuaire, lorsque je descendais en ville. Au temple des Saintias, nous n’étions pas débordées. Athéna n’était pas encore réincarnée. Cela nous laissait le temps d’être une famille presque normale. Puis un jour, le Grand Pope Shion annonça que l’arrivée d’Athéna serait imminente. C’est là que tout bascula… _ L’usurpateur, reconnut Kyoko… _ Tout à fait. Je ne m’en doutais pas. Peu de temps après, le Grand Pope Shion et son frère furent assassinés. Nous n’y vîmes que du feu. Pour nous la vie suivait son cours, loin de nous douter que l’usurpateur plaçait ses espions un peu partout sur le royaume. Je fus découverte. Cependant, il ne se passa rien, jusqu’à ce jour où Athéna vint au monde. Elle était belle. Chétive mais radieuse. Elle me rappelait ta s½ur et toi lorsque je vous prenais dans mes bras. J’étais la représentante de mon ordre et donc chargée de veiller sur le nourrisson qu’elle était. Le premier soir de sa vie, alors que je veillais sur elle, le Pope apparut. Il était haletant. Son cosmos était noir. Je lui fis barrage de mon faible corps. Alors qu’il m’aurait aisément éliminé en temps normal, il était pressé, imprécis, tourmenté. Il m’écarta violemment et je perdis connaissance. Il n’y eut pas de combats pour ainsi dire, tant ce fut une humiliation pour la Saintia que j’étais. A mon réveil, dans la prison du Sanctuaire, j’étais bâillonnée, les mains attachées dans le dos par les fers bénis d'Athéna. C’était l’ébullition. J’entendais les gardes parler d’Aiolos le traître qui avait attenté à la vie d’Athéna. Et moi, impuissante que j’étais, je ne pus que constater la relève de la garde par un homme qui montait en puissance depuis plusieurs semaines. Gigas et son équipe. Dès le lendemain, je fus conduite à la salle d’audience du Grand Pope. Sale, meurtrie, défroquée, humiliée, j’avais été balancée sur le grand tapis rouge face contre terre, devant ce faux Pope tout pur dans son grand habit blanc, vénérable sous son casque d’or. Alignés de chaque côté du tapis, debout, casque sous la main, toute la caste des Saints d’argent était réunie. Il ne manquait qu’Aeson, qui entra par la grande porte, escorté par la garde, sans sa Cloth, la mine basse. Nos enfants lui furent enlevés dans la nuit, tandis qu’il fut lui aussi mis aux arrêts. Nous avions péché. Moi représentante de l’ordre des Saintias, pour ne pas avoir respecté mon serment de chasteté, j’avais blasphémé. Et Aeson avec. Bien entendu, cela devint par la suite monnaie courante chez ce Pope. Mais moi, j’en savais trop. Les gardes m’avaient retrouvé avant que le Pope ne revienne de la chambre d’Athéna. Me bâillonner ne pouvait durer éternellement. Il lui fallait se débarrasser de moi. De moi et du fruit de mes sacrilèges. Mes filles seraient vendues comme servantes. Mon amie de toujours Mayura, pour me punir, s’empressa de proposer au Pope de régler ce verdict. Et Aeson devait être destitué et mis à mort dans l’arène contre tous ses pairs. Pourtant, pour sa bravoure par le passé, il obtint du Grand Pope l’absolution s’il exécutait ma peine. Ce poltron qui a toujours été discipliné, eut la certitude contre le renouvellement de son serment de garder son statut. Il n’a pas hésité un seul instant entre son amour pour Athéna et moi ! _ C’est faux, balbutia Aeson en déplorant les larmes qui fuyaient les yeux de Kyoko. _ Pas la peine de lui mentir, je lui ai déjà raconté plusieurs fois toute l’histoire ! _ Mayura n’a jamais cherché à te punir. Quand la sentence pour les filles fut tombée, elle s’empressa de chercher l’approbation dans mon regard. Elle nous garantissait, en confiant elle-même les filles à quelqu'un, une chance de savoir nos enfants à l’abri d’un sort tragique. Elles auraient été séparées ! Elles auraient pu être vendues servantes pour un commerçant exigeant qui les auraient tuées à la tâche ! Ou pire, esclaves ou filles de joie au Port du Destin ! Mayura était notre amie ! Ton amie ! Elle m’apportait par ce geste la garantie qu’elles soient en sécurité. _ Mais toi égoïste que tu es, tu n’as pas cherché à les retrouver après ça ! _ Tu étais là ! Tu as tout entendu ! Le Grand Pope a précisé que si je cherchais un jour à les retrouver il nous exécuterait tous les trois ! _ Oui ! Il fallait surtout protéger ta vie devenue si minable ! Tu étais certainement trop occupé à recevoir les honneurs de ton rang pour enquêter et chercher une échappatoire ! _ Je n’ai rien gardé de mon statut d’antan ! Durant toutes ces années je suis resté assigné au Sanctuaire à former des disciples et à crever de solitude ! A me ronger pour ce que je t’ai fait ! A angoisser pour le devenir de mes enfants ! _ Tu as égoïstement sauvé ta place en acceptant d’être mon bourreau ! _ J’ai accepté cela par amour ! Pour racheter notre faute envers Athéna ! J’ai prié chaque jour depuis ce jugement pour qu’Athéna accepte mon offrande et te pardonne ! » Le visage décomposé d’Aeson, rongé par le regret et la sincérité, cloua le bec de la Dame Blanche. Des larmes perlaient sous son masque. Remis debout, les genoux vacillants, Aeson tentait quelques moulinets avec les bras pour mimer son impuissance : « J’étais démuni. Je n’avais pas d’autres moyens. Tout était terminé. Je voulais simplement que tu ne souffres pas. Ni dans cette vie. Ni dans l’autre. » La revenante lui tourna le dos : « Mon exécution n’eut lieu que quelques semaines après la condamnation, prolongeant ainsi plus longtemps ma torture entre les mains des hommes de Gigas. Ni avant, ni après, Athéna ne m’est apparue. » Kyoko passa devant sa mère. Elle s’adressa directement à son père biologique : « Et pour cause, comme tu l’as entendu et comme je peux te le certifier, Athéna n’était déjà plus au Sanctuaire. Si elle est encore en vie aujourd’hui, elle n’est qu’une petite souris qui se cache d’un imposteur qui te commande et qui t’a fait mettre à mort ta femme, abandonner tes enfants, renier ta vie de bonheur. » Perdu, Aeson se laissa tomber à genoux : « Si c’est ma punition, alors je l’accepte. Avoir fauté envers Athéna. Avoir trahis ma famille. Vivre dans le désespoir depuis. Pour finalement être dupé. Tout ça je l’accepte. » Puis, tout à coup revigoré par sa mission de chevalier, Aeson redressa sa tête vers Eris : « Je l’ai accepté il y a longtemps, en devenant Saint... » Immédiatement, la Dame Blanche se mit en première ligne pour protéger Eris. Malgré tout, Kyoko l’écarta avec son sceptre et ouvrit les bras pour se laisser à la merci du Saint qui accumulait tout son cosmos. _ « Une vie de souffrance pour sauver des milliards de vie humaine. C’est notre serment de Saint. En trahissant mon serment avec une Saintia, je savais que je m’exposerai à davantage de tourments. Vous entraînant toutes les trois, Shoko, ta mère et toi, dans mon sillage. Que je sois puni pour ça ! Mais une chose est sûre, avant cela, je ne peux laisser la Déesse de la Discorde profiter des remous au Sanctuaire et entacher davantage mon nom en restant inactif ! Kyoko… Ma chérie… Pardonne-moi ! » Contre les ordres de sa déesse, le Fantôme revint à la charge : « Yokai O Musabori Kuu ! » La gueule béante de cosmos de la Dame Blanche devança Aeson pour protéger Kyoko. Pris à revers, le Saint de la Coupe encaissa sans la moindre chance de riposter. Son plastron fut arraché. Il finit écrasé contre l’obélisque au pied des marches…
Quelques étages en dessous, dans la salle du c½ur de l’Utérus, Aiolia se tenait entre l’arbre et ses deux adversaires. Le second round venait d’être lancé. Hysminai prit appui au sol, gardant Galan derrière elle, immobile. Elle fonça sur le Saint d’or qui entrava son chemin de son Lightning Plasma. Seulement, elle passa sans mal au travers des rayons de lumière sans se voir barrer la route. Avec une vitesse le surprenant, elle passa dans son dos en prenant soin de l’entailler au bras. _ « Maintenant c’est mon tour, repartit-elle à l’assaut, je vais te tailler en pièces ! _ Lightning Plasma, relança-t-il ! » Cette fois-ci, située entre Aiolia et l’arbre, la Dryade ne parvint pas à passer au travers les faisceaux et se retrouva rossée puis repoussée en arrière, retombant sur le front. _ « Que… Comment est-ce possible… Cette attaque était bien plus forte et plus rapide que tout à l’heure… » Après avoir vérifié l’immobilisme de Galan, Aiolia avança vers elle, bras déjà tendu dans sa direction, émanant de cosmos. Glissant sa tête sur le côté, Hysminai comprit. _ « Je vois ! Je ne te pensais pas si rapide ni si fort ! Tu as retenu ton premier coup n’est-ce pas ? » Aiolia cessa aussitôt sa progression. Elle avait découvert son stratagème. Elle fixa Galan resté à l’arrière : « J’ai vu juste. Lors de ton premier essai, ce Fantôme était à mes côtés. Tu refuses de l’éliminer. Tu as donc retenu ton coup. Alors que la seconde fois, tu nous avais, l’Utérus et moi-même, seuls ! L’horizon était dégagé. » Aiolia fixait l’arbre maudit derrière Hysminai : « Sur le tronc, juste à ce niveau, je vois le n½ud de l’arbre. Il est son centre névralgique. C’est là que je dois frapper, songea-t-il. Si je parviens à le détruire, je libérerai Galan de son emprise. » _ « Très bien… Je sens que nous allons nous amuser, dit Hysminai en se remettant subitement en position ! » Le Saint d’or choisit d’en finir vite, il chargea son cosmos dans son poing pour faire d’une pierre deux coups lorsque tout à coup, une pression cosmique le paralysa. _ « King’s Roar, déclencha Galan ! » Relancé par les intentions de l’arbre, Galan libéra son cosmos. Il prit la forme cosmique d’un lion d’ébène aux crocs ensanglantés. Son rugissement paralysa Aiolia. Impuissant, Aiolia voyait Hysminai lui foncer dessus avec sa Leaf acérée. Usant de l’accumulation de cosmos gardé dans son bras, il s’extirpa à la dernière seconde du Rugissement du Roi et pivota sur le côté pour échapper à Hysminai. Il tomba alors nez à nez avec Galan. Reparti à l’assaut, Galan était prêt à frapper le second acte de son arcane. Cette fois-ci la gueule du lion noir planta ses crocs en plein flanc du fauve doré. De sa main botanique, Galan libéra une sphère de cosmos obscure qui souffla en pleines côtes gauches Aiolia. Il voltigea haut et loin, allant heurter une des multiples voûtes de l’édifice circulaire. Refusant d’abdiquer, il s’épargna une chute et se réceptionna, bien qu’avec difficulté, sur ses deux jambes en regagnant le sol. La main droite contre son flanc gauche, il ne put retenir un haut de c½ur qui lui fit renvoyer du sang. Sa main remonta plus haut, contre son c½ur. _ « Le contrecoup du King’s Roar, expliqua le Fantôme. Le rugissement atteint ton être, mon cosmos choque le tien. Ce télescopage en ton sein a des répercussions sur ton organisme. D’abord physique. Puis mental. En plus de la douleur, il inspire la peur. Puis, une fois tétanisée, la proie est à la merci de mes crocs. Ton c½ur ne peut sortir indemne de tout ça, surtout que je t’ai frappé tout prêt. Le prochain coup te sera fatal. _ J’ignorais que tu avais perfectionné une telle technique, s’essoufflait Aiolia. _ Tu oublies que j’étais un prétendant au statut du Saint d’or du Lion, avant que je ne sois contraint de me retirer. _ Je n’ai rien oublié du tout. Ni ta force, ni ta bravoure. Pas plus que l’amour fraternel qui nous unissait. Toi. Lithos. Et moi. » Touché au plus profond de son être, Galan s’adoucit et balbutia : « Aiolia… » _ « J’ai surmonté tant de brimades, d’épreuves, de duels… Grâce à toi, poursuivit alors Aiolia. Parce que tu étais là. Auprès de moi… _ … Aiolia, grimaça Galan… _ … A chaque instant… Même dans le Tartare contre les Titans… Tu as fait de ton bras perdu mon bras armé. Tu as fait de ton ½il perdu mon c½ur de lion… Tous ces symboles m’ont permis de résister, de gagner… _ … Aiolia, sanglota Galan… » Hysminai les stoppa en s’adressant directement à l’Utérus : « Ça suffit ! » Immédiatement, le n½ud de l’arbre cligna d’un rouge aussi sanguinolent que l’iris droit de Galan. Le Fantôme se prit la tête entre les mains en hurlant. Les racines sur son corps gonflèrent. _ « Ordure, adressa Aiolia à l’endroit d’Hysminai ! Tu vas me le payer ! Lightning Plasma ! » Elle croisa ses bras devant elle puis les relâcha dans la direction du Lion, comme si elle lui envoyait les crans portés à ses avant-bras. Des faucilles de cosmos par milliers foncèrent tel des boomerangs contre lui. _ « Serrated Blade ! » Chaque serpette se brisa contre le Plasma Foudroyant qui quadrillait de cosmos l’espace entre eux… Sauf la plus vive d’entre elles. Hysminai en personne avait rejoint Aiolia à la vitesse de la lumière. Par réflexe, il inclina la tête sur le côté. Son geste lui occasionna uniquement une profonde entaille au cou contre une décapitation du bras de la Dryade. Blessé et vexé, il réalisa trop tard qu’elle avait disparu de son champ de vision. Lorsqu’il leva la tête au ciel, elle enchaîna d’un mouvement acrobatique aérien pour le renvoyer contre le mur : « C’est fini je vais prendre ta tête Saint d’or ! » Il croisa aussi vite qu’elle le condamna ses bras devant lui pour bloquer sa lame. _ « Je pensais que tu te cachais derrière Galan par faiblesse Dryade ! J’ai eu tort ! Tu vaux tout autant qu’un Saint d’or, confessa-t-il ! » Satisfaite, Hysminai se replia d’un bond arrière. Mais avant même qu’elle ne retouche le sol, Galan endiablé par l’arbre prit le relais. Totalement rongé par la verdure sur le côté droit de son visage, son bras était également devenu disproportionné, d’un vert mûr, aussi gros que ses deux cuisses réunies. Il passa sous la Dryade pendant son acrobatie, déstabilisant par son allure et sa vitesse Aiolia. _ « King’s Roar ! _ Lightning Bolt ! » Cette fois-ci Aiolia bloqua l’agression cosmique de Galan, en dégageant sa sphère d’éclairs. Deux globes de cosmos s’opposèrent devant le poing tendu du chevalier. Imprégné de folie, Galan poursuivit vers le mélange de cosmos laissé en suspens entre les deux adversaires. Buste en avant, bras écartés, Galan s’avançait inconsciemment contre cette bombe à retardement, alors qu’Aiolia luttait contre la menace de l'implosion du choc de leurs deux attaques : « A une si courte portée, les dégâts seraient critiques. » Il chargea l’énergie en suspens d’un second Lightning Bolt de son autre main pour espérer la retourner contre le Fantôme. Galan, lui, cogna de son bras végétal la suspension de cosmos pour relâcher le second effet de son King’s Roar. Ainsi, il remporta le duel d’énergie qui explosa contre Aiolia à bout portant. Suivant la déflagration, Galan chargea. De son poing il brisa le diadème d’Aiolia. La détonation fut si puissante que la voussure fut renfoncée, brisant les claveaux des voûtes du dessus et fissurant tout le hall arrondi où resplendissait tel un rubis le c½ur de l’Utérus. Au milieu d’un nuage de poussière, dirigeant son poing encore logé dans sa pommette éclatée, Galan envoya la tête d’Aiolia rebondir contre le sol, pour ensuite lui faire traverser la pièce d’une reprise de volée du pied. Le corps à corps se poursuivit dans l’horizon plus dégagé. Cette fois-ci, Aiolia dévia la poursuite de Galan en frappant à distance. Galan esquiva sur le côté l’onde de choc, mais Aiolia était déjà sur sa gauche. Galan para la droite et riposta avec une série de coups de poings, tout en s’évertuant d'éviter ceux d’Aiolia. Le chevalier faisait de même, mais brisa le rythme d’un coup de pied retourné en pleine poitrine, brisant la Leaf au niveau du poitrail dans une propulsion de sang, témoignant l’impact des échanges. Il frappa à nouveau à distance, mais Galan esquiva encore, par les airs cette fois-ci. Il retomba pied en avant mais Aiolia se protégea avec son bras. Toujours en suspension, Galan répéta son geste et rompit à son tour la cadence, en l’attrapant par les cheveux avec sa main gauche pour lui écraser la tête au sol. Face contre terre, Aiolia repoussa Galan à bout portant d’un Lightning Plasma. Mitraillé dans les airs, Galan perdait morceau après morceau sa Leaf. Sa chair de moins en moins protégée se déchirait des pieds à la tête. Il en perdit la pression qu’il exerçait sur le Saint. Aiolia put alors poursuivre et resurgir avec un Lightning Bolt. Galan voulut contrer. Il cogna de son bras difforme contre le poing de cosmos avec un King’s Roar. Encore plus puissant que le précédent, lui déjà plus impressionnant que le premier, le Rugissement du Roi remporta le duel et repoussa Aiolia. Le second acte de l’arcane se traduisit par un direct en plein c½ur qui en fit crisser la Cloth, puis d’un troisième, inédit dans le déroulement de la technique jusqu’ici, par un uppercut enchaîné. Aiolia vrilla sur plusieurs mètres comme un pantin désarticulé qui rebondissait sur le sol…
Sur Terre, à l’Est et au Centre du Sanctuaire, dans les alentours du camp des femmes chevaliers, la population était en émoi. La colonne de feu qui en ressortait s’estompait petit à petit. Toutefois, les secousses provoquées au centre du camp par les pas de l’animal de neuf tonnes accompagnant les Dryades, continuaient de retentir dans l’atmosphère. Il faisait vibrer le sol chez les habitants les plus proches. Dans tout le reste du domaine, les guerriers les plus affûtés percevaient les perturbations cosmiques venant du camp. Bandeau bleu coiffant ses cheveux tirés d’une queue de cheval, Shinato fit remarquer à Mirai : « Encore un cosmos qui s’est éteint là-bas ! » Le second apprenti de Mayura aux cheveux châtains hirsutes réagit : « Eris n’a pas attendu qu’on attaque son camp. De son côté aussi elle a préparé une riposte ! » Shinato sortit ses mains des longues manches de son kimono pourpre. Plus sévèrement vêtu que son camarade, l’élève du Saint d’argent du Paon prenait déjà son élan : « Il nous faut aller leur porter immédiatement assistance ! » Mirai l’imita lorsque la voix d’un soldat leur intima de réviser leur jugement. Tout autour d’eux, des cohortes de dix hommes se formaient, se transmettant l’information d’un messager. Cet informateur avait le visage dissimulé sous une épaisse bure qui semblait camoufler une Cloth. C’était cet inconnu qui les retint : « Attendez ! Le camp des femmes Saints est un lieu sacré, béni par Athéna et interdit aux hommes. Même en cas d’extrême urgence, nous ne pouvons profaner ce lieu Saint. _ Mais… Maître Mayura se bat à l’heure qu’il est dans le domaine d’Eris ! Elle risque sa vie dans cette Guerre Sainte ! Et nous, nous devons nous contenter de laisser Eris s’insinuer dans le Sanctuaire en ciblant un lieu que nous ne pouvons atteindre, s’insurgea Mirai ?! Devons-nous laisser nos s½urs d’arme se faire massacrer ?! _ A quoi servirait tous les efforts de ceux partis à la conquête de l’Utérus dans ce cas, compléta Shinato ?! _ Je comprends votre frustration, assura Ptolémy la voix étouffée derrière un masque. Il s’agit néanmoins d’ordres émanant tout droit du Grand Pope, sur demande de Sa Majesté Athéna ! » Les deux apprentis baissèrent alors la tête de rage, tandis que Ptolémy posait ses mains sur chacune de leurs épaules pour les obliger à observer les troupes athéniennes : « Les ordres du Grand Pope sont formels. Nos lieux de cultes doivent restés préservés, quel qu’en soit le prix. Le Grand Pope a foi en nos femmes chevaliers. Qu’elles soient Saints ou élèves. Dès lors, tous les hommes capables de porter assistance ont ordre d’encercler le camp, sans y pénétrer, afin de bloquer la retraite des Dryades. Les seules autorisées à pénétrer le camp, seront les femmes capables de porter assistance à la bataille qui y fait rage. » Mirai et Shinato s’échangèrent alors un hochement de tête signifiant qu’ils partaient tous deux appuyer les troupes encerclant le camp…
Dans les bois, le crépitement des flammes laissa place aux détonations des pas de l’animal qui sévissait plus loin. Emony adoptait à nouveau un air innocent en serrant d’affection contre elle Mick. Pensant s’être débarrassée de Rumi, la petite pyromane félicitait son ours en peluche. Derrière elle, Mito et Erda se démenaient contre une dizaine de Dryade qu’elles gardaient à bonne distance. _ « Vous n’êtes pas encore vaincues toutes les deux ! Je vais devoir m’en charger ! J’ai laissé plus loin mon animal de compagnie. Mère déteste que je le laisse seul trop longtemps, il a toujours tendance à tout détruire quand il n’est pas sous surveillance, dit-elle en faisant allusion au monstre au centre du camp. _ Pour cela, il va d’abord falloir te débarrasser de moi, lui répondit une voix étouffée sous un masque. » Elle se retourna pour voir retomber depuis le ciel Rumi, à peine égratignée, dans les bras d’une inconnue. _ « Hum… C’est impossible, tordit Emony le cou de Mick ! » Pour seule réponse, elle n’eut que la foudre qui s’abattit sur elle : « Thunder Claw ! » Les Griffes du Tonnerre déchirèrent sa robe magenta foncé à dentelle blanche, dévoilant ainsi sa Leaf. Elles annihilèrent par la même occasion les Dryades aux prises avec Mito et Erda. Les deux apprenties repartirent aussitôt à la rencontre de Rumi. Rumi était portée par une guerrière, à en juger son masque, couverte d’une armure mauve et aux ornements bordeaux, au casque pointu renvoyant l'impression d'un vampire. Etourdie, elle reconnut malgré tout son héroïne : « Dame Geist… » _ « Comment, s’étonna Mito ! _ La célèbre mercenaire qui a fait ses classes ici, compléta Erda ! _ Cessez donc de vous extasier comme des pucelles écervelées, leur asséna Geist dans toute sa sévérité ! Foncez au centre du camp aider vos amies ! Nous devons préserver ce camp à tout prix ! » Les gamines s’activèrent sans broncher, quand, tout à coup, Mick leur barra la route. La peluche était devenue aussi grande que l’animal dont il est à l’effigie. Les filles furent désarçonnées. Alors, pour faire face à l’ourson géant, apparut devant elles un véritable ours qui déchira en deux la peluche. _ « Phantom Genwaku Ken, libéra son cosmos Geist un genou à terre ! _ Je vois que tu es capable de donner vie à des illusions toi aussi, se releva Emony sans se soucier de la fuite des élèves, ça n’en rendra mon combat que plus agréable. Moi Emony Dryade de la Méchanceté je vais te faire avaler ce masque ! _ Tu m’excuseras, mais je n’ai pas le temps de m’amuser avec quelques tours de passe-passe. Je vais en finir vite. _ Comme tu voudras. Je vais te faire payer ce que tu as fait à Mick ! Ton assurance m’agace. Je vais te la faire perdre très vite en te plongeant dans un éternel cauchemar ! Lunatic Bind ! » Emony envoya une multitude de lobélies sur son adversaire qui, d’un revers de la main, crut déjouer l’arcane : « Que penses-tu pouvoir me faire avec des… fleurs… » Geist se rendit compte que les pétales s’étaient changés en papillons qui saupoudraient tout autour d’elle un cosmos, comme s’ils déposaient de la soie. _ « Mon cosmos étouffe le tien et te fait perdre tes forces. Très vite tu vas plonger dans un éternel sommeil fait de cauchemars dont tu ne reviendras jamais ! » Geist tomba un genou au sol, incapable de se maintenir debout. Elle tenta d’abord de prendre appui à terre avec ses mains, mais ses doigts lui parurent si lourds qu’elle fut incapable de les relever. Elle s’écroula alors lourdement la tête la première…
Au même moment, dans la salle d’audience du palais du Grand Pope, cape recouvrant sa Cloth, Deathmask gardait un genou à terre et son diadème en main. L’½il ouvert, il regardait son souverain trépigner d’impatience. Ce dernier faisait les cent pas devant son trône. Dissimulé sous son apparat doré, Saga commentait : « Quel revers nous subissons ! Je savais qu’Eris pourrait riposter à tout moment, mais jamais je n’aurai pensé qu’elle ciblerait un lieu impénétrable pour la plupart de notre armée ! Avec Mayura sur l’Utérus, il ne me reste plus beaucoup de femmes chevaliers confirmées capables de porter assistance à l’intérieur du camp ! Geist a déjà dû s’y rendre. Bien que je n’aime pas la savoir sans surveillance celle-là, j’imagine que c’est une aubaine qu’elle soit rentrée de mission. Marin de l’Aigle et Shaina d’Ophiuchus sont à l’extérieur du camp à former leurs apprentis masculins. Et il parait improbable que des Dryades ne se dressent pas sur leur passage, lorsqu’elles vont se rendre au camp prêter main forte ! » Deathmask se redressa alors en recoiffant ses cheveux de son casque : « Je comprends maintenant pourquoi vous m’avez fait appeler. Le problème du camp doit être réglé rapidement et efficacement. Il n’y a que votre meilleur assassin qui puisse faire le job ! » Saga pointa aussitôt du doigt le Cancer : « Tu es prévenu Deathmask ! Personne ne doit être témoin qu’un homme a profané le camp ! Encore moins un Saint d’or dont la caste est sous mon autorité directe ! » Le gardien de la quatrième maison tourna les talons : « C’est clair. Pas de témoins. »
Dans les airs, au sommet du temple d’Eris, encastré dans l’obélisque, Aeson fut ramené à lui par le son insistant de gouttes qui s’écrasaient dans une flaque. Cette mare gisait à ses pieds et était alimentée en abondance par le sang qui s’écoulait de sa plaie béante ouverte sur le flanc gauche. L’½il gauche arraché et le bras gauche disloqué, il laissait sa lourde tête gesticuler vers le bas pour constater les dégâts. Ses jambes fléchirent et son corps s’affaissait lentement contre le monument. Sa vue troublée à l’½il droit lui laissait apparaître sa fille. Une fois devant lui, Kyoko lui planta son sceptre en pleine poitrine, ressortant de l’autre côté du pilier. Ainsi, elle le garda à sa hauteur et lui épargna de choir lamentablement sur son postérieur. Elle lui caressa ses cheveux qui avaient perdus son diadème et cueillit le bandeau rouge qui coiffait ses cheveux blonds. D’ordinaire distant et glacial, le brun profond du regard d’Eris paraissait exceptionnellement touchant. _ « J’ai de la peine pour toi papa. Tu te débats pour un songe qui ne t’est jamais apparu. _ Pardon, cracha-t-il du sang ? _ Ta Cloth, la Coupe, elle voit l’avenir à plus ou moins long terme quand tu regardes l’eau que tu y verses dans sa forme totémique n’est-ce pas ? C’est bien ce que tu me racontais quand j’étais petite ? _ …, il hocha la tête pour seule réponse. _ Je m’en souviens comme si c’était hier, dit-elle en lui soutirant de grosses larmes. Je me souviens de tout. Je n’en ai jamais voulu au soldat qui m’avait recueilli. Il m’offrait la possibilité de demander à Athéna, en m’éduquant et me permettant de devenir prêtresse, pourquoi. Pourquoi ne voyait-on rien, toi et moi, nous concernant, lorsque nous regardions dans la Coupe ? » Agonisant et silencieux, Aeson se mit à pleurer. _ « Tu voyais des batailles. Tu voyais venir à toi des messagers. Mais jamais tu ne vis le malheur qui allait s’abattre sur nous. Moi non plus, petite fille que j’étais, quand tu me le permettais, je ne voyais rien. Et tu sais pourquoi ? Parce que dès le début, Athéna nous a tourné le dos. _ Je suis désolé, sanglota-t-il. _ Athéna t’exploite. Elle exploite ses Saints. Puis les abandonne. Elle n’est jamais venue à toi. Et même aujourd’hui, lorsque tu te dévoues à elle malgré la vérité exposée sous ton nez, prêt une fois de plus à sacrifier ta famille, elle t’ignore. » Elle retira enfin d’un coup sec son arme de la colonne, le libérant par la même occasion. Il retomba à genoux et retint sa chute en se maintenant au sol par le coude droit. _ « J’ai tellement honte tu sais, s’étouffait-il dans ses sanglots et dans son sang. _ Moi j’offre la vie. Une vie après celle faite d’amertume, de ranc½ur, de regret. Je m’entoure de fidèles que je récompense. Et tu sais pourquoi, lui demanda-t-elle en l’embrochant à nouveau au niveau des omoplates ? C’est parce que je suis bien plus reconnaissante envers les sentiments que refoulent mes sujets. Et bien au-dessus d’Athéna ! » Aeson ne parlait plus. De sa bouche retombait une pâte épaisse, mélange de bile et de sang. Son ½il droit était perdu par le constat indéniable exposé par sa fille. La perte de sa foi lui faisait bien plus mal que la perte de ses sens. La Dame Blanche vient alors se mettre à quatre pattes face à lui pour capter son regard. Elle ôta son masque afin d’exposer des traits semblables à sa fille. _ « Olivia, râla de souffrance Aeson en retrouvant enfin sa femme… _ Le vrai pardon serait que tu nous rejoignes, pour expier le déshonneur que tu as fait à notre famille, proposa-t-elle. _ Le vrai pardon, appuyait un peu plus sur sa lance Eris, serait que tu nous rejoignes pour déchoir ce Pope corrompu et cette Athéna déficiente. _ Le veux-tu, questionna Olivia ? » Aeson hocha d’un coup lent la tête. _ « La vie d’un Fantôme passe par le renoncement à tes allégeances et à ta vie passée, poursuivit Eris. L’acceptes-tu ? » Il répéta son geste en versant une dernière larme. Eris sourit à Olivia qui s’empressa de se redresser. Elle leva haut vers le ciel son masque au menton pointu et tranchant. Elle le cramponna bien fort de ses deux mains, puis l’abattit d’un coup sec dans la nuque d’Aeson. Surpris, le malheureux écarquilla grand son ½il et ne put retenir une autre gerbe de sang par la bouche en plus de celle giclant de son cou. Le visage totalement changé par une joie meurtrière, Olivia répéta son geste. Une fois. Puis deux. Le plasma d’Aeson dont elle était éclaboussée maquilla sa folie qui prit fin une dernière fois, lorsque sa tête se détacha de son corps et roula parterre tandis que le tronc s’échoua définitivement…
Sur Terre, au milieu du camp des femmes Saints, les tentacules du monstre cinglaient tels des fouets dévastant tout sur son passage. Ils écroulaient les temples, tranchaient de la tête aux pieds Dryades et apprenties sans distinction. Tout autour d’elle, Rebecca voyait ses élèves tomber dans d’atroces circonstances. Chaque fois qu’elle réunissait son cosmos pour frapper l’horrible animal, celui-ci saisissait entre ses liens des aspirantes Saints pour s’en servir comme bouclier. Dès lors, il lui suffisait de repousser Rebecca avant d’engloutir ses remparts humains. De nouveau renvoyée au sol, Rebecca en perdit son masque et put mieux observer de ses yeux dégagés, l’étendue des dégâts. Les Dryades retenaient prisonnières à l’intérieur du camp les jeunes femmes pour mieux alimenter le monstre. _ « Si je m’obstine à vouloir ne pas faire de dommages collatéraux, sur la trentaine de jeune fille encore en vie, il n’en restera plus une. Les plus téméraires tombent face aux Dryades. Les plus démunies sont dévorées. Je dois vite neutraliser ce monstre, se focalisa-t-elle en direction d’un prieuré où était déposée sa Pandora Box. » Aussitôt, la Cloth en fût libérée et Rebecca sauta en l’air pour la rejoindre. Profitant de son éclat au moment de la revêtir, elle éblouit les quatre yeux du quadrupède. Elle libéra alors son arcane en lui retombant sur son dos : « Burning Lava Rain ! » La Pluie de Lave Brûlante l’accompagna dans sa descente et fracassa, telles des pierres de laves par centaines, l’animal à revers. Ces météores de feu tombèrent si lourdement que les pattes de l’animal lâchèrent sous le choc et qu’il retomba grossièrement sur le ventre. Surfant sur sa colonne vertébrale au milieu de la vapeur bouillonnante de son cosmos, Rebecca se laissa glisser le long de sa queue étendue en arc de cercle sur le parterre pavé. Au milieu du gaz étouffant, élèves et Dryades cessèrent leurs échanges, jusqu’à ce qu’elles purent distinguer le grand gagnant de l’affrontement. Rebecca apparut au milieu de l’émanation qui se dissipait peu à peu, devant la gueule écrasée de l’animal inconscient. Déjà en garde pour achever les Dryades, elle paraissait contrôler parfaitement la situation dans sa Cloth vert menthe. Son succès parut même évident pour Erda qui venait de déboucher de la forêt, suivie de Mito et Rumi. Les yeux des trois élèves brillaient sous leurs masques d’admiration pour leur mentor. _ « Félicitations maître, s’exclama Rumi avant de freiner brutalement sa course. » Rebecca réagit trop tard aux stupéfactions de l’ensemble des élèves lorsqu’elles passèrent leurs mains devant leurs bouches en voyant les quatre yeux rouges de l’animal s’ouvrir en grand. Les grosses prunelles libérèrent chacune un rayon de cosmos écarlate qui traversèrent l’horizon, brisant en deux les arbres face à lui. Mito coucha spontanément Erda à terre pour esquiver. Rumi n’eut pas cette chance et fut transpercée en pleine poitrine. La Cloth et le bras de Rebecca, eux, furent arrachés à hauteur de l’épaule droite. Se redressant lentement comme un chien après une longue sieste, le monstre se secoua le corps comme le ferait tout canidé. S’étirant sans même prêter attention à ses victimes, il apparut aux yeux de tous sans la moindre égratignure. Donnant ainsi le feu vert aux Dryades qui reprirent en premières l’assaut. Tombant à genoux devant son bras que les nerfs agitaient encore, dans une gerbe de sang, ne pouvant contenir l’hémorragie, Rebecca avait le regard déjà vitreux. La beauté tropicale était déjà blafarde. A peine remise, Erda se jeta dans sa direction afin de lui éviter d’être balayée par un revers de patte du monstre. Elle roula avec elle sur le sol jusqu’à pouvoir la déposer contre une colonne grecque renversée. Mito, elle, se tourna vers Rumi. Elle lui ôta son masque pour tenter de distinguer la moindre étincelle de vie dans son regard. L’espoir fut immédiatement anéanti lorsqu’elle plongea dans ses yeux vides. D’instinct, de colère, et par nature de meneuse auprès des autres, Mito se jeta à corps perdu contre les Dryades qu’elle massacra sans ménagement en espérant protéger ses camarades. Erda, elle, baissait la tête à chaque secousse que les combats produisaient autour d’elle, tout en ôtant son foulard à Rebecca. Elle s’en servit pour lui faire un garrot. _ « Mito… Tu dois aller aider Mito… Elle s’épuise à combattre dans tous les sens…, perdait de plus en plus de sa superbe Rebecca. _ Ce monstre, garda son sang-froid Erda en serrant fort le foulard aussitôt imbibé d’hémoglobine, qu’est-ce que c’est ? Et comment a-t-il pu survivre à une telle attaque ? _ C’est le bunyip. Une créature mythique de la mythologie aborigène australienne. La longue membrane de sa collerette couvre son dos. Elle a dû servir de bouclier à l’attaque. Je ne vois que ça. » Par réflexe, Rebecca appuya sur la tête d’Erda pour la coucher au sol lorsque Bunyip lança un tentacule tranchant l’horizon dans leur direction. Alors que des bustes arrachés de Dryades et d’apprenties tombèrent au sol, Rebecca et Erda furent recouvertes par les arbres découpés dans la foulée…
Devant le camp, à l’orée de la forêt, Voskos trépignait. A mesure que les secondes s’écoulaient, d’autres guerriers, soldats ou Saints, le rejoignaient. La foule s’amassait tout autour du bois. Dans son dos, Xiao Ling restait agenouillée en sanglotant. Voskos ne lui prêtait même plus attention. Elle revivait la répression dont elle fut victime. Le petit corps de Yufa. Piétiné. Désarticulé. Les yeux grands ouverts. Vides. Sans vie. A cet instant, telles deux fusées, deux guerriers en kimonos, se distinguant par leurs tenues du reste des autres renforts qui se groupaient, passèrent sous ses yeux. Mirai et Shinato trouvèrent Voskos. Tous trois étaient déterminés à en découdre. _ « Seigneur Voskos, fléchit légèrement la tête Mirai. _ Mirai. Shinato, les reconnut-il. Alors vous aussi vous êtes venus mater les Dryades ! _ Et comment, gonfla les muscles Mirai ! » Pour sa part, Shinato ne disait rien. Écoutant avec effroi les nombreux appels au secours et cris de mortification venant de l’intérieur. _ « J’y vais, décréta Shinato ! » Mirai tendit le bras dans sa direction : « Attends ! C’est un camp réservé aux femmes ! Tu ferais acte de parjure envers Athéna en t’y rendant ! » Voskos écarquilla les yeux devant la crédulité de Mirai. Shinato défit son bandeau et libéra ses longs cheveux dans son dos en détachant sa queue de cheval. Elle resserra davantage à la taille sa ceinture de kimono afin que celui-ci épouse réellement sa poitrine de jeune femme. _ « Pardonne-moi Mirai de t’avoir caché la vérité durant toutes ces années. _ M… Mais pourquoi ?! _ J’ai longtemps douté de la voie que je devais emprunter. Saint ou prêtresse. D’où ma possibilité de ne pas porter de masque grâce à l’alternative de la pratique du culte pour devenir Saintia. De plus, ça m’a rendu la vie plus facile vis-à-vis des autres apprentis, dont toi. Ne pas souffrir de la différence m’a permis de m’aguerrir normalement. Cependant, aujourd’hui, avec Maître Mayura qui risque sa vie, et sur le fait accompli de l’invasion du Sanctuaire, je ne peux gâcher mon talent martial en me retirant de la vie de Saint. Mon choix est fait. Je deviendrai une Saint. Et c’est par égard à tout ce que nous avons partagé jusqu’alors, que je te montre en cet instant mon véritable visage. Si je survis à ça, je devrai porter un masque pour toujours. Hormis lorsque je serai en présence de l’homme à qui j’ai envie d’offrir ce sourire, s’il partage mon affection en retour bien entendu. » Puis, sans laisser Mirai réagir, elle resserra son bandeau et rattacha ses cheveux avant de s’enfoncer dans la forêt. Derrière eux, Xiao Ling était saisie par le courage de Shinato : « Elle est prête à risquer sa vie par honneur pour son maître. Tandis que je n’ai pas le courage de rendre la pareille à Rebecca… » Penaud, Mirai fixait Shinato disparue dans la touffeur boisée d’un air bien crédule. _ « Tu étais sérieux ? Tu n’avais jamais remarqué que Shinato était une fille, le bouscula du coude Voskos ? _ Bah… Oui… Vraiment… _ Crétin, souffla-t-il amusé en lui cognant le dessus du crâne de son poing. _ Tout de même, leva Mirai la tête en direction des pétales de l’Utérus qui tombaient sur le Sanctuaire, Shinato a bien du courage, Eris a pour but de semer la discorde afin que les hommes deviennent fous et s’entretuent tous. Faisant passer les guerres civiles et autres génocides vécus jusqu’alors dans l’histoire pour des clopinettes. » Ces paroles résonnèrent dans l’esprit de Xiao Ling : « Si tout ce que j’ai vécu jusqu’alors n’est rien comparé au monde que nous réserve Eris… Alors… Même si je ne comprends pas encore tout à ce qu’il se passe ici… Je dois me battre aussi… » _ « Shinato a un cosmos proche du niveau d’un Saint, je ne suis pas inquiet pour elle, tenta Voskos de rassurer Mirai sans remarquer que Xiao Ling passait à côté d’eux d’un pas lent. _ Qui est-ce, pointa alors du doigt Mirai la Chinoise ? _ C’est une future guerrière qui trouvera en Athéna la foi de risquer sa vie sans ne plus jamais douter, répondit fort le Saint de bronze en reconnaissant Xiao Ling afin qu’elle l’entende. » Ces mots réconfortants lui parvenant, elle serra les poings et se jeta à longues enjambées à la suite de Shinato. Flashback
D’elle-même cette fois-ci, Kyoko cesse son histoire lorsqu’elle voit sortir le serveur. Interpellé par le vacarme sur la terrasse et, personnellement impliqué par ce qu’il se passe envers son amante, il accourt. La mine espiègle de Kyoko prend alors un air sadique lorsqu’elle claque des doigts en regardant Mars : « Éclosion de la troisième Evil Seeds ! »
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« le: 23 Décembre 2021 à 8h53 »
Chapitre 77
En Argentine, le club où Tromos rendait sa justice s’est vidé. Libéré du sous-sol miteux où ils étaient réduits à l’esclavage, enfants et opposants politiques sont déjà accueillis dehors par les secours. Ceux-ci, alertés par des voisins interpellés par les fusillades à l’intérieur de l’établissement, attendent les directives des autorités.
A l’intérieur, au rez-de-chaussée, Tromos slalome entre les cadavres des hommes de main de Segador et des victimes pris entre les feux nourris de leurs revolvers. Le son des enceintes cogne encore dans la tête du seul rescapé au milieu de la piste de danse. Il fait le tour de lui-même pour, d’une légère émanation de cosmos, détruire chaque caméra afin d’instaurer davantage de crainte aux mafieux qui attendent à l’étage. Il est temps pour le Berserker de les rejoindre.
C’est justement en haut, au milieu du couloir surveillé au bout par sept gardes du corps, que Vasiliás a suivi Peligra. Les immenses enceintes ajustées au mur leur ont épargné le moindre soupçon de ce qui a pu se tramer en bas. Au moment de refermer la porte de la chambre vide où Peligra l’a conduit, l’Américain reconnaît l’apparence de Tromos, couvert du sang de ses victimes, arriver sur le palier pour aller à la rencontre de Segador.
Bien décidé à laisser son second agir seul, Vasiliás retrouve à l’intérieur de la pièce aux murs insonorisés la plantureuse danseuse qui l’assied sur une chaise. Utilisant une télécommande, elle relance une musique plus engagée qu’en bas. Perchée sur ses hauts talons, elle reprend là où elle s’est arrêtée. Habillée de son unique boxer, elle se déhanche de nouveau. Cette fois-ci plus lentement, de manière féline. Elle fait le tour de la chaise où est assis un Vasiliás subjugué, qui se contente de se laisser caresser par la peau chocolat, douce et parfumée de Peligra lorsqu’elle vient coller contre lui sa poitrine et ses fesses. Alors pour permettre à l’homme d’Arès d’apprécier davantage, elle glisse ses doigts entre sa peau et la lanière de son sous-vêtement, qu’elle laisse descendre très lentement en l’accompagnant jusqu’à ses pieds, offrant à son client la pleine vue sur son intimité dorénavant dissimulée sous une dernière ficelle de tissu avec laquelle elle joue encore. Seulement, avant de l’abandonner, elle choisit de provoquer son riche client, à qui elle ôte la veste tout en remuant devant lui. Lorsqu’elle s’assoit sur ses genoux, elle tire sèchement sur sa cravate pour écarter en grand sa chemise haute couture, faisant voler tous les boutons. Face à ce torse nu et athlétique, elle vient coller le sien. Puis, après avoir feint un baiser sur ses lèvres, elle se laisse descendre contre lui en se tortillant paresseusement. Lorsque son visage arrive devant la fermeture de son pantalon, elle le lui desserre en tirant dessus pour le lui ôter en même temps que ses chaussures…
En Grèce, le serveur vient ramener un nouveau verre à Mars et en profite pour remplir la coupe de Kyoko. Friponne, elle demande à la réincarnation de son frère : « Sais-tu pourquoi j’ai commencé à réveiller les Evil Seeds du couple voisin ? » La moue qu’il fait, montre un certain désintérêt pour cette question, dû à l’empressement qui est le sien de connaître la suite des aventures qui ont eu lieu il y a presque trois ans. _ « Notre serveur porte une Evil Seeds lui aussi. Et il s’avère que l’homme avec qui notre voisine a une liaison secrète est notre serveur. Que dis-tu si je fais éclore son Evil Seed a lui aussi ? _ Seulement après que tu ais avancé dans ton histoire, lui dit-il en retenant son poignet… _ D’accord, souffle-t-elle déçue… »
Flashback Au Sanctuaire, dans le camp des femmes chevaliers, Rumi, l’amie de Shoko, était bien pensive, tandis qu’elle lassait ses spartiates autour de ses chevilles. _ « Quand même…Shoko… Pour peu que je la quitte des yeux, il lui arrive toujours des bricoles… J’espère tout de même qu’elle se remet de ses émotions. Les filles m’ont dit qu’elle avait été conduite au temple des prêtresses, leva-t-elle la tête dans la direction du palais bien éloigné. » La jeune fille aux cheveux châtain fut rejointe par une de ses semblables. Blonde, les cheveux longs et fins, Mito apparut d’abord sans masque et posa sa main sur l’épaule de Rumi : « J’imagine le choc qu’à dû ressentir Shoko en retrouvant sa s½ur et en apprenant son sort. Néanmoins, il ne faut pas nous laisser submerger par l’émotion. C’est justement pour Shoko que nous devons reprendre l’entraînement et faire face si les Dryades se présentent à nouveau. » Mito était grande, un bustier et une épaulette de métal bardaient son corps comme la protection de son avant-bras et de son poing droit. Ces renforts métalliques et son assurance lui donnaient un air plus caractériel que les autres élèves. C’est d’ailleurs cet aplomb qu’Erda vint trouver en les rejoignant. Sans que cela n’offusque Mito, Erda les cheveux courts, châtains, enlaça sans crier garde sa camarade par la taille en arrivant dans son dos. Elle lui baisa le cou autour duquel elle portait un foulard. Cette distinction donnait à Mito une touche de féminité à son corps endurci. L’étreinte symbolisait l’affinité partagée entre les deux élèves, confirmée par la sensualité des caresses que Mito rendit à Erda en retour. Erda s’émancipa délicatement de l’étreinte qu’elle avait initié et tendit sa main vers Rumi : « Mito a raison. Après tout, notre destin est de nous perfectionner afin de devenir des Saints. Nous n’avons pas d’autres choix. Car celles qui échouent arrivent difficilement à se trouver une place parmi les soldats. Ce corps d’armée est encore bien trop arriéré. Gagner leur respect sans devenir chevalier est bien compliqué. Être mercenaire à la limite, comme Dame Geist… »
Plus haut, dans le ciel de Grèce, sur le parvis du temple d’Eris, Aeson peinait à se tenir sur ses jambes. Submergé par l’émotion, il frémissait chaque fois qu’il entendait dans son dos approcher la première voix venue de derrière l’obélisque. Il n’osait se retourner, craignant de la reconnaître vraiment. Il préférait fixer avec douceur la divinité ennemie. _ « Co… Comme tu as grandi, prononça-t-il en approchant sa main tremblotante vers la jeune femme… Tu n’étais encore… _ Qu’une enfant oui, l’interrompit Kyoko en le mettant en joue de sa lance juste sous sa gorge. _ Si tu savais comme je vous ai cherché… _ Pas tant que ça semble-t-il, reprit la voix dans son dos dorénavant juste derrière lui, tes filles résidaient durant toutes ces années au Sanctuaire. _ Cette voix, ferma-t-il les yeux… C’est toi, interrogea-t-il l’inconnue sans se retourner, n’est-ce pas ? » Pour toute réponse, il n’obtint qu’un violent éclat de cosmos du sceptre d’Eris en plein plastron, qui le projeta par-dessus l’énigmatique troisième protagoniste. Il retomba en bas des marches, tête la première, fissurant son diadème. Son corps échoua ensuite lamentablement sur le dos, arborant ainsi son plastron ébréché où les morceaux de Cloths se mêlaient au sang qui fuyait ses plaies. _ « Il est à toi, Dame Blanche, lança Eris en nommant l’inconnue. » Celle-ci effectua alors un saut périlleux jusqu’au Saint d’argent, l’obligeant à la reconnaître. La Dame Blanche, vêtue d’une toge de Saintia, avait beau avoir le visage dissimulé par un masque noir et amarante, il en était convaincu, c’était elle. Son masque contrastait avec la couleur immaculée de sa robe et ses ornements dorés autour de la taille, du cou et dans les cheveux violets. _ « Les mêmes cheveux qu’elle, pensa Aeson en alternant son regard entre Eris et la Dame Blanche. » Pendant qu’il redressait son buste, il s’en prit alors étonnamment à elle : « Vois ! Vois donc jusqu’où nos actes furent punis ! Notre fille… Condamnée à être le réceptacle de la Déesse de la Discorde ! Nos filles même ! Car les faits relatés étaient clairs ! Deux s½urs nées sous la même étoile destinées à devenir Eris ! » Il chercha à se relever. Son visage devenait peu à peu déformé par la colère. D’abord abasourdi, il se changea en hystérique menaçant. _ « Mais jamais, jamais je n’aurai pensé qu’il s’agisse des nôtre ! Notre sentence aurait dû suffire ! Mais quand je te vois revenue en Fantôme à ses côtés, quoi de plus normal ! Tu étais pourrie jusqu’à la moelle ! Tu reviens en ennemie du Sanctuaire ! D’essence maléfique, tu as condamné nos filles et nos vies au chaos ! » La Dame Blanche ne le laissa pas se remettre totalement d’aplomb. Frustrée par ses propos, elle lui décocha un uppercut, alors qu’il était plié en avant de douleur tenant son buste blessé. Ainsi désarçonné, il ne put empêcher qu’elle appuie ses mains sur le sommet de son crâne pour se donner suffisamment d’élan en remontant ses genoux contre son visage. L’impact fut si violent qu’il s’éleva dans les airs par un salto, à la merci du Fantôme qui chargea sa cosmo énergie. Dans son dos une chouette d’un blanc immaculé déployait ses ailes. Son plumage devint de plus en plus grand. A mesure qu’il s’étirait, il s’étiolait. Bientôt chaque aile se transforma en un voile, un effluve spectral. Les yeux noirs de l’animal transpercèrent en pleine cabriole le chevalier, perçant chaque épaule, pour mieux stopper l’acrobatie et l’immobiliser. La tête de la chouette prit forme humaine. Un visage féminin angoissant, laiteux, à la bouche grande ouverte l’engloutit : « Yokai O Musabori Kuu ! »
Au second niveau du temple, suspendue dans la dimension cosmique de Shaka, Dysnomie n’en perdait pas moins son aplomb. _ « Comme c’est charmant ! T’enfermer avec moi dans une dimension représentant l’harmonie. Aurais-tu quelques vues sur moi ? _ Désolé de te décevoir, dit-il en levant ses paupières, mais si je t’ai capturé ici c’est pour te priver de tes cinq sens ! » Soufflée par le septième sens de Shaka, Dysnomie disparut… Puis réapparut dans son dos. _ « J’ai cru que mon c½ur allait cesser de battre lorsque j’ai vu tes beaux yeux… _ Le fait que le Tenbu Horin soit inefficace contre toi m’interpelle. Comment as-tu fait ? _ Ah ! Je suis ravie que tu t’intéresses autant à moi ! La vérité c’est que je suis l’effigie du désordre. Dès lors, l’harmonie de l’univers n’a aucune emprise sur moi. _ Tu veux dire que tu es aux antipodes de ce que je suis ? » Elle ouvrit sa longue cape, pour dévoiler une galaxie toute entière en lieu et place de son corps. Contrairement à l’infime étoile qui balaya Naïra plus tôt, elle propulsa cette fois-ci l’univers qu’elle contient en elle sur Shaka. _ « Pourquoi ne viens-tu pas le vérifier avec moi Vierge ! Reverse of Universe ! » Les nébuleuses qui sortirent d’elle fracturèrent la tapisserie bouddhique et engloutirent Shaka. Dans un fracas semblable à des bris de verre, le Tenbu Horin vola en éclat. A la place, Shaka se retrouva à quatre pattes sur un sol de bitume marqué par une signalisation blanche. Le goudron était humide mais l’odeur de fer qui en émanait ne venait pas de lui. Lorsqu’il tourna les paumes de ses mains vers ses yeux restés ouverts, il reconnut du sang grâce à l’incandescence des incendies qui l’entouraient. En levant la tête tout autour de lui, des gens du monde moderne se faufilaient au milieu de carcasses de véhicules calcinées. Ils se courraient les uns après les autres, armes aux poings. Les éclats de verre comme les fracas du Tenbu Horin se poursuivaient. Des vitrines brisées par des jets de pavés et des carreaux de buildings, traversés par des employés défenestrés, rythmaient les cris d’épouvantes des fuyards et les ch½urs de folie des bourreaux. Devant lui, une foule submergeait des représentants de l’ordre aux boucliers inclinés, incapables de lever les matraques qui faisaient montre par le passé de leur autorité. La révolte irradiait par les grattes ciel en flammes, semblables à des torches géantes. Dans son dos, un rire dénotait totalement au beau milieu de cette anarchie. Le sarcasme intrigua le Saint d’or qui ne voyait dans cette direction que les gravats d’un bâtiment effondré. Les exclamations devenaient de plus en plus insistantes, enivrantes, concupiscentes. Elles semblaient venir de dessous une plaque de béton armé. Un léger orifice laissait s’échapper le bruit qui paraissait être le concert de plusieurs voix langoureuses. Il écarta un panneau de bois qui obstruait le passage vers les fondations de cette ruine et découvrit, tamisés sous les rayons violacés de néons clignotants, un amas de corps nus, emmêlés, enchevêtrés, glissant les uns contre les autres, les uns en les autres, humides de moiteur, de salive et du miel qui dégoulinait des envies charnelles des êtres humains. L’odeur de la débauche ne fut pas la seule qui alerta l’odorat de Shaka. Un goût acide, d’oxydation, lui prit également la gorge. A y regarder de plus près, sur les corps cambrés, fuyaient également des lignes de sang. Elles s’échappaient des lacérations par les ongles de vénustés cramponnées à leurs partenaires. Au milieu de ces bacchanales, hissée au sommet de corps mêlés, assise sur son postérieur, les bras appuyés en arrière, la cape ouverte sur un corps nu suintant d’envie, Dysnomie dévisageait avec opiniâtreté l’invité. Ses cheveux mouillés collaient son front et dégageaient enfin ses yeux. Ce regard lubrique et profond attendait le Saint. Il le fixait avec obstination. Subitement, deux mains se hissèrent en direction de Shaka pour agripper chaque côté de son heaume et le tirer par le casque vers les profondeurs luxurieuses. Une foule nue, endiablée, se souleva alors pour le tirer à l’intérieur. Plongé dans le regard de la Dryade, il se laissa guider sans protester. Il passait de dizaines en dizaines de mains humides toutes désireuses de caresser la dure protection d’or sur laquelle réfléchissait l’ultraviolet. Quelques-unes raccrochaient les pièces de métal, désireuses de se les approprier, de découvrir le corps athlétique qu’elles recouvraient. Shaka perdit d’abord son casque dans le désordre, puis une épaulette et peu à peu l’entièreté de sa Cloth. Il ne s’en soucia pas lorsqu’il vit une libidineuse membre frotter un avant-bras entre ses jambes ou un lubrique individu lécher de bas en haut une de ses jambières. Il préféra suivre le chemin qu’on lui traçait à coup de caresses et de jet d’huile sur son torse nu. La chaleur et le gel graissèrent son pantalon bordeaux qui le moula davantage. L’attirant vers elle par de mouvements des doigts, Dysnomie, jambe écartée sur son intimité, savourait chaque instant : « Voici mon harmonie ! Bien loin de la tienne si puritaine ! » Envoûté, Shaka ne perdait pas de ses grands yeux bleus son splendide corps. Les coups de griffes de mains désireuses de se l’accaparer ne le firent pas sortir du charme. Les pectoraux lacéré, le dos coupé, les joues balafrées, il se hissa sur les monceaux de corps noyés pour remonter son visage entre les cuisses de Dysnomie. Juste devant elle, il posa fermement sa main droite sur la fesse d’une des vénustés sur lesquelles Dysnomie s’était jonchée pour tirer son buste à hauteur du sien et attraper l’arrière de sa tête de sa main gauche. L’étreinte virile fit lâcher un souffle de plaisir à la Dryade qui se laissa attirer vers ses lèvres tout en humectant les siennes de gestes suaves de la langue. Shaka embrassa Dysnomie à pleine bouche. Relevant la tête entre chaque coup de langues dégoulinants qu’ils s’échangèrent à la vue de tous. Lorsqu’il recula définitivement la tête, Dysnomie rouvrit les yeux. Mais elle ne vit rien. Elle essaya de porter ses mains à son visage mais elle ne sentit plus ses membres. _ « Que m’as-tu f…, ne put-elle achever sa phrase… _ Je te priverai de l’ouïe en dernier, afin que tu comprennes ce qu’il t’est arrivé, commença-t-il… » Au même instant, pièce après pièce, sa Cloth s’arracha des mains des invités, les écorchant, voire les transperçant sur son passage. Le sang fut versé par gerbes cette fois-ci. Une épaulette trancha le néon en le regagnant, afin de ne faire briller l’espace que de sa lumière solaire. Aussitôt, les Dryades furent toutes démasquées et massacrées par les morceaux d’armure qui ricochèrent dans toute la cave. _ … D’abord la vue, puis le toucher. Vint le goût. Et à te voir essayer de gesticuler ainsi, c’est que l’odorat t’indique l’odeur du sang, du moins de la sève qui coule dans les veines de tes frères et s½ur. Ne t’inquiète pas, je te l’extirpe également. » Dès lors, Dysnomie ne ressentait plus rien. Seuls les derniers râles des siens vinrent à ses oreilles. La montagne de corps sur laquelle elle trônait s’affaissait, maintenant qu’ils étaient sans vie. Le dernier cri fut poussé avant que le casque de la Vierge ne finisse de rhabiller totalement Shaka. Il était couvert de métal doré rougeoyant de plasma. _ « Tu as compris à présent ? J’ai réalisé que ton cosmos était à l’opposé du mien. Pour que le Tenbu Horin t’atteigne, il me fallait d’abord te faire baisser ta garde puis insuffler mon cosmos en toi. Ce baiser ne fut pas désagréable, mais pour toi, ce fut un baiser mortel… » Un son de cloches retentit, de plus en plus fort, de plus en plus sourd. Le monde anarchique de Dysnomie vola en morceaux et les mantras bouddhiques résonnèrent dans le hall du second niveau du palais d’Eris. Les illusions cessèrent, seul resplendissait le cosmos de Shaka : « Je t’ai laissé entendre ta défaite. Adieu. Perte de l’audition ! Tenbu Horin ! » Revenue sur le sol dallé, le corps de Dysnomie se tortilla de faiblesse avant de se raidir. Plus loin, Naïra revenait à elle accompagnée d’une migraine. Elle étudia Shaka, yeux ouverts, porter le coup de grâce en relâchant entre ses deux mains le cosmos qu'il a accumulé : « Tu n’es plus qu’une enveloppe vide mais tu as été redoutable, je ne prendrai donc aucun risque. Tenma Kofuku ! » Des images de paradis bouddhique levèrent le corps à mi-hauteur de la pièce avant de le réduire en poussière par une décharge de cosmos suivi d’une explosion. Il rabaissa ses paupières et se tourna serein malgré les nombreuses égratignures sur son visage vers Naïra : « Si nous poursuivons sur la droite, nous nous enfonçons au c½ur de l’Utérus qui regorge de Dryades. L’objectif de notre mission et d’atteindre très vite Eris. Nous poursuivrons donc sur notre gauche afin de gagner le sommet par le flanc. Le centre est la mission d’Aiolia. J’ai foi en lui... »
Sur Terre, dans la forêt délimitant le camp des femmes chevaliers, pantalon bleu océan enserré à la taille d’un ruban jaune et maillot blanc craquelée, Rumi avait réajusté son masque comme Mito et Erda qu’elle suivait. Elle était toute perdue dans ses pensées : « Dame Geist, se remémorait-elle son nom après qu’Erda l’a employé plus tôt… On dit qu’elle dirige un groupe de trois hommes et qu’ils font preuve d’efficacité à chaque mission confiée. Néanmoins, il parait que déontologiquement parlant, elle ne soit pas un modèle à suivre… Je suis complètement perdue. J’aimerai être comme Mito et Erda. Elles sont là l’une pour l’autre à chaque épreuve. Et, tout en se souciant du danger à venir, elles n’angoissent pas à l’idée de s’y confronter. Il faut dire, qu’elles vivent au sein même du camp. Par la force des choses, elles ont toujours pu compter l’une sur l’autre. Nous sommes arrivées à un âge où nous sommes pleinement conscientes de notre mission, de notre force… Mais également du besoin de réconfort que nos corps et nos c½urs réclament. Cloîtrées l’une avec l’autre, se fut une évidence pour Mito et Erda. Moi, les événements de la veille m’ont fait réaliser à quel point Shoko compte pour moi. Mais, comme quelques-unes d’entre nous, elle ne vit pas au camp avec nous autres. Cela contribue à la rendre différente. C’est peut-être un des nombreux aspects que j’aime chez elle d’ailleurs… » Derrière ses camarades, Rumi marqua un instant le pas pour observer les rayons du soleil qui perçaient à travers les feuillages des hauts arbres qui délimitent tout le tour du camp : « Cette révélation qui fait cogner mon c½ur et chauffer le bas de mon ventre est-elle réciproque ? A quoi Shoko peut-elle penser en ce moment ? » Soudain, Rumi fut saisie par ses amies revenues sur leurs pas. Chacune souleva par un bras Rumi et s’élança dans les airs. Sous leurs pieds, la verdure prenait forme humaine. _ « Un entraînement, soupçonna Rumi revenue à elle ? _ Ce serait étonnant, s’inquiéta Mito. _ Rebecca nous attend près des temples pour une leçon théorique, précisa Erda. » Alors qu’elles regagnaient le sol, elles remarquèrent que le feuillage prenait vie aussi. _ « Erda ! Attention, s’époumona Rumi ! » Trop tard, une Dryade naquit des branchages et tomba pied en avant sur Erda. A peine le parterre foulé, Mito s’élança au secours de sa camarade sans prêter attention à une nouvelle Dryade qui l’attaquait à revers. Rumi la couvrit alors en dégageant de son poing avec efficacité une onde de choc qui mit au sol l’ennemie. Une petite fille aux cheveux gris cendré, coiffés d’un ruban magenta foncé avec une rose lie de vin, apparut alors sous les yeux de Rumi. Sa tenue de poupée de porcelaine et sa mine candide désarçonnèrent Rumi, qui ne comprit d’abord pas ce qu’une enfant faisait ici. L’intruse présenta du bout des bras son ourson en peluche qu’elle nomma : « Mick ! » Crédule, Rumi fit un pas en arrière. Interdite. Sans savoir que faire. Revenue à elle dans les bras de Mito, Erda fut tout de suite plus clairvoyante : « Rumi ! Attention ! C’est une Dryade ! » Au même instant, l’éclat sanguinolent de la prunelle des yeux de l’enfant s’illumina, tandis que sa peluche sourit avec perfidie. Si grand que l’ourson ouvrit en large la bouche, une bouche remplie de flammes…
Sur l’Utérus, devant le porche conduisant aux étages depuis le centre du temple, Mayura revenait à elle. Até, déjà debout, appuyée contre l’encadrement de la voûte, pressait sa plaie pour retenir vainement son hémorragie. _ « Impudente ! Moi vaincue par une Saint d’argent ! Je ne partirai pas sans t’avoir emmenée avec moi ! » Dans un ultime effort Até libéra tout son cosmos. Celui-ci brûlait d’une telle intensité qu’il dépassait les limites de son enveloppe charnelle meurtrie. Au point de briser son corps. Celui-ci devint veiné de racines comme l’ensemble de la structure de l’Utérus. Sa peau flétrit jusqu’à ce que son épiderme fût boisé. Chacun de ses cheveux finirent en lierre, tandis que ses bras se changeaient en branches déployant davantage de lances. Son buste se transforma en un tronc enraciné grâce à ses jambes profondément ancrées jusqu’aux fondations du temple. Mayura était encerclée par les racines qui s’étendaient du sol au plafond, l’entourant par les murs. Acculée, elle garda son sang-froid en commençant par se calmer. _ « Si mon statut de Saint d’argent te dérange, expira-t-elle d’abord, je vais te faire l’honneur de donner tout ce que j’ai pour t’emporter dans un éclat doré, inspira-t-elle extraordinairement ! » _ « Je ne crains plus tes techniques, maintenant que je me suis débarrassée de ce corps humain ! Million Hatred ! _ Il est temps de libérer toute ma concentration accumulée au fil de ces années en me privant de mes cinq sens pour atteindre mon septième sens, fit-elle voler en cendres le kimono qu’elle portait par-dessus son armure ! Higi Kenyoku Tenbusho ! » Cette fois-ci la Technique Secrète de la Danse Céleste des Ailes Iridescentes émana de tout son corps dans un éclat doré sans prendre de direction précise. Il libéra un souffle de lumière aveuglante et brûlante qui contra les milliers de lances d’Até. Le tronc d’Até commença à plier en arrière et l’Utérus tout entier vibra dans les airs. D’abord ralenties, puis corrodées peu à peu, les lances d’Até furent réduites à néant. Pourtant, malgré l’explosion de cosmos de Mayura, les projectiles ne s’épuisèrent pas. Au contraire, à mesure qu’il ne restait plus rien de son corps, que seule l’apparence de son visage s’exprimait à travers le tronc, Até mitraillait davantage. Incapables de faire repousser ses lances, écrasée par le cosmos de Mayura, Até profitait de ses racines écorchées pour projeter maintenant de toutes parts des écorces semblables à des éclats de bombes chargés de sa haine destructrice. Bien qu’ils ne progressassent pas aussi vite qu’elle l’aurait voulu, Até gardait confiance. _ « Penser que le Million Hatred était ma seule arme te coûtera la vie, vociféra le faciès de l’arbre. Moi aussi je suis capable de projeter les radiations de mon cosmos ! Violent Disaster ! » Aussitôt, bien que cela désagrégea davantage ce qui restait de son corps désormais inhumain, l’écorce de l’arbre éclata sous une nouvelle impulsion plus puissante qui permit à tous les projectiles en suspens de poursuivre leur chemin quand Mayura les maintenait encore dans les airs. D’abord menée, Até équilibra puis inversa le souffle des deux cosmos en opposition. Les premiers projectiles de cosmos atteignirent leur cible, transperçant les épaules et les cuisses du Saint d’argent. Pourtant, la chevelure olive tournoyant dans les airs, Mayura ne fléchit pas. Le sang de sa plaie à l’½il fuyait en abondance. _ « Bien trop en abondance, s’inquiéta Até. » Il se mêlait aux radiations du Higi Kenyoku Tenbusho qui retenait du mieux qu’il pouvait les assauts répétés d’Até. Seulement, au contact du bois, le plasma parvenait à le calciner. _ « Que penses-tu faire pauvre folle ? Te vider de ton sang pour brûler jusqu’à ma dernière racine ?! » Tandis que son sang et son cosmos s’entremêlaient, brûlant tout sur leur passage, ils imprégnaient Até. _ « S’il le faut oui ! Higi Kenyoku Tenbusho, lança dans une dernière salve Mayura ! » Circulant dans les racines d’Até le sang brûlant de cosmo énergie de Mayura rongeait le bois. Il dessoucha Até et remonta jusqu’à son visage. Enfin, lorsqu’il finit de corroder son épiderme jusqu’à la couche la plus enfouie sous l’écorce, l’arbre explosa, pulvérisant ainsi Até et soufflant l’étage tout entier, tout en emportant Mayura…
Dans le domaine sacré, traversant les villages les uns après les autres, Xiao Ling trépignait d’impatience et débordait de questions. Déposée dans une carriole de foin tirée par des b½ufs et empruntée à la ferme la plus proche des remparts d’où ils venaient, la Chinoise assénait d’interrogations Voskos à qui Algol avait demandé de prendre soin d'elle. _ « … et donc ici tout le monde vit encore comme au temps de la Grèce Antique c’est bien ça, s’émerveillait-elle devant les paysages qu’elle croisait ? _ Oui, grommela le Saint de bronze. _ Et donc, si toi tu es un Saint, ton armure représente une constellation protectrice c’est ça ? Laquelle est-ce ? _ Bouvier, répondit-il en enfonçant sa tête dans ses épaules tandis qu’il tirait les b½ufs… _ Quelle coïncidence, explosa-t-elle de rire en rapprochant sa constellation au rôle qu’il jouait en cet instant ! » Cela n’amusait guère le rustre Saint qui la laissa achever son fou rire avant de demander sérieusement : « Si j’ai bien compris, cela fait des années que tu traverses le monde afin de venir ici. Il faut avoir vécu quelque chose de fort pour avoir la force de caractère de surmonter un tel périple. » Aussitôt, Xiao Ling perdit sa joie de vivre. Nerveusement, elle enroulait de chaque côté de sa tête ses longs cheveux pour en faire des chignons qu’elle attachait avec les morceaux de tissus qui pendouillaient de sa tunique. Des images terribles de sa troupe massacrée, de son chapiteau en feu, du petit corps de son amie Yufa gisant au sol frappèrent sa mémoire. Elle adopta un sourire de façade : « Oui. Cet endroit est merveilleux. Comme me l’a présenté Rebecca. » Voskos fit la moue : « Détrompe-toi. Certes le cadre est chatoyant. Certes la morale de notre mission est noble. Mais pour maintenir cela, pour se montrer digne de cela, il faut endurer mille tourments. Mille batailles. Mille morts. Je ne doute pas que tu ais déjà éprouvé un dur entraînement, c’est certainement celui-ci qui t’a permis de trouver en toi un cosmos capable de parvenir jusqu’ici… » Xiao Ling se revoit alors au cirque réussir chaque fois davantage d’épreuve quand derrière elle, les uns après les autres, ses partenaires montraient leurs limites. Jusqu’à ce que Yufa ne parvienne plus à la suivre. Jusqu’à ce qu’elle lui vole la place de vedette et d’attraction principale de la troupe. _ « … Mais il n’est rien face à celui d’un Saint, poursuivit Voskos. Tu as assisté à une répression militaire… » Xiao Ling revit la nuit durant laquelle, après une représentation, la troupe fut encerclée par la milice, accusée de complicité avec les rebelles, extirpée de ses roulottes, mise à nue, humiliée. Où chaque membre tombait tour à tour sous les balles, quand les coups de matraque ne suffisaient pas. Cette nuit durant laquelle Yufa, son amie de toujours et qui l’enviait tant à mesure que l’étoile de Xiao Ling montait de plus en plus haut sous le chapiteau, vint la réveiller en sursaut pour se faufiler au milieu du charnier. Cette nuit durant laquelle les petites filles furent découvertes. Cette nuit durant laquelle, alors qu’il ne restait plus qu’elles deux, Yufa l’incita à fuir droit devant. Cette nuit durant laquelle Yufa fit barrage, les bras écartés, de son petit corps pour tenter de gagner du temps pour elle. Xiao Ling revoit encore la matraque lui fendre en deux le crâne. Son corps tout frêle voler comme un fétu de paille sur le côté. Ses gros yeux ronds vides perdus à l’horizon. Son cadavre, piétiné par ses poursuivants, visible grâce aux flammes qui dévoraient son chapiteau. _ « … Mais un Saint affronte des armées entières menées par d’autres dieux, conclut Voskos. » Xiao Ling se revoit dans sa chemise de nuit, les genoux recroquevillés devant sa poitrine, au levé du jour. Elle fixait encore la direction de son camp. Elle était seule, en pleine forêt. Sale et affamée. Sauve. Mais atrocement traumatisée. Arriva alors à elle Rebecca. La Saint ne parla pas. Elle ôta son masque et lui sourit. C’était la seconde personne de sa vie qui lui offrit un petit peu de chaleur après Yufa. Orpheline, les propriétaires du cirque ne lui montraient aucune compassion, quand bien même elle faisait leur renommée. Ses camarades n’étaient rien d’autres que des concurrents qui jalousaient son statut. Son public n’était jamais suffisamment satisfait de ses prouesses. La faim et l’exigence étaient son quotidien. La mansuétude de Yufa sa délivrance. L’étrangère la ramena au village. Elle se laissa guider ne sachant pas, sur quoi elle allait tomber. C’était calme. Silencieux. Un silence de mort. La milice avait quitté les lieux. La troupe déjà mise en terre. Le hochement de tête de Rebecca à son intention lui fit comprendre qu’elle était à l’origine des sépultures. Quelques roulottes demeuraient intactes, au milieu de celles qui fumaient encore. Les premiers mots de Rebecca résonnaient encore dans sa tête : « Je suis arrivée trop tard. J’espère que tu sauras me pardonner. » Xiao Ling craqua alors. Elle se jeta contre Rebecca pour écraser ses sanglots contre elle, comme un enfant se jetant dans les jupons de sa mère pour livrer son chagrin. _ « Affronter des armées entières pour empêcher que ce que j’ai traversé ne se reproduise n’est-ce pas, répondit-elle à Voskos ? _ Hélas, nous évitons l’ingérence dans le monde contemporain. Athéna et le Sanctuaire veillent à laisser l’homme libre de ses choix. Espérant toujours que du pire qu’il puisse accomplir il en tire les leçons pour fonder un avenir meilleur. » Ces paroles choquèrent Xiao Ling. Voskos s’en rendit compte. _ « Nous ne sommes pas la police mondiale. Ni des justiciers, compléta-t-il. Tu t’es peut-être fait une idée fausse de ce qu’est un Saint en idéalisant ta rencontre avec Rebecca. A cette époque, elle est sûrement venue pour te chercher. Bien entendu, si elle l’avait pu, elle aurait évité le drame que tu as vécu. Mais ça n’était pas la raison de sa présence. » Cette révélation, tonna comme une détonation au plus profond de Xiao Ling. Tandis qu’un fragile idéal se brisa en elle, elle sentit la carriole trembler. Comme si le sol se dérobait sous le choc. Il lui fallut quelques instants pour comprendre que la détonation qu’elle ressentit était bien réelle et que la terre tremblait véritablement. Voskos avait cessé d’avancer. Sous leurs yeux, le bruit sourd fut suivi d’une déflagration visible au loin. _ « Le camp des femmes Saints, s’émut Voskos ! » En effet, de cette direction s’éleva dans les airs une haute colonne de flammes…
Dans les cieux, à l’approche du sommet, malgré qu’Aiolia et Mayura leur ouvrirent la voie, l’ascension depuis le centre du domaine demeurait semée d’embûches pour Georg et Juan. Les deux Saints d’argent enchaînaient les mêlées contre des cohortes de Dryades toutes plus assoiffées de sang les unes que les autres. A mesure qu’ils progressaient dans le quatrième étage, les pièces offraient de moins en moins d’interstices, filtrant d’abord la lumière du jour, puis l’obstruant totalement maintenant qu’ils faisaient face à une immense statue en pleine pénombre. Tout autour d’elle, des colonnes doriques peu espacées maintenaient un concassage de roche. Contre l’une d’elle, Georg finissait de frapper à mort de ses poings une Dryade masculine à la stature immense et aux épaules larges. Ce physique titanesque ne tint pas face au cosmos et l’art martial du Saint. Tandis que la Dryade ployait sous les martèlements furieux de la Croix du Sud, Juan de l’Ecu fixait la sculpture. Haute, tirant sur la hauteur de plafond sur une demi-douzaine de mètres, il s’agissait d’un serpent aux ailes déployées. Forme reptilienne identique, à celle prise par Eris en sortant de la Pomme d’Or. De sa gueule aux crocs menaçants, coulait sans discontinuer, comme le venin que la Déesse de la Discorde balançait sur le monde, un filet d’eau qui alimentait une marre dans laquelle ils trempaient du bout des pieds. Le sang de la Dryade abattu par Georg se mêlait à l’onde, qui semblait plus profonde aux pieds du monument. _ « L’eau s’éparpille dans de petits caniveaux qui viennent chercher leur source dans ce bassin, constata Juan en observant tout autour d’eux. _ L’architecture de ce temple est très bien pensée, confessa Georg qui retrouvait son attitude habituellement posée. J’imagine qu’à l’étage du dessus se trouve un glacier, qui permet d’alimenter en eau toute la structure. _ Il n’y a pas cinquante façons de le savoir, pointait du doigt Juan le serpent de pierre. » A bien y regarder, Georg reconnut des marches en colimaçon, taillées dans le corps du reptile. Toutefois, il stoppa l’élan de son camarade en lui retenant l’épaule. _ « Attends ! _ Quoi donc Georg ? Aurais-tu peur ?! Nous ne sommes pas obligés de traverser à la nage tu sais. Un simple saut nous permettra d’arriver à l’autre bout. _ Ne dis pas de bêtises ! Regarde ! Au milieu de l’étang, la profondeur parait insondable. On ne sait pas ce qui peut en sortir et nous choper au vol ! _ Il ferait bon voir, se vanta le brun. _ Deux secondes, râla le blond à barbichette… Regarde ! » Il pointa son index en direction du bassin et dessina une croix pour tracer l’onde de haut en bas puis de gauche à droite. Lorsqu’il remonta sa main vers son visage, il écarta ses quatre autres doigts avant de refermer son poing. Instantanément, des éclairs crépitèrent tout autour de son bras. A cet instant la croix dessinée en direction de l’eau l’illumina comme un lac sur lequel s’était abattu la foudre. Sous formes de flashs répétés, la pièce centrale du quatrième niveau clignotait, alternant obscurité et lumière blanche, obligeant Juan à passer son écu devant ses yeux pour ne pas être ébloui par la lumière résiduelle. Quand Georg eut fini, remontèrent aussitôt à la surface des plantes tentaculaires aux bulbes armés de dents longues et aussi fines que des aiguilles. _ « La fraîcheur de cette eau me donnait plutôt envie jusqu’ici. Maintenant on dirait une espèce de bouillie, grimaça Juan. _ Je te déconseille de goûter à cette soupe, regarda-t-il l’eau devenue verte et épaisse couler à ses pieds. » Un éclat de rire interrompit les deux amis. Il venait de la tête de serpent sur laquelle un homme se dressait fièrement. _ « C’est bien dommage que tu ais écouté ton ami, provoqua-t-il Juan, j’étais curieux de voir un Saint se faire dévorer par ces plantes carnivores. Elles devaient être repues de Dryades. De la chair Athénienne aurait bien diversifié leur alimentation. _ A t’entendre parler et à voir ta protection, tu ne sembles pas être une Dryade, s’emporta immédiatement Juan ! Si j’ai bien compris, des lâches ont juré fidélité à Eris en échange d’une vie nouvelle ! Quoi de plus normal à ce que tu sois resté caché jusqu’ici ! » Pour seule réponse, un éclair frappa entre les deux Saints, les obligeant à s’écarter l’un de l’autre. Le bruit du tonnerre accompagnant l’éclair vint ensuite, le son après la lumière. Cela fit trembler le sol et provoqua l’éboulement de la statue. Comme si le grondement l’avait ébranlé. Roulant au sol pour éviter les pierres et la vague provoquée par le poids des débris dans l’onde stagnante et désormais poisseuse, Georg et Juan furent écartés l’un de l’autre, échappant à l’ensevelissement de l’accès par lequel ils étaient arrivés. _ « C’est toi qui as déclenché cet éclair ?! Tu aurais pu être plus prudent ! On a failli finir ensevelis avec tes conneries, réagit une fois sur pieds Juan ! _ Pas du tout, tempéra à l’autre bout de la pièce Georg, ça ne venait pas de moi. » Tout en haut de la pièce, là où trônait la tête reptilienne, l’eau coulait désormais en plus grande abondance depuis que moins de roche ne lui barrait la route. Déjà de l’eau jusqu’aux cuisses, Georg s’en extrait en se tenant sur le rocher le plus élevé des environs. Trop intéressé par la lumière du jour qui perçait au sommet aussi depuis que la pierre ne l’obstruait plus, Juan fut mis en alerte par son allié : « Juan ! Sors de l’eau ! Vite ! N’oublie pas que l’eau conduit l’électricité ! » Juan s’exécuta tout en cherchant l’ennemi. Il se tenait sans méfiance sur le plus haut fragment de serpent entre les deux chevaliers. _ « Cette armure… Sa forme, reconnut Georg… _ Oui… La même que la tienne. Je suis Christ Ghost Saint de la Croix du Sud. _ La même, la même, pinaillait de l’autre côté Juan, la couleur et quelques détails sont différents. _ L’évolution au fil des siècles, hocha les épaules Georg visiblement pressé d’en découdre. Les Cloths évoluent au gré des dégâts qu’elles subissent mais aussi du sang versé et du cosmos déployé par son porteur. Certaines sont mêmes en morceaux durant des siècles, attendant au cimetière des armures que de nouveaux porteurs viennent les trouver et leur rendre vie. D’autres évoluent ou régressent. De bronze à argent ou d’argent à bronze. Voilà pourquoi parmi les quatre-vingt-huit armures il est toujours compliqué de savoir combien sont de bronze et d’argent. D’une génération à l’autre, la seule certitude est qu’il n’en existe que douze d’or, une petite trentaine d’argent et une grosse quarantaine de bronze. Le changement de catégorie n’est pas si fréquent et ne s’opère que lors de réparation sous la bénédiction d’Athéna. _ Merci pour le cours, grimaça Juan. _ Par Eris ! Je n’aurai jamais pensé que mon successeur serait devenu si barbant, se mit en garde le Fantôme à la Leaf rouge. _ Par Athéna ! Je suis déçu d’être l’héritier d’un traître qui a autrefois porté cette Cloth, l’imita le Saint à la Cloth argentée. _ Minute, s’interposa Juan ! C’est mon combat ! _ Pardon, opposa Georg ?! _ Exactement ! Ce lâche n’a même pas eu le courage de s’opposer à nous ! Il espérait rester planqué à me voir me faire bouffer par ces mélanges de poulpes et de boutures affreuses ! Et puis, nous n’avons jamais pu réaliser autre chose que des oppositions d’entraînement toi et moi. Pouvoir aller au bout d’un affrontement contre ta copie me ferait un plaisir fou ! De plus n’oublie pas qu’Aiolia s’occupant de l’Utérus, l’objectif est d’éliminer Eris au plus vite ! Il ne reste plus qu’un niveau avant d’atteindre le palais, pointa-t-il du doigt la lueur du haut de la pièce ! _ Une copie, serra les poings Christ ! _ Très bien, refusa de se vexer Georg par les termes employés par Juan. Mais n’oublie pas, il a transformé l’aire de combat à son avantage en se servant de l’eau dont le niveau monte autour de nous. Ta victoire en ce lieu ne sera possible que si tu l’obtiens avant que la salle ne soit submergée, rappela Georg avant de bondir hors d’ici. _ Ne t’en fais pas, ce sera rapide et sans bavure. » Malgré son apparente confiance, Juan avait remarqué qu’autour de lui toutes les évacuations prises par les caniveaux avaient été intelligemment obstruées par l’éboulement. Rendant l’aire plus avantageuse pour Christ.
Au Sanctuaire, alors qu’ils étaient proches du camp des femmes chevaliers, Voskos tentait de calmer les b½ufs qui refusaient d’avancer plus loin, sentant le danger. Le Saint du Bouvier, colossal dans sa Cloth bleue bardée de piques, observait avec inquiétude tous les pétales qui tombaient sur le domaine depuis une hauteur insondable et qui scintillaient comme des lucioles. Plus que les flammes, c’était ce phénomène qu’il voyait comme un mauvais présage. Toute aussi paniquée que les animaux en revoyant ces hautes flammes jaillir du camp des femmes, Xiao Ling demeurait tétanisée malgré les exhortations de Voskos à descendre pour venir avec lui porter assistance aux Saints et à leurs apprenties. Quand, tout à coup, les bovins furent immobilisés par les chardons qu’ils piétinaient jusqu’alors. D’abords prisonniers par l’entrelacement de leurs pattes, ils furent soudain transpercés par les feuilles aux picots acérés qui poussèrent à une vitesse inouïe. Les b½ufs furent éviscérés puis découpés en un instant, éclaboussant au passage de leurs tripes la Chinoise. Saisie par ce bain de sang, elle reprit ses esprits et put compter sur ses réflexes d’acrobate pour s’extirper du chiendent à la croissance hors norme, lorsque celui-ci s’en prit à la remorque de foin où elle demeurait jusque-là. _ « Les Dryades, s’exclama Voskos ! » La mauvaise herbe poussa alors jusqu’à faire éclore six Dryades aux armures noires et amarantes habillées de soutanes grises et épaisses.
Devant, dans la forêt qui mène au camp, Mick libérait ses flammes sur Rumi. Celles-ci s’élevèrent haut vers le ciel, rongeant les arbres. La végétation servait d’immense torche. Emony convulsait d’hystérie, tant le spectacle macabre la fascinait, alors qu’elle faisait pourtant se consumer la végétation, symbole de sa caste. Les Dryades qui l’accompagnaient et étaient dans la trajectoire de Mick succombaient sous ses yeux, carbonisées…
Au centre du camp, au milieu de temples vétustes mais encore debout, une quarantaine de jeunes femmes en arc de cercle autour de leur instructrice, toutes masquées, bondirent sous le coup de la détonation. La formatrice fut la seule à ne pas diriger son attention vers la colonne de flammes. Elle ressentit un danger plus imminent. Tout autour d’elles, les vestiges qui leur servaient d’habitations ou de prieurés devenaient prisonniers de ronces gonflantes et grandissantes. Du cours d’eau qui traversait le camp, sortirent des tentacules tous reliés à un même objet. L’étang à l’eau habituellement si clair où les jeunes femmes aiment se rafraîchir était devenu poisseux, croupis. Il était en ébullition. Les élèves se rassemblèrent tout autour du maître. Au sol, les racines des ronces acérées devenues énormes ne parvenaient plus à contenir leur propre croissance hors norme, elles suintaient de sève d’un vert blanchâtre. Puant. Purulent. De l’eau, les tentacules jaillissaient et virevoltaient au-dessus de leurs têtes. La verdure putréfiée n’en put plus, elle implosa, faisant éclore par dizaines des Dryades, hommes et femmes. Du cours d’eau perturbé jaillit une bête immonde, immense. D’un gris noir, sur quatre pattes avec une queue qui fendait l’air comme un fouet. Une gueule immense avec une double dentition de bas en haut de sa mâchoire proéminente. Une crête frontale qui s’allongeait jusqu’au milieu de sa colonne vertébrale et descendait de chaque côté de sa mâchoire. Ses tentacules, extensions de ses appendices permettant d’allonger sa crête, cinglaient le sol qu’il fendait à chaque contact. Une double paire d’yeux rouges qui se superposaient toisait avec appétit les femmes. Lorsque les Dryades furent toutes écloses et que la bête discerna chaque proie, Rebecca somma à toutes de se disperser. Grand bien leur fut fait, car les plus lentes furent tranchées en deux d’un coup de tentacule horizontal. Pendant que les troncs des innocentes tombaient devant leurs jambes détachées, Rebecca, depuis les airs, remarqua les autres tentacules venir agripper des élèves désormais incapables de tenir la moindre garde. Ce fut ainsi cinq autres liens qui s’accaparèrent autant d’apprenties pour les jeter dans les trois mètres de profondeur de gueule du monstre. En retombant au sol, les survivantes du premier assaut n’eurent pas le temps de prendre la fuite devant le quadrupède de quatorze mètres de long, car déjà ces tentacules les menaçaient à nouveau. Ceux-ci étaient visibles depuis l’extérieur du camp puisque les six mètres de haut de l’animal concurrençaient déjà la plupart des arbres…
Bien au-dessus de tout ça, cloîtrés par les débris de l’immense statue, Juan et Christ sautaient de rochers en rochers pour s’échanger quelques coups sans tomber dans l’eau. Le niveau montait sans cesse et avait déjà englouti deux mètres. Préoccupé par la montée rapide, Juan n’arrivait pas à se concentrer sur son adversaire. Si bien qu’il était déjà marqué par quelques égratignures alors que Christ était indemne. _ « L’écroulement a condamné toutes les issues, y compris les voies d’eau qui desservaient le reste de l’Utérus. Tout a été parfaitement calculé. Si maintenant je tombe dans l’eau, je suis condamné par sa foudre. Et si je ne le bats pas assez vite, je finirai par être rattrapé par le niveau. Percer les murs, impossible. Il insiste trop sur les corps à corps pour me permettre d’invoquer ma technique. Il est très rapide pour un Saint d’argent. Certainement un des éléments les plus brillants de notre caste ! » Devinant le stratagème du Ghost Saint, Juan ne pouvait que faire preuve de vigilance et de maîtrise martiale pour répondre à une nouvelle charge. Le rustre Fantôme bondit de bien bas pour arriver poing en avant, plus haut, jusqu’à Juan. Juan esquiva et répondit d’une gauche. Christ bloqua sans mal avec sa main gauche et poursuivit un enchaînement, alternant poing droit et gauche. La rudesse de ses tentatives intimidait suffisamment Juan, pour qu’il recule instinctivement, bien qu’il réussît à éviter ou à bloquer chaque coup. Lorsqu’il voulut répondre d’un uppercut du gauche, Christ évita d’un mouvement de hanche et profita de l’impulsion de son geste pour répondre d’une reprise de volée de la jambe droite. La garde brisée par l’uppercut manqué, Juan s’abrita alors derrière son bouclier. Alors qu’un tel choc, même protégé, aurait fait choir l’ennemi, Juan put compter sur l’armature pour rester cramponné sur ses appuis. Pourtant, un éclat terrible déchira le bruit de la chute d’eau continuelle. Christ fut repoussé par son propre coup, projeté en arrière par l’impulsion de celui-ci. Il prit soin de se réceptionner sur le morceau de roche le plus près en grimaçant après avoir reposé sa jambe au sol. Celle-ci voyait une fissure remonter tout le long de sa Leaf et poursuivre la craquelure sur le reste de sa jambière. _ « Je vois. Comme le veut la légende, de toutes les Cloths de bronze, la protection la plus solide est le bouclier du Dragon. Ne le surpasse que le bouclier d’argent de l’Ecu. Celui-ci n’a pas failli à sa réputation. Mais peux-tu rester ainsi caché éternellement derrière ton bouclier ? » Juan ne répondit pas. Il se sentait tout à coup ridicule de ne pas réussir à faire face sans lui. Christ le provoqua à nouveau. _ « N’est-ce pas toi qui me traitais de lâche tout à l’heure ? » Le rictus de Juan ne pouvait cacher sa frustration. Christ, visiblement ancien chevalier expérimenté, profita qu’il soit déstabilisé pour repartir à l’assaut. Regagnant l’îlot de Juan, il fondit par-dessous, l’obligeant à planter fermement par le bas son bouclier pour lui barrer la route. Christ augmenta alors sa vitesse pour finalement remonter jusqu’à son visage et le frapper d’un crochet du droit. Propulsé sur un autre pic, Juan se remit à peine que cette fois-ci Christ attaqua par les airs. Plus alerte, Juan anticipa en effectuant un coup de pied retourné. L’acrobatie échouant, il enchaîna à Mach 5 dans les airs plusieurs coups de pied sans parvenir à l’atteindre. A nouveau sur le même roc tous les deux, Juan, offensé par ses échecs, partit à son tour dans une combinaison de coups de poings que Christ parait tous. Visiblement lassé par la lenteur de Juan, il lui cassa le rythme d’un simple coup de poing au visage. Suffisamment perturbé, Juan se fit alors rosser. Si vite et si fort qu’il fut incapable de lever son bouclier. Christ en finit en le cognant à l’estomac, le pliant en deux de douleur, puis en le faisant chuter sur le rocher du dessous en le frappant sur le sommet de la tête avec ses deux poings joints. La chute amortie par son diadème, Juan n’en demeurait pas moins secoué. Du sang perlait de son front et de son nez. Des douleurs abdominales l’empêchaient de se relever. _ « Je n’avais pas osé invoquer mon arcane jusqu’ici, préférant ruser, te pensant bien plus rapide que le niveau standard exigé pour être Saint d’argent, fanfaronna Christ. Mais je suis déçu. » En croix, les dents serrées, la mâchoire crispée, Juan se sentait insulté pour son impuissance. Soudain, une sensation fraîche soulageait le bout de ses doigts. L’eau commençait à engloutir son rocher. La pièce était à moitié remplie. Prestement, il lui parut crucial de s’en extraire, mais la douleur lui empêcha de réagir suffisamment vite. Une fois sur pied, il était immergé jusqu’aux chevilles sous le regard moqueur de l’ennemi. _ « Il est très fort. Si maintenant il déclenche son arcane, je n’ai vraiment aucune chance. » Resté plus haut, Christ voyait l’eau monter. A son tour il songeait : « Il n’a plus le choix. Soit il concentre sa technique et j’anticipe avec la mienne. Vu qu’il a les pieds dans l’eau, il n’a aucune chance. Soit il m’attaque de front, mais je bénéficie d’une altitude plus élevée, je le repousserai encore plus bas dans l’eau en le chargeant de tout mon poids. _ Je n’ai que deux choix et il le sait. Il est plus rapide que moi. Il n’y a qu’en le déstabilisant que je le surprendrai. » Juan dressa devant lui son écu contre lequel il invoqua de sa main une sphère de cosmos. Dès lors, Christ sourit avec perfidie en plaçant ses bras en croix devant lui : « Alors tu as choisi la solution de l’arcane ! Désolé pour toi mais c’est le choix qui va t’offrir la mort la plus rapide ! » A cet instant, Juan lâcha sa concentration. Le cosmos invoqué jusqu’alors lui servit à franchir une vitesse encore jamais atteinte. L’impulsion fut si vigoureuse que son récif céda. Fonçant sur Christ à la garde brisée, il le surprit d’un crochet du droit brisant en éclats son heaume. Profitant de la longue allonge que lui donnait son bouclier, il le martela ensuite de coups de poings courts et répétés sur ses bras pendant qu’il était encore sonné. Reculant difficilement, ayant du mal à tenir sur ses jambes, Christ comprit trop tard qu’en blessant ses bras, Juan espérait ainsi altérer la vitesse de ses mouvements. Devant lui, Juan chargeait à nouveau son cosmos contre son bouclier pour invoquer cette fois sa technique : « Astral Gravitation ! » Une sphère immense d’un bleu très sombre en jaillit et tandis qu’il le dressa au-dessus de lui pour emporter le Ghost Saint, ce dernier posa difficilement ses bras en croix devant lui. La Gravitation Astrale arracha la pierre qui les tenait hors de l’eau et, alors qu’elle allait emporter Christ, des éclairs apparurent tout autour : « Southern Cross Thunderbolt ! » La foudre contourna la boule gravitationnelle pour saisir et immobiliser Juan. Dans le même temps une croix d’éclairs traversa la boule gravitationnelle pour perforer le plastron de Juan. Juan fut renvoyé s’encastrer dans le mur d’en face. Les éclairs de Christ rongèrent le cosmos de Juan et annihilèrent sa technique. Les bras encore tremblant en raison des traumas causés par Juan, Christ avait tout de même repris l’avantage. Il arborait un sourire plein de confiance sous les grands yeux ronds crédules de Juan. _ « Mach 181. » Seul un filet de sang fuyant la bouche de Juan répondit à sa place. _ « C’est la vitesse d’un éclair dans des conditions atmosphériques standard. C’est la vitesse à laquelle j’exécute ma technique. _ …, Juan voulut souffler son dépit mais trop de sang obstruait sa gorge. _ Voilà pourquoi j’ai contourné ton attaque, pour t’immobiliser grâce à l’électricité. Pour ensuite avoir le temps de perforer les particules que tu as invoquées et enfin t’exécuter… cuter… cuter… cuter… » Contre toute attente, Christ fut pris de curieux spasmes. Autour de Juan un cosmos d’un bleu aussi obscur que sa technique irradiait. _ « Que… Que… Que m’as-tu fait ? Fait ? Fait ? _ Dès le début du combat, il m’est apparu que tu étais un Saint d’argent d’exception. Tactique. Fort. Rapide. Très rapide. Si bien que j’ai réalisé que ton Southern Cross Thunderbolt, serait encore plus rapide et donc imparable pour moi. J’ai réalisé très vite alors que je ne serai pas à la hauteur. Il ne me restait alors qu’à accepter mon impuissance et à ruser. Atteindre ta vitesse, j’en suis incapable. Je ne sais même pas si j’y parviendrai un jour. Il me fallait donc l’endiguer. Avoir fait voler en éclat mon Astral Gravitation ne l’a pas réduit à néant. Au contraire. Elle te pèse désormais sous d’infimes particules. Tes éclairs aussi rapides soient-ils n’ont pas été assez nombreux pour toutes les griller. En temps normal ça aurait pu être le cas, mais les heurts que je t’ai causé plus tôt aux bras ne t’ont pas permis de déployer toutes tes forces et, de toute manière, tu avais pris un tel ascendant psychologique que tu étais persuadé que cela n’était pas nécessaire pour venir à bout de moi. Désormais mes particules pèsent sur toi. Comme une barrière gravitationnelle, elles t’alourdissent, elles augmentent ta masse et te ralentissent. _ Im… Im… Impossible… ble… ble… » De plus en plus pesante, la cosmo énergie de Juan le libéra de son mur pour l’en faire glisser tout du long comme un poids mort. C’est seulement lorsqu’il toucha à nouveau le sol qu’une étincelle brilla dans ses yeux. _ « Non ! Non ! Non ! Il utilise sa technique sur lui-même pour alléger sa masse ! Ça veut dire qu’il va gagner en vitesse… esse… esse… » Donnant raison à Christ, Juan apparut sous ses yeux alors qu’une image rémanente de lui était encore pieds au sol plus loin. Il déclencha un crochet du gauche sur lequel, au moment de l’impact, il augmenta une fraction de seconde sa propre masse corporelle pour cogner plus fort. Bougeant au ralenti, Christ sentit son ½il droit exploser sous le poing ennemi qui lui creusa le visage. Sa tête rebondit au sol et revint à la hauteur de Juan. A sa merci. Le rebond fut si haut qu’il put d’un ciseau lui briser la protection dorsale et l’envoyer cogner le plafond. En revenant vers un récif Christ tenta bien une riposte mais Juan allégea sa masse pour passer sous le crochet de Christ. Puis il l’augmenta au moment de frapper son foie. Acculé, reculant malgré l’entrave, Christ la moitié du visage creusé, apprécia malgré tout la montée des eaux au trois quarts de la salle. Dans son dos, son cosmos grésillait contre la pression exercée par celle de Juan. _ « Tu m’as traité de lâche au début de notre rencontre. En jouant sur la pesanteur, qui est le plus lâche de nous deux ? _ Entraver tes techniques n’est qu’une tactique parmi tant d’autres. Comme celle que tu as utilisé dès le début de notre affrontement en profitant de la montée des eaux. Ton expérience a d’abord été un avantage avant de devenir un inconvénient. Tu n’as pas envisagé que quelqu’un de moins fort et de moins expérimenté puisse contourner tes propres règles. _ Qu’importe, nous sommes maintenant submergés et, même s’ils sont moins nombreux et moins rapides, mes éclairs briseront nos derniers perchoirs et tu mourras grillé dans l’eau ! Southern Cross Thunderbolt ! _ Que mon corps tienne le coup, fit-il jaillir cette fois-ci trois petites sphères de son bouclier ! Astral Gravitation ! » Une première sphère s’étira aussitôt pour englober Juan et le protéger dans une bulle qui le maintenait en lévitation au-dessus de l’eau. Dessus vinrent ricocher par milliers, des gerbes électriques. La seconde tomba dans l’eau comme une bille de plomb. Au contact de l’onde, celle-ci prit la forme de milliards de bulles qui flottèrent dans l’atmosphère, redirigeant comme un miroir tous les éclairs jusqu’à ce que chacun traverse son invocateur. Enfin, la dernière grossissait à mesure qu’elle dévorait lentement l’espace. Elle étira les murs jusqu’à ce qu’ils rompent puis engloutissent Christ déjà brûlé de l’intérieur par les retours ininterrompus de sa foudre contre lui-même. Arrachant pièce après pièce, l’Astral Gravitation emporta la moitié du quatrième niveau et réduisit en poussière Christ. L’eau put enfin évacuer et Juan, lui, put retomber au milieu des décombres, épuisé mais pas abattu. Il levait déjà la tête en direction du haut de la chute d’eau, déterminer à rejoindre Georg… Flashback
Tout à coup, Kyoko cesse son récit, importunée par la table voisine dont la dispute devient plus démonstrative. En effet, les Evil Seeds activées font leur effet et l’amoureux éconduit se lève de sa chaise en haussant la voix et en renversant volontairement sa table. Le reste de la clientèle est affligée quand Mars soupire : « C’est bien trop tôt pour m’offrir un bain de sang ma s½ur ! Tu n’as pas fini ton histoire ! »
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« le: 27 Septembre 2021 à 11h14 »
Chapitre 76
Sous le club argentin où sont réunis Tromos et Vasiliás, dans les caves, les effusions de sang ne cessent de tapisser les murs. A mesure que le Berserker de la Terreur progresse dans ces sous-sols de l’horreur, il brise l’existence des criminels qui exploitent femmes et enfants. Sans craindre les armes, il s’enfonce dans les ténèbres où il libère régulièrement des cages de fers, des humains traités comme des marchandises. Il trouve aussi des opposants politiques hauts placés, enfermés par Segador. L’enfant du pays répète sans cesse à cette cinquantaine de captifs : « Attendez-moi devant les marches. Je vais vous sortir de là. » Du revers d’une main, il détruit des stocks d’armes, de contrefaçons et de drogues. De l’autre, il élimine sans ménagement ces mercenaires recherchés dans toute l’Argentine.
Arrivé au fond de la salle, dans une ultime pièce fermée par de longues bâches, il reconnaît à travers les toiles plastifiées une ombre encore plus grande que ses deux mètres quatre-vingt-trois. La créature qu’elle représente libère une respiration glaciale, cruelle et animale. Le sol est rouge et blanc, mélange de corps sans vie desquels s’écoule toute leur hémoglobine. La bête est nue, agenouillée. Elle s’acharne sur un cadavre complètement désarticulé, à force d’abuser de lui. Horrifié, Tromos ne laisse pas cet homme difforme poursuivre : « C’est toi le monstre dont me parlait celui qui m’a conduit ici je présume ?! » L’erreur de la nature se dresse immédiatement devant lui, exposant une musculature ahurissante et un visage grossier. De longues dents pointues composent sa bouche qui demande : « T’es qui toi ?! C’est Segador qui t’envoie ?! _ Je suis venu tuer Segador. Mais avant ça, je me suis occupé de tous tes petits copains. C’est ton tour à présent. » Le monstre, dans le plus simple appareil, se jette sans tergiverser sur Tromos. L’Argentin profite de sa vitesse pour le devancer et le plaquer au sol. D’une seule main, il lui arrache une de ses canines qui est aussi longue qu’un doigt et s’en sert pour la lui planter dans un testicule. Le monstre ne peut que hurler de souffrance.
Son cri retentit dans toute la cave et fait frissonner les protégés de Tromos, qui l’attendent à l’entrée, leur rappelant à quel point leurs peines en ces murs sont encore fraîches.
A l’autre bout, Tromos continue de torturer le bourreau de cette ville clandestine en perforant toute la surface de son corps avec ses poings. Lui brisant les os. Délogeant ses organes. Il continue ainsi jusqu’à ce que la mort, lente et pénible, s’en suive.
Le colosse, d’ordinaire cordial et attentionné, revient éclaboussé des entrailles du mal vers les prisonniers. Seuls les visages craintifs et perdus des enfants le ramènent à la raison : « Je vous reconduis à la surface et je vous promets que ces hommes ne vous feront plus de mal. » Un politicien, apparemment influant vu l’estime que lui portent les autres rescapés, essaie de s’attirer les faveurs de l’Arèsien : « Vous êtes formidable. En annihilant ce criminel historique vous allez briser la corruption dans ce pays. Vous allez être le symbole de la l’émancipation de l’Argentine face au crime… » L’intéressé l’interrompt en posant sa main sur son épaule : « Vous semblez être connu et respecté. _ Je suis l’ancien ministre de la justice. Je me suis soulevé contre ma hiérarchie et mes semblables, lorsque j’ai découvert que de nombreux fonctionnaires étaient achetés par Segador. J’ai toute une liste de noms qui… _ Bien, tourne court Tromos. Alors je vous confie tout le succès de ce sauvetage. En remontant cet escalier, vous arriverez derrière le bar de la discothèque. Sortez vite de cet établissement. Assurez-vous que tout le monde vous suit. Et appelez des secours une fois dehors, appelez des personnes de confiance, des médias indépendants. Dites-leur que Segador est mort. » Sans même attendre la réponse de son interlocuteur, sans même se nourrir de gloire après tous les mercis qu’il reçoit en traversant la foule de prisonniers, Tromos sort le premier du sous-sol, en forçant la porte que son guide avait pris soin de verrouiller derrière eux plus tôt. Déterminé, focalisé sur Segador, il réintègre la boite de nuit au milieu de clients déchaînés au beau milieu d’une luxure apparente.
Son air engagé et ses vêtements couverts de sang, attirent l’½il des vigiles du club, qui, tour à tour, devinent ce qui a pu se passer en bas. Encore plus, lorsque les prisonniers s’échappent. Sans la moindre discrétion, Tromos fracasse chaque gardien qui espère venger ses collègues. Immédiatement, la clientèle se passionne avant de comprendre très vite, après quelques coups de feu, que leurs vies sont en danger. Autour de Tromos, un effet de panique s’en suit. Un raz-de-marée humain quitte désespérément l’enseigne dans les hurlements et la musique assourdissante qui continue d’être jouée.
En quelques minutes, l’immense piste de danse est désertée, seuls quelques innocents pris dans les balles perdues ou piétinés par la clientèle apeurée, accompagnent les corps des mercenaires de Segador. Tromos, agacé par la musique et le clignotement des jeux de lumière qui animent la salle vide fixe avec détermination l’étage vers lequel Vasiliás et Peligra l’ont devancé.
Pendant ce temps, à Athènes, champagne aux lèvres, Kyoko écarquille les yeux pendant que le couple qui est à ses côtés commence à hausser le ton. _ « Je t’avais dit qu’il me suffisait de réveiller l’Evil Seed plantée en chacun d’eux. _ Si tu les actives déjà, c’est que nous arrivons à la fin de ton récit, pense Mars. _ Détrompes-toi. Simplement je trouve que c’est trop calme ici. Avoir un petit peu d’action autour de nous ne fera pas de mal. Bien, où en étais-je ? Ah oui…
Flashback Dans l’Utérus, retombés dans les catacombes saccagées, Jaguar se redressait fièrement en prenant appui sur le plastron fissuré et ensanglanté de Rigel qui toussait instinctivement malgré l’étourdissement. Au-dessus d’eux, au second niveau, le brasier continuait de lécher les colonnes et statues. Il consumait les veines, ces racines de l’Utérus, qui enlaçaient le décor antique. Néanmoins, cela ne rendait pas Jaguar admiratif. _ « Que la déesse Eris se soit éprise de toi me débecte. Tandis que j’ai été le Saint le plus glorieux de mon époque, toi, un vermisseau, tu as amené sur toi l’intérêt d’une majesté ! _ Une majesté, s’étouffait de douleur Rigel ?! _ Comment qualifier autrement Sa Majesté Eris ?! Quand Athéna a-t-elle récompensé ses héros en les ramenant à la vie ?! _ Cela ne fait pas partie de ses attributions. Les seuls dieux capables de cela sont ceux qui profitent du vice dans le c½ur des humains. Ce n’est pas l’être que tu étais qui est revenu. C’est ton amertume. _ Et toi ? Quel sentiment te ramènera ? _ Pardon ?! _ Sa Majesté Eris t’attend. Elle te cherche. Quelle plus belle armée pour elle que des êtres vaillants comme moi, et des proches de sa vie passée comme toi ? _ Kyoko… Kyoko m’attend. Pas Eris ! » Jaguar poursuivit sans remarquer que le feu de Rigel crépitait au-dessus de sa tête, sur le contour des alvéoles que leur chute avait laissé. _ « C’est la même chose. Kyoko est née pour être Eris. Eris depuis sa Pomme d’Or guettait qui naîtrait sous l’étoile de la discorde. Kyoko. Eris. C’est la même chose. Deux entités indissociables qui n’en forment plus qu’une désormais. _ Kyoko est une Saintia d’Athéna. Je suis un Saint d’Athéna. Nous ne la trahirons pas. _ Vous avez déjà parjuré tous les deux. Bien que votre faute paraisse petite maintenant que la nature de Kyoko a été dévoilée, comment crois-tu qu’Athéna accueillerait ta bien-aimée si tu finissais par la convaincre ? Te lier contre Eris, c’est t’opposer à elle à mort. Contraindre Eris à se rendre, c’est la condamner à mort. Il n’y a pas d’autres issues pour toi si tu veux rester auprès d’elle. Et ça, éternellement. _ Je suis un Saint d’Athéna ! Laisser Eris agir, qu’il s’agisse de Kyoko ou non, c’est laisser le monde courir à sa perte ! Jaguar Saint d’argent d’Orion, la légende veut que tu ais été le Saint le plus fort et le plus brave de tous les temps ! Je ne peux pas croire que tu ais accepté de servir Eris ! _ Tu es aveuglé par ton serment. Moi les Enfers m’ont ouvert les yeux. » Soudain, le brasier du dessus descendit par les deux cavités formées par l’Ecrasement Météorique d’une Mégatonne. Entrelaçant flammes bleues et blanches, deux lances flamboyantes vinrent prendre sans qu’il s’y attende Jaguar en étau. _ « Tu y as perdu tout espoir ! Moi si je suis ici, c’est parce que j’espère sauver Kyoko ! Ressens la chaleur de mon amour pour elle ! Voici des flammes d’espoir qui brûlent bien plus que les flammes de malheur des Enfers ! Cosmic Inferno ! » Le transperçant au c½ur de dos et au sternum de face, les lances de feu s’entortillèrent ensuite tout autour de Jaguar incapable de se débattre. Véritable torche humaine, la combustion le rongea tout autant de l’intérieur que de l’extérieur. Son visage devenu une torche crachait des flammes pour tous ses orifices. Il trouva tout de même la force de conclure : « Je suis un être humain. Si j’ai eu la faiblesse d’être séduit par la promesse d’une nouvelle vie pour faire renaître ma gloire, tu seras soumis à la même faiblesse, face à la promesse d’une vie éternelle auprès de ta bien-aimée. » Les extrémités de son corps commencèrent à voler en cendres. Sous la chaleur et la force du cosmos du Saint, la Leaf du Ghost Saint volait en poussière, morceau par morceau. Pendant que Rigel se redressait, en tenant son plastron ébréché, Jaguar disparaissait en fumée sous ses yeux : « C’est parce que nous sommes des humains pleins de faiblesses qu’Athéna nous protège. Athéna est miséricordieuse. Je ne peux me détourner de mes v½ux… » Il regarda le plafond et le niveau supérieur, puis abandonna cette direction pour s’engager depuis le premier niveau vers le centre de la structure : « Le projet de Shaka était de remonter au sommet par le flanc. Moi je passerai par le centre. Ce sera le meilleur moyen de prendre ces maudites Dryades à revers. »
Plus loin devant, Maya chargeait sa cosmo énergie devant un Shaka serein. Il tenta de provoquer Shaka en médisant à propos de Naïra. _ « Cette chétive Saint de bronze amusera les Dryades et nourrira l’Utérus. _ Je ne leur en laisserai pas le temps. Je vais rapidement me débarrasser de toi, avant de la rejoindre. _ Sérieusement ?! Quelle que soit l’époque, vous les Saints d’or restaient les mêmes ! Toujours à fanfaronner et à écraser les classes inférieures ! Profiter d’une nouvelle vie et avoir l’occasion d’écrabouiller la sale gueule d’un prétentieux Saint d’or fût une occasion rêvée ! _ Tout ça par rancune ? Tu as vendu ton âme au diable, pour connaître une gloire que tu n’as jamais été capable de caresser du temps de ta vie passée ? _ Tu ne peux pas savoir ce que c’est d’être relégué au second rang toute sa vie pour finalement se retrouver condamné au Cocyte en compagnie de ces soi-disant supérieurs chevaliers ! Ils y passent l’éternité à pleurnicher sous la torture des gardiens des Enfers ! En conclusion, ils ne valent pas le statut si particulier qu’on leur prête ! Mais bientôt tu comprendras, car je vais t’y envoyer sur le champ ! _ Je vois. Tu penses avoir vécu les pires sévices et être revenu face à un insouciant qui les ignore ? Sache que je connais les turpitudes des Enfers et vais t’y renvoyer. Tu vas avoir droit à un enfer différent. Un de la cosmologie bouddhiste. Un des six mondes de la métempsychose où se réincarnent les êtres sensibles d'après leurs karmas liés à leurs actes des vies antérieures. _ C’est censé m’effrayer, s’élança dans les airs le poing chargé de cosmos Maya ? Hunting Arrow Express ! _ Riku Do Rin Ne ! » Le Saint de la Vierge se mit dans une position debout, avec un bras vers le sol et un autre levé. Il projeta une lumière qui annihila les flèches de Maya et qui frappa son esprit. Celui-ci lévita alors pour traverser chaque enfer de la métempsychose, l’âme et le corps à chaque fois plus marqués lors d’un passage à un enfer différent. _ « Voici les six mondes. Jigokukai, l’enfer, les pécheurs y sont torturés et punis pour l'éternité. Gakikai, le monde des fantômes affamés, ceux qui ont fait preuve d'une grande soif de richesses, d'envie ou d'avidité y connaissent une famine et une envie éternelles. Chikushokai, le monde des bêtes, c'est là que vont ceux qui ont vécu selon leurs instincts au cours de leur vie, ils renaissent en tant que bête dans ce monde remplis d'animaux sauvages. Shurakai, le monde des demi-dieux guerriers, ils s'y combattent sans relâche, et ce monde n'est que guerre et violence constantes. Il est la destination de ceux qui ont passé leur vie dans le combat et la violence. Jinkai, le monde des humains, tous les sentiments se mêlent en ce monde, aussi bien la joie que les pires tristesses. Tenkai, le monde céleste, ce monde est supposé être le plus accueillant, mais est en fait considéré comme le pire, car il impose à celui qui s'y retrouve une vigilance constante. En effet, la moindre faute l'enverra vers un des autres mondes. » Suspendu dans les airs, l’âme directement frappée par l’arcane, Maya traversait chaque monde, laissant sur son corps les stigmates des troubles causés à son esprit. Il se mit d’abord à baver. Puis ses yeux se retournèrent. Il convulsa. Et, lorsque la visite prit fin, il retomba à terre, inerte. Shaka conclut : « Tu sauras que je ne crains pas la torture éternelle des Enfers, car en devenant Saint, j’ai fait le serment de tout mettre en ½uvre pour renverser Hadès et libérer enfin toutes ces âmes torturées par ces ignominies. » Il tourna ensuite les talons pour suivre le chemin emprunté par Naïra, laissant derrière lui le cadavre du Ghost Saint, déjà couvert de fleurs poussant par-dessus son corps.
Devant, écartant sur son passage les lianes tombant du plafond et obstruant le passage de plus en plus resserré, Naïra voyait enfin au bout la lumière du second niveau illuminer des marches qui y conduisaient. Cependant, un intrus interpella sa courte satisfaction. Celui-ci empruntait le chemin qu’elle souhaitait prendre en ignorant sa présence. Sa tenue, contemporaine, contrastait avec l’ambiance lugubre des Dryades et l’univers chevaleresque des Saints. _ « … Mais surtout, que peut bien faire un humain en ce lieu, s’interrogea-t-elle ? Hé ! Toi, l’interpella-t-elle, arrête-toi ! » L’inconnu, dérangé, s’exécuta et exposa sa mine surprise. Ses cheveux, bleu pâle, mi-longs, cachaient son ½il droit par une longue mèche. Son long manteau marron couvrait un maillot kaki. Ce qui marqua davantage Naïra que sa tenue, c’était son identité. Elle reconnut sans mal un vieux camarade : _ « C’est toi, Toki ?! Tu as achevé ton entraînement de Saint ?! _ Oh… C’est toi Naïra ? Ça fait si longtemps ! _ Je suis si heureuse que parmi les sept enfants envoyés au Sanctuaire, tu sois toi aussi Saint. J’ai vraiment eu peur pour toi, lorsque j’ai appris que tu avais été confié au général Gigas ! Je n’avais plus eu de tes nouvelles après que nous avons été éparpillés. Celui qui t’accompagnait poursuit actuellement son apprentissage auprès d’un Saint qui garde un village de l’Est du Sanctuaire. Nous fûmes les trois premiers arrivés en Grèce. Quatre autres suivirent. Un a vite abandonné et suis la voix des sages pour devenir prêtre d’Athéna. Le second n’a pas réussi à dépasser le stade de simple soldat, il a intégré la garde. Les deux autres sont nés sous la constellation de Pégase. Un fut tué en affrontant un concurrent, l’autre y travaille toujours, tu le connais bien, tu te bagarrais souvent avec lui quand nous étions tous ensemble à la Fondation Graad, Seiya. Tu as été envoyé par le Sanctuaire pour nous prêter main forte ? Où est ton armure ? Et pourquoi es-tu habillé ainsi ? _ Je suis surpris que tu saches tout ça ! Déjà à la Fondation Graad tu étais toujours là bien bavarde et à te mêler de tout ! Dommage que tu n’ais pas été là pour me sauver la vie ! _ Qu… Qu’est-ce qui te prend de parler comme ça ? Te… Te sauver la vie ? Je te le redemande, commença-t-elle à prendre ses distances, où est ta Cloth ? _ Ma Cloth, arracha-t-il ses vêtements pour exposer une protection noire et amarante ?! Tu veux plutôt parler de ma Leaf ?! _ Un Fantôme ?! _ Tout à fait ! Je suis un Fantôme et je comptais profiter de la nouvelle vie que m’a donnée Eris pour me rendre au Japon et me venger de cette Fondation Graad ! Je comptais m’occuper de toi qui jouais à être notre grande s½ur en dernier, mais puisque tu insistes, tu seras la première à goûter à ma vengeance ! » Malgré la distance, Toki lança un coup de poing. Incapable de toucher sa cible de là où il se trouvait, son mouvement fût prolongé par l’allongement de son membre sous la forme de longues ronces qui sortirent du bout de ses doigts. Semblable à une colombe, agile et gracieuse, Naïra utilisa les parois du couloir pour l’éviter puis remonter les lianes jusqu’à la source. Prenant une impulsion depuis le plafond, elle retomba sur le dos de Toki pied en avant. Sous son masque noir et blanc, Naïra pleurait le comportement de son ami qui était face contre terre. _ « Pourquoi ?! Pourquoi revenir ainsi à la vie et menacer nos camarades ?! _ Tu l’as dit toi-même, tu te doutais du sort qui me serait réservé par le Général Gigas si je n’étais pas à la hauteur ! Pourtant, jamais tu n’as cherché à me retrouver, à me protéger. Pas plus que la Fondation Graad qui attend qu’avec un petit peu de chance je revienne victorieux au Japon ! _ J’ai été affectée au strict camp des femmes chevaliers. Surveillée et conditionnée qu’à deux choses, ma constellation protectrice et l’allégeance à Athéna. C’est seulement lorsque j’ai pu devenir Saint que j’ai enquêté sur chacun de vous ! J’aurai tant aimé te retrouver, te protéger ! Quant à la Fondation Graad, c’est du passé. Rien ne m’y attache. En devenant Saint j’ai trouvé un sens à ma vie ! Si certains d’entre nous deviennent Saints, j’en imagine à peine une dizaine qui pourrait avoir un intérêt à revenir au Japon ! Ne t’a-t-on pas inculqué la mission d’un Saint ? Le devoir d’un Athénien ? _ J’ai très vite été catalogué par Gigas comme sans potentiel, balancé en pâture à ses hommes, ses mauvaises fréquentations et quelques marchands véreux. J’ai lavé les sols, récuré les latrines, crevé de faim puis suis passé de lit en lit entre les mains de vieux vicieux libidineux qui se réunissaient autour de moi. Lorsque j’en eu assez, le corps brisé, l’amour propre réduit à néant, que je devins un objet sans la moindre résistance qui ne leur offrait plus la moindre distraction, je fus conduit dans les bas-fonds d’Honkios, transpercé à trente-sept reprises par l’épée d’un soldat, puis balancé dans la fosse commune où on jette les incapables sur ordres de Gigas ! Ce même Gigas qui t’envoie en mission aujourd’hui ! » Se relevant lentement, entouré d’un cosmos pourpre, Toki continuait de garder l’attention de Naïra pour libérer discrètement le long du sol ses liens épineux. _ « Mon corps gisant au fond de cette crevasse, désarticulé, desséché, mon âme déjà jugée par Minos, je m’attendais à poursuivre un tourment éternel. Lorsque depuis les entrailles du Sanctuaire, une racine sortit de la roche et ressourça mon corps. L’Utérus extirpa mon âme des Enfers et le cosmos d’Eris m’apprit son retour imminent. Elle m’offrait le pouvoir que je n’avais pas su gagner et la chance de pouvoir me venger de ma précédente vie. » Une fois la vérité dévoilée, les liens parvinrent aux chevilles de Naïra, prise par surprise, condamnant ses acrobaties. Toki l’assaillit au corps à corps cette fois-ci. Mais Naïra capable encore de mouvoir le haut de son corps para son direct du gauche avec son bras droit et lui planta sa main gauche en plein larynx, traversant ainsi sa gorge à la verticale. Brûlant son cosmos blanc, elle illumina les ténèbres et fixa Toki agonisant : « Voici un petit peu de lumière pour t’accompagner une bonne fois pour toute dans l’autre monde. Le Juge ne te pardonnera pas d’avoir fui sa sentence. Ton prochain châtiment sera pire que le précédent. Je ne te pleurerai pas, tu as choisi la facilité plutôt qu’accepter tes faiblesses. Nous avons tous soufferts et subis des brimades parfois même pires que les tiennes. Tout cela dans le but de tester notre foi. Afin que nous fassions de nos âmes et nos corps des armes capables d’offrir aux générations futures un monde meilleur que le nôtre. » Soudain, venus des marches qu’elle envisageait de monter, des applaudissements extirpèrent Naïra de son sermon. _ « Quelle profession de foi, rigola Dysnomie avec sarcasme ! Athéna doit être fière de toi ! » Naïra fixa la Dryade sans réussir à esquisser le moindre geste. Cette femme, aux cheveux qui tombaient par-dessus sa cape noire surmontée d’épaulettes amarante, dégageait un cosmos au-delà de ceux qu’elle avait rencontré jusqu’à présent. Angoissante, oppressante, il en ressortait une odeur de mort. _ « Je vois que les Fantômes sont bien inutiles ici. Il va falloir que moi, Dysnomie de l’Anarchie, veille à freiner les ardeurs des Saints. _ Essaie donc, osa-t-elle défier la Dryade ! » Il n’en fallut pas plus à Dysnomie pour mettre ses menaces à exécutions. Lévitant au-dessus du sol grâce à son aura sombre, elle lécha les marches de haut en bas et glissa le long du couloir jusqu’à elle sans qu’elle ne puisse réagir. Elle la gifla d’un simple revers de main. S’en fut assez pour l’envoyer contre le mur de lierres. Le geste l’extirpant de sa torpeur, Naïra riposta mais Dysnomie attrapa son poing et profita de l’élan pour l’envoyer contre la cloison en face. Gardant son poing dans le creux du sien, elle la sortit de la pierre en la tirant vers elle où, comme émanant de sa poitrine, une étoile brillant de pourpre l’attendait. Suspendue entre Dysnomie et Naïra, la matérialisation du cosmos de Dysnomie réagit lorsque la Saint de bronze entra à son contact : « Reverse of Universe ! » L’explosion fit voler les ornements noirs, représentant des ailes déployées, gravées sur le plastron crème de Naïra. Le souffle l’envoya contre les marches. La projection de cosmos profita de l’inclinaison des marches pour la faire rebondir jusqu’à l’étage supérieur. Flottant à quelques centimètres du sol, Dysnomie la suivit lentement, tel un chat jouant avec sa proie.
A l’étage supérieur, Naïra retombée tête la première sur le sol était inconsciente. Le regard caché par sa frange, Dysnomie manifestait sa satisfaction au sourire machiavélique qui se dessinait sur son visage. Doigts écartés dans sa direction pour l’achever, elle fut tout à coup stoppée par la déformation de l’espace. Le décor antique couvert de verdure se revêtit de moulures. Du sol au plafond, aux teintes boisées, les parois devenaient décorées de symboles bouddhistes, enfermant Dysnomie dans un cube cosmique au sein duquel se matérialisa dans une lumière d’or Shaka. _ « Oh… Je vois ! Quelle entrée grandiloquente pour sauver ce petit oiseau tout fragile ! Je ne suis pas étonnée qu’elle n’ait d’yeux que pour Athéna et ses chevaliers. Moi-même j’en frémis de plaisir de te voir apparaître ainsi pour la sauver, se pinça les lèvres de provocation Dysnomie. _ Je ressens un cosmos bien supérieur à tes frères et s½urs Dryades. Combattre contre toi pourrait nourrir davantage l’Utérus, donc je nous ai simplement isolés dans une dimension représentant l'harmonie de l'univers et la vérité ultime de celui-ci, le Tenbu Horin. »
Sur le flanc Ouest, Aeson suivait les lianes qui veinaient l’escalier en colimaçon. _ « Je n’en vois pas le bout, s’impatientait-il, à croire qu’il va me faire grimper jusqu’au sommet ! Ça serait une chance ! » Ses pensées lui donnèrent raison lorsqu’il déboucha enfin sur une terrasse aux dalles carrés. La terrasse soutenait des marches devant lesquelles, de chaque côté, deux obélisques s’élevaient haut. Déjà haut en altitude, le sommet était illuminé d’un soleil doux, masqué par les nuages. Lorsque Aeson leva les yeux en direction du haut des marches, surmontant l’astre solaire, l’obscurité gagnait progressivement, jusqu’à ce qu’il puisse admirer, une fois son cou déployé au maximum en arrière, les étoiles. _ « Alors je suis bien arrivé au palais d’Eris. » Il fixa à droite, puis à gauche, examinant l’esplanade circulaire où il se trouvait. Il n’y avait ici que le temple aux colonnes doriques enlacées par les racines de l’Utérus. L’arbre du conflit jaillissait dans le dos de la fortification, resplendissant de son sommet touffu et verdoyant. Semblables à des lucioles, les Evil Seeds scintillaient tout autour puis retombaient comme des cendres en direction de la Terre. Il entama prudemment de monter une à une les marches, avant de stopper net une fois sur le parvis. _ « Derrière ces portes se trouve Eris. L’occasion pour moi de retrouver la reconnaissance du Grand Pope que j’ai perdu autrefois. Suis-je le premier arrivé ? _ Cela va de soi, lui répondit une voix étouffée qui lui glaça le sang ! Les autres rencontrent quelques obstacles de leur côté ! » Dans son dos, cachée derrière un obélisque, apparue une silhouette féminine. Sans même se retourner, il la reconnut. Ses jambes cédèrent sous le poids de la stupéfaction et il inclina sa tête devenue trop lourde vers le sol. _ « C’est pour cela que j’ai pu arriver si vite jusqu’ici sans encombre ? » Devant lui, les grandes portes du temple s’ouvrirent vigoureusement dans un fracas qui l’obligea à lever instinctivement les yeux vers sa seconde interlocutrice. Remontant du bas de ses pieds nus, au haut où elle le toisait de ses profonds yeux marron voilés par les mèches violettes de ses cheveux qui virevoltaient, en passant par sa taille fine habillée d’une robe pourpre, Aeson fut interdit à la vue d’Eris. Tandis qu’elle le pointait déjà de son sceptre à quatre branches, il était pris d’un rictus hébété alors qu’il découvrait pour la première fois la Déesse de la Discorde. _ « En effet, lui dit Kyoko d’une voix fine en prenant le soin de bien allonger chacune de ses syllabes, je m’en serai voulu qu’une Dryade te donne la mort sans même que je te revoie après toutes ces années… »
Depuis une autre triangulation des positions attaquées par les Saints, suivi de trois Saints d’argent, Aiolia progressait sans faillir face à des hordes de Dryades. Laissant peu de travail à ses alliés, le Lion avait déjà gravit trois étages de la structure sans rencontrer de réelles résistances. Et ce, jusqu’à la salle centrale de l’Utérus. Accompagné de Mayura, Georg et Juan, ils cessèrent leur progression devant d’immenses chevrons de bois. Ils permettaient de soutenir, tel un cadre, des blocs de pierres. Tout cela servait de bardage à une colossale porte. _ « Ça ne fait aucun doute. Cette énergie négative, malfaisante. C’est de derrière cette porte que se trouve le c½ur de l’Utérus. Les informations du Grand Pope étaient justes. Si je détruis cet endroit, la croissance de l’arbre stoppera aussitôt et le temple d’Eris sera réduit à néant. _ Espérons que les deux autres équipes ont réussi à atteindre Eris de leurs côtés, souhaita Juan. _ Qu’importe, vos renforts ne seront pas de trop, ajouta Aiolia. » Une nouvelle cohorte de Dryades qui fit office de dernier rempart au c½ur de l’Utérus se manifesta : « Quelle témérité ! » Le Lion chargeait déjà son poing de cosmo énergie. _ « Hors de mon chemin ! Je n’ai pas de temps à perdre avec les laquais d’Eris ! _ Silence, lui répondit soldat ! _ Ton sang et ta chair iront nourrir l’Utérus, suivirent les quatre autres ! _ Lightning Plasma, se débarrassa d’eux Aiolia ! » Tandis que les embûches semblaient passées, une nouvelle voix venue de leur flanc les surprit : « Vous voilà enfin ! » Une Dryade portant une Leaf amarante et noire par-dessus son corps nu aux formes généreuses les rejoignit. Agrémentée d’un grain de beauté sous son ½il gauche, la pulpeuse Até, toisait les défenseurs d’Athéna du haut de l’esplanade qui menait aux étages supérieurs. Son ½il droit étant caché par une mèche de ses très longs cheveux indigo, seul son ½il gauche témoignait de la haine éprouvée. _ « Je les savais lâches, mais de là à imaginer les Saints tenter de détruire l’Utérus de l’intérieur plutôt que de nous faire front ! Je viens donc en personne, Até des Ruines, punir cette avanie ! » Pendant que les Saints d’argent lui faisaient face, Aiolia continuait de tourner le dos à la chef des Dryades. _ « Il y a quelqu’un de l’autre côté de la porte. J’ai l’impression de l’avoir déjà ressenti avant, était-il perturbé. » Sans mot dire, le Saint d’or libéra son cosmos dans son poing de lumière et fracassa la porte. L’éboulement des pierres leva un nuage de fumée qui les cacha temporairement d’Até. _ « Ecoutez, reprit Aiolia. Rien ne doit nous faire dévier de notre mission. Je me charge du gardien du c½ur de l’Utérus. Vous, rejoignez au sommet nos amis. Vous devez éliminer Eris. » Sans broncher, ils obtempérèrent et se jetèrent sur Até. _ « Georg, Juan, foncez ! Je m’occupe d’elle, prit les devants Mayura. » Até put compter sur ses oreilles elfiques pour entendre venir l’ennemi malgré la poussière. Croyant pouvoir prendre à revers Georg et Juan qui passèrent au-dessus d’elle, Até ne put tourner les talons que déjà Mayura l’immobilisait : « Hisen Hajakuchobuku ! » Soumise à une forte pression, Até n’arriva pas à retenir les deux Saints partis en directions des étages supérieurs. Totalement oppressé, son corps se tordit. Ses jambes s’emmêlèrent, ses bras comprimèrent sa taille en en faisant le tour, sa tête tourna sur ses épaules. _ « L’Exorcisme Destructeur supprime le poison qui se niche dans le c½ur des gens. Dans ton cas, s’agissant de ton essence même, c’est tout ton être qui est destiné à disparaître. La question c’est de savoir quoi de ton cou, tes genoux ou ta poitrine, va rompre en premier ? » Pendant que son visage était défiguré par la douleur, Até n’en perdait pas moins de sa superbe. La noirceur de son cosmos continuait d’emplir les lieux alors qu’un à un ses os craquaient. Lorsqu’elle le réalisa, il fut trop tard pour Mayura. Des lianes lui serraient déjà les chevilles. Bien qu’elle fût en droit de hurler le poids de son calvaire, Até cria plutôt son attaque : « Million Hatred ! » Par millions, des lianes sous forme de lances jaillirent d’Até pour menacer Mayura prisonnière. Obligée de relâcher la pression de son Hisen Hajakuchobuku, elle s’enferma elle-même dans son bloc monticule de pierre qu’elle leva du sol pavé : « Bangosenseki ! » La Roche d’Isolation la protégea contre les pilums d’Até. Ceux-ci se fracassèrent contre le bouclier de pierre. Até n’en demeura pas moins résolue : « Tu perds ton temps ! Plus tu résistes et plus mes vignes puisent dans mon cosmos pour se renforcer. » Ces tentacules encerclèrent le rocher au sein duquel Mayura se concentrait en position du lotus. Até reprenait difficilement sa garde suite au contrecoup du Hisen Hajakuchobuku : « Million Hatred ! » Cette fois ci, les lianes étaient semblables à des rondins de bois. Ils pilonnèrent comme des béliers la défense du Saint d’argent qui s’effondrait. Exposée à la menace, Mayura riposta aux poutres par un vent violent qui les renvoya à son propriétaire : « Higi Kenyoku Tenbusho ! » Martelée par sa propre matérialisation de cosmos, détruisant à chaque impact sa Leaf, Até fut repoussée contre le haut de la voûte, sous laquelle passèrent Georg et Juan plus tôt. Avant qu’elle ne retombe au sol, Mayura la plaqua à nouveau contre la paroi par la gorge de sa main gauche. Elle porta le coup de grâce de sa Technique Secrète de la Danse Céleste des Ailes Iridescentes en dirigeant sa main droite doigts tendus vers son c½ur. C’est là que le vent balaya la mèche de cheveux d’Até permettant de cacher son ½il gauche. Soudain, sortit de son globe oculaire une pointe de lierre qui contrecarra le coup de grâce. Par réflexe, Mayura inclina la tête évitant à son crâne d’être transpercé. Le pique frappa l’extérieur de son arcade droite. Il détruisit son masque à cet endroit et arracha le bandeau qui lui entourait la tête. Dans son élan, Mayura poursuivit son geste et parvint à transpercer la Leaf et les côtes d’Até à défaut d’avoir pu atteindre le c½ur. Etourdie par le choc, elle retomba lamentablement face contre terre comme Até épuisée et blessée.
Au même moment, sur Terre, au Sanctuaire, les tours de garde se succédaient avec beaucoup de tension après l’infiltration des Dryades la veille. Tandis qu’au sommet des douze maisons Saga était entré en méditation pour suivre les soubresauts de l’attaque de l’Utérus, dans les ruelles pavés d’Honkios, comme dans les vastes plaines qui entourent les villages, des troupes de soldats défilaient sans discontinuer. Si bien, que lorsqu’elle arriva devant les remparts Nord, une jeune femme fut accueillie par un attroupement de soldats qui la mirent en joue de leurs lances et épées. La pauvre était épuisée. Ses vêtements rouges, inscrits dans la pure tenue traditionnelle chinoise, étaient en lambeaux. Suffisamment pour faire apparaître ses cuisses écorchées et sa poitrine affriolante. Tombée à genoux d’épuisement, l’Asiatique sema le trouble chez les Athéniens qui passaient par-dessus les murs, partagés entre le plaisir de cette vue sensuelle et le doute qu’une telle démonstration de ses formes ne soient la ruse éculée des Dryades. Pourtant, la voix douce et tremblante de l’intruse semait le doute. Le front couvert d’une frange, le reste de ses cheveux longs et poisseux était entremêlé. Elle ne faisait preuve d’aucune malice, lorsqu’elle demandait à répétition si elle était bien arrivée au Sanctuaire. Le caporal de la cohorte leva alors la tête vers le lieutenant du Nord du domaine, resté en haut de la grande porte à fixer l’inconnue. De stature imposante, il gardait une mine sévère dans sa Cloth d’argent. Si bien que le caporal n’osa prendre la parole. Il attendit que son supérieur direct, le sergent Voskos Saint de bronze du Bouvier ne les rejoigne. Imposant et brutal, il ne ménagea pas la jeune femme en la levant d’un coup sec en la tirant par le bras pour l’exposer à la vue du lieutenant. _ « Seigneur Algol, je crois que nous n’avons rien à craindre d’elle. _ Voskos, souffla le Saint de Persée… Tu sais que n'importe quel accès au domaine sacré comprend son lot de difficultés, des plus variées et imprévues. Larges pierriers, pentes sablonneuses, parois rocheuses parfaitement verticales ou en dévers, crevasses, embranchements trompeurs... Tous ces obstacles sont incontournables. Et infranchissables pour quiconque ne maîtrise pas la cosmo énergie. Je ne pense pas que cette jeune femme soit inoffensive. Qui es-tu, la pointa-t-il du doigt ? _ X… Xiao Ling, balbutia-t-elle son nom… _ Xiao Ling… Que fait une étrangère sur ces terres ? _ Rebecca… C’est elle qui m’a dit de venir ici… _ Hum, resta songeur un instant Persée… D’où viens-tu ? _ De Chine… J’appartenais à une troupe de cirque itinérante. Il y a quelques années, une révolte populaire a frappé dans une région où nous étions de passage et la répression a condamné les populations sans distinction. Ma troupe a été massacrée. J’ai miraculeusement survécu. C’est une inconnue porteuse d’une armure et d’un masque qui m’a porté secours. Elle m’a soigné et nourri. Elle me parlait régulièrement du Sanctuaire d’où elle venait et finit par me dire avant de disparaître en pleine nuit, que si un jour je parvenais à trouver ce lieu, alors je deviendrai suffisamment forte pour empêcher que d’autres innocents soient inutilement massacrés. _ Le miracle est l’apanage des gens qui maîtrisent le cosmos. Ton entraînement au cirque devait être intense. Pour le surmonter, tu as instinctivement élevé ta cosmo énergie. Ce qui a guidé Rebecca à toi. L’instructrice en chef des femmes Saints a la fâcheuse manie de parcourir le monde à la recherche de toujours plus de femmes pour gonfler les rangs de son camp, sourit-il de sarcasme. En ces temps de conflit, tu ne seras pas de trop dans nos rangs. Ouvrez les portes, ordonna-t-il ! » Voskos, suivi de sa troupe, soutint Xiao Ling jusqu’à l’intérieur. A l’intérieur des remparts, un soldat plongea une louche dans un tonneau pour en extraire de l’eau sur laquelle elle se jeta. Sans ménagement, elle l’avala d’une traite, avant de partir la tête la première dans le tonneau, afin de rassasier sa soif. Si bien, qu’elle relevait suffisamment haut la pointe des pieds pour exposer involontairement le dessous de sa tunique aux soldats partagés entre amusement et regards lubriques. Un raclement de gorge d’Algol remit tout le monde en rang, le regard droit. Il permit également à Xiao Ling de réaliser la position gênante dans laquelle elle s’était mise. Gardant du mieux qu’il put son sérieux, Algol commanda à Voskos de conduire la nouvelle venue à Rebecca au camp des femmes au centre du domaine.
Sur l’Utérus, devant la porte qui renfermait l’arbre nourricier, Aiolia attendait que la poussière soit retombée. Il pénétra lentement dans la salle, un hall au haut plafond maintenu par un mur circulaire, duquel débouchaient de multiples allées soutenues par des voûtes. Ces allées permettaient aux Dryades d’accéder à l’arbre, quel que soit l’endroit du palais d’où elles venaient. La salle était recouverte de racines. Sous les pieds d’Aiolia, un tapis rouge menait tout droit à l’alvéole par lequel passait l’arbre. Devant ce gouffre traversé par le tronc, appuyé contre un siège de pierre, un homme portant sous une épaisse cape une Cloth semblable à la sienne appâta aussitôt le Grec. Malgré la distance, il reconnut la forme particulière, féline et digne, de son armure. Elle brillait également. Pas d’or. Mais d’un noir de jais. Ses ornements, rouge écarlate, faisaient ressortir de loin les détails de cette Leaf. Plagié, Aiolia avança résolu vers la Dryade qui lui faisait obstacle. Fougueux, il savait que l’Utérus à détruire était juste sous ses yeux et qu’il pouvait rapidement remplir sa mission. Néanmoins, il interrompit sa marche déterminée lorsque le seul ½il, bleu perçant, du lion noir le dévisagea. _ « Cette façon de me regarder me parait si familière, remarqua-t-il en observant plus haut ses cheveux vert marin entremêlés dans son heaume. Est-ce… Une illusion ? Ou bien… Est-ce toi, s’adressa-t-il à la silhouette qui ne bougeait pas d’un pouce. » Le lion noir ouvrit alors son ½il droit marqué d’une cicatrice pour exposer une orbite aussi écarlate que les enjolivures de sa Leaf, montrant ainsi des yeux vairons. _ « Non… Non ça ne peut pas être toi. Tu avais perdu cet ½il. » De sa main gauche, l’étrange antagoniste arracha sa cape et exposa à la vue d’Aiolia un bras droit aux nerfs et aux veines gonflés de racines tout comme le côté droit de son visage, tout autour de son ½il cicatrisé. _ « Galan ?! _ Galarian Steiner de mon vrai nom, lui répondit-il. _ Qu’est-ce que ça veut dire ? Quel mauvais tour me joue Eris ? _ De quoi parles-tu Aiolia ? C’est moi. _ Galan a choisi de rejoindre nos contemporains ! Il fait le tour du monde et il serait bien incapable de se ranger aux côtés d’Eris ! » A cet instant, les racines de son corps se mirent à gonfler faisant vriller dans ses pupilles un scintillement de douleur, qu’il relâcha sous la forme d’un coup à longue portée qu’Aiolia esquiva de justesse, lui égratignant au passage le visage. _ « Galan ! A quoi joues-tu ?! C’est de la folie furieuse ?! As-tu la moindre idée du nombre de gens qui sont menacés par cet arbre ! » Pour seule réponse, Galan rugit comme le roi des animaux et chargea à la vitesse de la lumière Aiolia. Par réflexe, Aiolia mit ses mains en oppositions et, pogne contre pogne, ils exercèrent chacun sur l’autre la pression de leurs cosmos. Aiolia mesura le niveau de son adversaire : « Galan était un prétendant à la Cloth du Lion avant qu’il ne soit condamné pour le vol du sang d’Athéna. Il a toujours été doué. Pourtant, il n’a jamais eu un tel niveau. Serait-ce Eris qui lui aurait donné tant de forces ?! Non ! C’est absurde ! Jamais Galan ne nous trahirait ! » Le visage défiguré par la haine, Galan profita qu’Aiolia soit perturbé pour croiser ses bras et déstabiliser la tension maintenue entre eux. Rapprochant ainsi son crâne du sien, il lui flanqua un violent coup de tête en plein visage qui lui cassa le nez. Repoussé en arrière par l’élan, il fut attrapé par le bras normalement amputé de Galan et celui-ci se changea en tentacule qui le prit à la gorge. Il allongea alors son membre pour diriger Aiolia au centre de la pièce et le tenir en suspension au milieu du vide, entre l’arbre et la plateforme où ils s’affrontaient. _ « Déjà terminé, pesta Galan ? _ Galan… Je refuse de croire que c’est toi, répondit Aiolia d’une voix étouffée… » Le nez gonflé par le sang, à l’agonie, manquant de souffle, Aiolia avait la tête inclinée vers le ciel en direction de la cime de l’Utérus. C’est alors qu’une voix venue du feuillage lui confirma : « Pourtant, je te prie de croire que c’est bien lui. » Se laissant tomber du ciel, une Dryade, couverte d’une Leaf au casque, aux avant-bras et aux tibias crantés, se réceptionna en fixant ses lames contre le tronc afin de rester suspendue juste au-dessus du visage d’Aiolia. Ses mèches coupées droite tombaient sur sa poitrine, tandis qu’une jupette serrait sa taille mince. Ses traits très fins dévisageaient le Lion qu’elle lacéra avec son autre bras sur la joue droite. _ « Quel meilleur gardien de l’Utérus qu’un homme qui fut ramené à la vie grâce à lui ? _ Ramené à la vie, s’étonna Aiolia en dévisageant un Galan insensible ? » La Dryade d’un geste de l’index ramassa le sang qui fuyait la coupure qu’elle avait faite au prisonnier. _ « Quoi ? Tu n’étais pas au courant ? _ Je n’ai jamais quitté le Sanctuaire, commença d’un ton monocorde Galan. Avant que je sois affranchi, je suis tombé gravement malade. Cela commença durant la Guerre Sainte contre les Titans. Les prêtres du Sanctuaire avaient diagnostiqué que mes poumons étaient touchés. Et que le mal s’étendait très vite au reste de mon corps, poursuivit-il d’une voix tremblante. Lithos voulut me conduire à la Source d’Athéna. Mais celle-ci est réservée aux Saints. Je ne voulais pas forcer le passage et jeter une fois de plus le déshonneur sur votre nom, commença-t-il à balbutier. Alors d’un commun accord avec Lithos, nous avons feint ma bonne santé puis avons profité de la liberté que vous nous accordâtes pour simuler mon départ, sourit-il amicalement. Je mourus quelques semaines plus tard, dans un temple des villages du Sud où les prêtres m’apportaient les soins palliatifs. Je fis promettre à Lithos de ne pas vous l’annoncer de peur que vous vous reprochiez de m’avoir gardé trop longtemps à votre service, conclut-il une larme à l’½il. » Aiolia remarqua que l’humanisation progressive de son compatriote contrastait avec la froideur du début du duel. Ses soupçons se confirmèrent lorsque l’arbre se mit à gonfler sous l’absorption des forces perdues par les autres Saints dans le palais. Aussitôt, les veines de Galan gonflèrent davantage et il reprit son étreinte meurtrière en empoignant plus fort Aiolia. La Dryade tortionnaire continua d’éclairer la lanterne d’Aiolia. _ « Prisonnier des entrailles du Sanctuaire, l’Utérus, grâce au cosmos de Mère, sondait en secret les défunts du domaine pour connaître ceux dignes de revenir en Fantômes. Rares sont ceux qui se sont opposés à l’offre d’une seconde vie contre l’allégeance à Mère. La plupart du temps, les civils ou les Saints revanchards, acceptent. Galarian Steiner était bourré de ranc½ur. Prétendant raté à la Cloth du Lion, condamné et mutilé par le Sanctuaire, domestique malmené pour être au service d’un mal-aimé, une vie courte arrachée par la maladie sans qu’on ne lui donne le droit de pouvoir accéder au lieu saint qui le soignerait… Il avait tout pour faire un magnifique Fantôme. Pourtant, il s’opposa farouchement à nous. Des mois de propositions, de visites aux Enfers où il fut jugé aux supplices… Rien. Alors Mère, une fois de retour, puisa dans le pouvoir de l’Utérus pour le soumettre. Galarian est habité par l’Utérus. L’Utérus le consume. C’est sa revanche pour ne pas avoir cédé à sa séduction. L’Utérus le manipule mais le maintient aussi en vie. Détruire l’Utérus c’est condamner à nouveau ton ami à un autre jugement par Minos ! Et les Juges des Enfers ne sont pas cléments envers ceux qui se sont soustrais à leur condamnation. » Abasourdi, Aiolia, bleui d’asphyxie, voyait du coin de l’½il Galan ne pouvant être maître de ses choix. Pourtant, il gardait le sourire. _ « Tu souris Saint d’or, s’étonna la Dryade ? Est-ce le fait que tu meurs des mains de ton ami qui te satisfait ? Dans ce cas je ne t’en laisserai pas le plaisir, dressa-t-elle sa lame, c’est moi Hysminai du Duel qui t’achèverai ! » Afin de riposter, le Lion cramponna les tentacules de ses deux mains pour faire balancier avec le poids de son corps suspendu. Il anticipa l’attaque d’Hysminai en levant sa jambe droite haut contre son visage : « Lightning Plasma. » Il lui envoya avec la jambe une multitude de rayons de lumière qui s’entrecroisèrent à bout portant. Cela, tout en balançant de sa jambe gauche, en retombant, une boule chargée de cosmos et d’éclairs contre Galan : « Lightning Bolt ! » Rejetée vers le sommet de l’Utérus, Hysminai vit Galan rappeler à lui ses tentacules, après avoir été repoussé. Aiolia, lui, put se réceptionner sur le bord du puit et se hisser à nouveau devant Galan. _ « Balancer mes techniques par les jambes étaient plutôt audacieux. Je n’ai pas réussi à porter toute ma puissance pour me débarrasser d’eux, enfin, surtout d’elle, déplorait Aiolia en la voyant revenir à la charge. » D’une pirouette, elle rejoignit Galan. _ « Tu aurais dû te laisser mourir tranquillement. Tu te serais épargné bien des peines. Tu ne peux pas me vaincre et tu ne désires pas tuer Galan. Tu vas faire le jeu de l’Utérus et le nourrir de ta vie ! » A ses côtés, l’½il rouge vif, Galan se mettait déjà en garde. Flashback
Reprenant son souffle après un cul sec, Mars tend son verre au serveur qui passe devant. _ « Je pense qu’un ne suffira pas. Tu as encore beaucoup à me raconter… »
Au même moment, à Asgard, au temple Walhalla, à peine illuminé par une chandelle dont la flamme vacille au bord de sa baignoire, Siegfried laisse dégouliner depuis l’éponge qu’il presse sur son front l’eau chaude de son bain. Le marbre qui fait le sol et les murs de la noble salle de bain est embué par la vapeur d’eau dont la température est à l’opposé de celle qui demeure à l’extérieur. Sa main dégage ses cheveux rose pâle pendant qu’il souffle d’amertume : « Hilda… » Il laisse son corps sombrer en remontant ses genoux afin que l’eau bouillante englobe ses larges pectoraux puis submerge son visage. Une fois rincé, il saisit un peignoir au tissu épais dans lequel il s’enroule en grommelant : « Cette année l’hiver n’a jamais autant duré. Le printemps approche sans même que le temps ne se montre plus clément. Si cela continue, les maigres récoltes ne seront plus suffisantes pour nourrir tout le royaume. Ce rude climat a commencé en septembre dernier lors de l’attaque d’Alexer. Cela coïncidait avec l’annonce d’un danger. Mais depuis, les caprices du temps n’ont cessé. Un autre danger nous menacerait-il ? Alexer n’était-il pas la réelle menace ? »
Une voix au timbre agréable et pourtant malaisante aux oreilles de Siegfried lui répond : « Est-ce pour cela que tu te méfies de moi ? » Le beau Nordique reconnaît l’invitée d’Hilda. Thétis, dans la pénombre du logement de haut standing arbore une tenue inattendue. Toujours enroulée, nue, dans les draps qu’elle a arrachés à son lit, Thétis fixe avec défiance le mâle silencieux. Malgré lui, à force de l’épier par méfiance, il ne peut s’empêcher de remarquer le galbe provoquant de sa poitrine sur laquelle les draps forment un décolleté aguichant. _ « Quelle drôle de tenue pour se promener dans les couloirs d’un si noble royaume. Les gardes t’ont laissé passer ainsi ? _ Quels gardes ? Hilda a levé ma surveillance. Ma voix d’ange lui a certainement permis de sonder la bonté de mon âme. » Siegfried lui tourne le dos et regarde par la fenêtre de sa chambre les flocons de neige virevolter au gré du vent malgré la nuit tombée. _ « Pff… Tu n’as pas une voix d’ange. Mais une voix de sirène. Selon la mythologie, les sirènes envoûtaient leurs proies grâce à leurs chants avant de les dévorer. Du sang duquel d’entre nous souhaites-tu t’abreuver ?! » Pour seule réponse, il ressent presser contre son dos cette poitrine sur laquelle son attention s’est attardée plus tôt. Mis en joue par ce charme mutin, il reste sans un mot, le souffle coupé. Ayant abandonnée tout artifice, Thétis enserre le tronc bardé de muscles pour saisir chaque encolure de la sortie de bain de l’obstiné rempart d’Hilda. Dévêtu, ne se sentant ni la force ni l’envie de résister, après avoir senti glisser sur lui le tissu moelleux qui couvrait sa carrure athlétique, il apprécie les mains frêles qui descendent le long de son dos et qui agrippent son ferme postérieur, avant de faire le tour de ses hanches pour venir chercher son intimité. C’est à cet instant, que bien malgré lui, le héros d’Asgard fait volte-face en retenant les fins poignets acquisiteurs : « A quoi joues-tu ? » Toujours aussi défiante envers lui, elle rétorque en plissant les yeux : « Peut-être ici ne manques-tu pas de partenaires vu le respect dont tu jouis. Moi, sur la route, la solitude me pèse. Et j’ai justement voulu tirer profit de cette tension qui règne entre nous deux pour apaiser le feu qui me consume. » Avec un effort honorable, Siegfried s’empêche de contempler son corps, il reste rivé dans son regard en déclarant froidement : « Désolé. Mais je ne suis pas à ta disposition. » Grimaçant de rancune, Thétis le gifle violemment sans qu’il ne bouge réellement la tête sous le choc. Elle pointe le sexe de celui qu’elle convoite : « Comment peux-tu me regarder dans les yeux en disant cela, alors que ton corps me réclame lui aussi ? » Elle s’élance pour le frapper de nouveau, mais Siegfried est plus prompt. Il lui saisit le poignet et serre intensément sa mâchoire pour contenir cette fougue qu’elle accroît en lui frénétiquement. _ « Toi aussi je le vois, tu as un feu en toi qui explose. Un volcan rugissant dont la lave brûle les entrailles. » Malgré la prise qu’il exerce sur son poignet, Thétis se jette sur lui pour l’entourer de ses jambes à la taille. Sans lui laisser la chance de pouvoir souffler la moindre exclamation, elle lui prend la bouche à l’intérieur de laquelle elle glisse sa langue contre la sienne qu’elle caresse éperdument. Son corps toujours bouillant après la température dans laquelle il a trempé, très vite, devient moite au contact de la peau de la jeune femme sur la sienne. Cette moiteur sert parfaitement à Siegfried pour glisser contre son torse gonflé les menus cinquante-deux kilos de Thétis. Pris d’une torpeur qu’il ne veut refreiner, Siegfried se défait fermement de l’étreinte de Thétis et l’allonge sur le lit. Jusqu’au moment où, reprenant un courageux sang-froid, Siegfried abandonne son lit pour s’avancer vers son peignoir : « Non, je ne peux faire cela, je pense à… J’aime… Non. »
D’une mine mêlant surprise et frustration, Thétis se fait tout à coup féline et devine : « Tu espères rester fidèle à Hilda ? » Le silence de Siegfried vaut aveu. Pourtant Thétis, en se cambrant tel un animal qui se languit, assure : « Hilda a pensé à toi elle aussi tout à l’heure. Un bref instant. » Le regard inquisiteur de Siegfried en dit long. Confondant doute et colère, le descendant de Dubhe est perdu. _ « Tu ne me crois pas ? Allons, tu as bien vu toi aussi lorsque je chantais pour elle. Je ne lui étais pas indifférente. Alors, avant de venir te voir, je me suis permise de passer auprès des appartements d’Hilda. Elle était assise, seule, dans un fauteuil à observer comme tu le faisais le triste temps qui vous condamne ici. Je lui ai dit que je voulais profiter de sa majestueuse présence puisque jamais auparavant un seigneur ne s’était montré si adorable avec moi. Chose qu’elle accepta volontiers. Après m’être excusée pour ma tenue grossière, mes vêtements n’ayant toujours pas séchés au coin de la cheminée de ma chambrée, je lui ai avoué vouloir partir dès demain pour ne pas l’importuner davantage ni même m’attirer les foudres de ses plus fidèles sujets. Dont toi. A l’entente de ton nom, elle est restée très évasive et j’ai immédiatement compris. Elle m’avoua que sa position et son rôle vous avaient condamné jusqu’à présent à un amour platonique et qu’elle ne sait pas si cela devait évoluer puisque chaque tentative d’aveu s’est soldée jusqu’à présent par un évènement gênant. Une arrivée fortuite, une fuite de ta part… Elle s’est ensuite sentie gênée de se dévoiler si facilement à moi. Peut-être le fait que je ne serai plus là demain l’aida à délier son c½ur. Lorsque je lui proposai de chanter de nouveau pour l’apaiser, je sentis à la place de l’air qu’expire ma voix le souffle brûlant de ses lèvres. A peine avais-je fermé les yeux pour prendre ma concentration qu’elle venait soulager son mal-être mais aussi ses envies. Ses doigts entrelacèrent les miens… » Le regard de Siegfried a perdu de sa rancune, il est dorénavant partagé entre jalousie et obsession. Pendant qu’elle continue de narrer son échange concupiscent avec Hilda, Thétis caresse chaque zone de son corps que sa partenaire a parcouru : « … et la pression de son visage contre le mien, de sa langue autour de la mienne, me firent choir sur la peau d’ours polaire qui couvre le sol. A sa merci, elle profita de n’avoir qu’à simplement retirer mes draps pour mieux défaire sa longue robe azure. Soulignés par la lueur rougeoyante du feu, nos corps s’admiraient l’un l’autre, s’enviant immédiatement. Quelques soupirs ponctuaient l’étreinte charnelle durant laquelle nos courbes s’épousaient à merveille. Bientôt je baisais sa ferme poitrine pendant qu’elle parcourait l’intérieur de mes cuisses pour mieux s’y glisser. Refusant de crier seule mon plaisir, elle se m’y à feuler lorsque j’insinuai moi aussi mon index et mon majeur dans sa chair. Nous allions et venions au plus profond de nos ventres, synchroniquement, frottant nos corps, la moindre extrémité de nos poitrines, l’une contre l’autre. Si profondément, si intensément, que nous allions chacune nous empaler sur l’autre lorsque nous nous retirions. Nous tressaillions en même temps par de courts mais répétés soubresauts. Je me relevai aussitôt. La sensation de froid due à l’éloignement de son corps fit disparaître en quelques minutes la sueur que nous partagions. Je voulais garder sur moi et te faire partager l’odeur sucrée de sa peau. » Cette réflexion est de trop pour Siegfried. Alors qu’elle tourne lascivement à quatre pattes sur le lit depuis le début de son histoire, il vient lui cramponnait hargneusement les fesses pour mieux se glisser et savourer à son tour sa chaleur. Après quelques mouvements de bassin engagés, Siegfried vient chercher de ses mains la poitrine de la Suédoise, pour lui lever le buste et venir humer l’odeur de son cou. Continuant à chercher au plus loin d’elle ce feu qu’elle trépignait de partager avec lui, il plaque son corps contre lui en la serrant fort et en murmurant, après plusieurs minutes extrêmes, au moment où il abandonne lui aussi cette fièvre, le nom de sa bien-aimée de toujours : « Hilda… »
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« le: 2 Août 2021 à 11h27 »
Chapitre 75
A l’abri du sinistre spectacle qui se joue dans les sous-sols du Disfrute, ce bar de nuit argentin où il s’est rendu avec Tromos, Vasiliás profite de la prestation de danse de Peligra. Après plusieurs mouvements sensuels, elle entame quelques gestes acrobatiques pour lesquels elle ne présente aucune faiblesse. Partant du haut de la barre de pole dance pour en redescendre lascivement, tel un reptile à une vitesse de plus en plus folle, elle s’applique ensuite à effectuer une chute tête la première vers le sol en se réceptionnant avec ses mains pour mieux réaliser avec ses jambes un grand écart. Les changements de pistes musicales n’altèrent en rien ses prouesses. Et lorsque le rythme varie à nouveau, elle resserre de plus belle ses jambes sur la poutre chromée. Etendue sur le podium, le talon de son pied gauche en appui contre la barre, elle expose davantage à la seule vue de Vasiliás ce qui se cache sous le vêtement noué sur ses hanches. Le Berserker de la Royauté profite de l’occasion pour glisser quelques billets, après avoir remonté ses mains du creux de ses genoux, jusque ses fesses en passant par ses fermes cuisses. Cette récompense ne semble pas suffisante pour atténuer l’ardeur de la voluptueuse artiste. En appui avec ses mains pour saisir le centre vertical de sa scène à l’arrière de son dos, elle se relève en tournant sur elle-même, maniant élégance et sensualité. Debout, abandonnant sa tribune, elle arrive jusque sous les yeux de son hôte devant qui elle passe charnellement sa main sur ses hanches et autour de son nombril. Puis, elle imite ses caresses en descendant sous la soie, ou en remontant du haut de ses cuisses jusqu’à sa croupe rebondie lorsqu’elle lui tourne le dos. Ainsi elle remonte sa robe en s’agrippant sensiblement les fesses et dévoilant enfin son boxer.
La sensualité de ses gestes, mêlée à ses courbes généreuses, attirent la curiosité des autres clients qui s’amassent peu à peu tout autour en continuant de danser. En mauvais acteurs, hommes comme femmes, curieux d’admirer Peligra, profitent que le club soit bondé pour s’approcher comme si de rien n’était.
Ramassant quelques billets supplémentaires, Peligra répète ses gestes en massant sa poitrine à mesure que sa veste abandonne avec grâce son corps en glissant le long de ses bras pendant que sa langue ne cesse de faire le tour de ses lèvres qu’elle mordille à l’occasion. Déroulant la soie qu’elle utilise pour serrer brièvement Vasiliás contre elle, Peligra pose ensuite une jambe sur la banquette afin de laisser son spectateur introduire à l’intérieur de son sous-vêtement une nouvelle récompense. Au moment où elle choisit de dévoiler davantage de ses charmes, Vasiliás lui tend une liasse de billet : « Tu es si admirable que tu as captivé tous les regards alentours sur toi. Mais je refuse de partager un aussi beau spectacle. »
En effet, le petit salon commence à rassembler d’autres membres du club. C’est également l’opportunité pour Vasiliás de concentrer l’attention de Peligra, afin qu’elle ne s’inquiète pas des actes de Tromos.
Peligra approche son visage de Vasiliás. _ « Tu es jaloux ? _ Disons que j’aime avoir l’exclusivité. _ Alors passons à l’étage dans ce cas. Nous y avons des chambres privées. » Pour approuver cette décision, Vasiliás sort du sceau de glaçon une nouvelle bouteille de champagne. _ « Tu ne veux pas goûter d’autres choses là-haut, lui propose-t-elle ? _ Le champagne et toi feront déjà beaucoup. J’aime les valeurs sûres. »
Pendant ce temps, en Grèce, c’est également après l’alcool qu’ils ont commandé qu’attendent Kyoko et Mars. La réincarnation d’Arès ne peut attendre davantage, il exige que Kyoko poursuive son récit avant même qu’ils ne puissent déguster leurs verres.
Flashback Flottant par-dessus les quelques nuages de l’été 1984, l’Utérus fleurissait et déployait au sommet de ses branches des pétales cotonneux. Ils faisaient du sommet touffu de l’arbre un immense ballon dirigeable. L’Utérus plantait ses racines jusqu’aux catacombes du temple aux fondations arrondies. Elles remontaient jusqu’au palais d’Eris sous forme d’étages aux circonférences chaque fois un petit peu moins grandes.
Dans le sous-sol, la Cloth du Scorpion brillait. _ « C’est jusqu’au dernier niveau que nous devons parvenir, finit d’expliquer Milo. » A ses côtés, Apodis balayait les longues toiles d’araignées qui pendaient du plafond. _ « Très bien. _ L’idée du Grand Pope lors de notre convocation était de nous diviser en trois groupes. C’est ce qui me parait le plus efficace pour y parvenir, affirma le vétéran Aeson. _ En effet. En remontant chacun un angle précis sous la forme d’une structure pyramidale, nous divisons leurs forces à la base pour nous retrouver tous ensemble devant Eris. Une infiltration rapide et efficace, c’est ce qui nous a été demandé, confirma Milo. » Le trio progressait difficilement, obstrué qu’il était par la soie de plus en plus épaisse. _ « Bientôt, nous ne distinguerons plus les murs veinés de racines, s’inquiétait Apodis. » Soudain, le sol se mit à craqueler sous les pas d’Aeson. _ « Attendez, alerta-t-il, ses équipiers ! Le sol se fissure sous mes pas. _ Ce n’est pas le sol, dit Milo qui balayait les toiles en s’accroupissant, ce sont des ossements. » Par un réflexe de dégoût, Aeson recula d’un pas. _ « Nous sommes dans l’antre d’une araignée, poursuivit Milo. Et celle-ci vient juste d’achever son repas si j’en juge les lambeaux de chair et le sang dégoulinant encore sur ces os. » La voix railleuse d’une Dryade confirma : « Tout juste. » Phonos, attablé dans le hall à quelques mètres de là, achevait son repas en se servant dans une coupe de l’ouzo, un apéritif grec anisé : « Cela fait un moment que nous avons senti votre arrivée. Il m’a fallu me dépêcher de me repaître de mes proies fraîchement cueillies sur Terre. » Milo serra les dents en reconnaissant leur adversaire : « Phonos ! » Par de grands moulinets, les chevaliers progressèrent vite à travers les fils pour débarquer au banquet de la Dryade. Assis sur du mobilier fait de vieux restes humains, Phonos les provoqua : « Vous me permettrez de savourer un digestif, afin de m’alléger avant de vous faire face. Je déteste manger vite. » Devançant ses camarades, Milo regarda autour de lui et remarqua dans la soie le scintillement des vies qu’absorbait Phonos grâce à ses fils. Il réalisa la démarche de la Dryade, en voyant une dernière victime épuisée cesser de se débattre. _ « Ce cannibale dévore les cadavres asséchés une fois qu’il s’est renforcé de leur énergie vitale ! _ Je n’ai pas été présenté à tes amis. Je suis Phonos du Meurtre. _ Ne vous laissez pas distraire, avertit Milo, sa soie est paralysante et il nous attaquera lorsque vous commencerez à en éprouver les effets. J’ai un compte à régler avec lui. C’est lui qui fut le dernier rempart qui m’empêcha de déjouer la réincarnation d’Eris. Avancez ! Je vous rattrape ! » N’osant pas discuter un ordre d’un Saint d’or, Aeson et Apodis s’exécutèrent, en passant prudemment chacun d’un côté de la table sans que la Dryade ne s’intéresse à eux. _ « Surtout, prenez garde à sa soie. Tant que nous serons dans son antre, nous ne devons pas oublier qu’il est capable de récupérer nos forces. » Ils acquiescèrent avant de poursuivre leur chemin et de s’enfoncer dans les ténèbres. La Dryade aux cheveux indigo servit une coupe qu’il adressa à Milo. Il la fit glisser du bout de ses doigts à l’autre bout de la table en s’étalant de tout son long dessus, salissant sa cape blanche. Son geste libéra de son vêtement une protection de couleur noire avec des reflets lie de vin et amarante. De ses yeux rouges, il devina que Milo avait identifié son armure. _ « Une Leaf. L’équivalent de vos Cloths. Je ne la portais pas lors de notre première rencontre. _ Le simple fait que tu en sois affublé signifie qu’Eris a déjà éveillé une grande partie de ses pouvoirs. Tu auras compris que nous avons ordre d’agir vite et efficacement pour éviter qu’elle n’en fasse le plein usage. Je n’ai donc pas le temps pour l’apéritif. » Il dégagea le verre d’un filet de lumière rouge tout droit sorti de son aiguillon. A peine l’alcool allait l’éclabousser que Phonos disparut. A la place, une immense araignée chargée de cosmos sauta par-dessus la table et se jeta sur sa proie…
Sous le palais d’Eris situé au cinquième étage, une Dryade observait du bout d’un chemin de colonnes l’immense tronc de l’Utérus. De là, en levant la tête, elle pouvait apercevoir malgré la mèche qui dissimulait son regard les cimes de l’arbre scintillant. Derrière elle, sa supérieure aux cheveux plus sombres vint la trouver. Devinant la venue d’Até dans son dos, Dysnomie engagea la conversation. _ « Nous vivons et nous fanons pour Mère, notre vie n’est rien de plus qu’une fleur de ce jardin. _ Dysnomie, Mère a décidé de faire renaître son Jardin d’Eden enfoui loin d’ici. _ Notre Jardin d’Eden… Quel délice. _ Pour faire ressurgir notre sanctuaire, l’Utérus a besoin de croître encore quelques heures, afin de rendre à Mère l’entièreté de ses moyens pour ramener notre royaume. _ Si je comprends bien Até, tu me demandes d’aller arrêter ces Saints qui se sont introduits ici. _ L’Utérus se nourrit de la discorde des mortels. Tuer ces Saints et les livrer en pâture à l’arbre matrice ne fera qu’accélérer le processus. _ Ils sont scindés en trois groupes. Phonos s’occupe déjà du premier. _ Le second se dirige au centre, son objectif est clairement l’Utérus. Je m’y rendrai en personne, décréta Até. _ J’imagine donc que le dernier groupe est pour moi. _ Si je ne m’abuse, le Saint de la Vierge le dirige. Il me semble qu’il t’avait bien plu, lorsque nous avons récupéré Mère au Sanctuaire. _ Je sais que c’est lui qui a déjoué la boule d’énergie de Mère, lorsqu’elle s’est réveillée au Sanctuaire et qu’elle tenta d’achever la s½ur de son réceptacle. En effet, j’aurai plaisir à l’affronter. Bien, je m’y rends de ce pas. _ Attends Dysnomie ! Mère semble bien déterminée à jouer avec eux. Elle leur réserve quelques surprises, comme de vieilles retrouvailles par exemple. Et elle ne compte pas attendre sagement dans son palais. _ Mais c’est de la folie ! Qui veillera sur elle ?! _ Un des Fantômes qu’elle a ramené à la vie. Tous d’anciens Athéniens. _ Je n’ai aucune confiance en eux ! _ Moi non plus ! Cela signifie que nous devons à tout prix faire obstacle à ces Saints au risque de la laisser sans défense ! »
A grands revers de mains, Aeson et Apodis progressaient dans les sous-sols. Leur route était à peine éclairée par les fleurs qui poussaient dans les angles des murs, là où commençaient les racines. Le pollen libéré gravitait dans l’air comme des lucioles. _ « Des plantes qui poussent dans un endroit aussi sombre, critiqua Apodis. _ C’est dire la nature malsaine de ces végétaux, qui sont restés enfouis pendant des siècles dans les entrailles du Sanctuaire, ajouta Aeson. » De concert, ils cessèrent leurs avancées. _ « Un escalier ! Nous allons déjà pouvoir passer à l’étage supérieur, se satisfit Apodis. _ Deux escaliers, le contraria Aeson en pointant une montée entourée de lianes à l’opposé. _ Deux chemins qui mènent à l’étage du dessus mais sur des flancs différents du temple. _ Le plus important, c’est que l’un de nous arrive au sommet. Le Saint d’or du Scorpion ne va pas tarder, il est important qu’on lui déblaye le passage. _ Très bien, séparons-nous ! »
A l’opposé du groupe de Milo, Shaka et son équipe progressaient difficilement dans la zone du premier niveau, qui s’apparentait plus à des catacombes effondrées, qu’à un jardin luxuriant. Le plafond tenait difficilement par des colonnes effritées tandis qu’avec Rigel et Naïra, il fallait à Shaka sauter de colonnades couchées en colonnades et veiller à ne pas glisser sur les gravats de statues fracassées. Au détour de l’une d’elle, la Vierge surprit ses deux lieutenants en dressant autour d’eux, une bulle de protection faîte de cosmos : « Kan ! » Rigel et Naïra cessèrent leur course et virent le bouclier se faire heurter par une comète. Le choc fut d’une telle intensité qu’il ébranla les cloisons de pierre et fit céder les colonnes déjà à la peine. Le plafond céda et un éboulement ensevelit l’escouade…
Là où Aeson et Apodis l’avaient laissé, Milo se débattait en roulant sur le sol, fracassant les carcasses qui le jonchaient. Il esquivait les assauts ininterrompus de l’arachnide géant, en tâchant de ne pas trop s’élever au risque d’être pris dans ses toiles. _ « Paralyze Silk, lançait sans cesse Phonos ! » Partout sur son passage, Phonos laissait derrière lui de nouveaux liens, restreignant toujours un petit peu plus l’espace de Milo. Acculé, le Scorpion vit l’araignée fixait son dard en avant quand Phonos pointa sa main aux longs ongles dans sa direction : « Despaired Bite ! » Le Scorpion n’eut d’autre choix que d’éviter la multitude de coups d’ongles en plongeant sous la table de l’ennemi. _ « Le Despaired Bite peut tout mordre ! » Phonos se laissa tomber délicatement sur la table, comme une tarentule qui se déposait près de sa victime ignorante. Il se léchait les babines tandis que de son dos émanait sa cosmo énergie prête à repartir à l’assaut. Soudain, un rayon de lumière traversa la table par le dessous et lui transperça une de ses oreilles elfiques. _ « Je t’ai ciblé l’araignée ! Finis de jouer ! Scarlet Needle ! » Soulevé par les piqûres, Phonos vola jusqu’au plafond dans lequel il s’encastra avec les débris de la table. _ « Impossible… Vaincu aussi facilement, tomba-t-il inerte ! » Le Grec resta voir retomber du sol les restes du repas et du mobilier tandis que le corps de Phonos demeurait dans l’enclave de pierre où il était encastré. Sa cape déchirée flottait dans l’air et laissait sa Leaf apparente. Il laissa tomber sur son aiguillon une goutte d’ouzo qu’il passa ensuite à sa bouche, savourant par le goût de l’alcool sa victoire, avant de faire tourner sa cape pour rejoindre ses compagnons…
A l’autre bout, au second étage, sur un plateau à horizon ouvert sur la lumière du jour, un homme observait depuis la cavité qu’il a causée un tas de décombres. Alors qu’il a pris par surprise Shaka, Rigel et Naïra en frappant depuis l’étage supérieur, l’ennemi flattait déjà sa victoire : « Les Saints de cette génération ne sont vraiment pas à la hauteur de ce que nous étions à mon époque. Je n’aurai jamais pensé que mon Megaton Meteor Crush aurait eu raison de trois Saints à la fois. Encore moins, d’un Saint d’or du premier coup. » Sa protection était composée d’un casque complet à trois cornes qui laissait dépasser ses cheveux à l'arrière. Ses épaulettes étaient plates et pointues, montées sur un plastron qui comportait une pointe centrale au niveau de l'abdomen. Elle avait tout d’une Cloth et non d’une Leaf comme en portaient couramment les Dryades. Le personnage au visage assez dur, tourna les talons lorsqu’une lueur dorée délogea des débris les trois Saints. _ « Tu as bien fait de ne pas trop y croire, provoqua Shaka d’un ton prétentieux. » Autour de lui, Rigel et Naïra étaient abasourdis. Elle, par les forces exercées entre les deux adversaires, lui par l’armure presque similaire à la sienne qui habillait l’assaillant. _ « Mais, intervint Rigel, cette Cloth c’est… _ … celle d’Orion, reprit l’ennemi. Du moins, il s’agit d’une Leaf inspirée de la Cloth que je portais autrefois. _ Que tu portais autrefois ?! Cela signifie que tu es… _ Un Ghost Saint, s’annonça-t-il fièrement, Jaguar d’Orion ! » Naïra répéta crédule à l’endroit de Shaka : « Un Ghost Saint ? » _ « Un Fantôme, déploya sa science la Vierge. Un Saint du passé qui a juré allégeance contre une nouvelle vie à Eris. _ Ah, râla Rigel ! Comment peux-tu oser ?! _ Tais-toi donc, ordonna l’intéressé qui les dominait d’un étage ! Tu ne peux pas savoir ce que c’est de tomber dans l’oubli, de disparaître de la mémoire de ceux pour qui tu as offert ta vie et de souffrir éternellement au Cocyte ! » Shaka réalisa alors un saut acrobatique et se réceptionna au-dessus, dans le dos de Jaguar, prêt à en découdre. _ « Nous n’avons pas de temps à perdre avec un lâche qui trahit Athéna juste… _ … Seigneur Shaka, le rejoignit Rigel, désolé de vous interrompre, notre mission est plus urgente, je suis persuadé que votre présence sera davantage nécessaire aux étages supérieurs. Laissez-moi m’occuper de lui. En tant que représentant de la constellation d’Orion, il est de mon devoir de laver l’affront fait à mon armure ! _ Rigel a raison, rejoignit Naïra à son tour ses compagnons, votre présence est requise plus haut. » Fort satisfait, Shaka sourit et se mit déjà en chemin, suivi de Naïra. Vexé, Jaguar prit son élan : « Enfoiré ! Ne me tourne pas le dos ! » A cet instant, un rideau de flammes bleues et blanches lui barra la route. Déjà à quelques mètres de lui, Rigel assurait les arrières de ses camarades : « Ignis Fatuus ! » Néanmoins, il ne fallut que quelques secondes à Jaguar pour d’un revers de bras souffler le brasier qui lui obstruait le passage : « Ma Cloth doit être orpheline de moi ! Tes flammèches sont indignes de ton rang ! » Pour seule réponse, Rigel observait les détails de son armure. Contrairement à la Leaf, l’argent était plus clair, les épaulettes plus incurvées et les lignes plus fines. Son diadème donnait également un aspect moins rustre que le casque de Jaguar. _ « Je te rassure, rétorqua-t-il enfin, la Cloth semble s’être bien remise de ton passage. Il est vrai qu’une Cloth évolue plus d’une fois dans sa vie en raison de ses bris et du sang versé pour la réparer. A son éclat, moins terne que le tien, je vois qu’elle épouse mon destin de fidèle Saint d’Athéna ! _ Fidèle Saint d’Athéna dis-tu, sourit sournoisement Jaguar ?! Tu n’as plus à en faire autant, tes amis sont partis. _ Qu’insinues-tu ? _ Qui me fait face à l’heure actuelle ? Le Saint d’Athéna qui a trahi la confiance de sa déesse en s’énamourant d’une Saintia ? Ou bien l’homme éconduit qui aime la réincarnation d’une déesse ennemie ? _ Ordure ! Je vais te faire ravaler tes paroles ! En garde ! » Rigel entama les hostilités d’un coup de pied retourné, que Jaguar repoussa d’une main sans mal. Lui rendant la pareille, le Ghost Saint enchaîna droites et gauches que Rigel esquivait de justesse. Cherchant la riposte, Rigel lui saisit le bras droit pour faire passer Jaguar par-dessus lui et l’encastrer dans un pilier. Cependant, la réaction de Jaguar fut immédiate. Une nouvelle droite plus vive et plus puissante le frappa en plein front et enfonça le diadème de Rigel, qui se fissura en son centre. Refusant de plier, Rigel profita de l’ouverture pour ébrécher d’une droite à son tour le plastron de la Leaf. L’échange sanglant ne s’interrompit pas là. Chacun aillant prit la mesure de l’autre, leurs cosmos dessinèrent chacun dans leur dos la même image de chasseur, symbole de leur constellation. _ « Voici les vraies flammes d’Orion : Ignis Fatuus Saltare ! » Les flammes bleues et blanches crépitèrent tout autour du Ghost Saint, qui prit la fuite par les airs. _ « Impossible ! Mes flammes te suivront et te consumeront où que tu ailles ! » Le Fantôme s’éleva haut dans la pièce. Des colonnes de flammes bleues et blanches se dressèrent alors jusqu’au plafond du second étage et piégèrent Jaguar qui restait souriant. _ « Qui a dit que je voulais fuir ?! » Profitant de son élan, il réalisa un salto. Se donnant ainsi encore plus d’élan, il répéta le geste acrobatique. La vitesse et l’émanation de son aura, lui permirent de rester suspendu dans les airs, tout en repoussant le brasier qui se refermait sur lui. Son mouvement circulaire répété et rapide finit par ressembler à une comète. Les flammes sur son chemin ainsi soufflées, la sphère météorique tomba du ciel jusqu’à Rigel heurté en plein buste. _ « Megaton Meteor Crush ! » Ne pouvant résister à cet impact rouvrant les plaies profondes laissées par Até la veille, Rigel fléchit sur le coup et s’encastra dans le sol. Il le traversa pour retomber à l’étage inférieur d’où il venait. L’emmenant avec lui dans son élan de force, Jaguar passa au travers du lit de pierres pour l’enfoncer dans les ruines du dessous…
Sur le flanc Est, Apodis avait débouché à l’extrémité extérieure du palais, sur un parvis duquel il pouvait apercevoir de là les différents étages qu’il restait à gravir. Le temple avait une forme conique, comme la structure de l’Aréopage, le sanctuaire d’Arès. Il envisagea de faire exploser son cosmos pour atteindre aussitôt le sommet mais quelques notes de musique l’en détournèrent. _ « Ces notes, semblables à bien des mélodies familières, ne peuvent être jouées que par une seule et même personne ! » Il suivit un chemin de piliers effrités par le temps. Ses pas sur les pierres rectangulaires désagrégées résonnaient. Mais pas suffisamment pour l’empêcher d’écouter le son de corde dont il s’approchait inexorablement. Il passa devant des statues de modèles athlétiques, de véritables ½uvres d’art qui, malgré l’empreinte du temps, en fascinerait plus d’un. Toutefois, cet instrument qu’il reconnaissait si bien l’obstinait plus que le reste. Il se laissa guider jusqu’à un banc de pierre où une vision du passé le saisit : « M… Maître Orphée ! » Les bras lui en tombèrent. Frottant ses pieds sur le sol, il suivait le son, les larmes aux yeux. _ « Maître Orphée… Comme je suis heureux de vous savoir en vie ! Vous êtes parvenus à rejoindre les Enfers ? A sauver Eurydice ? Vous nous rejoignez dans la bataille ? » Tant de questions qui traversèrent l’espace d’une seconde l’esprit d’Apodis. Jusqu’à ce qu’il réalise que les cheveux du musicien étaient plus foncés que ceux de son maître. _ « Non… Non vous n’êtes pas mon maître ! Pourtant… _ Pourtant nos armures sont similaires n’est-ce pas, devina l’inconnu alors qu’il continuait à jouer les yeux fermés ? _ Votre Cloth ressemble à celle de Maître Orphée, surtout au niveau des avant-bras, des épaulettes et du casque. Mais les motifs du plastron et des jambières sont complètement différents. _ Une Cloth, ricana le virtuose ?! Non, il s’agit d’une Leaf ! Certes, inspirées de la Cloth que je portais dans le temps. » Il se mit enfin debout et dévisagea le Saint de bronze. Ses yeux étaient plus sombres que ceux d’Orphée. La jupe de la Leaf était également très différente, celle d'Orphée formant un arc de cercle ouvert en son centre, tandis que la sienne avait une pièce descendante centrale triangulaire. _ « Une Leaf ! Tu es donc une Dryade ?! _ Ne m’insulte pas veux-tu. Je suis un Ghost Saint, un Fantôme revenu au service d’Eris. _ Un Fantôme ?! Alors tu étais bien un Saint autrefois ?! _ Certainement un lointain prédécesseur de ton maître. Il est cocasse, d’ailleurs que nos noms soient si proches. Sûrement nos destinés à devenir Saint de la Lyre à s’appeler ainsi. Je suis Orpheus de la Lyre. _ Vous n’avez en commun que le nom ! Jamais mon maître ne se serait rangé auprès de l’ennemi. _ Oui, fit-il, en glissant ses doigts sur sa lyre, c’est certain que nous n’avons que cela en commun. Car jamais un de mes disciples n’aurait baissé sa garde comme tu l’as fait. _ Baisser ma garde ? _ Oui. Ne te rends-tu pas compte que tu parles plus fort et que tu m’entends moins bien ? C’est parce que tout le temps où tu m’as entendu jouer, tu ne t’es pas aperçu que ma douce musique mélancolique brouillait tes sens. Ton ouie est partiellement affectée. Mais pas que… » Orpheus intensifia le rythme et le son strident… _ « De… Les cordes de sa harpe s’allongent… Par centaines ! Par milliers ! Est-ce ma vue qui se trouble ?! Vite je dois esquiver ! M… Mais je titube… Mes jambes flageolent, réalisa trop tard Apodis ! _ Stringer Requiem ! » Incapable de réagir, Apodis fut ligoté. Orpheus marcha lentement vers lui, pendant que les cordes tranchantes étaient parcourues par son cosmos. Elles se resserraient de plus en plus. Commençant à découper la Cloth qui se fissurait. Entamant les jambières d’un rouge vif, brisant les éperons orange en forme de petites ailes au niveau des chevilles. Les genouillères en losange et les jambières rouges étaient corrodées. Sa ceinture ornée d’une gemme orangée se repliait sur sa taille, lui écrasant les hanches. Son plastron lui comprimait les côtes et la cage thoracique. Le plumage de bronze de ses épaulettes et son casque qui redescendait le long de sa colonne nasale comme un bec d’oiseau craquelaient. _ « Pourquoi ? Pourquoi un Saint d’argent au service d’Athéna peut-il la trahir ainsi après des siècles ? _ L’enfer. Le Cocyte. Là où Hadès plonge chaque Saint d’Athéna lorsque vient son jugement. Nos vies de chevalier sont faites de sacrifices. Mais ils ne sont rien face aux épreuves qui nous attendent après. Tant d’efforts pour Athéna qui, depuis des siècles avant ma génération, et des siècles encore suivant la mienne, nous demande d’endurer les pires privations et de subir de multiples tourments, pour finalement être mis au supplice par Hadès jusqu’à la nuit des temps. Cela ferait réviser la foi de plus d’un Saint. _ Tu veux dire qu’il existe d’autres Fantômes ? _ Ah, ah, ah… Que tu es drôle ! Bien entendu. Durant tout ce temps, Athéna n’est jamais parvenue à renverser Hadès et à garantir aux êtres humains un repos paisible après la mort. C’est alors qu’enfouies sous ma dépouille, les racines de l’Utérus se sont connectées à mon âme torturée. Depuis la Pomme d’Or où elle était prisonnière, Eris proposa à d’anciennes gloires du passé, flouées comme moi, une vie éternelle où nous n’aurons plus à souffrir. Nous libérant du joug d’Hadès ! Là où Athéna en personne ne peut agir ! » La flamme de la révolte brûla dans les yeux d’Apodis. Il fit scintiller sa Cloth : « Tu me dégoûtes. Je comprends que l’espoir puisse être mis à rude épreuve face au tourment ! Mais étant Saint ! Ayant été résolument tourné vers la certitude d’un jour meilleur qui sera apporté par ma génération ou les générations futures, je suis prêt à donner ma vie pour que ce jour soit l’annihilation du Cocyte et des autres Enfers ! Toi, en agissant ainsi, tu montres que tu ne fais que peu de cas de l'honneur ! Tu es prêt à n'importe quoi pour jouir d'une nouvelle vie ! » Orpheus remarqua l’émanation de plus en plus forte d’Apodis : « Que fais-tu ? Tu espères te libérer de mon Requiem de cordes ?! Il est trop tard, nous arrivons au point culminant. La dernière note. Elle va parcourir les fils sous la forme d'une petite boule lumineuse et t’achever ! » Avant que la lyre ne découpe totalement son armure puis sa chair, Apodis allongea les griffes de bronze de sa Cloth puis, en recroquevillant ses coudes devant lui pour invoquer sa technique, trancha les liens qui maintenaient le haut de son corps : « Shining Apus Claw ! » Les trente neuf étoiles de sa constellation se relièrent dans le ciel et vinrent embraser son corps, libérant ses jambes de l’étreinte. Tel un rapace qui rasait le sol, il fondit sur Orpheus et déclencha une tornade de griffes enflammées. Il passa derrière lui, faisant voler au passage quelques morceaux de Leaf protégeant son épaule gauche, mais surtout sa lyre. Les sens encore brouillés, l’Oiseau de Paradis dut se réceptionner contre une des colonnes pour rester debout. Il chercha son adversaire qui demeurait immobile, l’épaule saignante. Alors qu’il aurait pu croire à plus de décontenance après cette riposte, Apodis lui déplora un fou rire sarcastique. _ « Hum, hum, hum… Les Leafs… Rien à voir avec les Cloths d’argent. Sinon ma lyre serait encore utilisable à l’heure qu’il est. _ Il n’est pas trop tard pour expier tes péchés. Athéna est juste. Repends-toi et conduis-moi à Eris. Athéna t’octroiera son pardon. _ Es-tu bien sérieux, dit-il en se retournant vers lui ? A moins que ton maître ne fût qu’un faible qui se cachait derrière son instrument, n’oublie pas que la lyre n’est qu’une extension de notre Cloth ! Seul compte notre cosmos ! Et moi, j’étais un Saint d’argent ! Qu’est-ce qu’un cosmos de bronze face à un cosmos d’argent ! » Il apparut devant un Apodis déstabilisé. _ « Je suis beaucoup plus rapide, lui décocha-t-il un direct du droit qui le plia en deux ! Je suis bien plus fort, répéta-t-il du droit en plein visage ! » Apodis dégagea en arrière, la protection nasale de sa Cloth fissurée. Il traversa plusieurs colonnes doriques, avant qu’Orpheus n’arrive par les airs pour retomber les deux pieds en avant chargés de cosmos sur lui. Le heurt laissa un cratère au creux duquel Apodis passa à travers les dalles pour retomber plus bas, à l’étage d’où il venait. La force de l’impact le fit emmener sur son passage les toiles de Phonos qui tapissait les catacombes du sol au plafond. Il retomba tête la première, entouré de soie, semblable à une larve dans son cocon, relié aux autres filaments qui aspiraient déjà son énergie…
Vainqueur, Milo avait repris son chemin. Illuminant les lieux de sa cosmo énergie, il profitait des radiations pour brûler sur son passage les toiles de Phonos qui demeuraient. Arrivé à l’encablure des deux escaliers, il n’eut pas le temps de se demander qui d’Aeson ou d’Apodis il rejoindrait selon le choix du chemin pris, qu’il entendit fondre dans son dos le danger. _ « Paralyse Silk ! » Plongeant en avant, il pensa éviter le danger. Mais lorsqu’il retrouva Phonos déjà debout devant lui à l’attendre après son acrobatie, tout autour de lui la salle était à nouveau couverte de toile. _ « Il est plus rapide que tout à l’heure ! Et… Et sa soie plus épaisse ! Serait-ce les forces aspirées de ses victimes qui le rendent si fort ? Non, il n’y a pas que ça. L’éveil progressif d’Eris contribue grandement à sa force. Il faut faire vite. » Phonos était debout, les yeux rivés sur Milo, tel un animal affamé devant sa proie. Du sang s’échappait des quatre points d’impact, laissés plus tôt dans sa Leaf par l’Aiguille Ecarlate. Pourtant, par l’émanation de son cosmos vermillon, les toiles continuaient de faire du hall un nid à l’avantage de l’araignée. _ « Je crains que tu n’ais plus nulle part où aller. _ Quatre aiguilles n’étaient pas suffisantes. Je t’ai sous-estimé, je le reconnais. Je ne ferai pas deux fois la même erreur. _ C’est ce que nous allons voir ! Je vais te faire fermer ta… » Phonos ne put finir sa phrase qu’il se retrouva paralysé. _ « Restriction, murmura Milo déjà arrivé face à lui. » Le chevalier décocha un direct, qui fendit le nez crochu de la Dryade. _ « Ça c’était pour m’avoir empêché de sauver la Saintia la veille au Sanctuaire ! Et ça, prit-il un nouvel élan… _ C’est pour avoir cru que tu pouvais me vaincre, riposta Phonos en plantant le tranchant de sa main dans le flanc droit de Milo, Despaired Bite ! » Eclatant l’armure et entaillant sa chair, Phonos brisa la restriction et contra à la vitesse de la lumière son adversaire. Milo fut repoussé dans la toile. Il resta suspendu dans les airs. Après avoir essuyé son nez fracturé, Phonos avança jusqu’à la flaque de sang qui se formait aux pieds de l’ennemi. Il se baissa pour y goûter. Milo était circonspect. Malgré l’irradiation de sa cosmo énergie, la soie ne brûlait plus. _ « Elle s’est renforcée si vite. Chaque seconde il est nourri d’une énergie encore plus forte. Au point de me devancer et d’ébrécher ma Cloth, déplorait-il au fond de lui. Ça ne peut être uniquement l’énergie d’Eris, elle n’a pas pu s’éveiller si vite… En si peu de temps… Et ses victimes… De simples civils du monde contemporain… Même s’il en dévorait des milliers… Non… Je ressens autre chose à travers ces liens… Je ressens aussi… Apodis ! Sa soie a réussi à absorber ses pouvoirs ! Ça signifie qu’il est en danger ! Il faut vite que je me libère… » Délecté du plasma de sa proie, Phonos se redressa pour se mettre à la hauteur de Milo. _ « L’araignée a dominé le Scorpion, arborait-il ses dents pointues avec appétits. _ En es-tu si sûr, resta assuré Milo ? _ Tu ne peux pas être en plus mauvaise posture. _ Et toi donc ?! » A cet instant un flot de sang éclaboussa Milo. L’hémoglobine jaillit de dix nouveaux alvéoles microscopiques faits dans la Leaf de la Dryade. _ « Crois-tu que je m’étais contenté de te casser le nez tout à l’heure ? Visiblement ton déplacement à la vitesse de la lumière n’était dû qu’aux forces que tu subtilises à tes adversaires. On voit bien qu’il n’est pas dans tes habitudes de maîtriser une telle capacité. » La Dryade tomba à genoux de douleur, repliant ses mains en croix pour tenter vainement de retenir les hémorragies qui partaient de tout son corps. Finalement, c’est sa tête qu’il prit entre ses mains et il commença à se rouler parterre pendant que Milo se libérait grâce au tranchant de ses ongles rouges qu’il avait allongé. _ « Je ne pense pas que tu mourras de tes blessures. C’est la folie qu’inflige la douleur des quatorze aiguilles qui aura raison de toi. » Malgré ses yeux décolorés, brisés par la souffrance, Phonos qui commençait à convulser défiait Milo, qui brillait tel le soleil, pour se débarrasser une bonne fois pour toute des toiles. Une fois face à lui, le Scorpion dirigea son aiguillon vers son ½il gauche et le lui transperça. _ « Je voulais simplement m’assurer que tu ne simulais pas cette fois, justifia Milo à un Phonos hurlant de supplice les mains sur son ½il éborgné. Tu ne mérites pas l’Antarès. Mais je n’ai pas le temps de te voir agoniser. Adieu Phonos du Meurtre, annonça-t-il la sentence en abattant son talon sur le crâne de sa victime. » Le geste, brutal, lui enfonça la tête dans les dalles de ciment. Voyant que les nerfs faisaient encore leur effet, Milo ne prit aucun risque et répéta son geste plus puissamment encore, jusqu’à en faire éclater ses os et sa chair et être souillé à nouveau. Cette fois-ci, plus rien ne bougeait. La victoire était acquise.
Plus loin, Naïra peinait à suivre la progression efficace de Shaka. Celui-ci par quelques émanations de cosmos, semblables pour ses yeux de Saint de bronze à des rayons de lumière, balayait les Dryades. Les armées d’Eris jaillissaient des renfoncements des murs ou bien se laissaient glisser le long des racines de l’Utérus. Derrière lui, par quelques coups à la vitesse du son, elle achevait les ennemis les plus robustes et les plus téméraires. Cela leur permit d’avaler les mètres de ce second étage, que leur a permis d’atteindre Jaguar par son attaque surprise. Néanmoins, ils n’en voyaient pas le bout. _ « A chaque mètre parcouru, nous débouchons dans une petite pièce qui n’a que pour seule issue un couloir dirigeant vers une direction opposée à celle d’où nous venons, déplora le Saint de bronze de la Colombe qui rejoignit encore Shaka. » Celui-ci était immobile. Ses yeux clos étaient dirigés vers le nouvel embranchement qui était cette fois-ci obstrué par des vestiges effondrés. _ « Cet étage est un vrai labyrinthe, poursuivit-elle. Je comprends que nous y fûmes invités par Jaguar. Ne devrions-nous pas forcer l’accès par le plafond ? _ L’Utérus absorbe l’énergie de discorde et nourrit Eris. Lorsqu’une Dryade ou un Ghost Saint sont démis, cela équivaut à autant d’énergie dépensée inutilement pour lui. Néanmoins, quand notre cosmos est ébranlé ou repoussé cela l’engraisse. Notre cosmo énergie est une force à l’opposé de la sienne, une énergie négative dont il se nourrit. Tu as vu que la structure complète du palais était maintenue par l’arbre nourricier. Il fait partie intégrante des fondations. Rompre les murs, les sols, les plafonds, c’est heurter de notre énergie l’arbre et accroître sa force. _ Je comprends, baissa-t-elle la tête, veuillez pardonner ma crédulité. _ Ce n’est rien, la rassura-t-il d’un sourire mesquin, voilà pourquoi nous avons composé de telles équipes. Afin que les Saints de bronze profitent de l’expérience des Saints d’argent et à fortiori des Saints d’or. » La Nord-coréenne jubilait d’être ainsi équipière d’un vénérable chevalier. Toutefois, Shaka restait perturbé par la seule issue proposée : « L’accès à la pièce suivante est bloqué. Seule une trouée au sol nous propose de revenir au rez-de-chaussée. Cela nous oblige à poursuivre encore notre route vers le centre de la structure alors qu’il nous serait préférable de monter par le flanc. Un danger nous y attend à coup sûr. Sois sur tes gardes. »
A l’opposé de là, l’éboulement de quelques cailloux depuis l’étage au travers duquel il était passé, ainsi que le sang qui s’écoulait de sa plaie crânienne réveillèrent Apodis. L’effondrement était causé par Orpheus qui se laissait glisser contre la pierre, avant de se raccrocher à la soie de Phonos, comme un animal allant de liane en liane pour atterrir devant. _ « A en juger ton casque fissuré, tu dois ta survie à ta Cloth, examina-t-il le Saint de bronze qui tentait de se relever malgré la soie qui endiguait ses mouvements. _ Cesse de fanfaronner ! Ce n’est pas terminé. _ Qu’espères-tu franchement dans ton état ? Qui plus est, que peut espérer un Saint de bronze contre un Saint d’argent ? _ Tout, affirma-t-il en s’extirpant des liens de Phonos à grands coups de serres ! Je suis déterminé à remporter la victoire et à tout donner pour ma cause. Cette détermination nourrit l’espoir ! Un sentiment qui t’a quitté toi qui ne crois plus en rien ! Toi qui as perdu l’espoir ! _ De bien grands mots, ferma-t-il les yeux avec dédain. Je vais te montrer qu’une Guerre Sainte ne se gagne pas que par les mots ! Stringer Requiem ! » Bras tendus le long de son corps, paumes de mains ouvertes vers Apodis, doigts grands écartés, Orpheus fixait son adversaire avec confiance. _ « Tu es devenu fou Fantôme, fanfaronna Apodis sans remarquer l’émanation de cosmos d’Orpheus ! La perte de ta lyre t’a… _ Quoi ? J’écoute ! Ah moins que ta gorge ne soit nouée ? Comme si les cordes de ma lyre te serraient de nouveau ?! Tu es bien crédule de penser que sans ma lyre je suis sans moyens. Des années durant, mon corps a subi les effets du Stringer Requiem. Le supportant puis l’acceptant. L’assimilant à ma cosmo énergie. Si bien que les effluves de mon aura retentissent comme les cordes de ma lyre. Tu n’as pas besoin de tendre l’oreille pour l’entendre. Mon cosmos, comme le son de ma lyre, pénètrent ton corps et impactent ton système nerveux. Lorsque j’aurai poussé mon cosmos à son paroxysme, alors se jouera ma dernière note et tu tomberas inerte. Privé de tes cinq sens, attendant la mort que je te donnerai d’un coup tranchant au c½ur. Adieu ! » Orpheus continuait de relâcher son cosmos bleuté. Celui-ci, tourbillonnant dans l’atmosphère, emportait peu à peu Apodis dans les abîmes. _ « Je ne sens plus mon corps… J’étouffe, je n’arrive plus à respirer… Ma gorge est sèche, j’aimerai crier ma souffrance mais aucun son ne vient… Je n’entends plus ses sarcasmes… Et je n’aperçois plus que le bleu profond de son cosmos… Et ses vibrations… Sa cosmo énergie vibre en moi… A chaque claquement de corde je sens mes nerfs lâcher… _ Le final arrive. Sens-tu la mort t’ouvrir les bras ? _ … Pourtant, comme lorsque j’ai entendu lors de notre rencontre son instrument, cette sensation m’est familière. Je l’ai déjà éprouvé. Comme… Comme lors de mon apprentissage avec Maître Orphée… Ces moments de paralysie contre lesquels je devais lutter en embrasant mon cosmos. Ces moments de rythmes accélérés sur lesquels je devais coordonner mes mouvements pour augmenter ma vitesse. J’ai déjà ressenti ça. Ça n’était pas si fort. Pas si agressif. J’étais l’apprenti d’un professeur patient. Mais aujourd’hui je suis un Saint. Je peux endurer plus de souffrances. Je l’ai déjà fait. _ Et voici la dernière note ! » Alors que le maelström bleu s’activait, celui-ci verdit fortement au contact d’Apodis. _ « … Si je ne le fais pas, il prendra à revers Naïra… » Le mouvement circulaire de cosmos ralentit, prenant une teinte olivâtre. _ « … Si je ne le fais pas, je décevrai Aeson, Rigel, Mayura, Georg, Juan qui voient leur frère Orphée à travers moi… » L’aura cosmique d’Orpheus ne bougeait plus, elle était suspendu sous une couleur tangerine. _ « … Je ralentirai la progression de Milo, Shaka et Aiolia. J’échouerai. Je ferai honte à Athéna… » La masse de cosmo énergie était maintenant orange, semblable à l’effluve cosmique de l’Oiseau de Paradis. _ « … Je permettrai à Eris de renaître pleinement. Je donnerai raison à cet Orpheus ! Je ne serai pas digne de prétendre vouloir renverser les Enfers et apporter la paix durable aux hommes ! » Le mouvement d’air tournoya alors en sens inverse, du même éclat orange que le cosmos d’Apodis. _ « Il me renvoie ma note ultime, déplora Orpheus. Sa cosmo énergie brûle la lumière du soleil couchant ! _ Orpheus ! Tu te trompes en croyant pouvoir écraser mon cosmos d’espoir avec ton cosmos sinistre ! Je ne céderai pas à ton fatalisme ! _ Dans ce cas je concentrerai ma dernière note dans ce poing et te transpercerai le c½ur si le son de mon cosmos n’atteint plus ton cosmos crédule ! J’ai déjà vu ta technique, tu ne m’atteindras pas deux fois ! Stringer Requiem, se jeta à contre courant Orpheus. _ Le Shining Apus Claw n’est pas la seule technique que m’a enseignée votre lointain successeur. Je laverai l’honneur des Saints d’argent de la Lyre avec mon Battement d’Ailes Majestueux ! Wing Jikan No Yoyu ! » Apodis abattit d’abord ses bras pour souffler son énergie contre Orpheus et ralentir sa course. Il relança ses bras en arrière tel un rapace, se donnant de l’impulsion avant de piquer sur sa proie. Le vent brûlant fut si fort qu’il immobilisa le Fantôme, incapable de déclencher son coup à une vitesse propre de celle d’un Saint d’argent surpassant son sujet. Le Saint de bronze esquiva d’un mouvement d’épaule et lui déchira l’abdomen. Le Ghost Saint chuta tête la première sous le puit de lumière créé par la chute précédente d’Apodis. Son corps retomba sur le dos, exposant son plastron perforé, les morceaux de sa Leaf soudés à sa chair par son sang caramélisé, brûlé par l’Oiseau de Paradis. Autour de lui, puis, sur son corps, germèrent des fleurs jaune orangé. A bout de force, Apodis chancela jusqu’à lui. Il ne lui fit même pas l’honneur de le fixer dans les yeux pour l’accompagner dans son agonie. Il se laissa tomber à genoux, à bout de force, la tête levée vers la cavité qu’il avait occasionnée malgré lui un peu plus tôt. Un ½il sur deux ouvert, il laissait le soleil caresser son visage souillé de son sang. Autour de lui, les pétales de fleurs, des soucis, que laissaient peu à peu le cadavre d’Orpheus, virevoltaient au gré de la brise. _ « Maître Orphée… Cette victoire, je vous la dédie, finit-il par s’écrouler. » Fleurs associées depuis l’Antiquité à la douleur et au chagrin, les soucis emportèrent Orpheus en symbolisant l’affliction ressentie par Apodis lors de la disparition de son respecté professeur…
Au loin, aussitôt descendus dans les décombres des catacombes, Shaka et Naïra se virent bloquer la route par un Ghost Saint : « Je vous attendais Saints ! » Immédiatement, Naïra reconnut leur opposant : « Une Cloth… Du moins, une Leaf reprenant les traits d’une Cloth ! Bien que la sienne soit plus détaillée, elle ressemble beaucoup à celle utilisée par Ptolémy Saint d’argent de la Flèche. _ Une évolution de l’armure au fil des générations je présume, compléta Shaka. » L’homme à la tunique blanche sous sa Leaf bleue engagea les hostilités : « Je suis en effet un Fantôme. Maya Ghost Saint de la Flèche. Et je vais vous tuer au nom de la déesse Eris ! » Il s’élança contre Shaka, premier rempart, qui vint à sa rencontre dans les airs pour couper son élan. Les deux hommes s’échangèrent brièvement quelques coups au corps à corps, que chacun veilla à esquiver. Retombant tous les deux dans des directions opposées à celles prises au départ, Maya se retrouva pris en étau entre Shaka et Naïra. La Saint de bronze en profita pour l’attaquer dans son dos en frappant une multitude de coups à la vitesse du son. Alerte, capable de se déplacer à une vitesse variant de mach 2 à mach 5, Maya esquiva si vite que Naïra eut l’impression qu’il s’était démultiplié par cinq. _ « A mon tour, enchaîna t’il : Hunting Arrow Express ! » Maya lui envoya d'innombrables flèches illusoires faîtes de cosmos qu’elle reçut de plein fouet. Martelée, rayant son armure blanche et crème, elle retomba en arrière, étourdie, à la merci de la pluie de Flèches de Chasse qui continuait de déferler. Capable de mélanger illusions et véritables flèches gorgées de poison pour tromper sa cible, Maya espéra l’achever par une pointe matérialisée. Quand tout à coup, à la vitesse de la lumière, Shaka devança l’arme en traversant la pièce jusqu’à sa camarade. Il saisit la flèche au vol et la brisa en serrant le poing. _ « Ce Ghost Saint, aussi pourri soit-il, faisait parti des Saints d’argent. A coup sûr, il est plus rapide et fort que toi. Le danger est trop grand. Je me charge de lui. Toi, poursuis ta route et déblaye-moi le passage des miteuses Dryades qui y pullulent. » Flageolante, Naïra s’aida de la main tendue par Shaka pour se remettre d’aplomb. Sans broncher, elle s’exécuta et passa devant le Ghost Saint qui ne s’en soucia pas… Flashback
Le serveur, en pleine course, vient servir Kyoko et Mars : « Attention Mademoiselle Monsieur ! » Le récit sanglant d’Eris interrompu, la réincarnation d’Arès ne put se retenir de claquer sa langue contre son palet d’effroi. Profitant de ce monde contemporain qu’elle voue à la discorde, Eris trépigne à l’idée de recevoir sa coupe de champagne…
Pendant ce temps à Asgard, au Walhalla, Hilda, Freya, Hagen et Siegfried échangent leurs opinions, attablés dans une des salles de réception du château. La grande pièce est si calme, que les quatre amis peuvent entendre le bois craquer dans la cheminée. Les bras croisés, callé au fond de sa chaise, Siegfried tourne volontairement la tête en direction des flammes pour montrer son mécontentement au sujet de l’arrivée de Thétis, inconnue en ces terres. Hilda tapote inexorablement ses ongles sur la table massive en chêne en écoutant sa s½ur. _ « Je t’assure ma s½ur, c’était magnifique, piaffe Freya. _ Il est vrai que nous avons assisté à un… Comment dire… Les mots me manquent, tente de confirmer Hagen discret jusqu’ici… _ Un spectacle merveilleux, achève Freya ! _ Hum, se racle la gorge Siegfried… Toujours est-il qu’il s’agit d’un visiteur de plus. Ces derniers mois, la visite d’un étranger n’a jamais rien auguré de bon. _ Il s’agit d’une voix d’ange. Elle a à peine ouvert la bouche, que nous étions sous son charme. » Brusquement, Hilda se lève et leur tourne le dos : « Peux-tu me dire Freya ce que tu faisais d’un temps pareil dehors pour ramasser cette intruse ? _ Je… J’étais avec Hagen, dans la grotte de lave. En sécurité. Et ne le gronde pas ma s½ur, c’est moi qui ai insisté pour l’accompagner ! »
Un long silence parvient à ramener tout le monde au calme, jusqu’à ce qu’Hilda prenne sa décision : « Nous attendrons qu’elle se réveille et nous la questionnerons. Si j’estime qu’elle ne représente aucun danger, alors nous la laisserons partir. » Pour la première fois de sa vie, Siegfried bondit de colère devant Hilda : « Majesté ! C’est de la folie ! Aussi innocente, belle ou enchanteresse puisse être cette femme, elle n’a pas moins résisté à un froid qui pourrait tuer jusqu’au meilleur de nos hommes. Une bataille fratricide vient d’avoir eu lieu au Sanctuaire. Athéna est affaiblie et n’importe quel dieu ennemi pourrait en profiter pour attaquer ses positions alliées, dont nous. » Prise de rage devant l’attitude de son ami et face au spectacle polaire auquel elle assiste depuis la fenêtre, Hilda s’emporte : « Nous ne sommes alliés de personne. Ces derniers millénaires nous nous sommes évertués à rester neutres face aux Guerres Saintes qui nous entouraient. Nous sommes restés silencieux face à la souffrance qui résulte de notre mission sur Terre. Je n’ai pas besoin de recevoir d’ordres du Sanctuaire, ni d’étudier des stratégies les concernant, pour prendre une décision qui n’incombe qu’à moi-même. » Vexé, Siegfried quitte furieux la pièce en claquant la porte. D’un hochement de tête complice, Freya invite Hagen à sortir rejoindre leur ami. Seule avec son aînée, Freya pose une main innocente sur son épaule. _ « Ma s½ur… _ Pardonne ma réaction Freya, tombe à genoux Hilda. Je suis simplement fatiguée ces temps-ci. La météo capricieuse exige que j’offre davantage de prières et d’énergie à Odin. Je suis exténuée. _ Et ce que tu as dis… Sur le Sanctuaire ? _ Nous avons toujours été fidèles à Athéna. C’est juste que le comportement de Siegfried m’a fait sortir de mes gonds. Sa présence à mes côtés me perturbe de plus en plus. J’aimerai garder le dessus, rester maîtresse de mes sentiments. _ Pour moi qui te connais si bien, ce n’est pas dur à deviner que tu l’aimes. Et, dans l’autre cas, tout le monde peut le deviner. Depuis toujours Siegfried t’… " Habituée aux interruptions aujourd’hui, Hilda peut entendre la voix grondante d’un gardien l’appeler du bout du couloir : « Majesté ! »
Très vite, les s½urs de Polaris débarquent devant la chambrette où tous les hauts dignitaires qui peuplent le château sont déjà amassés. Par curiosité, par appréhension après les derniers évènements, ou par pure gentillesse pour cette voyageuse égarée, toute la cour du Walhalla est présente. A mesure qu’elle s’écarte pour laisser Hilda avancer dans la pièce, Freya se hâte de trouver Bedra de Edel et Syd de Mizar, son couple d’ami.
A l’intérieur, soutenue par Lyfia, la dame de chambre des Polaris, Thétis ramène timidement à peine assez de drap pour couvrir la totalité de son buste aux formes généreuses. Surplombant Lyfia de sa haute stature, Andreas, le médecin de la cour, rassure la Prêtresse d’Odin d’un hochement de tête quant à l’état de santé de l’intruse. Alors, Hilda peut tomber sur le regard améthyste de la Suédoise aux cheveux fins qui descendent sur ses épaules et sa poitrine dénudée. _ « Votre altesse, baisse honteusement la tête Thétis. _ Vous savez qui je suis ? _ De longs cheveux oscillant entre l’azur et le mauve, un regard plein de tendresse, des lèvres pulpeuses prêtes à ne dispenser que de généreuses paroles. Voilà la description qu’on m’a faite d’Hilda de Polaris. » Les yeux de Thétis témoignent d’un profond respect mais aussi d’un charme indiscutable. Gênée, Hilda n’en perd pas moins son bon sens : « Asgard est une contrée dont personne de la vie contemporaine ne connaît l’existence. Qui a pu vous parler de moi ? » Avec aplomb, la Sirène assure : « Alexer de Blue Graad. » Têtu et prudent, Siegfried pénètre dans la pièce et rétorque : « Blue Graad. Astucieux comme idée. Si nous voulons vérifier cette information, il nous faudrait plusieurs jours pour nous y rendre et y revenir. Après avoir attendu la fin de la tempête bien sûr. » Accompagné de son frère ainé, lui aussi curieux de cette présence fortuite, Siegfried se laisse baisser d’un ton après que Sigmund lui cramponne l’épaule. Thétis reste calme, serrant un peu plus fort et remontant un peu plus haut ses couvertures pour se fondre en victime. _ « Je ne suis qu’une musicienne itinérante. D’ordinaire j’offre mes chants dans les contrées de Sibérie en échange du gîte et du couvert. C’est lors de mon passage à Blue Graad, certes aussi peu connu du monde contemporain qu’Asgard, mais plus accessible pour les personnes originaires depuis toujours de l’extrême nord de la Sibérie orientale, qu’on m’a parlé de votre contrée. Eloignée, seule et souffrant d’un climat encore plus hostile que la citée d’Alexer. Vivant depuis toujours dans la solitude et la douleur du froid, j’ai voulu découvrir votre royaume et peut-être réussir à réchauffer vos c½urs avec ma voix ? _ Ma petite s½ur m’a vanté en effet votre voix d’ange, serait-ce trop osé de vous demander votre nom et de me laisser apprécier votre art ? » Sans même lui répondre, Thétis entrouvre la bouche pour aspirer lentement l’air qui lui permettra de dégager le son mélodieux de sa voix. Dès cet instant, par la sensualité du mouvement de ses lèvres et son regard envoûtant, la foule se sent hypnotisée. Un silence absolu permet même aux enfants les moins disciplinés d’apprécier le chant dès sa première note. Encore plus que les autres, Hilda se sent absorbée, son regard demeure dans celui de la voyageuse, pendant qu’elle tremble de tous ses membres. Cette manifestation sonore, douce et mélodieuse subjugue les nobles présents à l’entrée de la pièce, jusqu’à Siegfried, qui perd sa grimace méfiante. Et c’est seulement lorsque cette symphonie improbable et merveilleuse commence à se perdre dans le calme de l’appartement que le futur Guerrier Divin réalise : « Le moindre danger aurait pu survenir, je n’aurai su m’en apercevoir tant ce prodige m’ensorcelait. » Lorsque le chant s’achève enfin, l’artiste répond alors : « Je suis Thétis, la vagabonde. » Même sans être récités, ces mots avaient une ligne mélodique particulière. Ce fil harmonique ramène Hilda à elle. Son c½ur bat encore à s’en rompre la poitrine, ses jambes demeurent faibles à l’idée de la porter. Mais pour rien au monde, elle n’abandonne les yeux rosés de cette virtuose.
Enfin l’assistance s’extirpe de cet état de transe. Très vite les chuchotements quotidiens reprennent leur droit pour ne parler que d’une seule et même chose, l’artiste à la voix d’ange. Une voix… _ « De sirène, complète dans son esprit Siegfried ! » Bien trop soupçonneux pour ne pas rentrer dans le même jeu que les siens, le défenseur d’Odin refuse de se laisser convaincre si facilement. Abandonnant ses compatriotes, il s’extirpe de la prise de Sigmund et quitte furieux la chambre sans que cela ne passe inaperçu aux yeux de Thétis.
Mimant avec complaisance son innocence, Thétis s’inquiète d’Hilda. _ « Majesté. Vous semblez soucieuse. Ma prestation n’a-t-elle pas été à la hauteur ? » L’effet de surprise achevé, progressivement, la foule abandonne la chambre d’accueil où seules les s½urs de Polaris, Hagen, Lyfia, Syd et Bedra conversent en compagnie de leur hôte. Andreas, après avoir contrôlé la température de Thétis, prend également congé. Hilda est toute gênée de se confesser ainsi devant ses proches : « Veuillez m’excuser. Du tout, j’ai été intensément… Déstabilisée. » Un léger sourire, timide et affectueux sur les lèvres de la Prêtresse d’Odin passe inaperçu puisque Freya, d’un air enfantin, supplie sa s½ur : « Alors elle peut rester ? Hein grande s½ur ?! Dis grande s½ur ?! » Ne pouvant refuser après avoir avouée à demi-mot sa soudaine passion, Hilda rassure sa cadette : « Thétis pourra rester ici cette nuit. Je vais lever la garde devant sa porte. Elle pourra aller et venir à l’intérieur du Walhalla à sa guise, afin de découvrir toutes les richesses de notre culture. » La Sirène agrippe la main d’Hilda et baisse la tête en sa direction. Durant sa flexion elle frôle volontairement la poitrine de la majestueuse Nordique. Hilda est de nouveau perturbée par ce geste et la douceur de la peau de la svelte inconnue qui poursuit ses compliments : « Je ne mérite pas de tels égards votre Majesté. Je ne sais comment vous remercier pour votre hospitalité. »
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« le: 4 Juillet 2021 à 12h09 »
Chapitre 74
Dans le night club de Buenos Aires où Tromos a choisi de se venger, celui-ci est parvenu à soudoyer un employé, en se faisant passer pour un amateur de sensations fortes. Il suit impatiemment le salarié à l’allure louche. Enfoncé à l’arrière du club, là où les basses détonnent de façon moins assourdissante, il progresse dans une pièce sans lumière. A l’étroit dans le couloir sombre qu’il traverse, il bute régulièrement contre des cartons remplis de stocks de verres et d’alcool. Soudain, le barman stoppe sa progression. Il tâtonne contre le mur. Puis parvient enfin à trouver l’interrupteur. Il illumine un escalier en béton qui commence devant eux. Alors, ils s’enfoncent dans les sous-sols à l’hygiène déplorable.
En s’y engageant, ils croisent un individu, qui remonte en réajustant son pantalon. Celui-ci salue le guide du Berserker : « Tiens ! Prends ces billets en plus ! Ça valait vraiment le coup. Il était génial celui-là. » Puis l’inconnu regarde Tromos avec complaisance : « Toi aussi tu viens voir les petits nouveaux ? » Le barman aux attentions crapuleuses prend congés en reprenant sa route : « Non laisse tomber… Notre ami est là pour tout autre chose ! »
Dans le flou, Tromos déboule enfin dans une grotte clandestine où plusieurs pièces de fortune sont montées à l’intermédiaire de palettes de bois et de bâches plastifiés. Le sol est terreux et l’air humide. Les murs sont faits d’un vieux béton craquelé, où quelques graffitis servent de décorations. Par les trous dans les toiles, l’investigateur reconnaît dans chaque pièce des prostituées, des mallettes d’argent, ou des établis qui servent de laboratoires de fortunes pour quelques dealers de drogue. Puis, dans la pièce où il est conduit, croyant avoir vu jusqu’ici tout ce qu’il pouvait y avoir de pire en l’homme, il tombe nez à nez avec un petit garçon au corps nu et battu. Sur ses jambes maigrelettes, coule encore le sang et la honte du monstre venu abuser de lui.
Avant de refermer le rideau, le guide de Tromos congédie l’innocent : « Allez, dégage avec les autres ! Et vite si tu veux bouffer ce soir ! » Tendant le bras vers un sachet de poudre blanche, le trafiquant poursuit ensuite à l’attention de son invité. Cependant, Tromos n’arrive plus à décrocher le regard de l’emplacement où se tenait encore il y a peu l’enfant : « L’homme qu’on a croisé, lorsqu’il parlé des petits nouveaux, il parlait des enfants que vous prostituez n’est-ce pas ? » L’ignoble individu dévoile sa vraie nature : « Pourquoi ? Ça t’intéresse ?! Dans ce cas il faudra mettre une rallonge si tu veux un bon shoot et une baise. En même temps, faut dire que ces gamins qu’on vient de récupérer c’est de la première main. Ils méritent le prix ! » La consternation ôte tout moyen de contrôle en Tromos. Si bien que le criminel réalise enfin qu’il risque gros en voyant le colosse devenir rouge de colère. Instinctivement, il sort de sous le bureau un revolver qu’il pointe sur le client : « Merde ! Fais chier ! Pourquoi ça n’arrive qu’à moi les types dans ton genre ! Les copains ne sont pas emmerdés eux ! Leurs consommateurs ont l’embarras du choix ! Alors ils achètent ce qu’ils veulent ! Des armes ! De la drogue ! Des putes ! Ou des mômes ! En fermant les yeux sur ce qui ne leur plait pas ! Mais toi t’as l’air d’être un casse-couille, qui, de plus, se la joue bonne morale ! Alors je vais te refroidir comme tous ceux qui me prennent la tête ! Puis je te ferai les poches après bien sûr ! A la limite je peux te revendre au monstre ! C’est un type de chez nous qui prend son pied sur les cadavres ! Un gros costaud comme toi ça doit bien se monnayer ! » Sans plus attendre, il tire une balle en pleine tête de Tromos qui s’effondre.
Immédiatement, de toutes les pièces alentours, cela interpelle ses complices qui veulent savoir ce qui se passe. Les clients clandestins, inquiets, sortent de derrière les alcôves de fortune l’air hagard. Alors aussitôt, le criminel ramène tout le monde au calme : « C’est bon ! C’est moi qui me suis fait un fils de pute qui se la racontait. » D’un geste de la main, il les renvoie vaquer à leurs basses besognes.
Attendant d’être de nouveau seul avec Tromos, il se précipite ensuite vers lui pour fouiller son cadavre. Il est subitement interloqué par le fait que rien ne marque le visage de sa victime malgré son tir. Tout à coup, avec une simplicité dépassant l’entendement, d’un geste brusque, Tromos l’attrape si fort par la gorge qu’il ne peut pas appeler à l’aide. Tromos le soulève et vient l’encastrer dans le bureau : « Difficile pour moi de me coucher en faisant semblant d’être mort quand cet impact de balle a l’effet d’une piqûre de moustique ! Ne cherche pas à te débattre ! Il me suffit de presser légèrement pour te briser la nuque ! Tu devrais pouvoir encore chuchoter, alors tu vas répondre à toutes mes questions… » Le misérable secoue la tête pour aviser son agresseur de son refus d’obtempérer. Alors avec son autre main Tromos lui saisit un poignet qu’il serre à peine et brise pourtant. Son cri étouffé par la pression exercée sur sa gorge, le vaurien agite finalement la tête d’un signe complaisant. _ « Où se cache Segador, commence Tromos ? _ A l’étage. Tout au bout du couloir. Il ne reste pas ici dans la puanteur du sang, du foutre et de la crasse. Mais cette partie du bâtiment est surveillée par une dizaine d’hommes armés. Elle n’est pas accessible aux clients, soupire-t-il d’une voix étouffée. _ Votre réseau ! Où se trouve le centre de votre réseau, insiste le géant ?! _ Ici. Nous sommes regroupés ici. Nos marchandises, nos prisonniers. Si tu continues plus loin dans le sous-sol, tu découvriras tout le monde. » Lorsque Tromos peut enfin poser son regard dans les yeux du malfaiteur, ce n’est plus du chagrin qu’il éprouve mais une haine salvatrice. Sans en dire plus, il glisse ses doigts au fond de la gorge de sa proie et en extrait sa langue qui balance au sol. La douleur lui parait atroce. Incapable d’appeler au secours ni d’hurler sa douleur, le malfrat gesticule en ahanant au bout du long bras du Berserker. L’odieux personnage succombe lentement en s’étouffant dans son sang, avant d’être jeté à terre comme un détritus.
Pris d’une colère frénétique, Tromos sort du parcage où il était en l’arrachant d’un simple écart de bras, emportant avec lui les piécettes accolées. Ce mouvement d’humeur interpelle immédiatement les occupants. Ils brandissent leurs armes qu’ils vident en direction du Berserker, sans se soucier ni des innocents qu’ils prostituent, ni de leurs consommateurs de drogue pris dans leurs champs de tir. Heureusement, devançant chaque balle, Tromos réagit à une vitesse proche de celle de la lumière et récupère chaque bille de métal afin qu’aucune ne trouve de cible. Puis, se précipitant vers l’escalier qu’il a emprunté plus tôt, il bloque la sortie à quiconque : « J’ai l’impression que le vacarme là-haut empêchera qui que ce soit de s’inquiéter de votre sort ! »
En terrasse de café, à Athènes, Mars retourne la carte des choix dans tous les sens, tandis que Kyoko l’examine attentivement. Impatient qu’il est de découvrir la suite des aventures d’Eris trois ans plus tôt, il ne tient pas en place. _ « C’est bon ?! Tu as fait ton choix ?! _ Je vais poursuivre tout en me décidant. Sinon tu ne me laisseras pas en paix… »
Flashback L’Utérus avait déjà quitté le Sanctuaire, emportant Eris et ses Dryades. Néanmoins, Milo et Shoko luttaient toujours contre la sphère de cosmos laissée par Eris avant son départ et qui menaçait de raser le cimetière du Sanctuaire tout entier. Shoko retombait d’épuisement au sol. Elle avait tout donné. Trop faible, son esprit s’évanouit dans le désarroi, à l’idée d’abandonner Milo seul et à bout de force. Du moins, c’est ce qu’elle crut. Alors qu’il était à sa merci, Milo vit la sphère pourpre se résorber. Instinctivement, il tourna la tête vers Shoko. _ « Ce n’est pas possible… Elle aurait réussi à… » Le globe rapetissait de plus en plus et lorsqu’il regarda derrière Shoko, il reconnut un fauteuil roulant vide. Devant celui-ci, debout, une femme Saint aux cheveux jaune verdâtre tendait ses bras vers la menace : « Bangosenseki ! » La Roche d’Isolation de Mayura sortit aux pieds de Milo. Renversant les stèles, retournant les tombes, un monticule de terre et de pierre vint recouvrir la boule qui continuait de s’amoindrir. Lorsque Milo leva les yeux plus haut, en direction des marches des douze maisons, il vit Shaka, à hauteur de la maison du Bélier, léviter. Ses mains étaient posées à plat, sur le haut des cuisses, dans son giron : « Tenpo Rin In ! » Milo devint admiratif mais Mayura, couverte de sa Cloth par-dessus son corps bandé, insista : « Saint du Scorpion ! Shaka chasse tout doute de son esprit pour pouvoir ainsi augmenter son cosmos ! C'est une méthode de concentration ! Il a besoin de relâcher plus de forces s’il veut diminuer davantage l’énergie rémanente d’Eris ! Vous devez m’aider à la maintenir en attendant ! » N’ayant plus de forces dans les bras, le visage couvert du sang de ses hémorragies internes, Milo fixa alors le Bangosenseki de Mayura qui manquait de lâcher : « Restriction ! » Au même instant, Shaka libérait enfin toute sa puissance : « Om ! » Aussitôt, l’étau exercé par Mayura et Milo se resserra plus efficacement et enfin, Shaka fit imploser à l’intérieur du Bangosenseki la radiation divine : « Tenma Kofuku ! » Légèrement soulevés, aspirés par l’implosion, les spectateurs furent ensuite cloués au sol par l’onde de choc. La Roche d’Isolation s’effrita pour redevenir poussière au sol. Incapable de se lever, misérable, Rigel reconnut, à travers le nuage de fumée soulevé par les chocs répétés, Mayura, sa camarade, qu’il n’osa pas regarder dans les yeux. _ « Mayura Saint d’argent du Paon… Heureusement tu es venu nous sauver, lâcha de honte Rigel. _ Une chance que je me sois alertée des variations suspectes du cosmos de celle-là, hocha-t-elle la tête vers Shoko. Une élève du camp des femmes chevaliers pleine de surprise. » Plus loin, Katya remarqua que la Cloth du Petit Cheval quittait le corps de Shoko pour reprendre, malgré ses fissures, sa forme totémique et veiller sur elle. Avec l’appui de Mii qui ne pouvait retenir ses larmes pour Kyoko, Katya resta digne : « La Cloth continue de veiller sur Shoko après que Kyoko nous a quitté. » Quittant sa lévitation en haut de la falaise pour apparaître juste à ses côtés, Shaka épargna une chute d’épuisement à Milo. Le léger choc de leurs Cloths permit à Milo de rester éveiller. _ « Shaka… Heureusement tu as réussi à endiguer l’énergie d’Eris. _ Je n’aurais rien réussi si tu ne l’avais pas amoindri avant mon arrivée et si tu n’avais pas aidé Mayura à la restreindre. _ Une chance que tu ais perçu le danger. _ Une chance que j’étais avec Mayura à cet instant et qu’elle ressente les troubles du cosmos de cette fille, hocha-t-il la tête en direction de Shoko. Tu la connais ? _ Non. Je revenais de ma permission pendant laquelle j’étais parti voir Inakis. C’est en remontant vers les douze maisons que j’ai aperçu le danger. _ C’est un miracle. Tu as pu éviter un véritable massacre. Eris est douée pour profiter de la faiblesse du c½ur des hommes pour que ses Dryades et elles puissent passer entre les mailles du kekkai d’Athéna. Et maintenant ? » Milo, malgré ses blessures, ramassa Shoko et se dirigea vers Katya et Mii : « Maintenant nous allons faire notre rapport au Grand Pope. J’en profiterai pour déposer cette fille au temple des prêtresses. Je ne sais pas si elle s’y engagera pour devenir Saintia, ni même si elle y sera au moins admise, mais je pense que pour son acte héroïque, aujourd’hui au moins, elle mérite de reprendre des forces dans ce cadre apaisant, entourée des proches de sa s½ur. » Katya et l’exigeante Mii acquiescèrent. Aussitôt la Cloth du Petit Cheval s’envola en direction du temple des prêtresses. Shaka tourna la tête en direction de Mayura : « Raccompagne donc Rigel chez lui et fait venir un médecin. Il va avoir besoin de repos. Je te retrouverai tout à l’heure pour que nous reprenions notre méditation. » Sans mot dire, Mayura fit léviter par télékinésie son fauteuil et Rigel pour mieux s’exécuter.
A quelques kilomètres du Sanctuaire, par-delà les nuages, indétectable pour le monde contemporain, le temple d’Eris vivait son éclat d’antan. Au sommet, dans la plus haute des chambres, Eris regardait l’arbre qui dominait l’édifice. Il faisait éclore de ses feuilles des fleurs scintillantes qui retombaient dans tout le palais. Vêtue désormais d’une robe écarlate très échancrée, la Déesse de la Discorde admirait sa magnificence retrouvée. Até la rejoignit couverte de sa Leaf par-dessus son corps nu. _ « Sublime n’est-ce pas Mère ? _ Até… Ceci n’est rien. Nous sommes dans l’Utérus, une simple base qui va attirer l’attention du Sanctuaire. Celui-ci ne verra même pas renaître ma véritable citée enfouie à Hokkaido, le Jardin d’Eden. Comme le Sanctuaire d’Athéna, ma citée est faite de barrières naturelles infranchissables pour les mortels. Elle va ressurgir sans que personne ne la remarque. Et j’y établirai mon règne. _ Mais… Et l’Utérus ? _ A l’heure qu’il est, le Pope va préparer la riposte. Son attention est focalisée sur l’Utérus qui était retenu prisonnier au Sanctuaire. Mon Jardin d’Eden a besoin d’énergie pour sortir des entrailles d’Hokkaido. Et l’Utérus sert justement à récupérer l’énergie des combats qui se jouent en son sein. En m’envoyant une équipe pour m’éliminer, le Grand Pope va faire renaître mon Jardin d’Eden. _ Mais Athéna doit s’en douter ? _ Athéna, ricana Eris en admirant son reflet dans la Pomme d’Or… Pourquoi penses-tu que la Pomme d’Or m’a choisi plutôt que ma s½ur ? Parce que mon âme corrompue permet d’exprimer plus intensément ma personnalité et mes forces. Je sais de ma vie terrestre qu’Athéna n’est pas dans son Sanctuaire. _ Comment ?! _ Et oui… Le Grand Pope nourrit des intentions belliqueuses et par extensions permet le développement de rancoeurs, de désirs et de péchés. Rien de tel pour semer mes graines et les faire germer lorsque le moment sera venu de contre attaquer. _ Mais sans Athéna, le Sanctuaire est vulnérable ! N’est-ce pas le bon moment justement ? _ J’ai été emprisonnée pendant des milliers d’années. J’ai besoin de temps pour retrouver mes forces. Et le temps, c’est bien ce qui me permettra de semer mes graines pour remplir mon Jardin d’Eden d’une armée digne de ce nom. _ Trouvons Athéna alors. C’est elle le vrai danger ! _ Sans ses Saints, elle n’est rien à l’heure qu’il est. Et le Grand Pope est déterminé à l’éliminer, songeait-elle en fixant la cime de l’Utérus… Quand il l’aura retrouvé, ajouta-t-elle rieuse ! Avec tous les moyens dont dispose le Sanctuaire, ils ne sont pas parvenus à remettre la main sur cette petite fille. Ce n’est pas notre royaume renaissant qui y parviendra. Laissons le Sanctuaire venir nourrir l’Utérus, caressa-t-elle d’appétit sa poitrine, puis faisons-nous oublier. Nous aurons toute l’opportunité de frapper lorsque le moment sera venu. » Sans rien dire, Até prenait congé, à la fois convaincue par ce plan structuré et frustrée de ne pas encore fêter leur succès par le sang. Eris, elle, s’affalait satisfaite dans son trône, passant ses jambes par-dessus l’accoudoir. Elle reproduisit les caresses faîtes sur sa poitrine quelques secondes plus tôt, pour ressentir à nouveau le frisson qui la parcourut à cet instant. _ « Toutefois, retint-elle Até… Je ne serais pas Eris si je ne profitais pas de la situation. Des Saints, naïfs et bienfaisants, comme Rigel d’Orion, vont venir en nombre ici. Le Pope va donc se démunir de remparts de choix. En divisant ses forces, il va les amenuiser. Une équipe restera ici pour assurer ma défense. Pendant que tous seront focalisés sur la bataille ici, une autre équipe s’infiltrera au Sanctuaire. Après tout, le Sanctuaire fait éclore de bien jolies fleurs qui ne demandent qu’à être butinées… » Il n’en fallait pas plus pour rendre à Até, la meneuse des Dryades, un sourire froid.
Dans la chambre du Grand Pope, Shaka et Milo suivaient le long tapis rouge en direction de la sortie après avoir rendu leur rapport. Couvert du casque d’or et de la toge blanche que Shion aimait arborer, Saga songeait déjà à la riposte. L’état de Milo, qu’il venait d’autoriser à retourner se reposer et à régénérer sa Cloth dans sa Pandora Box, ne laissait pas de place au doute. Une fois les Saints sortis, il confessa son hésitation quant aux décisions à prendre : « Il a fallu les forces combinées de Shaka et de Mayura du Paon, qu’on dit la plus forte des femmes chevaliers, pour permettre à Milo de repousser la menace. Même Rigel d’Orion a été mis hors combat. Je ne peux envoyer que des forces sûres. Mais j’ai besoin de garder des personnes de confiance pour assurer ma garde également... » Sa réflexion fut interrompue lorsque, d’un appartement jouxtant la salle d’audience, sortit la silhouette gracieuse de Katya une fois les Saints d’or partis et la grande porte refermée par la garde. _ « Quelle journée, lui souffla Saga ! L’annonce de l’exécution pour trahison de Klaus à son ordre ne leur parut qu’une formalité après tout ça ! _ Vous m’en voyez navrée une fois de plus, minauda-t-elle en remuant lentement ses hanches tandis qu’elle tressait ses doigts les uns contre les autres derrière son dos. _ Ne le sois pas, souriait-il gêné sous son masque, c’est mieux ainsi. Finalement la résurrection d’Eris le jour de la mort du représentant des prêtres ne pouvait pas mieux tomber. Même si cela contrarie mes autres plans, vociféra-t-il amer. J’aurai dû me douter lorsque j’ai vu la comète Repulse au plus proche de la Terre la nuit dernière, que la Pomme d’Or était de retour sur Terre et qu’Eris était prête à prendre sa revanche. Cela montre à quel point je suis encore perfectible en tant que Pope. _ Ne soyez pas si dur envers vous-même, accourut-elle jusqu’à son trône où il était assis pour le réconforter ! Le chemin est peut-être semé d’embûches pour le Pope, mais rien n’est impossible pour l’homme accompli que vous êtes ! » Saga se redressa et lui tourna le dos, l’intimant ainsi à stopper sa progression à hauteur des marches à gravir jusqu’à son siège. _ « Peut-être ai-je déjà été trop proche de lui pour aujourd’hui, songea-t-elle. Ma modeste personne abuse sûrement de sa grandeur d’âme, baissa-t-elle la tête honteuse. » Le Saint des Gémeaux prit la direction de son balcon. _ « Comment se porte la s½ur du réceptacle ? _ Shoko ?! Elle est encore inanimée. Elle est très affaiblie. Tant physiquement que moralement je pense. _ L’étoile sous laquelle sont nées les s½urs est double. Elles étaient autant prédisposées l’une à devenir Eris que l’autre à devenir Saintia. Si la Pomme d’Or réagissait étrangement au contact de l’aînée, alors c’est qu’Eris se sentait plus à l’aise à son contact qu’avec la cadette qui pourtant semblait y être prédestinée au départ. _ Après tout, peut-être que le fait d’avoir laissé Kyoko dans la confidence autour de l’absence d’Athéna a joué en faveur du choix d’Eris de la choisir plutôt que Shoko. _ Ne la compare pas à toi. Même si elle ne le montrait pas, cette Saintia cachait bien des vices. Elle n’a pas attendu de connaître la vérité sur Athéna pour être corrompue. J’ai découvert sa liaison secrète avec Rigel alors qu’elle était encore aspirante Saintia et donc bien loin de se douter de la vérité. Elle avait déjà rompu son serment de chasteté, avant même d’être adoubée. Néanmoins, elle avait du talent, un fort potentiel. Pour le Sanctuaire cela aurait été dommage de perdre ça. Elle, elle avait une famille et un homme qu’elle aime. Elle avait des choses à perdre. Il n’a pas été compliqué de la convaincre de rallier à ma cause. Cela faisait des années qu’il n’y avait plus de Saintias au Sanctuaire, obligé que j’ai été de m’en débarrasser après la disparition d’Athéna pour ne pas être démasqué. Il me fallait à tout prix quelqu’un pour donner le change. Elle n’a pas fait grand cas de la vérité. Au contraire, son statut lui octroyait une position confortable. Loin des premières lignes, reconnue et respectée par son ordre. Et pour son allégeance, je l’autorisais à continuer à vivre son amour interdit. C’est tout ceci qui a fait aux yeux d’Eris de l’aînée un hôte plus distrayante que la cadette. » Convaincue sans trop forcer, Katya était admirative. Elle buvait ses paroles. _ « Et Shoko ? Qu’en ferons-nous ? _ Tu m’as dit qu’elle avait un plus grand sens du devoir que sa s½ur ? _ Par la force des choses, aujourd’hui, oui. Elle paraissait déterminée à devenir la Saintia que sa s½ur n’a pas été. _ Et le peuple ? _ Honkios a vite eu vent des événements et cela s’est répercuté dans tout le domaine. Le peuple la voit comme la jeune fille, qui se soulève contre la divinité qui lui a arraché sa s½ur ! L’héroïne qui a promis de devenir une meilleure servante d’Athéna pour expier la faute de sa s½ur ! Voilà comment on en parle déjà. _ Je ne peux donc pas la répudier. Le peuple ne comprendrait pas qu’une héroïne soit ainsi traitée. Et je ne peux pas prendre le risque qu’elle découvre la vérité. Nous l’autoriserons donc à intégrer l’ordre des prêtresses. Elle sera aspirante Saintia. Tu me ramèneras ici la Cloth du Petit Cheval. Le temps que l’on voit si elle est assez disciplinée pour ne pas être radiée, la Cloth devrait se régénérer. Ainsi, l’armure ne forcera pas ma prise de décision. Nous aurons donc le temps de voir si nous pourrons la plier à mon service au fil des années, ou s’il faudra s’en débarrasser une fois que le peuple aura oublié son héroïsme. » Il atteignit son balcon duquel il pouvait observer l’étendu du domaine sacré. Son attention se portait sur le cimetière dévasté. Tout autour du mausolée, les gardes s’affairaient déjà à remettre en terre les tombes retournées et à sceller les stèles renversées. Des tailleurs de pierre gravaient de nouvelles pierres en remplacement de celles brisées ou enfouies. Quelques hommes déversaient des brouettes de terre et quelques pierres pour ne faire du gouffre laissé par la libération de l’Utérus qu’une importante crevasse dans le versant de la montagne. _ « Hors de question de laisser Eris contrecarrer mes plans, gronda Saga. Je vais convoquer sur ordre d’Athéna une mission de sauvetage. Tous les Saints qui seront conviés ignorent qu’Athéna n’est pas au Sanctuaire. J’enverrai donc des fanatiques dévoués à la cause comme Aiolia et Shaka. Milo aura à c½ur de prendre une revanche également. Rigel, une fois rétabli, aura une double motivation à participer à la mission. Kyoko l’a toujours préservé à propos d’Athéna. C’est un fidèle convaincu. Et il aura la volonté de sauver sa bien-aimée. Son ancien maître, Aeson de la Coupe, voudra certainement affronter ceux qui ont mis son élève dans cet état. Et puis, cela fait dix ans qu’il est assigné au Sanctuaire, puni pour son péché. Il aura à c½ur d’accomplir cette mission. Parmi les autres Saints d’argent, Georg de la Croix du Sud, Juan de l’Ecu et Mayura du Paon. Enfin, Apodis de l’Oiseau de Paradis et Naïra de la Colombe me paraissent les plus dévoués à Athéna parmi les Saints de bronze les plus aguerris disponibles. _ Et moi, demanda-t-elle timidement ? Je n’ai pas été à la hauteur aujourd’hui. J’ai manqué de prudence vis-à-vis de Klaus. Et j’ai été ridicule contre les Dryades. Donnez-moi une chance de me rattraper ! _ Le rôle d’une Saintia est de rester auprès d’Athéna. Ton départ pour l’Utérus serait suspect. _ Mais… _ Il suffit Katya ! _ Veuillez me pardonner Seigneur, dit-elle aussitôt en courbant l’échine. _ Je n’ignore pas que Kyoko était ton amie. Un secret aussi lourd que le notre nécessite parfois de pouvoir le partager avec quelqu’un de confiance. Je me doute que par sa maturité et par le fait qu’elle soit dans la confidence tu te sois attachée à elle. Mais tu dois comprendre qu’elle n’est plus celle qu’elle était. Le pouvoir d’Eris a soudoyé totalement son c½ur et va lui permettre de réaliser des ambitions qu’elle n’osait pas imaginer encore ce matin. Je les comprends, murmura-t-il songeur… _ Quoi donc ? De toutes les possibilités qu’offre un grand pouvoir ? _ Oui… Et le soulagement de pouvoir partager un secret avec quelqu’un de confiance, lui sourit-il sincèrement par-dessous son masque avant de la renvoyer avec sympathie. Allez, va à présent. Tes camarades doivent s’inquiéter des évènements du jour. Va donc les rassurer. »
Plus bas, dans l’un des petits villages du domaine, on vint frapper à la porte d’une modeste demeure de soldat. L’homme moustachu qui ouvrit la porte reconnut deux jeunes apprentis à en juger leurs tenues. Il passa aussitôt sa main derrière sa queue de cheval et leur emboîta le pas : « Désolé, mais Shoko n’est pas encore rentrée ! » Le silence gêné qui s’en suivit obligea le père adoptif de Kyoko et Shoko à plus d’écoute… Dehors, restés en retrait à l’angle d’une autre chaumière, Shaka, les yeux clos, concentrait son ouie et rendait compte par télépathie à Mayura qui l’accompagnait dans son fauteuil. _ « Quelle dure épreuve tu imposes à tes élèves que d’annoncer à un père le décès de sa fille aînée. _ Mirai et Shinato endureront des épreuves bien plus lourdes s’ils poursuivent la voie de la chevalerie. _ Tu es sévère avec tes élèves mais tu préserves ce soldat. Après tout, sa fille aînée n’est pas morte. _ Elle a choisi la voie du mal sans même lutter. Les écrits rapportent qu’un réceptacle humain, encore plus lorsqu’il est doué de cosmos, parasite parfois l’âme divine qui veut se l’accaparer. Ce fut le cas avec Hadès lors de la précédente Guerre Sainte où son réceptacle Alone prit le luxe d’utiliser le dieu à son profit. Ici, Kyoko s’est totalement et volontairement laissée absoudre. Ce père ne l’aurait pas supporté. _ Crois tu que lui dire que son autre fille a intégré les prêtresses d’Athéna le rassurera pour autant ? Après tout, pour lui, c’est ce chemin qui a conduit son aînée à combattre et à se perdre. _ Il préférera que ses filles meurent pour Athéna plutôt qu’elles s’allient à l’ennemi ou se détournent de la foi. Tu ne le vois pas du haut de la sixième maison, mais pour ces gardes pleins de dévotion à la cause, les conditions de vie sont difficiles. Heureusement que leur foi les guide et qu’ils s’en nourrissent ! _ Ne prends pas ce ton avec moi. Je viens… _ … Tu viens de la misère Shaka, je le sais. Mais nos longues séances de méditation à deux me font ressentir que depuis que tu t’es extirpé de cette condition, que depuis que tu as été victorieux des ennemis du Sanctuaire et encore plus des Titans, tu portes un jugement sur la souffrance des hommes. _ Je ne juge en rien la souffrance de ce soldat. Il est question ici de vérité ! Son éducation a poussé cette femme à s’accepter comme une des pires ennemies d’Athéna ! Et toi tu me dis qu’il vit pieusement, convaincu de sa mission ! _ Tu t'enfermes dans la certitude de détenir la vérité absolue, sans même te soucier du c½ur des hommes. Si tu doutes de mes propos, pose-toi la bonne question ! Depuis combien de temps Bouddha n’est pas venu converser avec toi ? » Shaka resta interdit quelques secondes. Il finit par sourire avec prétention : « Retournons donc d’où nous sommes venus avant d’affronter Eris. Et je te montrerai que Bouddha me parle ! »
Devant eux, le père adoptif de Kyoko et Shoko ployait le genou en apprenant le décès de sa fille aînée…
A proximité, dans le village voisin, un autre Saint d’or battait le pavé. Cuirassé de sa tenue d’entraînement, Aiolia espérait passer incognito devant le peuple. Sa destination lui était connue, cependant il hésitait à s’y rendre. Il tournait autour du pâté de maison d’un logis qu’il avait parfaitement ciblé. Cette maison il ne la connaissait que trop bien. La brise estivale amena avec elle des souvenirs désagréables pour le chevalier. Il s’y revoit à l’intérieur, recroquevillé contre un mur, sous le volet en bois, entouré de quatre Saints de bronze. Il n’était pas encore chevalier à l’époque. Il n’était qu’un enfant qui suivait l’apprentissage de son frère. Et une innocente victime des menaces de ces guerriers, lorsque Aiolos attenta à la vie d’Athéna. Ce ne fut à ce moment que le début des brimades, qu’il endurait encore parfois maintenant pour être le frère du traître. Soudain, une voix amicale et familière venue de son dos le fit sursauter : « Alors quoi ?! On n’ose plus rentrer chez ses amis Maître ?! » Le Saint se retourna pour mieux reconnaître celle qui fut autrefois à son service. Intérieurement, il ne put s’empêcher de la trouver très belle, elle qui n’était plus une enfant. _ « Lithos ! J’étais ailleurs, je ne t’ai pas senti arriver ! Laisse-moi te débarrasser de tes courses et surtout, cesse de m’appeler ainsi ! _ Allons Maître, lui tendit-elle son panier en osier et ses jarres, vous serez toujours celui que j’ai eu plaisir à servir ! Allez ! Entrons ! » Le Lion la suivit en prenant grand soin de fixer le seuil de la porte comme s’il redoutait encore de le traverser. Lithos attacha ses cheveux mi-longs vert pour laisser le vent rafraîchir sa nuque. Le mouvement moula à merveille sa tunique contre sa fine taille et fit ressortir sa poitrine de femme. _ « Vous avez toujours autant de mal à revenir dans cette maison n’est-ce pas ? _ Rien n’a changé. Ces pierres taillées rectangulaires, froides. Sur les murs, sur les plafonds, maintenues par des madriers. Les mêmes meubles de bois. Et ce vieux volet, grand et occultant qui me maintint des mois dans l’obscurité pour mieux cacher ma honte. _ Vous êtes loin de tout ça désormais. _ Certes, mais cela marque un enfant. Cela me reste comme une plaie à jamais ouverte. _ Et bien moi j’ai remis beaucoup de gaieté ici ! » Elle ouvrit en grand le volet pour faire rentrer le soleil. Et en effet, le mobilier n’avait pas changé. Mais cette lumière d’été et les nombreux bouquets de fleurs parsemés ici et là donnaient beaucoup plus de charme à ce lieu. _ « Il n’y a pas à dire, cette maison te va mieux qu’à moi. _ Surtout quand on vit dans un palais aussi majestueux que le votre ! _ Tu y as passé quelques années avec moi, tu sais qu’hormis un temple immense, nous n’avons qu’une petite chambrette ! Il était clairement difficile d’y tenir à trois ! En parlant de ça, des nouvelles de Galan ? _ Pas depuis que vous nous avez affranchis, baissa la tête gênée Lithos. Il a profité de votre laissez-passer pour quitter le Sanctuaire et réaliser son rêve. Visiter le monde contemporain, déclara-t-elle confuse. _ Cela fait quand même quelques années, lui prit-il les épaules pour rassurer son apparente angoisse, mais rappelle-toi qu’avant moi, Galan avait concouru pour l’armure du Lion. Il jouit du cosmos et c’est quelqu’un d’acharné. Je n’ai aucune crainte pour lui. » Malgré tout, Lithos resta pensive. Elle remplit une pleine coupe de vin à son ami et ne s’en servit qu’un fond. _ « Allons… Pas la peine de te mettre dans tous ces états. _ Ce n’est pas pour Galan que je m’inquiète cette fois. Votre visite n’est pas anodine. Si vous venez me rendre visite, c’est que vous partez en mission n’est-ce pas ? Comme si votre passage ici était le dernier ! » Il s’assombrit en présentant une tablette le convoquant auprès du Grand Pope. Ce type de document était bien connu de Lithos, pour les avoir souvent vu à l’époque où son maître recevait de nombreux ordres de missions. _ « Il est vrai que je dois partir. Cependant je ne vois jamais ma venue ici comme un adieu, mais plutôt comme une piqûre de rappel, lui sourit-il ensuite chaleureusement. Je me rappelle que c’est avec toi que tout a commencé. J’étais un lionceau fougueux lors de notre rencontre. Puis la Guerre Sainte contre les Titans éclata. Mes actes lavèrent le doute du peuple à mon égard. La fraternité des autres Saints m’a convaincu des péchés d’Aiolos, mais m’a aussi fait accepter qu’il existe une autre voie que la ranc½ur. Lorsque j’ai ramené ici le peuple des Titans, ceux-ci se sont rebellés contre le Sanctuaire. Tout cela pendant que j’avais le dos tourné à affronter Cronos pourtant prêt à pratiquer leur génocide dans sa folie. Il obligea Athéna à intimer au Pope de les bannir sur Death Queen Island. J’ai également compris à cet instant que les belles paroles et les grandes promesses n’étaient pas toujours pleines de sens. Je m’étais mouillé pour notre ennemi, alors qu’il n’a pas honoré sa parole une fois sur nos terres. Les années et la maturité aidant, je me suis accepté tel que je suis. Je n’avais plus à me teindre les cheveux, ni à vivre reclus dans la maison du Lion. Et tout ça, ces moments de chagrin, de colère, d’allégresse, de doute, de fraternité… Tout cela, je l’ai vécu avec toi. Douce. Patiente. Compréhensive. Tes éclats de rire, ta joie de vivre, je me suis battu pour tout ça et je continuerai encore. Venir ici avant de partir, c’est me ressourcer avant le combat. » Assise face à lui, ses mains traversèrent la table pour venir cueillir les siennes. _ « Maître Aiolia… Vous me manquez tant. _ Hélas, sourit-il les yeux embués, la Guerre Sainte contre les Titans fut les prémices de tant d’autres. La trahison du peuple Titan que m’a rapporté le Grand Pope a eu raison de ma candeur. Je ne pouvais vous infliger de supporter mes retours crasseux et ensanglantés. Vous aviez rempli votre office. Durant toutes ces années, Galan a poursuivi ton éducation. A ta majorité, il m’a semblé naturel que tu reprennes ta liberté. Galan encore plus, pour le coup. _ Je ne me suis jamais sentie prisonnière. _ Certes, mais il arrive un moment où une jeune femme doit vivre bien plus qu’une vie de servante. _ Et je ne voyais pas ça non plus d’un bon ½il, ajouta une voix par la fenêtre ! » Bras croisés appuyés à l’embrasure de la fenêtre, Marin affichait une bonne humeur et une touche de provocation. _ « Une femme aimante n’aime pas savoir son homme vivre sous le même toit que son esclave, rajouta l’Aigle. _ Maître Aiolia n’était pas de ces hommes là. _ Je le sais bien rassure-toi. D’ailleurs je tenais à te remercier d’avoir gardé secret notre amour. _ Et bien, disons que je m’inquiétais des sorties nocturnes et non autorisées de mon maître à l’époque où vous commenciez à vous voir et donc, avec Galan, il m’a semblé naturel d’enquêter afin de lui éviter des ennuis. J’aurai préféré ne pas voir ce que j’ai vu… _ Allez, allez… C’est bon… Pouvons-nous passer à autre chose, dit-il en avalant sa coupe d’une traite, tout embarrassé. J’étais jeune et encore un peu rebelle ! » Les trois amis rirent de bon c½ur et revigorèrent la motivation du Lion à partir prochainement à la guerre…
Plus loin, au Sud-Est du domaine, en contrebas du camp des femmes chevaliers, une prairie désertée accueillait le totem des Cloths de la Vierge et du Paon. Habillé d’un voile blanc qui descendait en travers de son torse, Shaka le remontait pour laisser apparaître dessous un sarouel grenat et s’asseoir confortablement. Il trouva de bon ton de déclarer : « Ce jardin est bien modeste par rapport à celui que j’entretiens autour des Sals jumeaux. Mais je m’en accommoderai. » Cela fit sourire sarcastiquement sous son masque Mayura. Debout, devant son fauteuil roulant, elle défaisait les bandages qui couvraient son corps sous son kimono vert. Pour mieux se faire, elle dénoua le ruban rouge qui le serrait à la taille et ne le remit pas, dévoilant ainsi son corps juste couvert d’un shorty. A l’aise, elle laissa ainsi le vent s’insinuer sous l’épais vêtement et raviver ses sens qu’elle condamnait volontairement. Ressentant ses moindres faits et gestes malgré ses paupières closes, Shaka perçut qu’elle voulait défaire le n½ud du tissu qui maintenait son masque et lui cachait habituellement la vue. _ « Oserais-tu te démasquer, alors que cela fait des années que tu ne te donnes plus à moi ? _ Autant d’années depuis lesquelles le Shaka que j’ai choisi d’aimer lorsqu’il a brisé mon masque après un entraînement est devenu imbu de lui-même. Certainement pas. Il me sera juste plus simple de voir à travers mon masque sans ce ruban. _ Imbu ? J’ai de quoi ne crois-tu pas ? Après tout, grâce à mon aide et mon enseignement, te priver régulièrement de tous tes sens t’a hissé au statut de la femme Saint la plus forte et la plus respectée du Sanctuaire, pensa-t-il la flatter ? _ Parce que tu penses que je n’y serai jamais parvenue sans toi ? _ Allons, voulut-il la calmer, commençons à méditer, afin que je te montre que tu es dans l’erreur. » Soufflant de dépit, elle s’assit face à lui. De concert, ils mimaient les mêmes gestes. Leurs dos étaient droits sans être raides. Leurs yeux fermés. Ils posèrent leurs mains l’une sur l'autre. Les phalanges des pouces, les doigts se superposant, se touchant par les extrémités. Ils dessinaient un espace d’ouverture avec les doigts. Par cette gestuelle, ils entrèrent en parfaite concentration…
Au village de Lithos, Aiolia s’éloignait, rentrant chez lui avant de partir pour sa mission. Tandis qu’il n’était bientôt plus qu’un point à l’horizon, Marin profita d’être seule avec Lithos pour lui faire remarquer qu’elle ne semblait pas franche. _ « Aiolia n’est toujours pas au courant pour Galan n’est-ce pas ? _ Il était en mission lorsque cela arriva. Galan m’a fait jurer de ne rien lui dire. Qu’il serait préférable au chagrin qu’il le pense heureux, parti à la découverte du monde. _ Malheureusement, s’éloigna Marin, je crains que la découverte un jour d’un tel mensonge sera pire que de lui avouer la vérité. »
Au Nord, dans les villages pauvres et malfamés du domaine, la Cloth d’or du Scorpion apportait un peu de tenue en ces lieux mal entretenus. Impérial dans sa Cloth, Milo laissait dans son sillage l’espoir d’une vie meilleure pour les enfants et apprentis qui souhaitaient s’extraire de leurs conditions. A mesure qu’il progressait en direction de chez Inakis, sa bien-aimée, il passait à proximité des vestiges d’un temple que les combats acharnés entre un maître et son élève avaient changé en champ de ruines. Un simple hochement de tête entre le Saint d’or et le maître aux cheveux blonds mi-longs coiffés d’une lanière de cuir rouge témoigna du respect que se vouaient les deux hommes. Bien plus appuyé que celui de Milo, le signe d’Aeson restait nettement moins révérencieux que celui de son disciple qui se mit à genoux, front contre terre. _ « Bonjour Seigneur Milo Saint d’or du Scorpion ! _ Ça ira Crateris, stipula froidement Milo, je ne suis pas venu à Bifolco pour ça. _ Il n’en demeure pas moins que vos venues dans notre village sont un privilège, assura d’un timbre solennel Aeson. _ Je viens dire au revoir à quelqu’un qui m’est cher, dit le Scorpion en affichant la tablette où figure son ordre de mission. _ Je comprends, leva à son tour la sienne Aeson, il me tarde d’aller me frotter à ceux qui ont mis dans cet état mon ancien élève Rigel d’Orion. _ Oh, je vois. A très vite alors Saint d’argent de la Coupe ! _ A très vite Seigneur Milo, hocha la tête le maître de Crateris. » Le Scorpion poursuivit son chemin, laissant l’apprenti pantois : « Un ordre de mission ! Mais alors, Maître Aeson, vous allez faire parti de la riposte contre Eris ?! » Le professeur, la quarantaine tout juste passée, paraissait plus sage que son disciple Crateris. Il lui tourna le dos et partit regarder à nouveau dans la coupe que forme le totem de sa Cloth laissée à la vue de tous : « Je ne vois rien, songeait-il. Lorsque de l’eau est versée dans cette Cloth, il est possible de voir son propre avenir au lieu de son reflet. Pour la première fois aujourd’hui, depuis que j’ai reçu l’ordre de mission, je n’y vois rien. » Crateris remarquait la préoccupation de son maître depuis qu’un garde était venu le rencontrer : « D’ordinaire taciturne, Maître Aeson a toujours gardé un certain entrain à l’idée de pouvoir un jour repartir à la bataille. C’est la première fois que je le vois songeur, cogitait-il » Aeson le sortit de ses pensées : « Crateris ! Viens voir s’il te plait. L’entraînement est fini pour aujourd’hui. Il me faut me préparer à visiter le Grand Pope. Lave donc tes plaies dans l’eau de la coupe. » Mais Crateris n’était pas dupe. Il réfléchit en s’exécutant : « Connue pour son don de prémonition, la Cloth de la Coupe tire son histoire de la coupe dans laquelle Athéna s’est abreuvée lors d’une ancienne Guerre Sainte. Elle aurait transmis la propriété de pouvoir soulager les blessures lorsque l'on boit l'eau qui a été versée dedans quand elle se trouve sous sa forme totémique. Mais c’est la première fois que Maître Aeson m’autorise à m’en repaître… » Néanmoins, il ne broncha pas. Son approche était délicate. Solennelle. C’était un immense honneur pour lui d’approcher la Cloth, que son maître n’arborait qu’à de rares occasions. Seulement, quelle ne fut pas sa stupéfaction lorsque le reflet lui renvoya son image porteuse de la Cloth, les larmes aux yeux. Il en tomba à la renverse. Tremblant, incapable de regarder son maître dans les yeux, il resta fixé sur son postérieur à claquer des dents. Aeson, lui, fit la moue. Il comprit sans même demander. Il décrocha le récipient de son totem et avança jusqu’au désarmé Crateris. Délicatement, il versa sur lui l’eau qu’elle détenait et lui sourit comme rarement : « La Cloth ne change pas l’eau en remède. Mais elle soulage légèrement les blessures. Caresse donc tes plaies avec avant qu’elle ne sèche. » Puis d’un geste de la main, il fit léviter le vase qu’il remit sur sa base. Alors la Pandora Box se referma sur elle et Aeson vint la fixer sur ses épaules. Il adressa un dernier sourire à Crateris qui obéissait sans trop réaliser que cette cérémonie de baptême était destinée à le promouvoir très prochainement…
Au Sud-Est, le craquement d’une branche sous le pas d’un visiteur avisa Shaka. Il interrompit sa méditation puis resserra prestement le kimono de Mayura. Celle-ci, surprise, le pensa d’abord mal attentionné à s’en fier au regard inquisiteur qu’elle lui porta sous son masque. Très vite, lorsqu’un garde vint les trouver, tenant en ses mains deux tablettes, elle comprit qu’ils étaient réquisitionnés et que Shaka avait été bienveillant à l’égard de son corps presque nu. _ « Décidemment, où qu’on aille, rien ne peut échapper à la vigilance du Pope, pesta-t-elle ! _ En attendant, on pouvait sentir ce soldat venir à des kilomètres à la ronde. Facile de se douter que le Grand Pope l’avait envoyé nous quérir, corrigea-t-il d’un ton plus respectueux à l’égard du souverain. _ J’étais plutôt concentrée à ressentir Bouddha, s’était-elle entêtée à rester désobligeante, et, bizarrement, il ne nous est pas apparu, réajustait-elle de mouvements secs son kimono. _ Tu n’as donc pas compris, lui rétorqua-t-il tout en récupérant les missives pour que le messager prenne congé d’eux. Si Bouddha ne converse plus avec moi, c’est peut-être parce que je suis maintenant suffisamment éclairé. Que Bouddha parle à travers moi ! _ Tu es sérieux, ne put s’empêcher de pouffer Mayura en retournant récupérer ses bandelettes ?! _ Il faut être sot pour ne pas s’en être rendu compte. Mes disciples te le diront. Aghora et Shiva en tête. Je suis Bouddha. Ma parole est sacrée. _ Je suis… Effarée ! Par tant d’orgueil ! _ Tu qualifies ça d’orgueil, car tu n’es pas parvenue à le comprendre de toi-même. _ Serais-tu entrain de me dénigrer ? _ Ce que tu prends pour du dénigrement n’est que l’expression de ton incompréhension à ce qui se passe sous tes yeux. Voilà pourquoi un fossé se creuse entre nous. » Mayura rappela à elle sa Cloth. _ « T’es-tu demandé si l’absence de réponse de Bouddha ne serait pas plutôt que Bouddha ne te trouve plus d’intérêt ? Qu’une remise en question te ferait le plus grand bien, se laissa-t-elle choir dans son fauteuil ? » Il revêtit aussi sa Cloth. _ « Et toi donc ? Que pense la plus puissante femme Saint du Sanctuaire d’une remise en question ? Ça ne te ferait peut-être pas de mal. Il n’y a qu’à voir ta réaction lorsque je t’ai rhabillé quand le garde s’est amené. Tu as cru que je tenterai l’inverse. Tu es bien sotte de croire que j’attends après toi. Aujourd’hui mon aura est telle, que je peux illuminer bien des vies d’autres femmes si tel est mon désir. _ Cela fait deux fois dans la même conversation que tu me considères comme une sotte, entama-t-elle sa télépathie pour rompre à nouveau avec ses sens. La loi du Sanctuaire est ainsi. Tu as vu mon visage après m’avoir vaincu il y a quelques années lors d’un combat d’entraînement. A l’époque tu étais bon et tu étais à l’écoute des autres. Alors j’ai choisi de t’aimer. Mais aujourd’hui, par Athéna, qu’il est dur d’aimer un être aussi arrogant et humiliant que toi ! Tu peux avancer désormais ! Nous nous retrouverons devant le Pope pour répondre à sa requête. » Flashback
Le serveur fit cesser le récit de Kyoko pour venir prendre leur commande. _ « Je prendrai une coupe de champagne s’il vous plait, se ravit Kyoko. _ Un raki, râle Mars pour le dégager au plus vite. »
Bien loin d’imaginer les mouvements en Argentine et en Grèce, à Asgard, Hilda veille au temple Walhalla. En bas, au bout de longs couloirs obscurs, à l’intérieur de la bibliothèque du palais, Hilda savoure à la lueur d’une bougie les mémoires de la précédente Guerre Sainte contre Hadès : « Je n’ai pas remercié Alberich pour m’avoir rapporté ce présent d’Alexer Prince de Blue Graad. Il s’agit du témoignage de Unity, son ancêtre. Il relate les évènements qui ont opposés la déesse Athéna et Hadès il y a plus de deux cent ans ainsi que le rôle qu’il a eu à jouer dans tout ça. » Dans l’ombre, les bras croisés, captivé par la beauté de la princesse aux cheveux et à la robe azurs, Siegfried s’agace quelque peu : « On dirait qu’Alberich réussit à rentrer dans vos faveurs. Son travail machiavélique de persuasion semble fonctionner Princesse Hilda. » Malgré tout l’émoi que cela suscite en elle lorsqu’elle croise son regard, Hilda fixe Siegfried dans les yeux : « Que vas-tu t’imaginer ? J’apprécie les efforts qu’il fait mais n’en oublie pas moins qu’il reste un être ambitieux et complexe. » Siegfried se lève et passe devant sa supérieure pour se poster devant l’entrée de la pièce : « C’est tout de même lui que vous aviez choisi pour résoudre le conflit contre Blue Graad. » Au passage, elle lui retient fermement la main et le dévisage : « Parce que je préfère garder mon meilleur homme pour ma garde personnelle. » Siegfried sert les dents pour garder du mieux qu’il peut la tenue qu’exige une dame du rang de celle qu’il aime : « Et c’est en me reléguant au statut de garde que vous espérez me voir progresser. Mon c½ur cesserait lui-même de battre si demain je n’étais pas assez fort pour vous protéger. Mais si ce rôle de soldat vous convient pour moi, si c’est tout ce que vous attendez de moi, alors qu’il en soit… » D’un geste brusque, Hilda tire sur le bras de Siegfried pour l’obliger à se rapprocher d’elle qui est toujours assise. Surpris et décontenancé, le plus puissant Asgardien du royaume se laisse cueillir le visage dans les mains de celle qu’il aime : « Non, j’attends tant de toi, de nous… » Elle ferme ses yeux et approche son visage du sien. Surpris, et à la fois ravi, déstabilisé aussi par cette attitude dont il a toujours rêvé, il clôt à son tour ses paupières et s’avance très lentement vers elle. Bientôt, il commence à sentir son souffle sur ses lèvres et ses mains devenir moites. Alors que ses lèvres peuvent enfin faire pression contre les siennes, une voix familière et toute essoufflée appelle dans tous les couloirs : « Hilda ! » N’écoutant que son devoir, Siegfried se redresse et fait déjà barrage de son corps devant Hilda. _ « C’est la voix de votre s½ur ! _ Allons la trouver ! Vite ! »
Connaissant par c½ur les moindres détours de ce labyrinthe résidentiel, les s½urs se retrouvent grâce aux sons inquiets de leurs voix. Siegfried reconnaît immédiatement Hagen qui porte dans ses bras l’étrangère à la peau dorée qu’il ignore encore être Thétis…
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« le: 7 Juin 2021 à 18h31 »
Chapitre 73
En Argentine, à Buenos Aires, pendant que Tromos suit un employé du club peu fréquentable, Vasiliás et Peligra s’isolent plus loin. Au détour de quelques voiles tombés du plafond destinés à offrir de l’intimité à ceux qui souhaitent s’écarter de la piste de danse, Vasiliás ne perd pas des yeux Peligra. Partageant côte à côte un verre de champagne, le bras écarté à hauteur du dossier du canapé, comme pour rapprocher la sublime créature de lui, Vasiliás s’occupe de détourner son attention de Tromos. De sourires en sourires, de compliments en compliments, les deux êtres profitent de cette soirée pour goûter à la présence de l’autre. Les jambes recroquevillées sur le divan, Peligra laisse à Vasiliás, tout le loisir d’admirer sa poitrine grande offerte sous sa veste déboutonnée. Très vite, l’ancien homme d’affaires tend quelques billets en indiquant la barre de pole dance : « Quitte à passer une bonne soirée, autant ne pas tout gaspiller en champagne. Il me semblait t’avoir affirmé que j’aime qu’on danse pour moi. » Comme pour accompagner la demande du richissime Américain, le disque-jockey enchaîne les musiques rythmiques permettant de remuer avec sensualité.
Un simple clignement de paupières de Peligra suffit pour donner à Vasiliás son approbation. En se levant méthodiquement afin de cambrer chaque partie de son corps, elle ramasse un seul billet qu’elle vient glisser sous la soie entourant sa taille et le haut de ses cuisses à la peau chocolat au lait. Elle cramponne fermement la tige de métal dressée jusqu’au plafond depuis le podium qu’encerclent les fauteuils sur lesquels Vasiliás s’affale à son aise. Faisant plusieurs fois le tour de l’axe sur lequel elle descend et remonte continuellement sa main droite comme pour mimer un geste tendancieux, Peligra commence à y rapprocher son corps. Le frôlant en allant d’avant en arrière, tout en tournoyant, elle alterne les rotations dans un sens puis dans l’autre, en s’appliquant chaque fois à enrouler langoureusement sa jambe contre le barreau ferme et froid. Se saisissant d’une nouvelle coupe fraîchement servie, Vasiliás ne perd pas de vue le spectacle que la véloce jeune femme lui offre. Suivant de plus en plus les vibrations sonores, elle choisit de lui tourner le dos et de baisser la tête toute en relevant son postérieur. Elle répète cette position, en alternant avec une autre encore plus significative, pour laquelle elle relève une jambe le long du barreau afin d’offrir la vue de son entrejambe écarté mais encore dissimulé sous son n½ud de soie…
Pendant ce temps, en terrasse, à Athènes, Mars tapote tour à tour les doigts de sa main droite sur la table contre laquelle son coude gauche est appuyé pour maintenir sa tête dans la paume de son autre main. Il est absorbé par le récit d’Eris…
Flashback Après un intense entraînement, Shoko et Rumi se hâtèrent à Honkios. Néanmoins, le marché distrayait particulièrement la vorace Shoko. _ « Shoko ! Il va être l’heure pour les prêtresses de descendre en ville ! Si nous n’allons pas nous cacher au cimetière maintenant, nous louperons ta s½ur ! _ Je sais, piétinait Shoko qui faisait la queue devant un étal, mais c’est ici qu’on trouve la meilleure viande du domaine, bavait-elle sous son masque ! Je compte bien utiliser les sacres que j’ai récupéré en récompense après qu’on a aidé ce petit vieux sur le chemin du retour ! _ Que nous avons récupéré je te ferai dire ! Nous étions deux à l’aider et à être récompensées je te signale ! Mais comme toujours tu t’accapares le tout pour la nourriture ! Tu es incorrigible ! » Pour seule réponse, l’estomac de Shoko se mit à gargouiller. Son bruit fut émis si fort qu’il en fit rigoler Filia, la fille du marchand qui aidait son père à servir les nombreux clients. Alors, une idée vint à Shoko : « Je sais ! Tu vas faire la queue pour moi pendant que j’irai guetter ma s½ur, décréta-t-elle en saisissant Rumi pour l’y poster à sa place ! » Sans même que Rumi ne put contester, Shoko lui claqua la monnaie dans les mains et partit à vive allure en direction du cimetière. Blasée, claquant sa main sur son front masqué, Rumi n’eut d’autre choix que de la laisser s’éloigner.
Sortie de la place principale, Shoko déboucha sur les marches des douze maisons. Dès les premières, bien avant la maison du Bélier, sur la gauche, un chemin morcelé permet de déboucher en contrebas sur une vaste parcelle de terre friable. Sur la droite, les pavés, en meilleur état, conduisent au colisée. Incognito dans sa tenue de femme chevalier, elle adopta un pas plus calme afin de ne pas éveiller les soupçons et prit la direction de la parcelle d’où jaillissent par centaines des stèles où sont gravés les noms et les rangs de chevaliers défunts. Malgré la morosité qui émane d’un cimetière, Shoko demeurait excitée. Partagée entre la possibilité de revoir sa s½ur, et l’ampleur d’un si spacieux lieu de recueillement particulièrement rempli. Au milieu de ces incalculables tombes, se dresse un imposant roc dans lequel fut creusé un caveau, à en croire la taille faite dans la pierre. Devenu le monument de ce cimetière, Shoko se sentit irrémédiablement obligée d’aller en admirer la magnificence. Sa roche est travaillée pour donner l’impression que des blocs ont été montés les uns sur les autres comme un temple posé par l’homme. Le lierre qui grimpe tout autour jusqu’à son sommet sur quelques parties du pourtour permet de dater ce tombeau à une époque bien lointaine. De là, elle leva les yeux en direction de la maison du Bélier : « Rumi avait raison. Le chemin du premier temple surplombe pour une bonne partie le cimetière. La distance n’est pas grande. En me cachant derrière ce mausolée, je reconnaîtrai sans problème ma s½ur si elle vient à passer… »
Grand par sa surface, le plateau était balayé par de fraîches bourrasques qui rendait le temps long pour Shoko qui craignait d’être démasquée par les quelques visiteurs venus se recueillir sur les tombes les plus récentes. Son sens martial lui permettait de percevoir les présences alentours, surtout celles douées d’une forte émanation de cosmos. Pourtant, elle ne percevait pas venir celui de sa s½ur. Pas plus que celui d’une présence dans son dos : « Encore toi ! » Elle reconnut cette voix qui la fit frémir sans hésitation. Devinant cette prêtresse blonde aux cheveux qui tombent en boucle sur les épaules, Shoko faussa sa gaieté : « Mii ! Quelle bonne surprise ! » Réajustant une jarre sous son bras, l’aspirante Saintia goûta peu à l’hypocrisie : « Je peux savoir ce que tu fais ici ?! »
Les balbutiements de Shoko et les interjections continues de Mii empêchèrent les jeunes filles de remarquer que la végétation grimpant le mausolée s’agitait curieusement. Contre nature, les tiges commencèrent à s’enrouler les unes autour des autres pour former un fouet dans le dos de Mii, tandis que deux tentacules rampaient dans le dos de Shoko. Plus expérimentée, Mii remarqua la progression douteuse et se jeta sur Shoko : « Qu… Quoi ?! Tu veux te battre, réagit d’abord d’une voix étouffée sous son masque la Grecque. » Alors que la jarre qu’elle abandonna au sol se brisa, libérant le vin qu’elle était partie chercher, Mii manqua de vigilance et se fit frapper à revers par la liane. Trop tard, Shoko ne comprit qu’après avoir été saisie à chaque jambe la singularité des évènements. Désarçonnée, Shoko s’inquiéta pour Mii qui demeurait inconsciente malgré ses appels, un filet de sang fuyant son front. _ « Tu ferais mieux de t’inquiéter pour toi Mère. » Inopinément, le fouet lui préconisa ces conseils tandis que les tentacules libéraient d’autres liens qui étreignaient cette fois-ci les bras de Shoko. _ « Le… Le lierre me parle ?! Comment… Comment m’a-t-il appelé ?! » Un bourgeon se forma au bout du lien avant d’éclore pour laisser en sortir une femme. Ses formes étaient pulpeuses. Sa taille juste couverte d’un pagne. Son opulente poitrine, agrémentée d’un collier qui descendait au creux de ses fermes seins, entièrement dévoilée. _ « Je te retrouve enfin, poursuivit la fleur devenue humaine, avec ce corps si jeune et plein de vie, dégaina-t-elle une pomme en or. _ C’est… C’est comme dans mon rêve ! » Shoko reconnut l’artefact à travers son masque. Les liens se resserrèrent tout autour d’elle, allant jusqu’à lui écraser la gorge. _ « Mère, je suis Até Dryade de la Ruine, poursuivit l’étrangère en ôtant à Shoko son masque, l’heure est venue de retrouver votre place sur Terre, tendit-elle la pomme vers le visage découvert de Shoko. » Le manque d’oxygène et l’accumulation de stress à mesure que l’étrangère progressait pomme tendue vers elle commencèrent à lui faire perdre connaissance. C’est alors qu’une lueur azure déchira l’espace entre Shoko et l’intruse. _ « Shoko, s’exclama la lumière ! » Etourdie, Shoko ouvrit lentement les yeux. _ « Heureusement, je suis arrivée à temps, poursuivit le halo de lumière qui prenait forme humaine. _ Kyo… Kyoko… Comme dans mon rêve, c’est toi qui viens m’éloigner de ce danger ? » A mesure qu’elle put l’identifier, Shoko reconnut sa s½ur. Ses yeux noisette. Ses longs cheveux bleus. C’était bien elle. Le visage plus mûr et la silhouette plus femme que dans ses souvenirs. _ « Kyoko ? C’est bien toi… Kyoko ?! » L’aînée répondit d’un simple geste en sortant de sous le col de sa Cloth un pendentif au bout duquel resplendissait le même Pégase que celui de sa s½ur. _ « Mais… Cette tenue… Tu es… _ Oui, je suis devenue la Saintia du Petit Cheval, au service d’Athéna. _ Alors tu as réussi, s’embua les yeux la cadette ?! _ Je t’expliquerai plus tard, écarta-t-elle sa s½ur en chargeant son poing de cosmos. Equuleus Ryu Sei Ken ! » Les Météores du Petit Cheval s’abattirent telle une pluie de coups projetés à la vitesse du son sur Até. Alors que le danger était repoussé, Kyoko se retourna vers Shoko pour dresser avec fierté son poing. Morveuse, Shoko se jeta dans ses bras. _ « Tu m’as tellement manqué ! J’étais si triste… ! _ Oui… Moi aussi… Tu as dû te faire tant de souci à cause de moi ! Je suis heureuse de te revoir saine et sauve ! _ Depuis toutes ces années je m’entraîne dur pour devenir Saintia et être digne de toi ! Mais ton attaque était si rapide et puissante que j’en suis sidérée ! Je me rends compte que j’ai encore beaucoup de travail si je veux être à ta hauteur ! _ Ne dis pas de bêtises voyons ! Je suis fière de toi, je l’ai toujours été ! A ta tenue d’ailleurs, et au masque qui jonche le sol, j’en déduis que tu as déjà atteint un certain statut. _ Pas autant que tu ne le penses hélas, baissa honteusement l’étourdie apprentie. J’ai intégré le camp des femmes Saints en attendant de réussir à être admise chez les prêtresses. _ Ecoute, reprit son sérieux l’aînée, je ne sais pas quelle est la nature de notre ennemie, mais une chose est sûre, mon coup ne lui a pas été fatal. _ C’est impossible. _ Sais-tu quelque chose à son sujet ? _ Non, c’est la première fois que je la vois… Enfin… _ Enfin ?! _ Elle m’est déjà apparue en rêve. Tout du moins, la pomme qu’elle tenait. _ La pomme, s’exclama Kyoko en cherchant aussitôt l’objet du regard ?! »
A terre, Até reprenait ses esprits. Son premier réflexe fut de retrouver l’artefact. Ce fut bref. La pomme irradia brièvement mais suffisamment pour qu’Até puisse la remarquer : « Elle a étrangement réagi dès lors que cette Saintia a posé les yeux dessus… »
Devant le mausolée, Kyoko mit en garde sa s½ur. _ « La Pomme d’Or qui retient prisonnière Eris Déesse de la Discorde. Athéna l’envoya sur la comète Repulse afin que plus jamais Eris ne revienne causer le mal sur Terre… C’est ce qu’on nous apprend au temple des prêtresses… _ J’ai déjà dû entendre ça aussi au camp des femmes chevaliers, badina Shoko moins sérieuse. _ Shoko… Ecoute-moi, somma Kyoko d’une voix empruntée, cela n’est pas à prendre à la légère. Si Repulse s’est rapprochée suffisamment de la Terre pour que la Pomme d’Or s’en échappe, c’est qu’Eris a tout mis en ½uvre pour se réincarner. Je vais compter jusqu’à trois et lancer ma prochaine attaque. Pendant ce temps, tu vas t’enfuir ! Surtout, ne t’occupe pas de moi ! _ Non, tremblota Shoko devant l’inquiétude de sa s½ur… Nous venons à peine de nous retrouver… S’il… S’il y a danger, alors je ne peux te laisser seule contre… _ Sois sage et fais ce que je te dis d’accord, lui demanda-t-elle avec précaution ? »
Cependant, une voix enfantine venue de leur dos rendit toute retraite impossible : « Il est plutôt présomptueux d’imposer son choix à notre mère ne trouves-tu pas ? » En faisant volte-face, les s½urs identifièrent une enfant aux cheveux gris cendre. Elle tenait au c½ur de sa tenue pouponne pourpre un ourson en peluche. _ « Une enfant ?! Que fait-elle ici ? Sa tenue ne ressemble en rien à ce que nous portons au Sanctuaire, s’étonna naïvement Shoko. _ C’est parce qu’elle n’a rien à voir avec le Sanctuaire justement. Et tu ferais mieux de ne pas te fier à son apparence, l’encouragea Mii qui revint à elle en s’essuyant les plaies de son visage. _ Ce n’est pas gentil, bouda la gamine. N’est-ce pas Mick, demanda-t-elle à son ours en peluche ? _ Beuh… Elle est carrément dérangeante celle-là, dit Shoko en se mettant position de combat ! »
Loin d’être au bout de ses surprises, une nouvelle voix, semblable à la sienne, s’adressa à Shoko : « Si Emony Dryade de la Méchanceté te choque, alors que dis-tu de ça ? » En effet, devant elle se tenait sa copie conforme. La Dryade était vêtue de la même manière, un débardeur bleu marine et un shorty moulant d’un bleu plus clair. La seule chose qui la différenciait était que sa tenue était moins abîmée que celle de Shoko. Prenant appui au sol dans ses ballerines blanches, Shoko tendit ses poignets bardés de bandelettes de papier rouge en direction de sa jumelle. _ « Non mais je rêve ! C’est moi, écarquilla grand les yeux Shoko ! C’est quoi ce cirque ?! _ Oh… Tu es confuse, pardonne-moi j’aurai dû me présenter, fit une révérence son double. Je suis Mania Dryade de la Folie. _ Shoko, la calma sa s½ur en lui prenant l’épaule, finalement je pense que nous ne serons pas trop de trois contre elles. » Shoko acquiesça tandis que Mii se rangea à leur côté. _ « Des Dryades. Cela signifie qu’elles sont des guerrières du camp d’Eris. Je ne vais pas me laisser berner par une gamine, lança Mii les hostilités, vous êtes ici sur le territoire d’Athéna ! » Mii lança son poing en direction d’Emony qui se servit de Mick comme bouclier. Shoko para l’onde de choc d’un coup porté à distance par Mania. Kyoko devança Até. _ « Je ne te laisserai pas t’en prendre à ma s½ur ! Surtout pas sur notre terre ! Equuleus Ryu Sei Ken ! » Até parut à l’aise face à ce nouvel assaut dont elle se moqua : « Je ne me ferai pas surprendre deux fois par la même attaque ! » Pendant qu’elle esquivait les météores, Até remarqua la Pomme d’Or être animée par la détermination de Kyoko. La Saintia profita de cette déconcentration pour charger davantage de coups débordant de plus en plus de cosmos. Até en perdit la pomme et fut repoussée.
A côté, Mania avait rejoint Shoko déstabilisée par l’onde de choc. Elle s’acharna au corps à corps. Heureusement pour elle, la Grecque mit à profit les nombreuses leçons de Rebecca ainsi que les remontrances de Mayura. Elle réussissait à bloquer chaque attaque. Plus sale et moins bien fagotée qu’elle, Shoko constata rapidement à quel point Mania veillait à ne pas réaliser le moindre geste pouvant être considéré comme grossier : « Elle fait bien trop attention à sa gestuelle alors que nous sommes en plein combat. Hormis le fait qu’elle soit mon reflet, elle n’a rien de ma personnalité. Elle ne peut donc pas prédire mes mouvements. Je dois contre-attaquer, décréta-t-elle ! »
En face, à coup de peluche telle une enfant gâtée à qui on refusait un caprice, Emony s’acharnait sur Mii : « Tu m’as attaqué ! Tu es vilaine, vilaine, vilaine… » Comprenant à chaque coup qu’il ne s’agissait pas d’un jouet ordinaire, Mii se recroquevilla derrière ses deux bras en attendant une ouverture. Lorsque Emony prit un nouvel élan, Mii se redressa pour asséner un coup de pied circulaire chargé de cosmo énergie : « Angel Splash ! » Emony fut balayée en laissant s’échouer au sol Mick.
Esquivant une droite en inclinant son visage sur le côté, Shoko désarçonna Mania en lui collant un coup de genou en plein abdomen. Mania recula de quelques pas et reprit aussitôt une pose gracieuse. Mais le temps qu’elle se préoccupa de son attitude, elle fut devancée par Shoko qui déclencha un crochet du gauche que Mania capta de sa main droite. Mania tenta de la frapper du tranchant de sa main gauche contre son épaule droite, mais Shoko anticipa en lui bloquant à son tour la main.
Emony, elle, se remettait au loin du coup reçu : « Méchante fille ! Tu as voulu montrer que tu étais l’élève la plus disciplinée de ton ordre en faisant l’étalage de ton apprentissage de combattante ! Mais ça ne marche pas avec moi ! » Dans le dos de Mii, Mick, resté à terre, prenait un air menaçant : « Nightmare Scheme, cria la Dryade ! » Jaillirent alors du sol une multitude de lobélies qui recouvrèrent le corps de Mii.
Devant, Kyoko remarqua les difficultés rencontrées par ses alliées. Néanmoins, du lierre jaillit de terre pour lui faire barrage, tandis que celui du mausolée fonçait sur elle sous forme de lances. Até était déjà remise : « Million Hatred ! »
En plein duel de force, mains contre mains, Shoko usa d’un geste qu’elle se doutait que Mania n’anticiperait pas, le qualifiant d’inconvenant. Elle écarta leurs bras pour rapprocher leurs deux corps tout en prenant un élan suffisant et lui infliger un coup de tête en plein nez. Repoussant Mania au loin dans une gerbe de sang.
Pendant ce temps, les fleurs se servirent du corps de Mii comme de la semence. Elles poussèrent jusqu’à lui faire perdre ses forces.
Shoko choisit d’aller la secourir mais Mania, le visage tuméfié, lui renvoie dans le dos un coup à distance.
Kyoko usait de mouvements longs et tranchants pour endiguer avec ses bras et ses jambes les innombrables assauts d’Até qui revenait vers elle d’un air menaçant. Elle voulut la repousser à nouveau mais le temps qu’elle charge ses météores, une lance végétale lui transperça la cuisse.
Distinguant la détresse de sa s½ur, Shoko l’imita spontanément en dégageant de son poing sa cosmo énergie comme si elle balançait le Ryu Sei Ken. Toutefois, elle ne fit pas de miracle. Un seul coup puissant partit pour frapper à son tour à longue portée Mania en pleine épaule et la renvoyer au tapis.
Até avançait vers Kyoko prisonnière de la lance figée dans sa jambe. Les autres lames de bois s’assouplir alors pour former de gros tentacules qui vinrent enserrer sa victime. Alors qu’elle était à sa merci, Até fut troublée : « Plus je prends le dessus sur cette Saintia, plus j’ai l’impression que mes forces me quittent. Comme si… » Elle examina la Pomme d’or qui scintillait : « Comme si le cosmos de Mère entravait mes mouvements… La protégerait-elle plutôt que moi… Serait-ce parce qu’elle est la s½ur de son réceptacle ? Non… Mère n’attache pas d’importance à ce genre de considération… » Tandis que Shoko arrivait en titubant à la rescousse de sa s½ur, Até la fit dégager d’un revers de tentacule : « Ne t’en fais pas, je viendrai éveiller Mère en toi quand j’en aurai fini avec elle ! »
Shoko rebondit à proximité de Mii sous la menace de tomber en léthargie. Déterminée, l’apprentie femme chevalier se remis aussitôt en position de combat : « Mii, s’inquiéta-t-elle alors ! Ce n’est pas que tu as toujours été gentille avec moi, commença-t-elle en frappant du pied l’ourson malveillant qui était sur son passage, mais je ne peux te laisser dans cet état ! » Profitant qu’Emony courrait récupérer sa peluche, Shoko prit Mii dans ses bras et amplifia sa cosmo énergie pour brûler les lobélies.
Até, elle, faisait étouffer Kyoko sous l’éteinte de ses liens : « C’est ridicule ! Mère te protégerait plus que moi ?! Parce que tu es la s½ur de son réceptacle ?! Et puis quoi encore ?! » Les tentacules levèrent du sol Kyoko dont l’expression d’angoisse exprimait parfaitement leur progression malsaine. Ils s’enroulaient lascivement autour de ses jambes et s’attardaient sur sa plaie à la cuisse pour lécher son sang tout comme Até laissait glisser la paume de sa main tout le long de son visage. Pendant que la Dryade passait sa langue de l’intérieur de sa main jusqu’au bout de son majeur, les tentacules remontaient le long des bras de Kyoko jusqu’à venir s’enrouler autour de sa Cloth à hauteur de sa poitrine. L’acidité du sang de sa cuisse les appela inexorablement à remonter chercher un goût plus suave. Alors qu’ils comprimaient sa cuisse pour remonter jusque sous sa robe, Até continuait de descendre sa main pour venir d’un mouvement circulaire inconscient happer sa poitrine qu’elle frottait jusqu’au bout de ses seins. Tandis qu’une fièvre la menaçait, partagée entre la perte de ses pouvoirs que lui infligeait la pomme et le désir charnel que les sévices sur Kyoko lui procuraient, Até fut repoussée par un violent coup à l’estomac. Aussitôt, le lierre s’embrasa d’une flamme bleutée. Pendant que les liens se replièrent sur eux pour lutter contre leur combustion, sortirent du foyer Kyoko et son sauveur qui la portait à bras. _ « Rigel, se blottit-elle contre lui en prononçant son nom… _ Kyoko, la fixa Rigel plein d’émotion, je suis là à présent… _ Je vais reprendre le combat, se remit-elle sur pied galvanisée par son sauveur. » Boitant, elle reprit sa garde, alors que lui n’arrivait pas à détacher ses yeux d’elle. Grand dans son armure argentée, il souriait, hébété, en l’admirant.
Derrière eux, Shoko remarqua que sa s½ur semblait partager quelque chose avec lui : « Les Saintias ne doivent-elles pas rester chaste, songea-t-elle… Pourtant, le regard qu’ils se sont échangés un bref instant paraissait bien passionné. » Elle n’eut pas le temps de cogiter davantage que Mania et Emony l’encerclaient déjà. Mii revenait difficilement à elle. _ « Laisse-moi la mettre hors de combat, implora Mania à Emony en se tenant l’épaule de douleur. _ Si tu y tiens, dit Emony en caressant Mick. _ T’es grave, déplora Shoko envers Mania, qu’est-ce que je t’ai fait pour t’intéresser autant ?! _ Tu n’as toujours pas compris, s’étonna Mania qui devenait à chaque phrase de plus en plus hystérique ? Tu es née pour être la réincarnation de Mère ! Notre mère nourricière ! Si belle ! Si attentionnée ! Si puissante ! C’est pour ça que j’ai éclos à ton image ! Je voulais tes traits ! Etre aussi belle que Sa Majesté Eris ! _ Tu nourris un véritable complexe d’¼dipe. C’est malsain, grimaça de moquerie Shoko ! »
A l’opposé, Até sentait ses forces lui revenir : « Depuis que cet homme est arrivé j’ai l’impression que la Pomme d’Or cesse de m’entraver. Très bien, je vais me débarrasser d’eux. Mania et Emony ont réussi à isoler le réceptacle de Mère. Elles l’auront affaibli d’ici là. » Rigel posa sa main sur l’épaule de Kyoko afin de lui passer devant : « Kyoko. Repose-toi. Moi Rigel Saint d’argent d’Orion, je vais me charger de cette Dryade. Ignis Fatuus ! » Curieuse de la complicité apparente entre eux deux, Até se laissa distraire par les flammes bleues et blanches projetées par le chevalier. La formidable chaleur dégagée l’empêcha de déployer toute sa puissance. Elle ne vit pas arriver par les airs Kyoko qui à bout portant déclencha son arcane : « Equuleus Ryu Sei Ken ! » Le corps d’Até martelée de météores, rebondit une centaine de fois au sol sans qu’elle ne puisse riposter.
Au même instant, Mania se jetait sur Shoko. C’est ce moment que Mii choisit pour se relever et contrer par surprise la progression de Mania : « Angel Splash ! » Shoko profita de la confusion pour attaquer plutôt Emony qui ne s’y attendait pas.
Les trois Dryades repoussées, Rigel se précipita pour soutenir Kyoko et rejoindre Shoko et Mii bras dessus bras dessous pour se maintenir debout. _ « Merci d’être venu à notre secours Rigel, posa sa main Kyoko sur le torse de son sauveur. _ Ah ! Oh ! Euh ! Vous vous… Vous êtes ensemble, pointa du doigt sa s½ur Shoko ! _ Ne dis pas de bêtises voyons, fronça les sourcils Kyoko gênée devant Mii. » Très procédurière, Mii fixait le couple avec suspicion et remarquait que Rigel fuyait les regards. Cependant, autre chose inquiétait la prêtresse. _ « C’est tout de même étrange que si proches des maisons du zodiaque, il n’y a que toi Rigel qui a ressenti les Dryades. _ A vrai dire, commença-t-il gêné, ce ne sont pas les Dryades que j’ai ressenties. Ce qui m’a interpellé, c’est le cosmos de Kyoko qui faiblissait à vue d’½il. _ Mais comment est-ce possible que personne ne détecte leurs cosmos étrangers, s’enquerra Mii ? _ C’est parce que nous ne sommes que des émanations de vos traits de personnalités, répondit une voix nouvelle. » L’auteur, une femme au corps couvert d’une longue cape, sortit de l’ombre du mausolée. Son regard inquiétant perçait à peine les mèches de ses cheveux châtain foncé qui passaient devant ses yeux. Dysnomie prit la parole. _ « Obstination, fixa-t-elle Shoko, désir charnel, poursuivit-elle en regardant Rigel, luxure, sourit-t-elle à Kyoko, secret, taquina-t-elle Mii, luxure, mensonge, tentation, déviance, écarta-t-elle les bras au ciel comme pour englober tout le Sanctuaire, nous représentons tout ça. Et vous êtes tout ça. Oui, toi aussi petite souris rongée par un amour inavoué enfoui sous ta rigide discipline, taquina-t-elle Mii. Pour entrer ici, notre cosmo énergie se tapit dans l’ombre des vôtres. De votre cosmos émane vos vertus mais aussi vos péchés. Dès lors, c’est un jeu d’enfant pour nous de nous faufiler ici. Le kekkai d’Athéna ne peut donc faire barrière contre vous autres et, en l’occurrence, contre nous autres qui sommes une partie de vos reflets. Je suis Dysnomie Dryade de l’Anarchie. Et je suis venue vous chercher Mère, inclina-t-elle sa tête vers Shoko. _ C’est ridicule, s’élança Kyoko contre elle ! » Mais Dysnomie parut plus alerte que ses soeurs et immobilisa sans peine grâce à sa télékinésie la Saintia qui perdait encore beaucoup de sang par sa cuisse. Rigel choisit de la secourir, mais il constata trop tard que ses membres étaient immobilisés par le lierre d’Até. Les trois premières Dryades étaient revenues à l’assaut. Mania rendait à Mii la monnaie de sa pièce d’un direct au foie. Shoko reculait pour prendre son élan face à Emony mais se sentit acculée : « Un mur ?! Le monument est loin derrière nous pourtant… » C’est alors que des mains se posèrent sur ses hanches et remontent langoureusement sous son maillot jusqu’à sa poitrine. _ « Que tu sens bon… Encore pure et pleine d’un si grand potentiel, susurra le roc dans son dos. » Elle fit volte-face et découvrit la première Dryade masculine qui lui fit la révérence : « Je suis Phonos Dryade du Meurtre ! » Il aurait pu lui paraître beau avec ses oreilles d’elfe, dans sa longue robe ébène couverte d’une cape blanche, si la façon dont il la dévorait du regard n’était pas si obscène. _ « Laissez-là, beuglait à l’envie Kyoko impuissante ! Partez ! Laissez ma s½ur ! » Até pouffait de rire devant la faiblesse de Kyoko. A la merci des Dryades, Shoko tournait sur elle-même, ne sachant à laquelle se vouer en premier. Até était la plus entreprenante de toutes. Elle avançait obstinément pomme tendue vers l’avant. Le fruit brillait de plus en plus, à mesure qu’il approchait son réceptacle. Il libérait un halo de lumière qui voguait jusqu’à lui. L’entourant. Pénétrant ses sens en s’infiltrant par ses narines. _ « Shoko ! Shoko ! Bats-toi ! Ne te laisse pas envoûter, hurlait son aînée ! » Alors, à chaque supplication, la Pomme d’Or resplendissait encore plus qu’elle ne s’illuminait pour Shoko. Até perdit son rictus moqueur, en comprenant l’influence que Kyoko avait sur l’artefact. Enivrée, Shoko n’avait plus la force de lutter malgré les exhortations de sa s½ur à ne pas lâcher prise. Kyoko était défigurée par la haine qu’elle éprouvait pour la menace qui guettait sa s½ur : « Vous me le paierez ! Je vous ferai subir mille tourments ! Athéna elle-même ne m’empêchera pas de vous mettre au supplice ! » Toute proche de Shoko, Até sentait l’intérêt paradoxal de la pomme pour chacune des s½urs. Le camp d’Athéna était suspendu aux lèvres de la méconnaissable Saintia. Mii était choquée par Kyoko, son modèle. Rigel n’avait jamais perçu cette facette de sa personnalité. Kyoko bavait de rage, les lèvres retroussées. Les sujets d’Eris frémissaient d’impatience. Mania dévorait des yeux son sosie. Emony étranglait d'empressement Mick. Phonos passait sa langue de façon concupiscente sur sa lèvre supérieure. Dysnomie fronçait les sourcils, en ressentant le même malaise qu’Até.
C’est alors que l’échéance fut imminente, que soudain, un cristal de glace vint écorcher le revers de la main d’Até, faisant tomber la pomme. Dysnomie fut attaquée par une vague de froid, l’obligeant à cesser sa restriction sur Kyoko. Rigel profita de l’attention relâchée d’Até pour brûler de ses flammes bleues ses liens. Et Mii tournoyant sur elle-même, profita qu’elles soient côte à côte pour frapper à revers Mania et Emony d’un coup de pied circulaire encore plus puissant que son précédent arcane : « Angel Blow Splash ! » Katya, à peine remise du meurtre de Klaus, apparut enfin à leur rescousse. Couverte de sa Cloth, elle poursuivit son offensive sur Dysnomie : « Jewelic Tears ! » Des cristaux de glace menacèrent la Dryade qui, une fois l’effet de surprise passé, se contenta d’un revers des longues manches de sa tunique pour balayer le froid. Cependant elle ne vit pas Kyoko arriver de l’autre côté et fut martelée par une pluie de météores : « Equuleus Ryu Sei Ken ! » Pendant que Mii allait au chevet de Shoko, Kyoko se réjouissait de l’arrivée de sa camarade. _ « Katya ! Dis-moi que c’est le Grand Pope qui nous envoie les secours ?! _ Hélas non. C’est parce que je me rendais à Honkios que j’ai découvert ce qui se trame ici. _ Espérons alors que d’autres Saints usent de la montée des douze maisons, car nul ne peut ressentir le cosmos de ces Dryades ! »
Rigel, lui, entamait un corps à corps avec la si peu vêtue Até. Galvanisée par l’éclat d’Eris à travers sa pomme, Até entamait à chaque coup la Cloth d’argent. Malgré qu’il parût le plus acharné, faisant reculer à chaque tentative Até, Rigel brassait du vent. Até esquivait chaque assaut et lui rendait au double en touchant sa cible.
_ « Et Rigel, demanda l’air complice Katya à Kyoko ? _ Il m’a senti en danger. Tu sais ce que c’est après tout d’avoir un ange gardien qui veille sur toi, fit allusion en retour Kyoko à Saga. » Katya sourit chaleureusement et repartit au combat après que Dysnomie se soit relevée : « Si seulement Saga pouvait encore m’apparaître, espéra-t-elle ! »
Souhaitant être seul avec Shoko, Phonos s’en prit à Mii avant qu’elle n’atteigne son amie en la heurtant aux côtes : « Despaired Bite ! » Par une multitude de coups d’ongles, Phonos repoussa de son cosmos Mii contre le flanc de la montagne qui supporte les marches vers les temples des chevaliers d’or.
Refusant de laisser les siens se battre sans elle, Shoko empêcha que Mania se jette à la poursuite de Mii. A distance, elle entama une bataille de coups à longue portée avec Mania. Toutefois, si elle gérait Mania du mieux qu’elle pouvait, elle ne put empêcher Emony de rendre à Mii la monnaie de sa pièce.
Mii ne pouvait plus reposer pied à terre, tandis qu’Emony déclenchait à chaque fois son arcane : « Innocent Glamness ! » Des centaines de pétales de lobélies, semblables à des papillons menaçants, venaient la heurter, égratigner sa peau, déchirer sa robe, ronger sa chair. Mii était chaque fois balancée contre la roche, avant d’être attaquée à nouveau.
De son côté, Rigel commençait à payer le prix des contre-attaques qu’il encaissait. De sous son diadème ébréché, du sang s’écoulait de ses plaies crâniennes. Ses pommettes fendues lui gonflaient les joues. Até se voyait victorieuse. Pourtant, Rigel gardait le sourire. Até comprit trop tard qu’elle était prisonnière d’un brasier. _ « Impossible ! En réalité je n’esquivais pas tes coups. Tu frappais tout autour de nous pour nous entourer de flammes. _ Tu as vu juste. Et maintenant prisonnière de mes flammes, tu vas subir de plein fouet mon Feu Follet Dansant : Ignus Fatuus Saltare ! » Tel un maelström, le feu bleu et blanc monta haut dans le ciel pour former un dôme qui retomba lourdement sur les deux adversaires, les emprisonnant dans le foyer.
_ « Rigel, s’époumona Kyoko pourtant en plein combat ! _ Tu ferais mieux de t’inquiéter pour toi ! Tes sentiments interdits vont mettre en péril ton alliance avec ton amie, la prévint Dysnomie ! » En effet, alors que leurs attaques coordonnées empêchaient la Dryade de riposter, Dysnomie profita de la déconcentration de Kyoko pour répliquer contre Katya qui n’était plus couverte. Après avoir évité un direct de Katya au visage, Dysnomie posa sa main contre le poitrail de la Couronne Boréale. Elle matérialisa une boule de cosmos qui repoussa la Saintia. La déflagration fut si puissante que Katya inconsciente embarqua dans l’élan Kyoko désarçonnée. Elles atterrirent contre le flanc de montagne où Mii peinait à faire face.
Plus loin, se cachant tour à tour de stèles en stèles, n’en sortant uniquement que lorsqu’elles portaient un impact chaque fois plus puissant, Shoko et Mania poursuivait leur bataille à longue distance. Chacune parvenait à faire mouche au regard de leurs tenues déchirées, sans toutefois réussir à prendre l’avantage.
A peine Katya et Kyoko heurtèrent le rocher, que Dysnomie, à leur poursuite, ne leur laissa pas de répit. Elle saisit par la jambe Katya inconsciente et se servit de son corps telle une masse pour frapper à trois reprises contre Kyoko. Le choc de leurs corps fit crisser leurs Cloths et les ébrécha par endroit.
Inquiète devant la punition infligée à sa s½ur, Shoko se découvrit inconsciemment. Donnant l’opportunité à Mania de parfaitement viser sa cible. Cependant, revigorée par le devoir de secourir Kyoko, l’Athénienne joignit toutes ses forces dans un coup qui écrasa celui de Mania au moment de leur impact. Ce coup ressemblait bien plus à un météore que tous ceux portés jusqu’à présent. Mania fut heurtée en plein estomac et repoussée sur plusieurs mètres, inconsciente.
En même temps, Rigel sortit du foyer immense. Le feu consumait suffisamment de cosmos pour devenir visible à quelques kilomètres de là au sein du Sanctuaire. Victorieux à première vue d’Até, sa première pensée fut pour sa bien-aimée inconsciente un peu plus loin. Il s’élança contre Dysnomie et Emony.
Décidée à faire front contre elles aussi, Shoko en oublia Phonos qui réapparut à nouveau dans son dos. Elle effectua un coup de pied retourné pour s’en débarrasser, mais son mouvement fut entravé par des fils de soies. _ « Paralyze Silk. Tu es prisonnière de ma toile, ricana Phonos. »
Simultanément, du lierre traversa sous forme de lances les tombes et faucha en plein élan les cuisses, le poitrail et les bras de Rigel, manquant de justesse de l’éborgner. _ « Non… Até… Tu as survécu, déplora Rigel à bout de forces. »
D’un éclat de rire sadique, Phonos se mit à glisser ses doigts à travers les cheveux de Shoko : « Un corps innocent, pur… Personne ne l’a encore parcouru n’est-ce pas ? Je me délecte d’avance de savoir ce qu’en fera Mère… » Amusée aussi, Até approchait avec la pomme. Emony et Dysnomie laissèrent choir leurs adversaires. Mania ouvrait grands les yeux pour savourer cet instant qu’elle attendait tant. Kyoko revenait progressivement à elle. Rigel, suspendu au dessus du sol par les piques tranchant d’Até, préférait fermer les yeux, couvert de honte par sa défaite. Mii presque dénudée et couverte d’hématomes, rampait jusqu’à Katya en espérant la ramener à elle. A la merci de la Pomme d’Or, Shoko fermait les yeux : « Kyoko… Grande s½ur… Parviendras-tu à me sauver cette fois encore comme dans mes cauchemars ? Ou bien… Comme pour Rigel et toi, existe-t-il un héros, un ange gardien capable de veiller sur moi ? »
Kyoko, l’armure ébréchée, ne parvenait pas se ressaisir. Elle regardait Rigel étripé par les lianes arbustives se vider de son sang, avant de constater avec davantage d’effroi qu’elle ne pouvait pas sauver sa s½ur cette fois.
Shoko l’avait compris. Epuisée, elle ferma les yeux. S’en voulant d’avoir causé tant de tort à sa s½ur : « Grande s½ur… Je t’ai été bien pénible… J’aurai tant espéré d’autres retrouvailles… Mais tu as fait ta vie… Tes choix… Trouvé ton bonheur à travers ton rang et ton amour pour cet homme… Moi j’ai été négligente… J’ai échoué à te rendre fière… Et voici qu’on m’annonce être le réceptacle d’une ennemie d’Athéna… Rigel t’aime et te sauve. A deux, vous vous battrez pour Athéna… Mais moi, demain, avec qui me battrai-je ? Qui risquera sa vie pour moi ? »
La réponse vint à Shoko par un éclat aussi éblouissant que le soleil.
La lumière passa à travers ses paupières. Son corps, soudain libéré de la soie, retomba lourdement. Mais il ne chuta pas au sol. Il était maintenu dans les airs par une poigne solide, qu’elle sentait sous le pli de ses genoux et derrière son dos. _ « Cet homme…Non ce n’est pas un rêve… Un homme en or… Sa prise est si dure… Son armure est si solide… Et sa peau… Elle sent si bon le soleil, tout comme ma peau, contempla-t-elle. _ Tu vas bien, lui demanda sans ménagement son héros aux longs cheveux bleus ? _ Un Saint d’or, pesta pour sa part Phonos. _ Milo du Scorpion, s’annonça le chevalier, je suis venu chasser l’araignée que tu es du Sanctuaire. Scarlet Needle ! » Tout en gardant Shoko dans le creux de son bras gauche, il décocha de son ongle allongé cinq piqûres. Chacune frappa chaque Dryade. Toutes plièrent genou à terre, les yeux déchirés par la douleur.
_ « Non… Toutes n’ont pas été atteintes, constata Milo en voyant que Dysnomie n’était plus là ! » D’un saut acrobatique, la Dryade de l’Anarchie surplombait le Scorpion. Par réflexe, la faisant tournoyer sur elle-même en la libérant de son bras gauche, Milo écarta Shoko du danger. Accumulant sa cosmo énergie dans son index droit, il forma une concentration de cosmos pour contrer l’immense sphère de cosmo énergie emmagasinée par Dysnomie qui le menaçait à bout portant. Dans la foulée, Phonos revint à la charge. _ « Desperate Bite, attaqua à revers Phonos pour faire pencher la balance ! _ Tu es trop lent, Scarlet Needle ! » Milo répondit avec son index gauche, avant de ramener à lui Shoko qui valsait au gré de ses bras. Pris entre deux feux, Milo garda l’avantage devant une Shoko ébahie : « Incroyable ! Je ne l’ai même pas vu bouger ! Il m’a évité de subir chaque attaque tout en contre-attaquant avant de me ramener contre lui ! Cet homme est à des années lumières de moi ! » Milo ne relâcha pas sa garde pour autant, devinant qu’Até attaquait aussi. _ « Million Hatred ! » Alerte, de son aiguillon, il désintégra tous les tentacules qu’elle lui lança de face. Enfin, d’un bon acrobatique, il anticipa les lances venues du sol en s’élevant avec Shoko qui chercha refuge contre son buste. Il riposta de son Aiguille Ecarlate mais au moment de l’impact, Até vola en échardes. _ « Un leurre ! Elle a donné à ses lianes son apparence ! Mais alors… » Avant même qu’il ne puisse retoucher le sol, il comprit trop tard. De tout le cimetière, renversant les tombes, arrachant les stèles, jaillirent des milliers de javelots de lierre. Elles contraignirent Milo à renvoyer au sol, plus loin Shoko, puis à réaliser un effort de concentration extrême pour lutter contre les obstacles.
Sur ces entrefaites, Até arriva nez à nez avec Shoko alors que Phonos, malgré la douleur des piqûres, la bloqua à nouveau dans sa toile une fois qu’elle fut renvoyée à terre. Immobilisé par l’effet du Scarlet Needle, mis au supplice, il arborait quand même de ses longues dents, le plaisir de voir la pomme être fermement tendue par la main ouverte d’Até contre le creux de la frêle poitrine de la Grecque au maillot craquelé.
Revenue à elle grâce à l’instinct de survie pour sa s½ur, devinant le danger, Kyoko surprit Emony et Mania en se jetant à la poursuite d’Até à la vitesse du son.
Voyant Shoko à la merci des Dryades, Milo choisit alors de recroqueviller ses membres contre lui avant de les relâcher en faisant irradier tout son cosmos, consumant une grande partie de ses forces mais aussi et surtout les pilums végétaux. Les rayons solaires de la cosmo énergie de Milo éblouirent Shoko qui, abattue, levait une ultime fois les yeux au ciel en tant qu’Athénienne pour admirer une dernière fois son éphémère messie. Kyoko arriverait trop tard, mais Milo savait qu’à la vitesse de la lumière il pouvait encore contrer Até. Néanmoins, Dysnomie le menaça à nouveau. A mesure que la Pomme d’Or irradiait, les Dryades gagnaient en force.
Dans la main d’Até, la pomme resplendissait tandis qu’un serpent ailé s’en échappa. Il encercla Shoko pour la soumettre à son attraction.
Milo repoussa Dysnomie en la devançant grâce à dix piqûres.
Rigel, impuissant, les yeux gondolés de larmes devant l’acte héroïque de Kyoko, regarda la Saintia traverser tout le champ de bataille en s’égosillant du nom de sa s½ur.
Milo, vainqueur, de Dysnomie, fondit depuis les airs en direction d’Até.
Shoko étant maintenant prisonnière de la Pomme d’or et non plus de sa toile, Phonos chargea Milo pour dévier sa course…
Le serpent ailé n’était autre qu’Eris Il fixa avec appétit Shoko. Il fonça. Sorti de la pomme tendue entre les seins de Shoko, le serpent se précipita en direction de la poitrine de… _ « Kyoko, cria d’angoisse Rigel en crachant du sang ! »
Shoko fut sans voix. Encore étouffée par le serpent, ce dernier s’était détourné d’elle. Il était passé par-dessus l’épaule d’Até. A son sourire la Dryade avait compris les intentions d’Eris. Le serpent avait transpercé le thorax de Kyoko qui arrivait dans le dos d’Até.
Tous, hormis Até, demeurèrent interdits.
A terre, Milo dégagea d’un revers de bras le glorieux Phonos qui roula au sol avec l’air ahuris, satisfait de la renaissance d’Eris.
Le serpent se desserra de Shoko, pour mieux pénétrer de tout son être le buste de Kyoko.
Aussitôt, d’un pas lent, les bras tremblants tendus vers elle, Shoko progressa en direction de sa s½ur sans se soucier d’Até à côté de qui elle passa sans même la remarquer. _ « Grand… Grande s½ur ? » Alors qu’Eris s’insinuait progressivement en elle, Kyoko garda une mine satisfaite à l’endroit de sa cadette. Malgré le sang qui fuyait le coin de ses lèvres, elle lui souriait de tout son amour. _ « Je suis heureuse d’être arrivée à temps… Heureuse que cette âme maléfique ait choisi mon âme souillée, plutôt qu’elle ne soit venue pervertir ton innocence… _ Que racontes-tu ? _ Il se passe bien des choses au Sanctuaire… Et le monde entier est plus noir qu’on ne le croit… Malgré tout le mal que j’ai couvert… En te voyant ici saine et sauve… Je me dis qu’avant de devenir totalement corrompue, j’aurai pu faire le bien… » Difficilement, la main rougie par le sang qui s’est écoulé de ses plaies, Kyoko passa sous le col de sa Cloth et en extirpa le même médaillon que sa s½ur à l’effigie de Pégase. _ « N’aie pas peur… Tout ira bien… N’oublie pas la légende que je te racontais quand nous étions petites… _ Pégase… Qui accompagne Athéna dans chaque victoire… _ Oui… Pégase apparaîtra un jour en ce Sanctuaire. Il le nettoiera du mal et viendra à bout de la déesse maléfique que je serai devenue. Ce jour là, bats-toi à ses côtés et terrasse le mal que je n’ai pas eu la volonté de repousser de mon c½ur. »
Le serpent finit d’investir totalement le corps de Kyoko. Seules ses ailes demeurèrent et commencèrent à battre pour repousser Shoko. Elles élevèrent Kyoko dans les airs pendant qu’Até commenta : « L’étoile sous laquelle les s½urs sont nées est double. Eris a choisi cette étoile. En l’occurrence, l’une comme l’autre, vous étiez prédisposée à devenir Eris. Si Mère aime se réincarner dans un corps pur, elle a préféré l’âme souillée et torturée de ta s½ur. »
La cadette tomba à genou pendant que sa s½ur s’élevait en position f½tal. Les yeux rivés au sol, de désespoir, Shoko contrastait avec la mine euphorique d’Até, qui relâchait enfin Rigel de sa prison de lances.
Le ciel s’assombrit. Les ailes enroulèrent la Saintia.
Le Sanctuaire réalisa enfin qu’un malaise planait.
Phonos sentait la restriction du Scarlet Needle s’évanouir.
Les autres Saints d’or présents au Sanctuaire sortirent sur le parvis de leur maison.
Emony serrait fort contre elle Mick. Katya revint à elle et réalisa sans tarder l’ampleur des dégâts, en voyant la mine déconfite de Mii. Dysnomie reculait pour mieux apprécier le spectacle. Rigel incapable du moindre geste gisait dans son sang, ses larmes se mêlant à l’hémoglobine qui inondait le sol. Une sphère pourpre émana de Kyoko…
Le Grand Pope prenait appui sur son balcon, devinant le nouveau danger. La sphère de Kyoko implosa. Elle souffla le Sanctuaire tout entier. Clouant les plus proches au sol. Irritant les pupilles des spectateurs au loin…
A l’exception des Dryades qui furent les premières à admirer la renaissance de leur déesse.
Shoko recouvrit ses émotions en entendant le bruit suspect de cliquetis métalliques. Elle habitua ses yeux à l’éclat aveuglant et reconnut, morceau par morceau, la Cloth du Petit Cheval retomber à l’endroit même d’où s’était élevée Kyoko. Enfin, un dernier bruit plus léger acheva les chocs de métaux. Le pendentif de Pégase quittait en dernier la Saintia.
Par le biais de son cosmos, Kyoko appela sa s½ur : « Shoko ?! » Shoko sentit sa cosmo énergie happée dans un champ de fleur. _ « Tout est terminé Shoko. Suis-moi, l’intima Kyoko dans ce jardin sans fin. _ Kyoko… Pourquoi… Pourquoi te suivrai-je ? » L’aînée était dans le plus simple appareil, le corps marqué de symboles pourpres. _ « Parce que la Terre va bientôt être détruite. Les hommes sont avides et ne respectent aucune valeur. Athéna n’a jamais su empêcher le monde de sombrer. Pire, depuis les temps anciens, leurs ambitions démesurées ont massacré des civilisations. Ainsi, la Terre basculera dans un conflit global et finira réduite en cendres. Tu finirais épuisée de désespoir à défendre ce monde qui n’en vaut pas la peine. Alors que désormais, nous pouvons vivre dans mon royaume, un paradis où tu n’auras plus de compte à rendre à personne. La ponctualité. Le travail. La faim… Plus rien de tout ça ne te concernera… Ne nous concernera… »
En dehors de l’illusion créée par Eris, Rigel entendait les paroles de sa bien-aimée et réalisait avec amertume que ses projets ne le concernaient pas.
Shoko, elle, se relevait, l’½il triste. _ « Shoko, poursuivit Eris, tu as toujours couru de toutes tes forces derrière moi pour me rattraper. Aujourd’hui je te donne une unique chance de pouvoir être à mes côtés. Aucun autre monde que le mien ne l’aurait permis. _ Ce n’est pas ce que ma s½ur voudrait, balbutia-t-elle timidement. _ C’est l’image que tu as de ta s½ur. Pourtant c’est bien elle qui te parle. Assouvir ses désirs… Kyoko savait bien avant de devenir Eris qu’il n’y a pas plus grand bonheur que ça… »
Ces paroles firent réaliser à Rigel l’impact de leur amour sur l’âme d’une Saintia.
L’ensemble des Dryades approchait Shoko dont les poings se serraient à s’en briser les os. Du sang en jaillissait et ses dents serrées auraient pu rompre sa mâchoire.
_ « Ma s½ur que j’avais enfin retrouvée… Elle à qui je voulais tant ressembler… Les années l’ont-elles fait changer à ce point ? _ Je suis devenue femme. Et comme en chaque mortel, le vice me guettait. Une voie sage est un chemin long et difficile à tenir. Le chagrin et la souffrance, d’une vie de dévotion sans reconnaissance, peut facilement nous écarter du droit chemin… _ Que veux-tu dire ? _ Je vais te dire un secret, dit la déesse nue qui descendit jusqu’à sa s½ur maintenant encerclée des Dryades. Athéna, susurra-t-elle à son oreille, n’est pas au Sanctuaire. Toute l’éducation chaste reçue ici depuis douze ans ne repose que sur des mensonges. » Terrassée par de tels propos, Shoko demeurait interdite.
Au loin, ignorant la teneur de l’échange, Milo redoutait de voir l’apprentie Saint être ainsi encerclée. _ « Cela suffit, décréta-t-il ! C’est maintenant ou jamais ! Je vais nous débarrasser une bonne fois pour toute d’Eris ! Scarlet Needle Antarès ! » Depuis les airs, la déesse dévêtue vit fondre sur elle quinze Aiguilles Ecarlates dont l’une, destinée à son c½ur, était plus rouge encore que les autres. Faisant apparaître dans sa main une lance à quatre branches, Eris dressa aussitôt un bouclier. Néanmoins, si elle a su réagir à la vitesse de la lumière, elle n’anticipa pas le mouvement du Saint d’or qui apparut au milieu des Dryades pour enrouler dans sa cape filée par les combats Shoko : « Restriction, cria-t-il en attaquant les Dryades ! » Il tourna ensuite le dos à Eris, qui pointait déjà sa lance dans sa direction, afin de servir de bouclier à Shoko. La concentration de cosmo énergie qui émana de la lance les repoussa jusqu’au flanc de la montagne où, encore une fois, Milo fit une rotation sur lui-même pour épargner Shoko du choc contre la pierre. La Cloth d’or ébréchée au dos, la cape arrachée, Milo retomba à genoux, refusant de s’avouer vaincu. Il déposa devant lui sa pantoise compatriote, totalement dépassée par les évènements.
Devant eux, Eris accusait le coup. Elle retomba à terre. Son front perlant d’une sueur intense, qui descendait jusqu’au creux de sa poitrine nue. Affaiblies par la Restriction du Scorpion, les Dryades voulurent immédiatement sécuriser leur déesse. Dysnomie se mit alors en première ligne pour éviter une confrontation qui serait fatale, tandis qu’Até vint à son chevet : « Vous venez à peine de recouvrer votre conscience. Faire ainsi l’étalage de votre puissance dans ce corps nouveau était bien trop dangereux. Il nous faut retourner dans votre temple. Il doit vous rester suffisamment de force pour le faire ressurgir des entrailles du Sanctuaire. »
Aussitôt, tout à l’Ouest du cimetière, sur le versant de la montagne où s’érigent les douze maisons du zodiaque, la roche se fissura. Les craquelures du sol du cimetière libérèrent des faisceaux pourpres qui accentuèrent la déchirure du parterre. Le Sanctuaire tout entier trembla.
Les secousses sismiques furent ressenties par-delà le domaine sacré. Travaillant les plaques tectoniques. Provoquant des remous de la Mer Ionienne à la Mer Egée en passant par la Mer Méditerranéen et la Mer de Crète. Submergeant les côtes frontalières d’Athènes… Shoko reprenait difficilement ses appuis, tandis que ses alliés assistaient à terre impuissants à la renaissance du temple d’Eris. Morceau par morceau, le plateau aux stèles millénaires pour certaines se dérobait dans le vide insondable, formant peu à peu un gouffre arrondi duquel sortit, poussé par ses racines qui puisaient leurs forces dans les entrailles de la Terre, un arbre. Aux épaisses branches de bois sec, arborant à son sommet un toit feuillu, presque cotonneux, sur plusieurs kilomètres de diamètre, l’arbre engouffré jusqu’alors gardait en ses racines un temple. Les racines prenaient par le dessous la crépis, cette plateforme à degrés qui servait de soubassement en marbre et carreaux de pierre taillés, pour en sortir la paroisse toute entière. Les colonnes fièrement dressées maintenaient le plafond parcouru, telles des veines, par les racines qui léchaient l’épistyle. Extirpé des entrailles du cimetière, le temple s’élevait par-dessus le Sanctuaire. Porté par son nuage de feuilles, comme un ballon dirigeable, l’arbre hissait haut le temple, par-delà même les nuages, pour sortir du kekkai d’Athéna.
Spectatrices averties de la renaissance de leur temple, les Dryades se laissaient envelopper par les ailes d’Eris dont le plumage devenait plus long et imposant. _ « En effet Até. Il est temps pour nous, mes enfants, de retrouver notre foyer. _ L’Utérus, s’émerveilla Até. _ Allons Mania, partons ! »
Eris invita la dernière Dryade à ne pas s’être regroupée. La susnommée avait pris la place de Dysnomie. Elle faisait front à Shoko, la seule Athénienne encore debout. _ « J’arrive Mère. Laissez-moi juste achever cette erreur. Ce réceptacle n’a plus lieu d’être. Vous n’avez plus besoin qu’elle empoisonne l’âme de Kyoko. _ C’est déjà le cas Mania. Kyoko présentait une âme corrompue, facile à assimiler pour me permettre de m’exprimer pleinement. Mais je comprends que quelqu’un portant les mêmes traits que toi puisses te rebuter. J’ai brisé le c½ur de ce petit oisillon, en lui montrant la vraie nature de sa s½ur. J’ai brisé sa foi par ma révélation sur l’état du Sanctuaire et l’incapacité d’Athéna à pouvoir intervenir. Je te laisse briser son corps pour qu’il ne subsiste que toi et me donner parfois un sentiment de nostalgie si cher aux humains, lorsque je te regarderai Mania de la Folie. » Aussitôt, la Dryade fut prise d’une passion débordante. Ses yeux grands ouverts fixaient d’une détermination psychotique le dernier rempart à la reconnaissance de sa mère. Face à elle, les bras de Shoko en tombaient. Sa s½ur était donc comme cela. A cet instant elle comprit, Eris exacerbait la part d’ombre de Kyoko. Comme elle qui ressentait de la colère, du chagrin, en cet instant, Kyoko avait une part d’ombre. Mais aussi de lumière. C’est cette lumière qui a fait d’elle une Saintia en dépit des révélations qu’elle a pu lui faire. Si la Cloth l’avait reconnu, c’est qu’il y avait une certaine justice dans ces actes. Elle tourna sa tête de droite à gauche. Rigel gisait dans son sang. Mii ramenait doucement à elle Katya. Dans son dos, Milo reprenait appui pour faire obstacle à nouveau. _ « Non… Non, ce n’est pas à lui de se sacrifier pour ma s½ur. Si sa part d’ombre était plus forte que sa lumière au point qu’Eris la domine complètement plutôt que moi, c’est que ma part de lumière est bien plus forte. Mon corps n’est pas brisé, il bouge encore. Mon c½ur n’est pas brisé, j’ai foi envers les actes héroïques de tous ceux qui ont lutté à mes côtés aujourd’hui. Ma foi… Oui ma foi n’en est que plus revigorée. Si ma s½ur n’a pas su être une Saintia jusqu’au bout, alors, parce que j’ai toujours voulu la rendre fière, je serai une bien meilleure Saintia qu’elle ! » Tandis que Mania, revigorée par le cosmos d’Eris, faisait pousser au bout de ses doigts de longs ongles tranchants, elle ne remarqua pas devant elle les restes de l’armure du Petit Cheval s’agiter. Elle s’élança contre Shoko qui prit elle aussi une puissante impulsion. Alors même qu’elle partit en premier, Mania se vit dépasser par plusieurs étoiles venues au contact de Shoko. Ces fusées vinrent se plaquer contre son corps, morceau après morceau, pour la barder en pleine course de la Cloth du Petit Cheval. _ « Le cosmos de Kyoko enveloppe tout mon corps ! Pas de doute ! Ce cosmos chaleureux est celui avec lequel elle me protégeait dans mes rêves ! _ Par quel miracle, s’exclama Mania désormais au coude à coude ?! _ Peu importe qu’Eris dise vrai. Si Kyoko est comme tout homme, partagée entre l’ombre et la lumière, alors sa lumière, à travers sa Cloth, me montre le chemin à suivre : Equuleus Ryu Sei Ken ! » A bout portant, Shoko terrassa Mania, dont le corps fut déchiré à chaque impact de météore. Elle retomba la tête la première au sol, inerte. Les lambeaux de chair qui subsistaient se mirent à faner aussitôt tel des fleurs mortes ensuite balayées par le vent. Spectatrice depuis les airs, Eris n’éprouva aucune tristesse par rapport à la mort de Mania. Pas plus que les autres Dryades.
_ « Je vois, il restait au fond de l’armure la dernière bonne pensée résiduelle de Kyoko avant que je ne m’éveille. C’était mon dernier éclat lumineux. _ Qu’importe. Cet éclat m’a montré le chemin à suivre, rétorque Shoko. Même s’il est difficile. Même s’il est douteux. Même s’il restreint nos libertés d’actes et de pensées. Ce chemin est celui d’hommes et de femmes courageux qui n’ont pas peur de mettre leurs vies en danger pour sauver celles de millions d’autres. C’est celui des Saints ! _ Alors, tend Eris sa lance vers Shoko, meurt comme eux ! » Une vague d’énergie dont la circonférence englobait toute la surface du cimetière partit de l’arme. L’ampleur du cosmos et sa pression laissèrent Shoko bouche bée. Elles lui paralysèrent les membres. _ « Alors Kyoko, ton choix est fait. Tu es et resteras Eris. Je vais encore me retrouver toute seule ? Tu ne viendras donc vraiment plus à mon secours, déplorait-elle devant la mort. _ Je suis là moi, assura alors Milo passablement étourdi. » Arrivé à sa hauteur, Milo embrasa son cosmos, paume tendue vers le ciel, prêt à accueillir l’ensemble des forces d’Eris.
PARTIE 1/2 La suite, dans le post qui suit.
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« le: 2 Mai 2021 à 15h28 »
Chapitre 72
En Argentine, à Buenos Aires, éloigné des décibels, accoudé au comptoir, Tromos tourne le dos aux fêtards de plus en plus déchaînés. Grognon, le Berserker de la Terreur, habituellement doux et attentionné, demande sèchement au barman : « Remettez-moi un cocktail du diable. Quadruple dose s’il vous plaît. » En balançant plus de billets qu’il n’en faut, le régional de l’étape stupéfait le serveur. L’employé ramasse ainsi une quinzaine de verre vide devant son généreux client : « Vous êtes épatant. C’est notre boisson la plus chargée. D’habitude, deux suffisent à mettre dans un état second. » D’un rire gras, Tromos se vante. Malgré ses piètres talents d’acteur, lui qui d’ordinaire est très humble, réussit à affirmer : « Petit gars, t’as pas à faire à n’importe qui. T’as pas vu la masse devant toi ?! » Avec plaisir, l’homme ramasse l’argent et se contente d’un : « J’avoue ! » Tromos bluffe jusqu’au bout. Il sort une liasse de billet, qu’il lui tend discrètement : « J’en boirai des tonneaux moi. Pas des saloperies de jus d’orange que tu mets dedans, mais juste de l’alcool que tu te sers. D’ailleurs, si tu peux me sortir quelques litres supplémentaires… » Jusqu’ici fréquentable, le salarié présente une mine bien plus sournoise en s’emparant avidement de l’argent : « T’en as encore du fric ? » Tromos se contente de hocher positivement la tête en faisant une mine blasée. Ce à quoi l’intéressé réagit : « Si c’est une bonne défonce que tu cherches, à ce prix-là j’ai mieux à te proposer. Suis-moi. » Il claque des doigts pour faire venir un autre collègue. Ainsi, il guide, en pressant le pas, son client vers une porte derrière lui…
En Grèce, depuis la terrasse d’un café où ils sont attablés, Kyoko et Mars fixent l’énorme monolithe de marbre gris bleu, veiné de rouge, qu’est l’Aréopage que visitent les touristes. Ceux-ci, bien loin de se douter que la colline abrite encore le sanctuaire d’Arès, ignorent jusqu’à la présence des deux réincarnations au milieu d’eux. _ « Tu as de quoi payer, questionne Arès ? _ Nous n’en aurons pas besoin, suggère Eris. Tu vois la table au bout de la terrasse ? _ Celle avec le jeune couple ? _ Celui-là même. D’ici la fin de notre entrevue, la discorde permettra de nous éclipser, sans qu’on nous remarque. _ Cela m’arrange. Faire tout exploser à proximité de mon temple aurait pu mettre la puce à l’oreille du Sanctuaire. D'autant plus qu’ils me croient inactifs pour le moment. Mais dis-moi, quelle discorde les opposera ? _ Lorsque je me suis éveillée il y a trois ans, j’ai semé des graines de la discorde partout sur Terre. Désormais, je peux lire dans le c½ur des gens infectés. Je lis dans le c½ur de la jeune femme, qu’elle voit un autre homme que celui qui lui fait face. Par le biais de mon cosmos et de la graine prête à germer, il me suffira d’accentuer son aversion pour ce dernier, tandis que j’utiliserai chez lui la jalousie en son c½ur. L’un ou l’autre finira bien par sombrer dans la folie et t’offrira un bain de sang. _ Comme j’ai hâte de retrouver la surface quand tu présentes ainsi les choses. Hélas, nous avons peu de temps, avant que Vasiliás et Tromos ne reviennent d’Argentine et remarquent mon absence. Raconte-moi donc depuis ton retour sur Terre quel plan tu as fomenté. _ Oui… Tout s’est passé l’année 1984… »
Flashback Une atmosphère lugubre planait dans une des nombreuses maisons de pierre où résident les villageois du Sanctuaire. Un linge épais servant de rideau atténuait les rayons du soleil passant par la lucarne laissée à même la pierre cimentée. Cependant il ne tempérait en rien l’ardeur de l’été grec. Dès lors, dans la chambrette, la moiteur dérangeait davantage le sommeil perturbé d’une jeune femme aux cheveux magenta. Celle-ci tournait dans ses draps mouillés de sueur sans réussir à s’extirper du cauchemar dans lequel elle était plongée.
Elle s’y voyait petite, fragile. Tourmentée par une vieille femme qui l’approchait dans la forêt. Cela n’avait rien d’anormal en apparence. Le bois était semblable à ceux qu’on rencontre çà et là dans le domaine sacré. La verdure y était luxuriante et souvent traversée d’un cours d’eau. La vieille dame non plus n’était pas étrangère à l’ensemble des personnes âgées qui vivent ici. Le dos courbé. Souvent encapuchonnée. Ce qui était troublant par contre, c’était l’insistance que celle-ci avait de venir mettre sous le nez de Shoko une pomme dorée. Partout où Shoko s’éloignait, l’ancêtre la poursuivait jusqu’à faire preuve de harcèlement. Par-delà le fruit atypique, ce qui paraissait étrange, c’était le visage marqué de la vieille. Il n’avait pas les traits fatigués des gens harassés par des années de service auprès des Saints. Il était caractéristique des gens emprunts de mauvaises intentions, n’exprimant que fourberie et chagrin. Plus angoissant encore, les cris répétés de Kyoko, la s½ur aînée de Shoko, qui venait sans cesse à sa rescousse pour lui interdire de toucher ce fruit à la couleur peu coutumière. Pire, lorsque la vieille parvenait à les acculer, comme toujours, et qu’elle ne laissait d’autre choix à Shoko que d’être bientôt en contact avec la pomme, Kyoko se mettait alors en opposition, passant aussitôt de vie à trépas.
C’est ce cauchemar que Shoko faisait à nouveau et qui la réveilla au moment de l’issue fatidique. En caressant le pendentif en forme de Pégase, accroché autour de son cou, elle murmura : « Kyoko… » Pour seule réponse, elle n’eut que la voix grondante de son père qui enfonça presque la porte de sa toute petite chambre : « Shoko ! » Aussitôt, rassuré de la savoir saine et sauve, les joues de cet homme aux cheveux bruns coiffés d’une queue de cheval s’empourprèrent. Distinguant sa fille en petite tenue, il fut chassé par l’oreiller de celle-ci qui s’écrasa sur son visage patibulaire.
Quelques minutes plus tard, dans la pièce d’à côté, Shoko vint le retrouver. La demeure était modeste, comme toutes celles des gardes du Sanctuaire. Hormis la chambre qu’il consacrait à ses filles, ce soldat à la moustache drue, n’avait que pour autre lieu de vie cette pièce principale où ne tiennent qu’une table et trois chaises. Son casque et son glaive étaient déposés sur un banc de pierre collé contre le mur et qui lui sert d’ordinaire de lit. Pour les commodités, une marmite suspendue par-dessus la cheminée, quelques linges qui pendaient sur un fil qui traversait la pièce, et un raccord au caniveau dans un des quatre angles de la maison servant de latrines et d’évacuation des eaux usées. Shoko le rejoignit en prenant la seconde chaise rafistolée en de multiples endroits. Elle s’installa à côté de la troisième. Vide et poussiéreuse. _ « Tu as encore rêvé d’elle n’est-ce pas, lui demande son père en lui tendant un bol de bouillon ? _ Cela fait cinq ans qu’elle s’est enrôlée dans l’ordre des prêtresses. Je ne l’ai pas revu depuis. _ Allons, ta s½ur est forte, tu n’as aucune crainte à avoir, dit-il en avalant bruyamment sa soupe. Tu ferais mieux de t’inquiéter pour toi-même, il est midi passé et tu as encore loupé les cours du matin au prieuré du village ! Tu as de la chance que je sois repassé à la maison entre deux tours de garde pour ramener de l’eau fraîche ! Sans quoi tu aurais loupé ton entraînement de l’après-midi au camp des femmes ! » Shoko grimaça en regardant son maigre menu. Son père lui rendit alors le sourire en sortant du torchon posé sur la table un morceau de pain frais : « Tiens ! Ce sera meilleur avec ça ! Tu as besoin de prendre des forces pour me montrer tes progrès ! »
A cet instant, dans son palais, le Grand Pope, lui, revenait d’une nuit d’absence. Traînant les pieds, ombragé sous le casque d’or de Shion, et caché sous le masque qu’utilisait le Muvien pour dissimuler son grand âge, Saga était pris d’un doute. Tandis que les gardes lui ouvrirent les portes de ses appartements, il prit la direction des thermes. Laissant tomber sa soutane au sol, il fit ensuite chuter son casque par-dessus afin de démêler ses cheveux bleus. Entrant sous sourciller dans l’onde fraîche, il se laissa submerger jusqu’aux épaules en allongeant sa tête contre la bordure de pierre : « Shion… Arlès… Comme j’éprouve les pires difficultés à lire les étoiles… J’apprends des nuits durant sur Star Hill… Je suis encore bien loin de votre niveau… Néanmoins, mon intuition est juste… Cette nuit la comète Repulse a frôlé la Terre… Dans les temps anciens, Eris fut vaincue et emprisonnée dans la Pomme d’Or qui fut placée dans cette comète et envoyée dans l’espace par Athéna. Le fait qu’elle frôle la terre n’est pas anodin, Eris a choisi de se réincarner. Par deux fois sur les dix-huit dernières années, elle est passée près de la Terre, c’est marqué dans les registres consignés par Shion et Arlès avant que je ne prenne leurs places. Cela signifie qu’Eris a cherché puis identifié un réceptacle. »
Dehors, tandis que des villageois balançaient des seaux d’eau pour nettoyer les caniveaux, Rumi évitait les éclaboussures. Cette jeune fille aux cheveux châtains, sautillait sur les pavés, lacée jusqu’aux chevilles de ses spartiates. Pantalon bleu océan enserré à la taille d’un ruban jaune et maillot blanc craquelée, l’apprentie chevalier arriva devant chez son amie Shoko. Comme toujours, elle fut subjuguée par la résistance que mettait en ½uvre son amie à lutter contre son père lors de leur entraînement journalier. Dans le bourg qu’ils occupaient, ils forçaient l’admiration. _ « Allez Shoko ! Montre-moi donc ce que tu as retenu de notre combat d’hier ! » Enchaînant quelques directs, la fille repoussa le père sans difficulté. _ « Très bien ! Tu as fini ton échauffement ! Tu peux rejoindre le camp des femmes Saints ! » Débordante d’énergie, la Grecque reconnut son amie, malgré le masque qu’elle portait : « Rumi ! J’arrive ! » Alors qu’elle lui tournait le dos, son père la rappela : « Shoko ! N’as-tu donc pas oublié quelque chose ?! » Intrépide, elle se tourna pour venir lui coller un affectueux baiser sur la joue. Le rustre rougit : « Non voyons ! Ton masque ! Tu es incorrigible ! »
Leurs visages toutes deux dissimulés, Shoko et Rumi prirent comme chaque jour le chemin du camp des femmes Saints. Le trajet leur laissait le temps d’échanger sur leur quotidien, avant une séance éprouvante qui ne leur laissera pas la force de discuter en rentrant. _ « Ton père t’aime beaucoup. Tu as vraiment beaucoup de chance tu sais. Et tu progresses tellement vite, l’admira Rumi ! _ Il a beau nous avoir recueilli alors que j’étais encore bébé, il a fait énormément pour nous, pensa-t-elle en caressant son pendentif. Seulement, je ne me sens pas à la hauteur des sacrifices qu’il a fait pour nous. _ Shoko, s’inquiéta Rumi ?! _ Ma s½ur a toujours été studieuse et forte. Il ne fait aucun doute que son entrée chez les prêtresses la fera devenir Saintia. Membre de la garde personnelle d’Athéna ! Moi, je n’ai pas son sens de l’écoute. Je suis trop tête en l’air pour devenir Saintia. Le mieux que je puisse faire c’est être Saint et renoncer à ma féminité. _ Pour la fierté de ton père ? _ Non ! Pour le remercier. Lui qui nous est si dévoué en plus de son devoir envers Athéna. Après… Si je pouvais rendre fière ma s½ur lorsque je la reverrai… Après tout, elle est un modèle pour moi. _ Tu sais, ce sont les prêtresses qui se rendent dans les prieurés pour dispenser les cours. Si tu mettais plus de c½ur à la théorie, tu aurais peut-être une chance un jour de la croiser. Mais pour cela il faut te lever à l’heure et arrêter de sécher les cours ! » Penaude, Shoko marcha en faisant rouler son Pégase entre ses doigts, pensive. Subitement, Rumi jaillit devant elle : « J’ai une idée ! _ Parle, je t’écoute, sursauta Shoko. _ Les prêtresses passent par le chemin des douze maisons, pour se rendre en ville donner l’instruction ou se ravitailler. Tu n’as qu’à emprunter ce chemin ! _ Euh… Tu sais que les douze maisons sont gardées par des Saints d’or ! _ Pas le cimetière des Saints ! Les premières marches, celles avant d’arriver à la maison du Bélier, permettent de déboucher sur le cimetière. Rien ne t’empêche de t’y rendre et de guetter le passage de ta s½ur ! _ Tu as oublié l’insupportable Mii ! Cette prêtresse n’a de cesse de surveiller les allers et venues de ses semblables ! Elle aura vite fait de me repérer ! _ Ah oui j’avais oublié, souffle Rumi. Et puis si je me souviens bien, elle ne te porte pas dans son c½ur ! _ En effet, c’est elle qui a recalé toutes mes tentatives pour intégrer l’ordre des prêtresses ! » Soudain, une voix familière s’invite à leur conversation et complète : « C’est parce que contrairement aux Saints, l’ordre des Saintias demande une rigueur et une discipline encore plus noble. Sans compter l’assiduité en cours ! » Aussitôt, Shoko et Rumi se mirent en position de combat à l’orée du camp des femmes chevaliers. La voix étouffée par un masque continua : « La preuve, vous n’avez pas senti ma présence à vos côtés depuis de longues minutes ! » Les filles finirent de faire le tour d’elles-mêmes, quand surgit depuis les cimes d’un arbre une Saint. _ « Rebecca, reconnurent en ch½ur les apprenties ! » Les deux amis s’agenouillèrent devant leur aînée. Plus grande par la taille, l’âge et le statut, Rebecca se tenait droite dans sa Cloth de bronze verdâtre. Son masque lui donnant un air autoritaire, elle le défit aussitôt pour rassurer ses disciples : « Allons ! Ne perdez pas de temps, vous êtes déjà suffisamment en retard. » De ses grands yeux clairs, la brune leur sourit amicalement de ses lèvres sensuelles. Le professeur reçut le salut sincère de ses élèves, puis se retrouva seule après que celles-ci pressèrent le pas en direction de l’intérieur du camp.
C’est alors que Rebecca entendit le grincement d’un fauteuil roulant venir dans son dos. Le croassement de quelques volatiles accompagnait une infirme venue rejoindre la Saint de bronze de Cassiopée. La femme, pansée de la tête aux pieds, communiquait sa voix à travers un de ses oiseaux. _ « Tu es bien trop amicale avec elles Rebecca de Cassiopée ! Leur montrer ton visage alors que la fermeté de notre camp exige qu’on porte en permanence notre masque permet bien des écarts comme ces retards que je n’aurai su tolérer. _ C’est bien pour ça, Mayura Saint d’argent du Paon, que tu as refusé la gestion du camp des femmes. Tes méthodes semblaient bien trop rudes pour notre Grand Pope. _ En attendant, Mirai et Shinato, mes disciples, paraissent bien moins étourdis que cette Shoko. Si sa pratique de l’art martial est bonne, la théorie laisse à désirer. Sans parler de sa maladresse trop coutumière. _ Tu es bien dure mon amie, dit-elle en réajustant son masque. _ Je ne pense pas. Sa s½ur est son modèle. Et elle n’agit que dans le but de la rendre fière. Saintia, Saint… Elle ne sait ni à qui ni à quoi se vouer pourvu qu’elle puisse la revoir. Cependant, ces deux statuts impliquent une dévotion totale à Athéna. Comme c’est le cas pour nous. En aucun cas je ne ressens cela chez elle. _ Ce n’est encore qu’une enfant, plaida Rebecca. _ Pas l’enfant de n’importe qui et tu le sais. _ Quand bien même le destin de sa famille est tragique, elle demeure une enfant. _ Une jeune femme, rectifia Mayura. Comme nous l’étions lorsque nous fûmes nommées Saints… » Mayura détourna son fauteuil de la direction de son amie et reprit le sens de la sortie du camp où Mirai et Shinato l’attendaient. Elle conclut : « Je converse souvent avec mon ami Shaka, il est du même avis que moi. L’heure est grave. Tout se jouera en notre époque. Les Guerres Saintes vont se succéder. Il est primordial, que nos rangs soient remplis de Saints dévoués à la justice et non à leurs intérêts personnels. »
Justement, au palais du Grand Pope, celui-ci sortait de son bain, tourmenté par sa nuit à Star Hill. Au loin, ses prêtres attendaient que celui-ci dissimule à nouveau son visage pour se présenter à son service. Sur demande de Klaus, le meneur de l’ordre, ses confrères se précipitèrent pour venir essuyer son corps athlétique, puis pour le recouvrir d'huile, afin d’entretenir ses muscles saillants. Prudent, Klaus veillait à ce qu’aucun de ses semblables, n’approcha de trop près le visage de Saga. Ce dernier restait silencieux. Les épaules tombantes vers l’avant. Nu. Quelques mèches de ses cheveux regroupées sous son casque dépassaient du heaume. Cela faisait quelques minutes que leur couleur oscillait entre un bleu profond et un gris malsain. Klaus, bienveillant, l’avait remarqué et pressait ses camarades d’achever la préparation qu’exigeait Saga. _ « Votre repas vous attend dans vos appartements Majesté, rassura-t-il. La Saintia Katya vous y attend avec deux prêtresses afin que vous examiniez ce qu’Athéna dégustera le temps qu’elles assurent sa toilette. Enfin, un courrier de Ptolémy de la Flèche nous vient d’Inde. _ Qu’en est-il, questionna enfin les Gémeaux ? _ Il est dit que les pertes ne furent pas trop nombreuses. Shiva est prisonnier de son temple. Shura du Capricorne et Deathmask du Cancer sont parvenus à défaire ses meilleurs Kshas. » Dès lors, Saga écarta les bras pour que spontanément ses prêtres le couvrent. D’un revers strict de la main, il les chassa ensuite. Ce que Klaus accepta en apparence. Tandis qu’il pressait les siens à laisser son plateau à leur seigneur, il garda du coin de l’½il un air suspicieux envers son souverain. Malgré son air apaisé et son sourire de façade, il n’en demeurait pas moins méfiant : « Pas d’incidents constatés. Mais la disparition de mes semblables ne reste pas moins curieuse. De plus, le courrier de Ptolémy fait mention des religieux que Saga a fait envoyer en Inde avec les armées. Et beaucoup de noms que le Pope me certifie avoir envoyé manquent à l’appel… Que se passe-t-il ici ? Et que fait Katya de la Couronne Boréale ? On dit que des disparitions ont lieu également chez les servantes d’Athéna. Katya enquête-t-elle également ? S’en inquiète-t-elle au moins ? Je dois en avoir le c½ur net… »
Justement, derrière le trône où il siégeait habituellement, Saga passa à l’arrière des tentures rouges qui tombent depuis le plafond. Là, à cet endroit où commencent les appartements d’Athéna, son lit de pierre au milieu de la pièce demeurait vide. Autour, attendaient deux prêtresses, minces et jeunes. Les cheveux parfaitement peignés et les robes agrafées sans la moindre pliure, chacune apparaissait radieuse à l’idée qu’Athéna les honore en acceptant leurs soins. Plus stricte que ses cadettes, Katya offrait malgré tout plus d’atouts qu’elles, tant le voile qui l’habillait épousait encore mieux ses formes plus adultes. Son implacable distance vis-à-vis des novices démontrait toute l’expérience que doit avoir une Saintia, tandis qu’elles deux n’étaient que des aspirantes. Elle démontrait aussi sa présence coutumière en ce lieu, tandis que les autres étaient encore émerveillées par le cadre majestueux et nouveau. Si bien qu’elles ne pouvaient retenir les exclamations qu’elles s’échangeaient par messes basses leur valant d’être reprises à plusieurs occasions depuis leur arrivée. D’un mouvement de succion des lèvres contre les dents parallèlement à un mouvement opposé de la langue, Katya manifestait sans appréhension son exaspération. Les débutantes craignaient ce côté hautain de la Saintia. Au caractère distant de Katya, les servantes préféraient largement leur semblable Mii qui, même si sa dévotion à la fonction paraissait exagérée, se montrait plus accessible. D’ailleurs, si Mii aimait redresser les torts et se montrait plus studieuse qu’elles, elle n’eut toujours pas l’insigne honneur de rencontrer et encore moins de servir Athéna. C’est ce que les deux élues aimaient se répéter à l’envie, depuis que Katya leur avait appris qu’elles assureraient le prochain service. D’ailleurs, cette frivolité finit par avoir raison de leur concentration. A tel point qu’elles marquèrent un retard, alors que Katya avait déjà plié les genoux pour accueillir le Grand Pope. Il fallut une énième onomatopée de leur aînée pour leur faire constater l’arrivée de leur Majesté. Aussitôt, elles exécutèrent une révérence et restèrent fléchies au sol à attendre le salut du Pope. Ce dernier progressa inflexible jusqu’à passer devant elles. Poursuivant son chemin, il se dirigea dans un couloir adjacent. Il s’enfonça dans les ténèbres tamisées des lueurs des torches fixées aux murs. Katya se releva, intimant ainsi aux autres de faire de même. Une fois le Pope leur faisant dos, l’une d’elle pensa naïvement que pour un homme qu’on dit âgé, le régent se montrait encore alerte. Les deux paumes ouvertes en direction du chemin qu’il prit, Katya invita ses chastes paires à le suivre : « Vous pouvez laisser ici le nécessaire pour Athéna. Sa Majesté le Grand Pope a d’abord à s’entretenir avec vous. » Crédules, elles déposèrent le nécessaire sur le banc de pierre et suivirent, sans que Katya ne les accompagne. Sur le flanc, la pénombre dissimule une pièce dans laquelle Saga attendait. Détourné des filles, la toge tombée à ses pieds, il fixait nu le heaume de Shion. Il l’avait déposé sur la colonne brisée qui partait autrefois du sol au plafond et que le temps a transformée en guéridon à mesure que la roche s’effritait au fil des siècles. Stupéfaites par cette situation improbable, les prêtresses réagirent selon ce que leur nature leur intimait de faire. La première, brune, coiffée d’un chignon, plus menue que l’autre, cacha immédiatement ses yeux en demandant pardon. La seconde, blonde, les cheveux retenus par un ruban bleu, fit aussitôt demi-tour. A la sortie, elle tomba sur sa supérieure qui lui barra la route. _ « Où vas-tu, la retint Katya ? _ Pardon ?! _ Ma question est claire pourtant. » La fuyarde comprit qu’il se passait quelque chose d’anormal. _ « Où est Athéna ? Qu’est-ce que le Pope fabrique dans cette tenue ? _ Cela fait partie de votre devoir. _ Non, contesta l’apprentie, en aucun cas ! _ C’est le destin que t’as choisi pourtant le Grand Pope, asséna Katya sans sourciller. _ Je… Je refuse… Et… Et après… Ma chasteté ? Ma fonction auprès d’Athéna ? _ Ce n’est plus un rôle dont tu as à te soucier. Tu es appelé à servir Athéna autrement désormais. Le Grand Pope t’a choisi pour être à son chevet personnel. C’est un grand honneur. _ Ce n’est pas ce à quoi je me destine ! _ Athéna ne s’est pas montrée à toi. C’est qu’elle ne t’a pas trouvé digne d’elle. Le Grand Pope lui est bon. Il choisit de te donner une seconde chance. _ Que va-t-il me faire ? _ Es-tu naïve à ce point ? _ Je refuse. Tout mon amour ! Mon corps ! Mon âme ! Tout ! Tout est dévoué à Athéna ! _ Cela tombe bien. Qui d’autre que son représentant terrestre pour manifester toute cette dévotion. _ Je refuse. _ Très bien. _ Quoi ? C’est tout, douta-t-elle pour la première fois ? _ Bien sûr. Qu’attends-tu de plus ? _ Je… Je n’en sais rien… A vrai dire… Après ce que j’ai vu… Après ce qu’on s’est dit… Beaucoup d’idées me traversent l’esprit… Et dès lors je ne peux m’empêcher de faire le lien avec nos semblables qui ne reviennent pas de ces soins à Athéna… » Le regard glacial de Katya accompagna le silence angoissant qui s’en suivit. Il fut bref mais suffisant pour que la prêtresse comprenne la vérité. Lorsque Katya le vit dans ses yeux, elle expliqua les différentes options qui s’offrirent à elle. _ « Tu es libre de partir en effet. Certaines l’ont choisi. D’autres sont restées. Dans chacun des cas, il est évident que votre sacrement n’est plus envisageable. » La malheureuse tomba au sol, à moitié consciente. Katya ne la releva pas. Le visage grimaçant de dépit, elle déclara sincèrement : « Tu ne réalises pas la chance que tu as. » La pauvre restait dans le vague. Partagée par la découverte de la cruauté de ce monde et la passion que vouait la Saintia à cet homme. _ « Est-il au moins notre Grand Pope, marmonna-t-elle ? _ Il nous a sauvé des Titans. Il gouverne ce Sanctuaire. Il éteint les tentatives de révoltes de dieux belliqueux comme Shiva. Il offre la paix sur notre Terre. Il est le Grand Pope. _ Ce corps… Taillé dans le marbre… Râblé… La peau rutilante… L’homme que j’ai vu n’a rien de l’homme fatigué et âgé qu’est censé être le Pope Shion… _ Il est donc le Pope d’un temps nouveau. Saillant. Puissant. Désirable. Imposant. » Moralement anéantie, elle essuya du revers de la main ses larmes et prit la force de se relever. _ « Qu’est-il advenu de celles qui ont choisi de fuir ? _ Personne ne les a jamais revues. _ Et celles qui sont restées ? _ Appelées souvent à composer la cour du Seigneur Arlès. A lui servir du vin, lui jouer de la lyre, lui donner la becquée, le faire jouir. _ Le Seigneur Arlès… Ce Pope… Sont-ce… Sont-ce les mêmes personnes ?! Et… Et après ? Après tout ça ? Quelle est leur vie à ces femmes ? _ Abritées dans un temple à Honkios. Bien sûr elles ne portent plus l’habit immaculé des prêtresses. Souvent des nuances de couleur marquent leur appartenance au service rapproché d’Arlès. L’azur irait très bien avec le bleu de tes yeux. _ Service rapproché… Garde rapprochée… Depuis des mois cette désignation revient de plus en plus. On l’entend lorsque nous descendons à Honkios… On… On le… _ On le voit, finit Katya sa phrase ? Oui, c’est bien ce symbole. Une tête de mort tenue par un reptile aux ailes déployées, tatouée sur la peau de quelques soldats. Cheville. Cou. Poignet. Torse… _ Et… Sur des femmes… _ Nos aînées qui ont choisi la voie de la raison oui. _ Elles sont si belles. Si dignes. Et elles paraissent si heureuses. _ Elles le sont. Honorées qu’elles sont de satisfaire le Pope. Épanouies qu’elles sont de leurs conditions de vie. Richesse, luxure, ivresse, protection… Tiens, suis-moi, lui intima Katya en lui tendant inopinément la main. » Prise au piège, mise sur le fait accompli, la blonde n’eut d’autre choix que de l’accompagner. Elles retournèrent là où Saga et la brune furent laissés seuls. N’ayant entendu la voix grondante de Saga prononcer un arcane qu’elle avait trop souvent observé lors de précédents refus, « Another Dimension », Katya savait très bien ce qu’elle trouverait à l’angle du mur. Tandis que Katya affichait une profonde jalousie, la bonde cacha par politesse son visage avant de laisser ses doigts s’entrouvrir pour observer la scène. Son amie était à genoux. Calmement assise sur son vêtement abandonné au sol. Ses mains s’affairant à travailler avec précaution l’entrejambe de Saga, devant laquelle sa tête faisait des va-et-vient appliqués. Katya murmure alors à la blonde : « Notre camarade a tout de suite compris où était son intérêt. » Abandonnant toute pudeur, la blonde laissa ses mains cesser de feindre une gêne qu’elle ne ressentait plus. Étrangement, elle se sentait comme inspirée par la carrure huilée de l’athlétique chef. L’engagement de sa camarade la rendait curieuse. Envieuse. Et les longs cheveux blancs de Saga qui tombaient sur ses pectoraux d’aciers et ce masque bleu qu’il gardait laissèrent son imagination prendre le pas. _ « Choisir entre une vie de débauche protégée par le souverain du royaume, et la mort, songeait-elle… Mon amie, elle, semble si employée. Il gémit tellement fort de plaisir sous ce masque. Est-ce si terrible que ça de choisir la facilité, commença-t-elle à sentir une chaleur étrange dans le bas de son ventre ? Une robe azure ? Ce tatouage de la garde privée fait au creux de ma poitrine ? Cela m’irait bien. Ça lui plairait à elle, se questionna-t-elle en fixant la brune ? Après tout, nous ne pourrons pas occuper nos journées qu’à boire et à user nos sacres à Honkios. Elle est belle… Si belle… Ferais-je mieux qu’elle si j’allais voir le Pope ? Et elle ? Quelle robe porterait-elle ? Une nuance de vert lui irait à ravir. Mais à la voir ainsi, je la préfère sans. A-t-elle chaud elle aussi en ce moment ? Se sent-elle moite elle aussi ? Humide ? C’est maintenant que le fantasme a pris le dessus sur le doute que je dois y aller, amorça-t-elle fascinée par le spectacle. » C’est à cet instant que Katya lui retint le bras. Le c½ur déchiré de voir une nouvelle conquête lui prendre son sauveur, elle remplit malgré tout son rôle. _ « Ne regarde jamais son visage bien qu’il soit masqué, lui conseilla-t-elle. Et si par malheurs un jour il venait à ne pas être dissimulé, détourne-toi de lui sans réfléchir. _ Alors personne ne l’a jamais vu ? _ Si. Moi seule. Et moi seule suis encore en vie pour pouvoir vous dire que personne d’autre ne peut avoir cette chance. _ Comment est-il ? _ Il n’y a pas de mots pour définir la beauté de cet homme. » Il n’en fallait pas plus pour convaincre la prêtresse de son mode de survie. Abandonnant sa tenue à son tour, elle fut prise d’un dernier doute. _ « Et qu’Athéna pense-t-elle de tout cela ? Es-tu la seule encore en vie aussi après l’avoir vu ? _ Son peuple est heureux. Le monde est en paix. Cela n’est-il pas suffisant pour que le Grand Pope puisse être récompensé ? _ Qu’il soit Shion, son assistant Arlès, ou quiconque ? _ Il n’est pas quiconque. Je l’ai vu. Il m’est apparu. Il est un dieu lui aussi ! » Toute volonté de discuter était désormais dissipée. La blonde rejoignit son amie. Katya avait fait son devoir, celui qui lui permettait d’être un sujet de confiance pour Saga. Seulement, elle s’espérait être plus que ça pour lui. Alors, elle ne put, comme chaque fois se résoudre à partir d’elle-même. Elle resta à le fixer être rejoint dans le dos par la blonde qui passa ses mains devant lui pour caresser son buste pendant qu’elle baisait instinctivement son dos. La brune apprécia alors être rejointe et le lui prouva en se relevant et en pivotant pour chercher ses lèvres. L’échange langoureux des deux femmes n’intéressait pourtant pas Katya. Elle restait rivée sur Saga. Éprouvée par la chaleur que ressentaient ses camarades au même moment, elle frotta ses mains du haut en bas de chacune de ses cuisses pour ramasser la pliure de sa robe qu’elle fit remonter en prenant soin de la frotter contre sa chair. Les mouvements de hanches et d’épaules de Saga lui permirent de s’imaginer à la place des nouveaux sujets qui porteraient bientôt la marque choisie par Gigas. Il lui paraissait si majestueux. Implacable. Dominateur. Ses mains avaient atteint son intimité. Ses cuisses se refermèrent sur elles pour maintenir la tiédeur qui s’en échappait. Incapable de se contrôler, lui revint, comme chaque fois où elle s’octroyait seule ces moments de plaisir, le souvenir de sa rencontre avec lui.
C’était il y a cinq ans… Cronos chutait face à Aiolia. Le Saint d’or du Lion avait joué sa vie pour offrir au peuple des Titans sa Terre de lumière. Hélas, le Grand Pope en avait décidé autrement. Sur son ordre, Deathmask du Cancer coupa court à l’émerveillement du peuple vaincu. Le Saint leur apprit qu'ils ne pouvaient vivre n'importe où sur Terre. Ce faisant, il leur proposa de rejoindre l'une des terres surveillées par le Sanctuaire. L'île d'Andromède ou l'île de Death Queen. Se sentant pris au piège, trahis, certains tentèrent de se rebeller et de trouver le Grand Pope. Deathmask, ignorant la pitié, en exécuta le plus grand nombre, fauchant au passage leurs innocentes familles. Néanmoins, une dizaine parvint à échapper à l’impitoyable Cancer. Déterminés à ce que le v½u d’Aiolia ne soit pas vint, les infiltrés parcoururent un royaume qu’ils ne connaissaient guère, s’égarant à l’orée d’un bois isolé de la civilisation antique du Sanctuaire d’Athéna. Ils purent parvenir jusque-là sans se faire remarquer grâce aux pouvoirs de leurs armures, qui les rendaient invisibles à la vue du commun des mortels. Se croyant perdus, les soldats Titans furent rappelés à eux par une voix lointaine. _ « Maria ! Maria, criait-elle ! » Ils ne tardèrent pas à voir la bien nommée sortir de la forêt à bout de souffle. La petite blonde coiffée d’un serre-tête rouge, était couverte de pansements. Sa tenue était sale, abîmée. _ « Maria ! Maria, entendait-elle encore dans son dos ! » Elle refusa de se retourner de peur de lâcher quelques larmes. Seulement, lorsqu’elle redressa la tête, elle les vit, ces guerriers aux protections noires, pas communes ici, sortir de leur camouflage sous ses yeux. Dès lors, regrettant sa fuite, elle prit son aspiration pour appeler à l’aide. Son temps de réaction fût bien trop long. Un soldat l’assomma instinctivement. _ « Tu aurais dû y aller moins fort ! Elle aurait pu nous servir de guide, sermonna l’un à l’assaillant ! _ Vu comme elle m’a paru chétive, pas certain qu’elle soit une bonne monnaie d’échange, répliqua-t-il ! » _ « Maria ! Maria, se rapprochait sa poursuivante ! » Rapidement, Katya, dissimulée sous un masque du femme chevalier apparut à la suite de sa s½ur avec un autre masque à la main. Aussitôt, les soldats se dissimulèrent à nouveau. _ « Maria, se calma-t-elle alors en la retrouvant… Maria… Tu as dû chuter épuisée dans ta fuite, prenait-elle l’inconsciente dans ses bras. Le camp des femmes chevaliers… C’est désormais notre maison, tu le sais. C’est une étape nécessaire pour faire nos gammes. Si nous accomplissons notre devoir et réussissons les épreuves pour entrer à l’école des prêtresses, alors nous pourrons envisager de devenir Saintias toutes les deux. Nous pourrons rentrer au village, revoir notre mère, sans lui faire porter le fardeau d’être des bouches qu’elle ne peut nourrir. On la reverra. Ne t'inquiète pas, Maria. Je ... je te protégerai. Mais tu dois également y mettre du tien. Cesser d’avoir peur de te faire mal, ou de blesser quelqu'un... Quel que soit l'ennemi qu'on aura en face de nous, nous devons apprendre à y faire face sans crainte. Allez, en attendant, je vais te remettre ton masque. Nous protégerons la déesse Athéna ensemble en tant que Saintias. » Un soldat des Titans sortit alors de son camouflage. _ « Saintias ?! Athéna ?! Tu sembles bien plus au courant et plus capable que ta s½ur ! _ Comment ?! Qui êtes-vous, se mit aussitôt Katya en garde ?! _ Nous sommes des soldats Titans, osa devancer un autre guerrier avant d’être suivi par tous les siens, nous voulons simplement parlementer avec le Grand Pope, assura-t-il les mains tendues en avant et ouvertes vers le ciel en gage de paix. _ Les Titans ?! Ce sont ces dieux contre lesquels le Sanctuaire est en guerre depuis des semaines et qui menacent la Terre ! _ Vous n’y êtes pas ! La Guerre Sainte prend fin ! Votre Saint d’or du Lion a négocié la paix et nous a fait conduire sur Terre, nous qui sommes privés de la lumière depuis des millénaires ! _ Alors pourquoi vous cacher ainsi, dit-elle en chargeant son cosmos ? _ Parce que votre Grand Pope n’a pas respecté la parole du Saint du Lion, s’approcha de façon plus menaçante un soldat moins persévérant que le précédent. _ Le Grand Pope est un homme de valeur. Je ne peux tolérer que sa personne soit remise ainsi en question ! _ Dans ce cas tu ne nous es d’aucune utilité, brandit son épée l’impatient ! _ Jewelic Tears, riposta de son arcane Katya ! » D'un mouvement de la main, elle créa une pluie de joyaux de glace qui s'abattirent vers le sol depuis les cieux pour recouvrir son adversaire. L’assaillant fut repoussé, tandis qu’il laissa ses camarades dans l’obligation de riposter. Katya esquiva une attaque frontale à l’épée, mais ne put par conséquent réagir à une charge du genou en plein dos d’un autre. _ « Jamais je ne vous laisserai vous approcher du Grand Pope ! Il en va de mon devoir d’apprentie Saint et d’aspirante Saintia ! » Instantanément encerclée, Katya se fit malmener. Passant d’adversaire en adversaire, martelée à chaque ballottage, c’est finalement le plus diplomate qui l’envoya au tapis par pitié. _ « Abrégeons veux-tu ? Je regrette qu’on en soit arrivée là, crois-moi. » Il dégaina son épée. Le regard éteint, rivé vers le sang qui s’écoulait de ses plaies, étendue sur le sol, Katya ruminait sa défaite. _ « Je n’arrive plus à bouger. Moi qui sermonnais ma s½ur, je n’ai pas pu faire mieux quand le danger s’est présenté pour de vrai… Maria… Dire que je te parlais de dignité envers Athéna… » Elle leva ses yeux verts en direction de l’épée qui emmagasinait le cosmos de son ennemi. _ « Alors ça y est ? C’est la fin ? Pardonnez-moi ! Athéna… » Le choc retentit. Le sifflement du métal chargé de cosmo énergie trancha l’air dans son sillage. Une gerbe de sang jaillit d’une plaie béante. Tout était perceptible. Y compris l’éclaboussure au sol de l’hémoglobine qui en résulte. _ « Tout sauf la douleur, songea Katya. » Tremblotante, épuisée, elle leva difficilement la tête. Elle ne vit d’abord que les liserés brodés sur une toge. A mesure qu’elle redressait le cou, le geste lui parut sans fin. Se dressait devant elle un immense rempart nimbé d’une bure immaculée. Rayonnant, le mètre quatre-vingt-huit du Grand Pope lui parut démesuré. A peine avait-il choisi de condamner à l’exil le peuple des Titans que le bon côté de Saga avait repris le dessus, symbolisé par la tenue de Shion que les Gémeaux aimaient arborer lors de ses bons jours. _ « Comment cet homme empreint de majesté pourrait renier la parole donnée par un de ses Saints d’or, se persuada-t-elle ? » Éblouie par le heaume en or de son souverain qui lui faisait dos, elle mit du temps à comprendre que le sifflement du métal avait était stoppé par la paume de sa main et que la gerbe de sang avait jaillit du trou béant fait dans le torse de son assaillant. Tandis que le corps sans vie du combattant venu du Tartare retombait au sol, la voix caverneuse du représentant d’Athéna stupéfia Katya de sa classe. _ « Guerriers Titans… Athéna vous accueille sur sa Terre en dépit de votre volonté initiale de conquête… Alors qu’elle vous octroie d’y vivre sous l’égide d’un de ses domaines, vous choisissez de vous approprier davantage de libertés… Allant même jusqu’à menacer la vie d’Athéniennes destinées à vouer leurs corps et leurs âmes chastes à Athéna. Athéna qui vous avait pourtant accordée son pardon… » Tandis que son visage masqué fixait le sol pendant son sermon, l’émanation de son cosmos brisa l’artifice des armures des soldats encore cachés et les fit tous apparaître à la vue de Katya. Les ennemis, se devinant condamnés, attaquèrent de concert. Par synergie de leurs cosmos, ils lancèrent une déferlante, menaçant jusqu’à Katya et sa s½ur étendue derrière elle. Impuissante, elle fut aveuglée par la lumière provoquée par le choc des guerriers contre la présence papale. Le vent soulevé arracha sa cuirasse et dévoila le visage indemne de Saga. Tandis que l’éclat s’estompait, les condamnés étaient partagés entre diverses émotions. _ « Impossible ! Il n’a rien ! _ Alors c’est lui le Pope ?! _ Comment est-ce possible, nous y avons mis tout ce qu’il nous restait ?! _ Ce ne peut pas être le Pope, les Titans parlaient d’un vieillard qui gouverne depuis des siècles ! _ Celui qu’on nous a décrit ne devrait pas pouvoir faire front sans la moindre égratignure ! _ Il est si jeune… Et si puissant ! » Katya, elle, demeurait subjuguée. Libérés, les cheveux bleus de Saga virevoltaient en compagnie de sa longue écharpe grise cousue d’or et de son collier de perles. Les joyaux faisaient scintiller sa crinière. _ « Ce n’est pas le Grand Pope dont on nous parle… Non… Lui… C’est… Un dieu ? Non… C’est un homme… Son cosmos est pur et immense... Comme devrait l’être celui d’un dieu… Mais qu’en sais-je… Après tout, Athéna à qui je me voue ne m’est pas venue… Je ne sais pas ce qu’est le cosmos d’un dieu… Je ne connais que le sien… Écrasant en force et en amour tous ceux que j’ai ressenti jusqu’à présent… Alors s’il n’est pas le Grand Pope auquel nous pensons tous, est-il bien au-delà ? Qui peut-il bien être ? Pour moi, cela va de soi… » Soudain, la soutane ondula par-dessus le sol tandis qu’un halo doré enveloppa Saga. _ « L’hospitalité du Sanctuaire s’achève ici pour vous. Je vous garantis que vos femmes et enfants seront épargnés et trouveront refuge dans un de nos domaines. Mourrez en paix. Galaxian, gronda-t-il en levant les bras au ciel… Explosion, les relâcha-t-il en direction des infiltrés ! » Une galaxie les immergea tous. Perdue avec son bienfaiteur au milieu des étoiles, Katya vit des planètes toutes entières entrer en collision contre leurs ennemis. Réduisant à néant leurs armures. Désarticulant leurs corps. Arrachant leurs membres. Ne laissant d’eux que quelques lambeaux de chair. Saga se retourna vers Katya. Jusqu’à présent si puissant, il lui parut à cet instant affligé. Digne face à l’ennemi, il montrait ici de la peine pour avoir ôté la vie. La faiblesse passagère envolée, il dévoila ensuite un autre aspect de son être lorsqu’il ramassa dans ses bras la malheureuse Katya. La serrant fort contre lui, souillant sans s’en soucier sa robe des plaies de l’innocente, il ne décrispa pas son visage. D’abord surprise, elle se découvrit émue par cette étreinte. Sentant son c½ur cogner contre sa poitrine tandis que sa tête se nichait dans ses pectoraux. Lui, au contraire, était gêné de se sentir à visage découvert, en témoignaient les coups d’½il réguliers à son casque qui roulait dans la poussière au gré du vent. _ « Tu es Katya n’est-ce pas ? _ Comment le sait-il, se demanda-t-elle en son for intérieur ? Comment peut-il me connaître, répondit-elle seulement d’un regard ému ? _ Tu es aspirante Saintia. Comme ta s½ur Maria qui gît plus loin. Vous poursuivez en attendant votre admission la formation des femmes Saints. Je le sais car j’aime tout connaître de mon domaine. J’aime savoir quels sont les sujets les plus prometteurs. Et ceux en qui je peux avoir toute confiance. Et j’ai reconnu ton cosmos quand tu as lancé ton arcane contre notre ennemi. C’est ce qui m’a alerté et fait venir ici. » Spontanément, Katya se redressa et tituba jusqu’au heaume. Elle ramassa le heaume et le lui tendit des deux mains en pliant les deux genoux à terre : « Si je ne suis pas l’un des plus prometteurs de vos sujets Majesté, sachez que je vous suis en tout cas le plus fidèle. » A mesure qu’il approcha pour le récupérer, elle baissait chaque fois de plus belle la tête en signe de dévotion. Elle avait compris son imposture, il l’avait bien deviné. Mais un lien inconscient se renforçait à chaque échange qu’il y avait entre eux. Elle répondait sincèrement ce qu’il voulait entendre. Chacun de ses actes la décontenançait à lui en faire lâcher prise. _ « Tu as un bien plus grand potentiel que tu ne le penses. Ton arcane tout à l’heure était du niveau d’un Saint de bronze. Bien au-delà d’une simple apprentie, dit-il en ombrageant de nouveau son visage sous le casque. _ Merci Votre Majesté, répondit-elle en remarquant que ses cheveux commençaient à prendre une teinte grisonnante. _ Sais-tu que personne n’a jamais vu mon visage, fixa-t-il son masque encore à terre ? _ Personne encore en vie de ce qu’on dit, avoua-t-elle. _ Ne crains-tu donc pas d’en faire les frais ? Encore plus quand tu constates une autre facette de ma personnalité, la dévisagea-t-il ? » Elle se jeta alors à ses pieds et colla son front contre. _ « En aucun cas. Car j’ai vu en vous la bonté dans ce qu’elle a de plus divine. _ Tu devines pourtant que je ne suis pas qui je prétends être. _ Vous êtes le Grand Pope ! Mon Grand Pope ! » Il se défit sans ménagement de sa servitude en la poussant d’un mouvement de jambe à la renverse. Puis progressa lentement vers Maria. D’ordinaire angoissée pour sa s½ur, craignant mille dangers pour elle, Katya continuait cette fois-ci à fixer d’admiration Saga, malgré que l’aura qui l’entourait devenait sombre. La dorure de son cosmos était corrodée peu à peu par une teinte pourpre. _ « Tu as fait preuve de bravoure en t’opposant à l’envahisseur, reconnut Saga à Katya tout en fixant Maria. Cela vaut bien plus que les tests d’aptitudes pour rentrer dans l’ordre des prêtresses d’Athéna. » Cette déclaration décontenança Katya qui peinait à se maintenir debout. _ « C’est ta petite s½ur n’est-ce pas ? Elle parait bien plus fragile physiquement et émotionnellement que toi… En retour de ton dévouement total, je concède à la nommer prêtresse également, afin que tu puisses veiller sur elle. _ J’ai… Je… Vous… J’aurai… Je vous suis totalement dévouée Votre Majesté, balbutia-t-elle. Avec ou sans compromis. _ J’aime récompenser mes fidèles sujets. Tu es la seule personne qui ne s’est pas offusquée en découvrant mon identité. La seule personne en qui je n’ai pas vu mille questions se poser. Tu as été mienne dès que je te suis apparu. Viens, Katya, lui tendit-il la main. Prends ta s½ur, suis-moi au travers des douze maisons du zodiaque. Que je te guide jusqu’au temple des prêtresses, s’approcha-t-il d’elle. Que je t’y nomme Saintia, lui ôta-t-il son masque de femme Saint. Que tu affirmes ta féminité plutôt que tu y renonces en devenant Saintia, la maintint-il debout en la redressant fermement par les épaules. _ Il m’a démasqué, pensa-t-elle instinctivement en se remémorant les conséquences sans se rendre compte que sa cosmo énergie entre en symbiose avec la sienne. _ Regarde, lui leva-t-il la tête vers le ciel, malgré le jour, les étoiles d’une constellation s’affirment. Ta constellation. Celle de la Couronne Boréale. Katya Saintia de la Couronne Boréale. » Inopinément, un raclement de gorge sortit le tandem de sa solennité. Désinvolte dans son armure étincelante, Deathmask arriva sans ménagement jusqu’aux fuyards dont Saga s’était déjà occupé. _ « Désolé de vous déranger Grand Pope. J’étais sur la piste des soldats Titans qui m’ont échappé mais je vois que le ménage a été fait ! _ Il y a beaucoup trop de légèreté quand tu t’adresses à moi Deathmask. Dois-je te rappeler à qui tu parles ? _ Pas nécessairement, battit des mains l’Italien. _ Estime-toi déjà heureux que je ne t’impute pas le fait que ceux-ci t’aient échappé ! _ Je venais vous informer que justement, le reste des renégats avait été intercepté, baissa-t-il honteusement la tête. _ Parfait. Je ferai convoquer Guilty de Death Queen Island. Dans l’attente, fait escorter par des Saints de bronze les prisonniers jusqu’à la prison du Sanctuaire. Qu’ils mangent et boivent selon leurs envies. J’ai besoin qu’ils soient capables de faire de bons Ankoku Saints une fois Guilty soumis à ma cause. Nous en aurons besoin à coup sûr dans les années à venir. » Tandis que le Cancer s’inclinait avant d’aller exécuter les ordres, Katya demeurait ébahie par la prestance de son magnifique sauveur. Bien plus qu’elle n’était satisfaite d’avoir été promue comme elle l’espérait tant depuis des années…
Revenant à elle, sentant ses membres trembler comme chaque fois quand le plaisir prenait le dessus, Katya jouissait du bonheur de cette fantastique rencontre. En observant en action son héros, elle pouvait personnifier cette apparition divine qu’elle eut il y a cinq ans. Chaque moment où il soumettait ses cons½urs était pour elle l’occasion d’assouvir ses fantasmes que sa vie de Saintia lui interdisait et que Saga se refusait à voler en échange de son dévouement total. D’ailleurs, comme depuis bien trop longtemps à son goût, il savait désormais Katya voyeuse. Quand ce détail lui revint en mémoire, comme chaque fois qu’il y pensait, il la chassa d’un revers discret mais autoritaire de la main. Partagée entre la plénitude du plaisir ressenti et la jalousie éprouvée envers ses, désormais, anciennes camarades, Katya regagna son temple, prête à inventer un nouveau mensonge, expliquant le départ de ses deux semblables aux autres. Un destin qu’elle sait différent pour Maria comme le lui avait promis le Grand Pope en faisant entrer Katya dans le rang des Saintias. Elle se souvint alors du réveil de sa s½ur le jour de sa rencontre avec le Grand Pope…
La serviette humide sur son visage démasqué libérait quelques gouttes qui roulaient de chaque côté du nez de Maria. Cette sensation désagréable l’extirpait peu à peu de son sommeil. Ses paupières oscillaient pour habituer ses yeux à la lumière. Très vite, celle-ci, vive, passant par une lucarne laissée dans la pierre blanche, l’aida à apprécier la propreté et la noblesse de ce lieu. Son ouïe se familiarisa aussitôt aux éclats de voix aiguës qu’elle avait l’habitude d’entendre dans son quotidien de femme chevalier. Seulement, ceux-ci étaient plus enjoués et le lieu bien différent des prieurés en ruines du domaine des femmes Saints. A peine redressa-t-elle la nuque, qu’un mal de crâne la cloua à nouveau sur le lit, bien plus confortable que ceux où elle reposait jusqu’alors. En passant ses mains sur son visage, elle se souvint aussitôt sa désertion puis sa rencontre fortuite. C’est alors qu’elle réalisa avoir perdu son masque. Instinctivement, ignorant la douleur, elle redressa son buste pour découvrir quel était ce tour qu’on lui jouait. _ « Mon masque, s’exclama-t-elle ! » Elle ne trouva pour seule réponse que le sourire chaleureux de son aînée. Katya était propre, élégante dans une belle robe blanche au coton très fin. A côté d’elle, plus sévèrement vêtue mais toute aussi soignée, ses cheveux longs tombant sur les épaules par quelques boucles blondes, une jeune femme aux yeux bleus déclara : « Tu n’en n’auras plus besoin désormais. Nous sommes dans le temple des prêtresses d’Athéna. » Sans voix après le ton pris, Maria continua d’identifier celles qui lui faisaient face. Il n’en restait plus qu’une dernière. Plus souriante que la blonde, elle paraissait bien plus chaleureuse malgré la Cloth aux tons froids qui la couvrait. Ses longs cheveux bleus étaient coiffés du diadème de bronze de son armure bleu pâle. Sous celle-ci, les plissures de sa robe permettaient de découvrir qu’elle était d’ordinaire vêtue comme sa s½ur et l’autre fille. _ « Je suis Kyoko Saintia du Petit Cheval, lui dit-elle. Vous avez réussi l’admission en ce lieu saint. Toi en tant qu’aspirante, ta s½ur en tant que Saintia. » A cette annonce, Maria se sentit profondément vexée. Heureuse pour sa s½ur, elle ne put réprimer la grimace qui symbolisait sa honte de devoir à sa s½ur une place ici. Contrairement aux autres, Katya le vit, tandis que Shoko poursuivit. _ « Je ne suis pas peu ravie de pouvoir compter sur des renforts ! Notre ordre doit être renouvelé puisque Athéna ne trouve satisfaction auprès d’aucune prêtresse pour se composer sa garde personnelle. Seule, j’avais bien du tourment à veiller sur nos cadettes, bien que Mii, ici présente à mes côtés, m’a apporté toute l’aide dont elle est capable. _ Allez debout, lui balança Mii au bout de son lit une tenue nouvelle, une aspirante Saintia se doit d’avoir une hygiène irréprochable ! Je vais te conduire aux thermes. Je te ferai visiter ensuite le temple et t’expliquerai en quoi consiste notre apprentissage. Laissons Shoko et Katya ensemble. En tant que Saintias, elles sont appelées à de biens plus nobles fonctions que nous autres simples aspirantes, Shoko doit avoir des tonnes de choses à dire à ta s½ur. _ Accordons leur un instant Mii, tu veux bien, proposa Kyoko devant le manque d’entrain de Maria ? Nous reviendrons dans quelques minutes, le temps que Maria se remette de ses émotions. » D’un hochement de tête exprimant toute sa gratitude, Katya attendit que Shoko et Mii quittent la pièce. _ « Je me sens tellement ridicule, balbutia aussitôt seules Maria à Katya. _ Comment peux-tu dire cela ?! Nous y sommes enfin ! Ici il ne peut plus rien nous arriver ! _ Plus rien m’arriver tu veux dire ? Toi tu es Saintia ! Tu seras appelé à des missions bien plus exaltantes et périlleuses que moi. Moi je ne parviendrai pas plus à passer le stade de prêtresse que je ne parvenais à atteindre celui d’apprentie Saint ! Je resterai planquée, ici, à l’abri, à faire bonne figure, ignorant tout de la vie aventureuse des plus proches sujets d’Athéna… » Pour seule réponse, Katya lui tourna le dos et guetta par la lucarne la direction du palais du Grand Pope. Tandis que sa s½ur poursuivait ses doléances, elle se hâtait de pouvoir voir à nouveau Saga… Spontanément, plongée dans son appréhension de retrouver cinq ans plus tard sa s½ur faisant la même tête apitoyée chaque jour, se lamentant de sa faiblesse et du fardeau qu’elle représente pour elle, Katya ne remarqua pas que, dans son sillage, son confrère Klaus représentait une sérieuse menace. Tandis qu’il la rattrapa par le poignet, Katya réagit par autodéfense en se défaisant de Klaus d’une clé de bras et en le plaquant contre le mur du couloir qui débouchait en direction du hall papal. Égratigné au front par le choc contre la pierre, le diacre n’en perdit pas son aplomb : « Je le savais ! J’ai tout découvert ! Je savais qu’il se passait des choses louches ici ! Je pensais simplement que le Pope refusait qu’on voit son visage parce qu’il était caractériel ! Ou par pudeur peut-être dû à l’âge que son corps doit supporter ! Mais ce que je viens de voir, ça va à l’encontre d’Athéna ! » Dépassée, Katya relâcha sa prise pour laisser Klaus se retourner. La pointant du doigt, il se fit aussitôt plus menaçant : « M… Mais j’y pense ! Athéna ! Existe-t-elle d’ailleurs ?! Comment pourrait-elle laisser faire tout ça ?! Ne me sors pas le baratin que tu as raconté à ton amie pour mieux l’amadouer ! C’était des menaces déguisées oui ! La pauvre était comme avec un couteau sous la gorge ! Devenir le jouet du Pope ou mourir ! » Il fit demi-tour se tenant de douleur le bras que Katya lui avait plié et emprunta la direction du couloir opposé. _ « O… Euh… Où vas-tu comme ça, bégaya Katya interdite ?! _ Je vais tout dévoiler de ce pas à mon ordre ! Je ne peux en tolérer davantage ! » Il n’en fallut pas plus pour que Klaus achève sa phrase le regard déchiré de douleur. Saisi par la main tranchante de Katya qui avait sectionnée sa colonne vertébrale en étant ressorti par sa cage thoracique, Klaus libéra un cri aigu qui résonna dans tout le palais. Immédiatement, Gigas débarqua par la grande porte, suivi de deux de ses hommes portant sa marque dans la nuque. S’ensuivirent Saga avec derrière lui ses deux conquêtes, tous trois à peine rhabillés. Encerclant tous la dépouilles de Klaus, ils observèrent un long silence que la voix de Saga, retentissante sous son masque, finit par briser. Avec calme, il fit preuve d’une grande maîtrise rappelant s’il le fallait encore à Katya la raison du culte qu’elle lui vouait. _ « Gardes ! Qu’on ferme les portes avant que des regards indiscrets ne voient ce qui se passe ici ! Gigas ! Raccompagne ces filles auprès de mes autres favorites ! Qu’elles portent ta marque et qu’elles soient accueillies comme il se doit au sein de ta garde rapprochée ! Tes hommes débarrasseront du plancher ce traître et iront rapporter à son ordre son exécution pour complot contre Athéna ! Toi, dit-il en tournant la tête vers Katya, suis-moi ! » Traumatisée, elle obtempéra jusqu’à la pièce où Saga était encore avec ses sujets auparavant. Hagarde, couverte de sang, elle attendit d’être enfin seule pour fondre en larmes. Tandis que le Grec lui tournait le dos, elle partit dans une crise d’hystérie qui monta crescendo. _ « J’ai été imprudente… Je sais à quel point vous appréciez Klaus… Mais il avait découvert la vérité ! Je jure que je n’aurai pas agi ainsi sinon ! Il menaçait de tout dévoiler ! Ses propos étaient agressifs envers vous ! Il était médisant ! Il… Il… _ Chut, souffla-t-il en se retournant alors qu’elle montait dans les aiguës. Ça va aller… Ça va aller, la plaqua-t-il contre lui… Je suis là, enleva-t-il son masque pour lui montrer sincèrement qu’il la croyait. » Envoûtée par la tendresse de son regard alors qu’il avait repris son apparence naturelle, Katya ne put refréner plus longtemps son désir. Elle se hissa sur la pointe de ses pieds en avançant lentement son visage du sien. Alors Saga relâcha son étreinte et redissimula son visage. _ « J’ai tout entendu de votre discussion. Je te sais sincère. Et je tenais à t’en remercier encore une fois. Merci pour cette confiance que tu m’accordes depuis toutes ces années. _ Non, se mit elle déplorablement à genoux, c’est moi qui vous remercie. Je vous dois la vie et celle de ma s½ur. Ainsi que mon rang de Saintia. _ Ton rang et le salut assuré de ta s½ur, tu les dois à ta loyauté. D’ailleurs, depuis que tu es devenue Saintia, tu as su soulager Kyoko dans sa mission. Je compte faire de toi ma Saintia en chef. J’ai cru comprendre que ta s½ur est en difficulté dans l’apprentissage martial. N’aie crainte. Elle restera prêtresse, sans même que tu ne craignes qu’elle subisse le même sort que ceux de la garde rapprochée de Gigas. D’ailleurs, pour celles qui sont assidues dans leur dévouement et particulièrement douées martialement, une liste sera à m’établir. Il faudra veiller à préserver de moi ces potentielles Saintias. En effet, nous pourrions en avoir besoin un jour. Nous verrons alors à ce moment si elles sont faciles à corrompre ou à manipuler. Telle sera ta première mission de Saintia en chef. » Confuse pour son geste déplacé, Katya acquiesça sans en dire davantage. Elle voulait tellement lui dire qu’en plus de son âme, elle se sentait prête à lui donner son corps. Mais elle n’osait pas. _ « Ce serait un affront envers lui, pensait-elle. » Saga le devinait. C’est pour cela que son bon côté lui faisait tenir la distance : « Je ne peux en abuser… Je lui en demande déjà tant… Je ne peux gâcher un tel joyau. » Flashback _ « Un brave homme ce Saga, je suis certain qu’il m’aurait plu, s’amuse Mars ! _ J’en suis convaincue ! Si je n’avais su que tu étais ainsi réincarné, j’aurai pu jurer entre mille qu’il était toi ! _ C’est bien beau tout ça ! Mais c’est pour me raconter ses batifolages que nous sommes sortis prendre un verre ?! _ Toujours aussi pressé ! Je croyais que ta défaite en 1979 t’avait appris la patience ?! _ C’est le cas. Mais elle a des limites vois-tu. _ Tu dois bien te douter que tout ceci est destiné à t’introduire le fait que le vice errait au Sanctuaire jusqu’à la plus chaste caste d’Athéna. Le kekkai d’Athéna ne peut empêcher la discorde de s’insinuer dans les c½urs corrompus. _ Je vois. Grâce à principalement ces protagonistes, tu as pu infiltrer tes hommes à cette période au Sanctuaire. _ Tout à fait. Et voici la suite… »
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« le: 5 Avril 2021 à 13h31 »
Chapitre 71
Au Japon, dans la résidence Kido, à l’intérieur d’un grand salon illuminé par quelques halogènes, c’est le brouhaha. Malgré les désaccords qui les opposent, la maîtresse de maison finit de convaincre ses chevaliers : « Il ne s’agit que d’une simple fête d’anniversaire. J’y vais pour affaires. Et puis Tatsumi m’accompagne. » Le Saint aux mains gantées et à la tenue pourpre pousse ses camarades, Ichi, Nachi, Ban et Geki à le soutenir : « Malgré cela, un danger pourrait toujours roder. Je refuse que Seiya et les autres aient risqué leurs vies, pour vous laisser tomber dans les griffes d’un nouveau péril. Nous sommes le 21 mars 1987. Cela fait trois mois qu’ils sont dans le coma malgré les soins reçu à la Source d’Athéna, rappelle Jabu ! _ Jabu a raison, confirme Sho accompagné d’Ushio et Daichi. Seiya et nos amis sont toujours dans le coma. Rien n’est rassurant les concernant. _ Vous tombez pourtant à pic, dit Saori en se tournant vers ses Saints d’acier. Vous pouvez confirmer qu’avec les moyens technologiques mis à votre disposition à notre quartier général sous le coliseum, vous pourrez tracer ma présence. _ Oui mais… _ Dans ce cas, vous n’aurez rien à craindre. De plus Ushio nous accompagnera pour piloter le jet qui doit m’amener dans la propriété des Solo, près du Cap Sounion. Je ne serai pas seule. » De façon inattendue, silencieux jusqu’ici, Tatsumi sort de derrière un meuble un sabre de bois qu’il fait tournoyer autour de lui : « Et n’oubliez pas qu’elle sera accompagnée de Tatsumi troisième dan de Kendo ! » Sa démonstration se solde par un geste malheureux qui fait basculer le buste de bronze sculpté à l’image de Mitsumasa Kido. Il faut compter sur la réactivité d’une dernière invitée pour sauver l’ornement. D’un claquement violent, un fouet vient enrouler la sculpture pour ensuite la ramener vers son maître d’arme. Apparue par la fenêtre ouverte, ses spartiates montées sur talons et enroulées par-dessus son pantalon jaune au niveau des chevilles, la jeune femme blonde au justaucorps rose tend volontiers la statue à Saori. Navré, Tatsumi se jette aux pieds de la réincarnation d’Athéna : « Oh ! Mon maître, mon maître ! Qu’ai-je fait ? » Sous son masque, l’héroïne s’amuse de la situation. Quelques mèches de ses longs cheveux blonds tombent sur son masque de femme chevalier. _ « Merci June Saint de bronze du Caméléon. _ A votre service Athéna. _ Alors ça y est, bondit Daichi jusqu’à l’amie de Shun ? Tu sembles parfaitement rétablie ! _ Oui, je suis de nouveau sur pieds et c’est pour cela que je voulais profiter de votre départ pour la Grèce Déesse Athéna pour vous accompagner. J’aimerai vivre au sein du berceau de la chevalerie, au Sanctuaire. Et… _ Et veiller sur Shun n’est-ce pas, sourit amicalement la déité ? C’est entendu. » A la fois gênée et enchantée de recevoir la bénédiction d’Athéna, June se courbe bien bas, pour lui rendre les hommages qui lui sont dus.
Dans les entrailles de la Terre, en Grèce, sur un îlot entouré de lave, les Arèsiens s’exercent avec discipline. Ils travaillent sous l’Aréopage, face à un temple grec en forme de cône dont le sommet vient se planter dans la croûte terrestre qui sert de plafond à cette immense cavité. Vêtus d’orange et portant une cuirasse rouge, ils obéissent à la grosse voix de Tromos. Le Berserker de la Terreur, colosse de deux mètres quatre-vingt-trois, bardé de muscles, porte sa Nightmare couleur sang, dissimulant presque tout son corps, arborant une pierre d’améthyste au centre de sa poitrine. Le guerrier d’Arès répète avec ses hommes diverses formations militaires.
Plus loin, debout au milieu d’Arèsiens assis en tailleur, le second Berserker sous les ordres de Vasiliás explique également diverses stratégies militaires. Atychia Berserker du Malheur, garde toute sa féminité dans cette armure écarlate qui épouse à merveille ses formes généreuses. Avec sérieux, les troupes du Dieu de la Guerre se préparent à l’affrontement contre Athéna promis par Vasiliás à Yoma.
Le Berserker de la Royauté, responsable des troupes du dieu moqué par l’Olympe, observe ses gens s’exercer avec succès. Impérial dans sa Nightmare d’un rouge vif qui couvre l’intégralité de ses jambes, bardant chaque genou de cornes courbées qui remontent à mi-hauteur de ses cuisses, il sourit sous son masque doré qui ne laisse apparaître que ses beaux yeux bleus et verts et qui est maintenu par son casque ovale formant une gueule de lion tel le casque de l’armure divine de Zêta.
En retrait, en direction du chemin souterrain qui relie le monde contemporain à l’Aréopage, le général voit revenir la silhouette d’un de ses hommes. Soucieux, il s’approche de Tromos qui ôte aussitôt son heaume et s’agenouille. _ « Tromos. D’où revient ce soldat ? Il ne me semble pas avoir envoyé quiconque à l’extérieur. Les vivres ont été rapportés en quantité suffisante il y a peu. Et nous ne manquons pas d’eau. Je sais qu’il reste quelques mauvais esprits parmi mes hommes issus de la première génération d’Arèsiens en notre époque. Se pourrait-il qu’il en fasse parti et soit allé semer le trouble sur Terre ? » _ Vasiliás, dissimule sa gêne Tromos dans sa longue barbe ! Non… Euh… En fait… Comment dire… C’est moi qui l’ai envoyé. _ Sans m’en avertir ? _ Oh… Euh… Mais… Euh… Toujours dans le but de faire appliquer ta justice. _ Explique-toi. _ Pour la plupart d’entre nous, quand tu nous as convaincu de te rejoindre pour faire régner la justice en faisant couler le sang de tous les criminels de ce monde, tu as rendu justice à ceux qui avaient un passé douloureux. Je pense par exemple à Atychia que tu as aidé à venger sa famille. Dans mon cas, c’était beaucoup plus complexe. Alors j’ai demandé à un de nos soldats d’aller enquêter en Argentine, mon pays natal pour… _ Ça va, ça va. La prochaine fois, pense à m’en parler avant, c’est tout. »
L’espion saute par-dessus la mer de lave et vient s’incliner devant les deux Berserkers : « Seigneur Vasiliás. Seigneur Tromos. » L’homme au front dégarni, regarde Vasiliás, comme pour l’implorer de laisser le messager s’exprimer. D’un mouvement de bras résigné, l’Américain cède : « Parle. Nous t’écoutons. » Le soldat se racle la gorge : « Comme vous le savez, Buenos Aires est extrêmement grande et très dense. Cependant, il ne m’a pas fallu trop de mal pour trouver ce Segador. Son nom fait froid dans le dos à quiconque l’entend là-bas. Il est resté caché pendant plusieurs années, le temps de se faire un nom. Mais maintenant qu’il s’est bâti une véritable fortune, il a corrompu les autorités locales et tue aujourd’hui sans vergogne. Il se rend tous les soirs au Disfrute, un club très tendancieux qui lui appartient en plein centre de la ville. » Las, Vasiliás passe sa main sur son visage : « Bon… Ça fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de remettre un beau costume. Allons donc faire une toilette puis retrouvons le monde d’aujourd’hui Tromos. » Le robuste Berserker se relève aussitôt, les larmes aux yeux et déterminé…
En Grèce, à proximité du Cap Sounion, suspendu à la pointe d’une falaise avec vue sur la Méditerranée, un immense manoir voit de nombreux domestiques s’agiter. Debout, dans une immense salle de bain, le richissime et somptueux héritier de la famille Solo ajuste son smoking blanc. Pendant qu’il admire son reflet dans le miroir, Julian précise : « Ce soir Saori Kido sera des nôtres. A ce qu’on dit, elle est aussi belle qu’une déesse. Mon père et son grand-père avaient pour habitude de faire des affaires ensemble. A nous deux, à la puissance de nos fortunes, de nos moyens et de nos ambitions, nous pourrions conquérir le monde. Qu’en penses-tu ? » Son regard bleu fixe l’image de son ami, positionné dans son dos. Tout aussi soigneusement vêtu, achevant de fixer un foulard blanc par-dessus sa veste bordeaux, Sorrento tempère : « Je ne sais quoi vous répondre Monsieur Julian. Après tout, cela ne fait que peu de temps que j’ai la chance de côtoyer votre monde. » Le chef d’entreprise se retourne pour admirer le regard gêné de son camarade. _ « Il est vrai que notre rencontre fut inattendue. Je finançais un orphelinat, lorsque tu venais jouer de ta flûte pour les enfants malheureux. _ Depuis, nous ne nous sommes plus quittés, joignant nos causes l’une à l’autre. » Les yeux océans de Julian s’égarent vers l’horizon… _ « Oui, la construction d’un monde heureux dans un cycle instrumental mélodieux... » Julian se racle ensuite la gorge pour se résoudre à changer de ton. _ « Toutefois tu ne m’as pas répondu au sujet de Saori Kido. _ Etes-vous au moins sûr qu’elle partage les mêmes idéaux que vous M. Julian ? _ Qui ne voudrait pas construire un monde nouveau ? _ Certains voudraient laisser les choses telles qu’elles sont aujourd’hui. _ Est-ce vrai ? _ Certains dieux sont pour. _ Des dieux auxquels je ne crois pas dans ce cas, durcit aussitôt le ton le Grec. _ Après tout, engage le Marina un autre sujet en dissimulant du mieux qu’il peut sa satisfaction d’avoir entendu ça, vous êtes admiré par d’autres femmes. _ A quoi bon me réfugier dans ce qu’il y a de plus simple, quand ce que je convoite le plus ne me demande que peu d’efforts supplémentaires ? _ Alors votre décision est prise ? _ Oui, ce soir Saori Kido sera mienne. _ Y a-t-il une chance qu’elle refuse ? _ J’ai tout. Le pouvoir, l’argent et les mers. Peut-on fermer les yeux sur tout ce que j’offre ? Sur tout ce qu’offre un être semblable au Dieu des Mers et des Océans ? _ Elle possède le pouvoir et l’argent elle aussi. A défaut des mers, les Kido dominent la terre. _ Conquérir son c½ur c’est conquérir la terre. Elle ne peut qu’accepter de me permettre ainsi de dominer le monde. »
Dans la dimension qui surplombe la Terre, à l’intérieur d’un des onze temples qui forment la base du Mont Olympe, le temple du soleil, le silence et la peur règnent en maîtres. Allongé sur une de ses banquettes à savourer le nectar et l’ambroisie, Apollon laisse la chaleur d’un immense foyer suspendu au milieu de son temple lui caresser le visage. Irradiant dans un immense socle maintenu par d’épaisses chaînes au plafond, Apollon reste les yeux fermés, froid et imposant. Seul le raclement de gorge de son serviteur, petit, sénile et dégarni, le sort de sa quiétude : « Seigneur Apollon. Je me demandais, quand comptiez-vous intervenir auprès de Tezcatlipoca ? _ Exprime ta pensée Roloi. _ Cela fait plusieurs mois que des Saints d’Athéna le traquent. Sans succès jusqu’à présent, certes. Néanmoins ils se rapprochent chaque jour un peu plus de lui. Ne craigniez-vous pas qu’ils finissent par le débusquer, l’avoir par surprise et faire échouer votre plan. » D’un ton monocorde, le dieu du Soleil s’expriment par ses phrases courtes qui confirment chaque fois la haute estime qu’il a de lui-même : « Il est trop tôt pour que Tezcatlipoca attaque la Terre. Il n’est pas suffisamment fort tout seul pour attaquer Athéna qui vient de récupérer son Sanctuaire. Il sera plus utile en complément d’une autre Guerre Sainte. Roloi, cesse de t’inquiéter. Mon plan se déroule à merveille. Bientôt sur Terre Poséidon se servira d’Odin. Hadès se réveillera et formera une alliance avec Arès. Tout ceci grâce à Helénê. De ton côté tu as récupéré l’Armillaire de Chronos. Alors que Helénê est mon pion sur Terre tu es mon pion en Olympe. Et mon jeu progresse en silence avec efficacité. » Les petits yeux plissés du fils de Zeus expriment tant de fierté, qu’ils ne croisent pas le regard du serviteur, pourtant tout aussi avide de succès.
A proximité du Cap Sounion, les invités de la maison Solo, tous plus élogieux les uns que les autres, sont arrivés bien vite. Si vite que les domestiques n’ont pas vu la nuit tomber. Le vestiaire, les hors-d’½uvre, le champagne… Les serveurs ne savent plus où donner de la tête dans cette immense salle où de nombreux musiciens s’évertuent à rythmer l’ambiance de musiques classiques. Dans la foule élégante, Saori salue timidement les divers associés et politiciens avec lesquels elle a eu l’habitude d’échanger ces dernières années. Accompagnée de Tatsumi qui fait honneur au buffet, elle n’a de cesse de se sentir à l’étroit dans un monde qui était encore le sien il y a un an. Les affaires ne lui semblent maintenant n’être qu’une corvée qu’elle doit accomplir afin de garder l’anonymat sur sa réelle identité afin de préserver l’équilibre du monde. Lorsque le ministre français des affaires étrangères vient la saluer afin d’échanger sur un dossier en suspens, Saori préfère déléguer l’échange à Tatsumi. Elle se précipite à un des nombreux balcons pour admirer l’océan. Splendide dans sa robe blanche, qui va à merveille avec le bijou agrafé à un ruban rosé autour de son frêle cou, la petite fille de Mitsumasa Kido souffle d’impatience : « Seiya… Je suis si proche de toi… Cependant, il m’est impossible de revenir auprès de toi. Mes sentiments de femmes s’effacent là où commence ma mission divine… » Ses pensées s’éloignent, lorsqu’elle reconnaît sur les rochers devant elle la passagère qui l’accompagnait dans son jet. Dissimulée dans l’ombre, le fouet à la main, la Pandora Box couverte d’un linge blanc, June veille au grain. Elle attend qu’Athéna lui fasse signe de la tête pour la quitter en toute quiétude et s’engager en direction d’Athènes et du Sanctuaire. _ « June… Tu vas pouvoir veiller au chevet de Shun. Profite de cette occasion. Comme j’aimerai pouvoir être à ta place en cet instant, confesse Saori. »
Plus loin, là où la plage n’est pas illuminée, le bas de pantalon de velours pourpre et les chaussures de Sorrento, ne craignent pas de venir tremper dans l’onde calme de la Méditerranée. Il laisse une brise salée venir le décoiffer, pendant qu’il hume à pleins poumons cet air qui lui sied tant…
A l’intérieur, un domestique de la propriété Solo s’avance sur l’estrade ornée d’un trident, blason de la famille de Julian. Au-dessus de sa tête, sur les rideaux rouges, une banderole « Happy Birthday » lui évite un long discours. Il lève sa coupe d’alcool pétillant et attire vers lui l’attention des convives de son maître : « Je porte un toast pour célébrer les seize ans de Julian ! Santé ! » Tous l’imitent dans la bonne humeur, rappelant depuis dehors Athéna a ses devoirs d’humaine. Elle retrouve Tatsumi qui s’étonne toujours autant de croiser tout ce beau monde : « Impressionnant, tous les grands de ce monde sont réunis ici. C’est normal puisqu’il s’agit de la fête d’anniversaire du fils de la première fortune mondiale. Mais tout ça n’est-il pas un peu exagéré ? » La familiarité du Japonais oblige Saori à le rappeler à l’ordre, alors qu’il se goinfre des succulents mets proposés : « Tatsumi, tiens ta langue. Bien que Julian n’ait que seize ans, il assure la succession de son père, y compris à la tête du clan Solo. » En flânant, Tatsumi se rattrape : « Je ne suis pas sans ignorer que c’est une personne très importante. » Tout ceci amuse énormément le maître de maison. Raffiné, imposant toute sa puissance et son charisme, Julian se révèle enfin aux yeux de Saori : « Je suis très honoré d’être le sujet de votre discussion Mlle Saori Kido. » Ignorant totalement la présence du bras droit de la jeune femme, il traverse la pièce et vient lui baiser la main. _ « Je suis Julian Solo. Bienvenue à ma fête d’anniversaire. Il s’agit là de notre première rencontre, mais on m’a dit que mon père et Mitsumasa Kido étaient très proches. _ En effet, mon grand-père m’a souvent parlé de la riche famille grecque Solo et de son empire maritime. _ Je vous ai invité car je voulais vous rencontrer depuis longtemps. Vous êtes encore plus belle que je ne l’imaginais. J’aimerais vous parler seul à seul, dans le calme. Allons sur la terrasse, venez. » Prenant Saori par la taille, il abandonne Tatsumi sans même daigner le regarder. Le robuste second de la Fondation Graad grogne : « Mademoiselle ! Ce type ne me plait pas du tout ! » Arrivés à une autre aile que celle empruntée plus tôt par Saori, les deux chefs d’entreprise échangent devant une petite zone portuaire. _ « Il y a plusieurs siècles de ça, ma famille s’est bâtie un empire sur les sept mers à commencer par la Méditerranée et elle s’est constituée une fortune colossale. Mon père disait souvent, celui qui domine les mers, domine le monde. Car les océans couvrent soixante-dix pour cent de la surface terrestre. Bientôt, je dominerai moi aussi les sept mers et le monde, par conséquent. Saori, accepteriez-vous de partager cette joie avec moi ? Moi, Julian Solo, je souhaite que vous deveniez mon épouse. _ Votre épouse, s’étonne de ses grands yeux profonds et circonspects Saori ? Vous plaisantez ? _ Ce n’est pas une plaisanterie, Mlle Saori. Avant même de vous rencontrer, je sentais un lien fort entre nous. Et j’en ai la confirmation ce soir. Nous nous sommes déjà rencontrés, jadis, bien avant notre naissance. » Soudain, sans même qu’ils s’en rendent compte tous les deux, leurs deux présences intérieures communiquent avec plus d’insistance. _ « Quelques siècles auparavant… Non, durant l’antiquité, je sens que nous nous sommes rencontrés à de nombreuses reprises, ressent Julian. » Une étrange atmosphère s’en suit, durant laquelle les deux restent les yeux fixés dans le regard de l’autre avec détermination.
Lorsque la manifestation de leur for intérieur s’estompe, il reprend un ton charmeur, passionné. _ « Qu’en pensez-vous Mlle Saori ? _ Je suis très flattée. Mais je suis au regret de devoir refuser. Excusez-moi. Je suis fatiguée, aussi vais-je prendre congé de vous. Je dois repartir très tôt demain matin pour le Japon. Au revoir. » Elle tourne aussitôt les talons et retourne à l’intérieur. Pantois, seul, le magnifique bellâtre refuse d’admettre la réalité : « Saori… Impossible ! Il existe une femme capable de me résister ? » Pourtant, très vite, il reprend cette mine fière que Sorrento lui connaît si bien : « Depuis ma naissance, j’ai toujours obtenu tout ce que je désirais. Vous deviendrez mienne vous aussi. » Résolument convaincu, mais aussi profondément blessé, Julian ne se voit plus retourner faire la fête et recevoir les flatteries des puissants. Inopinément, une lumière resplendit au loin : « Qu’est-ce qui brille au Cap Sounion ? Il n’y a pourtant rien là-bas ! » Il s’engage en direction de l’escalier qui lui permet de longer la plage en ignorant son majordome venu l’interpeller au balcon. _ « Seigneur Julian ! Seigneur Julian ! Où allez-vous ? Vos invités vous attendent ! _ Je… J’ai vu… Là-bas… Il y a… Non. Laisse. Dis-leur que je suis fatigué. Que je ne me sens pas très bien, balbutie-t-il en se retirant. _ Mais enfin la soirée ne fait que comme… » L’entêté héritier ne répond plus, il est comme aimanté par cette lumière, qu’il voit scintiller de plus belle. La voix de son employé ne lui parvient plus. Ses chaussures blanches sont léchées par le sable humide et son pantalon s’arrache à mesure qu’il grimpe les rochers pour atteindre le sommet du Cap Sounion. Malgré les obstacles, il n’abdique pas. Aveuglé, il approche jusqu’à la pointe du précipice : « Qu’est-ce que c’est ? » Il lève les yeux du sol vers les cieux en étudiant avec minutie le long manche doré qui maintient fixé en son sommet trois pointes marines à l’acier lisse et tranchant : « D’où vient ce trident ? » Une voix semblable à une mélodie lui répond : « C’est le vôtre depuis les temps mythologiques. » Cette symphonie qui lui parcoure le dos l’oblige à se retourner : « Qui êtes-vous ? » Il découvre une jeune femme agenouillée couverte d’une armure en forme d’écailles rosées aux longs cheveux blonds et aux lèvres pulpeuses. _ « Je suis Thétis de la Sirène Marine. _ La Sirène Marine ? Et vous dites que ce trident est à moi ? _ Oui, maître Julian Solo ou plutôt maître Poséidon Empereur des Mers. _ Poséidon ? _ Maître Julian, vous êtes la réincarnation du dieu Poséidon, maître des océans depuis les temps mythologiques. _ Moi la réincarnation de Poséidon ? _ Oui. Vous nous revenez après deux cent ans d’absence. Accompagnez-moi au temple de Poséidon. _ Au temple de Poséidon ? _ Oui, seul ce sanctuaire sous-marin est digne de votre divine personne. Les Marinas, les Généraux et héros des océans, vous y attendent. Bien, allons-y. » Sans même lui laisser la moindre chance de se débattre, Thétis l’enlace par la taille avant de se jeter avec lui. Du haut du Cap Sounion, ils plongent dans une mer plus agitée que sur la plage : « Que faîtes-vous ? Ah… »
A la surface, à l’autre bout du monde, une voiture sportive rouge progresse lentement et ne passe inaperçue auprès d’aucun piéton au c½ur d’une ville encore calme à la nuit tombante. A l’intérieur, mal à l’aise dans des vêtements civils qui l’habillent de trop, Tromos reconnaît bien son pays natal : « Ça bouge à peine à cette heure-ci à Buenos Aires. Pourtant, lorsque nous serons au c½ur de la nuit, la fête battra son plein. La musique des clubs se mélangera dehors aux rires des passants pour former un brouhaha inaudible. » Vasiliás admire, impeccable dans son costume blanc, les nombreuses enseignes festives : « Tant mieux... Cela n’en rendra que plus discrets nos agissements. » L’objet de leur venue ramène Tromos à de douloureux souvenirs. Le géant, à l’étroit dans ce véhicule que Vasiliás a insisté pour louer, n’ose pas regarder son supérieur. _ « Ca me touche que… _ Tromos. Lorsque j’ai choisi de constituer mon armée, j’ai promis à chaque homme enrôlé de tout mettre en ½uvre pour garantir la paix et la sécurité de tout un chacun. L’existence même de ce Segador est en contradiction avec le monde que nous voulons créer. _ Je me demandais quand même, même si nous tuons des criminels, n’en devenons nous pas non plus en agissant ainsi ? _ Tu doutes de la morale de nos engagements ? _ Depuis la nuit des temps, les dieux s’affrontent pour instaurer leurs paix sur Terre. Mais au final, rien n’a changé. Les famines, les guerres, les hommes mauvais, rien n’a été éradiqué. _ C’est pour cela qu’ils doivent recevoir notre châtiment. _ Même si nos actes me semblent justes, on parle quand même d’extermination. D’êtres mauvais, certes. Mais qui peut juger ? Crois-tu que nos hommes auront les épaules assez larges pour ça ? _ Le costume du justicier peut paraître ingrat à porter. C’est pour cela que je me ferai roi de ce monde. Moi seul dois vivre avec l’esprit tourmenté pour la punition que nous infligerons aux criminels. Nos hommes ne seront que de simples exécutants. _ Mais dans ce cas nous ne te suivrons que par peur du châtiment. _ Vous me suivrez uniquement pour la paix et le bonheur de vivre en sécurité sans être raillés ou menacés. _ Une extermination massive aura donc lieu. _ Détruire les racines du mal à un prix. Mais les esprits pervertis ne doivent pas systématiquement être annihilés. Les coupables d’actes majeurs éliminés, les coupables d’actes mineurs devront seulement être jugés. Même si c’est sévèrement, cela permettra de faire réaliser quelle façon de vivre est juste. Les mentalités changeront et chacun s’évertuera à acquérir son bonheur sans nuire à celui des autres. _ Alors je te suivrai. En appliquant ta loi, j’offrirai aux hommes le bonheur auquel je n’ai pas eu droit. _ J’ai l’impression que tu renouvelles ton serment envers moi, sourit l’Américain en restant concentré sur la route. Lorsque j’ai été retiré à mes parents, surenchérit Vasiliás au silence gêné de Tromos, des êtres aimants qui faisaient mon bonheur de petit garçon, je n’avais pas conscience des souffrances de ce monde. C’est arrivé au Sanctuaire, le berceau de la justice, c’est là que je me suis rendu compte que la nature humaine était viciée. Brimades, humiliations, violences, menaces… La vie dans le domaine sacré n’avait rien d’un conte de fée. Le pire fut, lorsque je pus découvrir la vie contemporaine avec mes yeux d’adulte. Lors de ma fuite, en trouvant refuge au Canada, j’ai constaté que le monde auquel on m’avait retiré, celui dont me protégeait mes parents, ce monde que maintient Athéna, n’était que tragédies. Vols, abus de faiblesse, meurtres, viols, pédophilie… Rien ne correspondait aux souvenirs de l’éducation familiale que j’avais reçu. Non seulement le Sanctuaire m’avait privé de mes parents qui moururent de chagrin après ma disparition, mais il se battait depuis des siècles pour protéger ce courant fou, qui bafoue les valeurs que je veux instaurer. Ma soif de justice n’en est que plus justifiée. » Convaincu, Tromos fixe avec détermination une enseigne illuminée dont le nom se reflète d’un rose luxurieux. Il laisse son énorme main taper sur la cuisse de son supérieur pour l’alerter : « Là ! Le « Disfrute » ! » Le roi au service d’Arès détaille avec minutie la façade : « Cinquante bons mètres de devanture, une grande porte à l’avant, uniquement une clientèle assez mondaine qui fait la queue, un vigile tous les deux mètres dans la file d’attente et… qui surveillent tout le pourtour du bâtiment ! Impossible de passer par une porte de service sans éveiller les soupçons. » Commençant à ouvrir la portière alors que la voiture est en pleine marche, Tromos déclare : « Qu’importe ! A la vitesse à laquelle nous savons nous déplacer nous n’avons rien à… » Malgré la différence de corpulence entre les deux hommes, le leader tire sèchement son second pour le dissuader de descendre. Son geste, ferme et oppressant, convainc l’enfant du pays d’y réfléchir à deux fois. _ « Il y a trop d’innocents ici. Et n’oublie pas ce qu’a dit l’espion que tu as fait envoyer. Beaucoup de dissidents à Segador se trouvent emprisonnés à l’intérieur. Apparemment, le rez-de-chaussée est un immense dancing avec plusieurs salles. Il y a un étage, les appartements privés certainement. Si tu regardes au sol, il y a quelques trappes à l’angle des murs. Certainement des grilles d’aération pour les sous-sols. S’il y a des prisonniers, c’est là que nous les trouverons. _ Je veux Segador ! _ Il sera à toi. Mais n’oublie pas que pour les gens de ce monde, nous sommes des surhommes. Ils ne doivent pas soupçonner notre existence. Nous faire remarquer par la cosmo énergie nous révèlerait également à Athéna. Si elle découvre qu’Arès a fondé une nouvelle armée, elle pourrait nuire à nos projets. _ Que comptes-tu faire alors ? » Tout en stationnant avec simplicité son véhicule un peu plus loin, Vasiliás resserre légèrement sa cravate : « Tu vas être mon partenaire de soirée ! »
En Grèce, sous la mer, dans le sanctuaire sous-marin, Julian revient peu à peu à lui. Etalé de tout son long sur les dalles blanches du parvis du temple du Dieu des Océans, il ouvre mollement ses yeux. L’eau salée lui pique encore. Ses narines lui brûlent après que l’eau se soit infiltrée dans ses poumons. Mais c’est bien l’air qui lui fait gonfler de nouveau sa poitrine. _ « Pourtant, le bruit berçant des vagues… Ce va et vient apaisant… Je l’entends toujours, réalise-t-il en revenant à lui. Pourquoi ne suis-je plus dans les abysses ? A mesure que je m’y enfonçais avec cette femme, je souffrais. J’ai perdu connaissance. Où suis-je ? Nous avons plongé dans la mer, sommes-nous sortis de l’eau ? Où est passée l’eau, s’interroge-t-il en levant la tête vers le ciel ? L’eau est au-dessus de nous, telle une voûte céleste, réalise-t-il instantanément ! Nous sommes donc bien dans les fonds marins ? _ En effet. Dans les abysses maritimes se trouve votre empire. » Thétis l’accueille debout devant un des sphinx, qui décore l’extérieur du palais. Bouche bée, le Grec admire les étendus au relief fait de roches spongieuses. Enfin, lorsqu’il finit de faire le tour de lui-même, il tombe nez à nez avec une immense bâtisse aux colonnes doriques. _ « Regardez. Voici votre temple. _ Un temple aussi énorme sous l’océan, comment est-ce possible ? Voici donc le temple de Poséidon, le sanctuaire des mers. Et c’est… » Son attention se focalise sur une Scale majestueuse qui l’attend sur les marches de l’édifice. Dès lors, les écailles rentrent en harmonie avec lui, révélant sa cosmos énergie tout en épousant ses formes. L’alchimie est parfaite, la conscience de Poséidon s’éveille en même temps que la Scale habille Julian. Déjà une centaine de soldats Marinas venue de tout le royaume se prosterne à ses pieds. Devant eux, arrivent sept Généraux couverts d’écailles aux couleurs semblables aux siennes. Parmi eux, tête baissée, n’osant pas lever les yeux, Sorrento se courbe. Suivi de Bian, Io, Krishna, Kassa et Isaak. Seul le Dragon des Mers s’avance un peu plus que les autres avant de s’incliner. _ « Seigneur Poséidon, votre armée est au complet. Votre peuple attend vos ordres. » Durant de longues secondes, l’empereur scrute chaque homme qu’il a sous ses ordres sans dire le moindre mot. Autant de temps où, sous son heaume, Kanon sent rouler sur son front la sueur froide que seul un homme complotant contre les dieux peut ressentir : « Il est de retour. C’est l’instant fatidique. Si tout se passe comme je l’ai prévu, il se contentera de voir que nous sommes prêts et il ne restera plus qu’à lui faire mettre l’anneau des Nibelungen à Hilda. Les Guerriers Divins remporteront la victoire pour nous et je pourrai gouverner en utilisant ce dieu pantin. » L’instant de vérité ne lui fait pas défaut. Le dieu tourne le dos à ses sujets et entame la montée vers ses appartements. _ « Dragon des Mers. Tu sembles avoir été le chef de mes rangs en mon absence. _ C’est le cas. _ Je te félicite d’avoir réunis mes Généraux et une armée de Marinas. Mes hommes savent se tenir. Et si je suis ici aujourd’hui, c’est qu’Athéna est revenue en ce monde. Viens donc t’entretenir avec moi sur la situation. » Sans mot dire, Kanon s’enfonce dans les profondeurs des locaux, pendant que les hommes retournent vaquer à leurs occupations. Seul, au milieu de la place vide, Sorrento lève enfin les yeux en direction du chemin emprunté par son maître : « Même si vous n’avez eu aucune considération en égard à l’amitié que nous partagions dans notre ancienne vie, je reste fidèlement vôtre. J’ai passé ces derniers mois à vos côtés, sans me soucier des décisions prises par le Dragon des Mers. Je prie pour qu’elles soient à la hauteur de vos espérances. »
A l’intérieur, progressant les yeux fermés à mesure que la mémoire lui revient, Poséidon emboîte le pas à Kanon. Après avoir traversés les différents appartements et autres salles de réunions, les deux hommes forts du sanctuaire sous-marin empruntent un pont de pierre. La passerelle est suspendue au-dessus d’un bain immense. Ce dernier est alimenté par l’eau qui provient du plafond et qui s’écoule sur toutes les parois. Ce splendide décor n’impressionne en rien Poséidon qui continue d’échanger avec son Général : « … Alors après cela tu as commencé à réunir les Généraux. _ En effet. Tout en confiant la tenue des rangs aux premiers rassemblés, j’utilisais les Scales qui me servaient à identifier les autres promus. Entre temps, j’effectuais diverses recherches pour vous permettre d’affaiblir Athéna et conquérir la Terre. Pour cela, il m’a fallu envoyer Isaac du Kraken à Atlantis. _ Hum… Atlantis… Mon esprit s’y est éveillé il y a plus de deux cent ans pendant une Guerre Sainte entre Athéna et Hadès. _ En effet. Il a été rendormi par l’intervention du Saint d’or du Verseau de l’époque. Cela a valu à la cité d’être condamnée. Son seul accès restant Blue Graad. J’ai donc organisé une Guerre Sainte entre Blue Graad et Asgard afin de faire diversion et d’y envoyer notre homme. _ Atlantis est parsemé d’artefacts puissants. Pour lequel l’as-tu envoyé là-bas ? _ L’anneau des Nibelungen. J’ai pu étudier ces treize dernières années les diverses entités de cette planète et j’ai trouvé celle d’Asgard, Odin, digne de notre intérêt. Cela s’est confirmé durant la Guerre Sainte entre les royaumes du grand nord. Les défenseurs d’Odin ont un niveau capable d’égaler les meilleurs saints d’Athéna. Et surtout, si la Prêtresse d’Odin cesse ses prières, les glaces des pôles sont menacées de fondre. La fonte des pôles signifierait une victoire des océans sans même mener nos hommes à la bataille. _ Et si Athéna combat les God Warriors, elle n’aura plus de forces armées pour lutter contre mes Marinas. _ Athéna est déjà affaiblie après un complot interne, qui a décimé la moitié de ses hommes. _ Et les nôtres ? J’ai cru dénombrer une centaine de soldats. _ Nos Généraux ont un niveau digne de vous. Cependant, nos soldats ne valent pas mieux qu’un vulgaire Saint de bronze d’Athéna. » Poséidon termine de gravir l’escalier d’eau et parvient devant deux immenses portes, dans lesquelles est gravé un imposant trident en or. Grâce à son cosmos, il les ouvre sans le moindre effort et observe sa salle du trône où, sur son siège, resplendit la bague maléfique. _ « L’anneau des Nibelungen. _ Je pense qu’il fera le nécessaire, sourit dans l’ombre de son casque avec perfidie Kanon. Votre peuple a assez souffert ces derniers millénaires, pour éviter de subir de nouvelles pertes inutiles. Les femmes et les enfants qui peuplent les environs vous vénèrent chaque jour que vous leur accordez. La population est de moins en moins importante, mais elle est l’héritage des élus que vous aviez choisi dans les temps mythologiques pour repeupler votre nouveau monde. » Par télékinésie, l’empereur vient faire virevolter par-dessus la paume de sa main le bijou alors qu’il se pose au fond de son siège. _ « Tu me disais toi-même que les hommes de la prêtresse d’Odin étaient puissants. Pour sceller l’anneau il ne faudra pas que nous soyons dérangés. _ Hilda de Polaris, c’est le nom de la prêtresse, est toujours accompagnée de Siegfried de Dubhe. Peut-être que si nous infiltrons Thétis, nous arriverons à les séparer le temps de… _ Si Thétis a ta confiance, alors prépare là à cette mission sur le champ. Dès demain, Hilda sera sous mon emprise. Et la Terre n’aura alors jamais mieux portée le nom de Planète Bleue ! »
En Argentine, à Buenos Aires, très élégant, Vasiliás patiente calmement dans la file à quelques mètres de l’entrée du Disfrute. _ « Allons, cesse de faire la tête, dit-il en levant les yeux vers Tromos. _ Je ne suis pas venu danser. _ Ça tombe bien, moi non plus. J’aime la musique, mais je danse comme un pied. On va boire un verre, observer les allers et venues des hommes de Segador et on agira discrètement. »
Enfin arrivés à l’entrée, une fois scrutés de haut en bas par les vigiles à l’allure menaçante, les deux Berserkers sont accueillis par une hôtesse à la peau chocolat. Les cheveux courts, d’un noir de jais, le regard perçant, sa voix est suave : « Je suis Peligra. Vous n’êtes pas des habitués de notre club n’est-ce pas ? » Face à la nervosité de Tromos, Vasiliás choisit d’être l’interlocuteur privilégié de la vénusté montée sur des escarpins aussi ténébreux que sa veste de tailleur grande ouverte sur sa peau d’ébène luisante. _ « Effectivement. Nous sommes Américains et avons fait une halte à Buenos Aires pour affaires chère demoiselle Peligra. _ Alors je vais me charger de vous faire visiter, lui dit-elle en lui tendant la main. Comme pour chaque client, je suis la chargée à votre service. » Elle lui serre et caresse la paume de main avec attention lorsqu’il la lui donne. Elle dirige son bras libre en direction de diverses salles toutes mystérieusement dissimulées par des rideaux de velours rouge. _ « Dans cette direction se trouve notre restaurant et le piano bar. Ici le bar où vous seront versés les meilleurs cocktails que vous pourrez trouver en Argentine. Une piste de danse vous permet de vous mêler à la foule, ou bien peut-être préférerez-vous l’intimité de quelques banquettes encerclant un podium sur lequel je pourrai vous réserver une petite danse ? » Vasiliás snobe le charme de sa guide en pointant la direction de l’étage. _ « Ces escaliers ne nous sont pas accessibles ? _ Il s’agit des alcôves réservées à nos meilleurs clients, passe-t-elle sa main sur l’épais n½ud de soie saumon qui lui sert de jupe. Après se trouvent les appartements privés de la direction. _ Dans ce cas j’espère devenir très vite le meilleur de vos clients, sourit-il de ses grandes dents pour complimenter la splendide employée. _ Cela ne tiendra qu’à vous, lui rétorque-t-elle avec un regard provocateur. _ Cette musique me donne déjà mal à la tête, mais je suis partant pour boire un verre, casse l’ambiance Tromos laissé pour compte dans ce jeu de séduction. » Peligra devance alors les deux compagnons. Elle traverse la piste de danse. Esquivant les corps qui se déhanchent au milieu des stroboscopes, des lasers et de la fumée, les Berserkers échangent leurs impressions. _ « Tu as vu, nous sommes passés incognito, relativise Vasiliás. Elle n’a même pas remarqué que tu es Argentin. Il faut dire que lorsque tu as quitté ton pays, tu devais encore avoir tous tes cheveux. _ Je ne perds pas mes cheveux, j’ai le front large, c’est différent, frotte Tromos le haut de son crâne assez dégarni ! » Après un sourire complice échangé, Tromos revient à l’objet de leur présence. _ « Comment comptes-tu t’organiser ? _ Si tu regardes bien, dans tous les groupes venus ici, il y a une hôtesse qui ne les lâche pas. Il en sera de même pour la nôtre. A moins que l’un de nous ne se l’accapare. _ C’est bon, j’ai compris. Je suis de trop. _ Continue de jouer la carte de l’indifférence. Une fois que nous serons séparés, trouve le chemin qui mène au sous-sol. Je te laisse d’abord libérer les prisonniers. Ensuite, seulement, tu pourras te rendre à l’étage. Segador et ses hommes seront à toi. » Tromos choisit donc la direction du bar pour tromper la vigilance de Peligra. Avant qu’il ne s’en aille, Vasiliás retient l’homme aux petits yeux noisette : « N’oublie pas d’agir en toute discrétion. Je compte sur toi. »
Au milieu de trois couples remuant l’un contre l’autre sensuellement, Peligra s’inquiète du départ précipité du robuste client : « Ma présence l’indispose-t-il ? _ Absolument pas. Mais il est du genre réservé. Difficile à croire que cette montagne de deux mètres quatre-vingt-trois aime passer inaperçu. Il est parti noyer son chagrin d’avoir aujourd’hui loupé un gros contrat en allant au bar. _ Que dois-je faire pour vous satisfaire dans ce cas ? Peut-être vous présenter à d’autres clients ? Ou vous entraîner sur la piste ? _ Je n’aime pas danser. _ Les fauteuils dans ce coin dans ce cas ? Ils sont occupés par un grand investisseur local. _ J’ai déjà signé beaucoup de contrats aujourd’hui. J’ai affirmé ne pas aimer danser. Mais je n’ai jamais dit que je n’aimais pas qu’on danse pour moi… »
Loin de la moiteur de l’Amérique du Sud, à l’entrée même du domaine d’Asgard, sur la route de cristal, là où Seiya et Thor s’affronteront dans quelques jours, une silhouette couverte d’un épais manteau de laine blanc progresse péniblement dans la neige. La masse cotonneuse drape les terres gelées du dieu Odin. Les cheveux d’or et le teint halé de la voyageuse permettent à quiconque la croiserait de l’identifier comme une intruse. Hélas, la météo capricieuse de ce jour ne permet pas à Thétis de croiser le moindre habitant ni le moindre garde. _ « Par ce froid, il faudrait être fou pour sortir, assure-t-elle. Le Dragon des Mers m’a demandé de trouver le moyen d’écarter la Princesse de Polaris de son fidèle bienfaiteur Siegfried. Ce ne sera pas tâche aisée et il me faudra jouer de tous mes charmes. »
Arrivée devant un croisement, la Danoise qui a élu domicile sous la Méditerranée ces dernières années est face à un dilemme. _ « La route s’écarte. A gauche une vallée qui maintient de la neige fraîche, propice aux avalanches, et à droite, une progression vers une montagne. » Soudain, le frisson d’un danger lui parcourt le dos. Une légère secousse retentit. _ « Il n’y a pas de doutes possibles. Il s’agit d’un cosmos. Vers la montagne, devine très vite Thétis ! » En effet, plus loin, plus haut, en direction du Mont Baldr au sommet duquel Mime trouvera la mort contre Ikki, une cavité est formée à travers la roche. Tout autour de cette entrée, la neige fond en raison de la chaleur libérée par la lave du volcan où s’entraîne régulièrement Hagen. Aux abords, Freya ne craint donc pas le froid. La peau blanche, les yeux verts concordant à merveille avec le tissu qui couvre ses épaules par-dessus sa robe blanche, la magnifique demoiselle admire tout le courage d’Hagen. Aujourd’hui, il s’entraîne dehors. L’athlétique guerrier nordique surmonte la rudesse du froid. Il exécute en mêlant vitesse et puissance de nombreux enchaînements. Lorsqu’un courant d’air glacial vient lui arracher son maillot kaki, pour lui couper la peau à hauteur de l’abdomen, il ne sourcille même pas. Il contre le souffle avec le sien en dégageant son arcane : « Universe Freezing ! » C’est une fois qu’il est parvenu à couper le souffle du vent, qu’il s’accroupit enfin pour contenir son hémorragie. Inquiète, les doigts entremêlés, les cheveux blonds épais couverts d’un bonnet rose, Freya ignore le danger qui règne dehors. Elle se précipite vers son amant pour le ramener à l’intérieur de la caverne volcanique. _ « Je t’avais dit de t’entraîner à l’intérieur, près du volcan, comme d’habitude. _ Non Princesse Freya. Je sais que vous souffrez trop de la chaleur à proximité de la lave et je ne veux pas vous imposer ça. » Il se cramponne fermement le ventre pour contenir sa plaie. Alors, la cadette de la famille de Polaris prend le relais. Elle essuie l’hémoglobine séchée sans même exprimer le moindre dégoût. Au contraire, son geste lui permet de caresser les lignes fermes des abdominaux du futur God Warrior. Son attention lui vaut un sourire plein de charme de l’Asgardien, qu’elle s’empresse de prendre à pleine bouche. Accroupit au-dessus de lui pour dominer sa grande taille, elle l’embrasse avec passion maintenant que sa plaie cesse de saigner. Alors qu’il remonte peu à peu la longue robe de sa bien-aimée pour enfin avoir l’immense plaisir de parcourir de ses mains le long de ses douces jambes, Freya se presse de lui défaire son pantalon blanc…
Perdue, titubante, la vue obstruée par la neige, Thétis est parvenue à remonter la trace du cosmos d’Hagen. L’inconnue de ces terres aux neiges éternelles surgit inopinément face au couple qui ne fait plus qu’un. Attirée par la clameur libérée crescendo et simultanément par le frottement régulier de la chair des deux amants, Thétis apparaît devant eux. Sa douce voix libère une mélodie lorsqu’elle prononce avant de s’écrouler face à eux : « Aidez-moi… Je vous en prie… » Pris au dépourvu, charmés par cette voix harmonieuse, ils s’échangent d’abord un regard mêlé de charme et de surprise. Puis réajustent leurs vêtements en accourant vers elle…
Au même moment, en Grèce, dans le sanctuaire souterrain d’Arès, le calme est propice à la progression funeste de la discorde. Sa représentante divine, Eris, profite de l’absence de Vasiliás et Tromos pour s’infiltrer au sein de l’Aréopage. Voulant poursuivre avec elle ses manigances, Arès sort discrètement de son temple. Il avance seul par-dessus la lave qui encercle l’îlot où se dresse l’antique palais. Insensible au magma, il rejoint sa s½ur réincarnée. _ « Je savais que la reprise de son Sanctuaire par Athéna ne t’avait pas laissé indifférente. _ Beaucoup de morts, de ranc½ur, de peine, de trahisons, de doutes… Il est temps de passer à l’action tu ne crois pas. _ A l’époque, elles ont été scellées chez toi n’est-ce pas ? Dans ton Jardin d’Eden à Hokkaido. » Sous les traits de Kyoko, Eris devine où veut en venir Arès. _ « En effet. Tes Ombres. Les guerriers à ton service qui commandent les Berserkers. _ Alors lors de la dernière bataille où ils étaient à mes côtés, Athéna a eu la malice de les emprisonner dans ton temple enseveli pendant que tu étais prisonnière de la Pomme d’Or à la dérive dans l’espace. Astucieux. Elle pensait que tu ne te réincarnerais pas de sitôt et cela me privait de mes meilleurs atouts. _ Avec eux, lors de ta première tentative d’invasion du Sanctuaire en 1979, tu aurais réussi ton coup. _ Pas sûr, relativise le dieu assagi avec le temps et influencé par les stratagèmes de Ksénia et Vasiliás. Je me suis précipité et y suis allé avec une armée incomplète. J’ai profité de la Guerre Sainte contre les Titans pour tenter de m’emparer du Sanctuaire d’Athéna et ai été repoussé par des Saints de bronze et d’argent. Très vite, les Saints d’or revinrent victorieux. Même avec mon armée de Berserkers au complet, commandés par mes Ombres, nous aurions été mis en difficulté car pris à revers par le retour des Saints d’or du Cronos Labyrinthos. _ Quelle clairvoyance ! Je t’ai connu moins calme ! _ La vérité c’est toi qui me l’as montré. Par ta façon de t’immiscer dans le c½ur des hommes. Mon Berserker de la Royauté a rebâti mon armée. Il l’a façonnée avec des soldats pleins de souffrances. Il met à ta disposition de parfaits candidats à tes Evil Seeds. Il a monté son plan d’invasion du Sanctuaire avec minutie et patience. Nous n’aurons qu’à le cueillir lorsqu’il aura accompli le travail. Et lorsqu’il croira me prendre à revers, mes Ombres le cueilleront comme toi tu cueilleras toutes ces âmes, arèsiennes et athéniennes que tes Evil Seeds auront égrainées durant la bataille. » Enjouée, Eris s’approche de son frère pour coller d’affection sa tête contre son torse. _ « Tu avais donc tout prévu mon frère… _ Je ne suis pas le seul, n’est-ce pas ? Si mon échec de 1979 était conséquent à mon manque de patience, je te sais, toi, bien moins rustre. Et capable de plus de réflexion. Lorsque tu as attaqué en 1984 le Sanctuaire, tu brouillais les pistes n’est-ce pas ? » Démasquée, la Déesse de la Discorde sourit avec perfidie. S’émancipant des bras de son frère, Eris fait apparaître sur elle un chemisier blanc rentré dans une jupe crème donnant à Kyoko une apparence contemporaine. _ « C’est une longue histoire. Que penses-tu de profiter d’être nés humains en cette ère pour goûter au plaisir qu’ils s’offrent avant notre avènement ? _ Seulement si tu promets de me révéler le détail de tous les meurtres commis sous ton influence, accepte-t-il. » Dès lors, il s’affuble lui aussi de vêtements. Habillé d’un long manteau beige qui descend jusqu’à un pantalon de costume gris, il prend la direction de la surface dans de belles chaussures de ville : « Bien, gouttons à ce monde en tant que Kyoko et Mars, avant de le diriger en tant qu’Eris et Arès ! »
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« le: 8 Mars 2021 à 15h19 »
Chapitre 70
Les douze flammes de la grande horloge du Sanctuaire, sont éteintes depuis bientôt quinze jours. Le retour d’Athéna au Sanctuaire a achevé l’année 1986 par un message de paix. Depuis, à chacune de ses apparitions, Athéna est saluée par une clameur populaire qui rompt le calme habituel du domaine sacré. Du fait de la conspiration de Saga des Gémeaux, son visage était resté mystérieux, au point même que certains doutaient de son existence. Dorénavant, depuis son avènement, la déesse se montre à eux régulièrement dans toute sa splendeur et sa noblesse. Les habitants du Sanctuaire ne perçoivent aucun point obscur dans le sourire plein de force qu'Athéna leur retourne. Ils se réjouissent de la victoire de la justice et prient pour que la paix dure pour toujours.
Néanmoins, Saori conserve une profonde réserve de sentiments. Si une certaine amélioration est à noter dans le rétablissement de ses Saints de bronze, elle s’ennuie néanmoins d’eux. De plus, les messages réguliers des Steel Saints, relayés par des messagers basés à Athènes, inquiètent l’héritière de la Fondation Graad.
Ce n’est pas l’arrivée de Tatsumi qui la rassure. Le majordome, accompagné de plusieurs gardes dont son inséparable acolyte, le père de Kyoko et Shoko, qu’il a rebaptisé du même nom que le sien, se présente dans la salle d’audience du Grand Pope. Comme dans la plupart des maisons du zodiaque en travaux, il peut sentir l’odeur du plâtre et du ciment frais. Il ne reste bientôt plus rien des champs de bataille où le sang de beaucoup d’amis a coulé. _ « Ah ! C’est incroyable Mademoiselle Kido ! Tout est bientôt comme neuf, la félicite Tatsumi ! _ En effet, nos ouvriers et nos soldats ont travaillé sans relâche. » L’homme au visage dur et au crâne dégarni peut remarquer la mélancolie qu’exprime la déité. Gêné, il approche jusqu’au siège où elle est positionnée et se penche en avant pour lui remettre en bonne et due forme un courrier : « Je suis désolé de vous ramener à vos obligations humaines. Toutefois, Sho m’a transmis une invitation qui vous a été envoyée par la famille Solo. En effet, le riche héritier de cette compagnie partenaire de notre Fondation Graad vous invite à son anniversaire dans sa résidence en Grèce. » Avec délicatesse, elle s’approprie le document et l’examine quelques secondes : « Je vois… C’est à quelques kilomètres d’ici et… Ce banquet aura lieu dans deux mois et demi. En attendant, je devrai pouvoir m’occuper des affaires de la Fondation depuis ces lieux, souffle-t-elle pleine d’amertume. » La voix fort avisée de son protecteur, Mû, retentit dans la salle : « Peut-être devriez-vous retourner au Japon le temps de régler certaines choses Majesté. Après tout, aucun danger ne nous guette pour le moment. » La parfaite réincarnation aux cheveux lilas n’attendait que l’aval de ses plus proches conseillers. Tout en regardant le Saint d’or du Bélier faire son entrée depuis les deux grandes portes de la salle qu’il a ouvert lui-même, elle lève les yeux vers le plafond et demande : « Il est en effet nécessaire que je retourne auprès des membres de ma société. Beaucoup de décisions doivent être prises pour favoriser des ½uvres humanitaires et des investissements dans les pays en voie de développement. Qu’en pensez-vous Dohko ? » Par télépathie, l’intonation fatiguée du Saint de la Balance approuve la décision : « Comme le dit Mû, aucun danger ne vous guette. Vos messagers sont revenus avec des retours favorables des différentes prises de contact avec les autres dieux. Blue Graad vous a renouvelé sa fidélité. Asgard et Yíaros ont salué votre retour. Les représentants des dieux égyptiens et indiens ont été heureux d’apprendre votre décision de retirer les troupes de Saga de leurs territoires. De plus, il est difficile pour Athéna de faire oublier à Saori qui elle est, ainsi que ses obligations. Il est nécessaire pour votre propre bien être de retourner vous ressourcer au Japon. Mû et les autres veilleront sur Seiya et ses amis durant ce temps. _ Dans ce cas, peut-être pourrais-je rentrer en compagnie de Jabu, Ichi, Nachi, Geki et Ban ? Ils assureront ma garde tout en étant heureux de rentrer chez eux. _ Il serait préférable de laisser un Saint d’or vous accompagner, s’inquiète Mû, sans vouloir manquer de respect à vos amis… _ Jabu et les autres sont très fiers des exploits de Seiya et de ses compagnons. Il leur tient à c½ur de prouver leur valeur à eux aussi. Je suis certaine d’être en sécurité avec eux. _ Qu’il en soit ainsi, valide Dohko d’un air amusé depuis les Cinq Pics. _ Dans ce cas Majesté, j’insiste pour que Kiki vous accompagne. En étant au plus près de vous, il pourra m’informer du moindre danger. _ J’accepte sa compagnie avec plaisir Mû, rassure Saori d’un élégant sourire. »
A l’autre bout du monde, le réveil du 3 janvier 1987 dans ce village perdu sud-américain est semblable à tous les autres pour les villageois. Chacun s’affaire à ses tâches quotidiennes à Icnoyotl au Mexique.
Posté sur le toit de la taverne où il séjourne avec les siens, Mei cesse sa méditation pour observer de façon assidue les faits et gestes de chaque passant. _ « Le retour d’Athéna en son Sanctuaire est une merveilleuse nouvelle pour le monde. Si nous parvenons à accomplir cette mission pour Marin, nous parviendrons à lui donner toutes les cartes nécessaires à son succès. Et ainsi je laverai l’affront de mon maître. » Il cesse de se recueillir quand il remarque au détour d’une ruelle calme l’apparence de deux êtres qui lui sont bien connus. En effet, esseulés, Nicol et Iuitl, la serveuse de la taverne, sont assis, adossés contre le mur d’une maisonnette. Côte à côte, la jolie jeune femme blonde garde sa tête en appui sur l’épaule du Grec qui est tout aussi endormi qu’elle. En se frottant le menton, le Japonais s’amuse : « Apparemment la soirée s’est bien déroulée pour lui. » Puis, d’une mine plus perplexe, il s’inquiète du calme sous ses pieds.
Inévitablement, contrairement au reste du village, le réveil est plus compliqué dans l’auberge où la fête a battu son plein toute la nuit. Étendues toutes les deux, seules, chacune dans leurs lits, Médée et Yulij n’arrivent pas à émerger, malgré le soleil resplendissant qui passe à travers les lucarnes des chambres. Le Saint de la Chevelure de Bérénice s’en navre : « Un soir de plus à avoir fait la fête. J’ai l’impression que certains oublient même le but de notre présence en ces lieux. »
Rapidement, l’attitude étrange d’un homme au nez aplati et aux yeux globuleux, coiffé d’une crête hérissée, lui donne raison. D’un pas saurien, l’insolite personnage interpelle le chevalier : « C’est Cuetzpalli, un serveur de l’auberge. Comme tous les autres, il a fini son service de nuit. Mais pourquoi guette-t-il si prudemment tout autour de lui ? »
De toit en toit, Mei suit furtivement la trace du maigre employé. Celui-ci sort par plusieurs ruelles d’Icnoyotl et s’engage au sein même de la forêt. _ « Ichtaca, le patron de l’auberge, nous a dit que hormis les voyageurs, personne ne quittait le village. Tous en sont originaires, se souvient Mei. » Le chevalier de bronze s’enfonce dans la jungle en quête de réponse.
Le chant de la forêt, mêlant craquements de branches, pas et cris d’animaux, ambiancent rapidement sa filature. Tel un lézard qui se faufile, Cuetzpalli emmène Mei au plus profond de la jungle, dans une direction où l’étranger n’a pas encore mis les pieds. Laissant pendre sa très grande langue, le régional de l’étape avance sans plus se retourner. _ « Il semble avoir baissé sa garde depuis qu’il est sorti d’Icnoyotl. Voudrait-il cacher ses ballades dans le coin ? » D’arbre en arbre, l’asiatique ne prête attention qu’à sa proie.
Il ne se rend donc pas compte qu’il est devenu une proie à son tour. Il l’est, pour un mammifère carnivore grand et massif qui l’a pris en chasse dans le sillage de Cuetzpalli. Alors qu’il saute en direction d’une nouvelle branche à une demi-douzaine de mètres de haut, il est happé par la gueule d’un félin tacheté. L’animal lui plante ses crocs en plein flanc et lui brise ainsi plusieurs côtes. Il l’entraîne dans une lourde chute où il se réceptionne à merveille alors Mei, toujours dans sa gueule, s’échoue tête la première.
Secoué et blessé, le chevalier revient à lui tant la douleur de la morsure l’insupporte. Il parvient à choper dans chaque main la mâchoire du prédateur et à l’écarter suffisamment pour s’en extraire. Il espère la lui briser en l’écartant encore plus grand, mais les muscles extrêmement puissants de la bête l’en empêchent. La pression que ses bras exercent sur ses côtes brisées ne l’aide pas à réaliser ce qu'il voulait faire.
L’homme et l’animal se mettent alors en position, ils tournent tous les deux l’un autour de l’autre en se fixant les yeux dans les yeux. _ « Comment a-t-il pu sauter si haut ? Le jaguar est un félin trapu et plutôt court sur pattes, raisonne Mei. » L’animal, lui, est plutôt alléché par l’odeur du sang qui s’écoule des plaies de sa victime et qui s’incruste dans son maillot jaunâtre. Choisissant de mettre un terme à cette plaisanterie, Mei tend le bras en direction de l’animal pour invoquer son arcane. Seulement, à peine ouvre-t-il la bouche pour en prononcer le nom, que deux autres animaux bondissent de derrière des fougères. Le premier chope le bras de Mei et le lui transperce tandis que le second lui mord directement le crâne, en espérant porter un coup fatal au cerveau. Heureusement, avant même que les crocs n’atteignent son organe vital, il balance le lourd jaguar accroché à son bras en l’air, d’un mouvement spectaculaire, pour cogner celui qui arrive par-dessus lui. En gémissant, les nouveaux arrivés sont repoussés en arrière. Hélas, un tel mouvement a profondément lacéré l’avant-bras droit de Mei. Il n’a pourtant pas le temps de s’en plaindre que son premier prédateur lui arrive contre la poitrine pattes en avant. Le poids du félin renverse Mei qui n’a pas d’autre choix que de coller sa main gauche contre une de ses oreilles, rondes et noires au revers avec une tache blanche au milieu, et murmure : « Lost Children. » Des filaments s’échappent aussitôt de ses mains et percent le cerveau de l’animal en passant par son conduit auditif. La carcasse lourde de plus de quatre-vingt-dix kilos s’affaisse sur l’homme écorché vif. Il parvient à bousculer son adversaire et cherche en vain les deux autres. Il tourne sur lui-même, regardant de bas en haut : « Rien ! Cuetzpalli aussi a disparu ! » Il détaille son bras droit et ses côtes gauches meurtris pour mieux décider : « Dans cet état il est plus prudent que je rentre. »
Avant même qu’il ne s’engage dans la direction d’où il vient, son attention est prise par le bruit de plusieurs pas, lourds et fugaces. Le chemin du retour est bloqué par une dizaine de jaguars gueules grandes ouvertes. Cynique, Mei se permet de ronchonner : « Je croyais que les jaguars étaient des chasseurs solitaires. Faîtes-moi penser à engueuler Nicol pour ses leçons intuitives en rentrant. » Puis, aussitôt, à vive allure, il fait demi-tour et court. Il fuit les animaux enragés sans user de trop de cosmos : « Je pourrai aller plus vite, mais j’ai peur de ne plus avoir suffisamment de cosmos pour contenir la douleur de mes blessures. »
Après plusieurs kilomètres de courses, la forêt s’achève brutalement au bord d’un précipice où s’écoule plus bas une rivière. Derrière lui, Mei entend l’approche de ses chasseurs : « La vache, là-dessus par contre Nicol avait raison. Ils ont une très grande endurance. » Soudain, la voix aiguë de Cuetzpalli complète : « Ils sont d’excellents nageurs aussi. » Le chevalier remarque le Mexicain en appui contre un rocher, patientant tranquillement depuis qu’il a quitté la vue de Mei. Le Saint espère l’attraper mais les ronronnements furieux sont tout près : « Alors ? Que vas-tu faire ? Te laisser dévorer en voulant m’avoir ou bien plonger pour sauver ta vie ? » N’ayant guère le choix, voyant les plus véloces jaguars pointer le bout de leurs museaux, il se résigne et se jette dans le vide. Sans même hésiter, les animaux l’accompagnent. La chute est vertigineuse et le niveau d’eau pas suffisamment élevé pour amortir l’arrivée de Mei. Celui-ci touche le fond et se déchire le corps contre les rochers…
Dans la dimension qui surplombe la Terre, l’Olympe, le temple d’Apollon, agrémenté à l’entrée d’un soleil gravé dans la roche et surélevé par des colonnes doriques, vit des heures calmes, silencieuses. Debout, dans l’arrière-cour, fixant solennellement le sommet de la montagne où demeure Zeus, le Dieu du Soleil se tient noblement. Ses petits yeux plissés et ses traits fins lui donnent cette allure hautaine qui le caractérise. Dans son dos, portant quelques corbeilles d’ambroisie et des jarres de nectar, des servantes dressent de nouvelles offrandes qu’elles ont ramassées dans les prieurés où se regroupe le peuple. Observant une parfaite discrétion afin de ne pas troubler la quiétude des lieux, l’une d’elle laisse échapper une vive exclamation lorsqu’elle sent la main mal attentionnée d’un vieil homme lui caresser le postérieur. Les doigts ridés du petit bonhomme s’aventurent contre la toge fine et immaculée de la fidèle d’Apollon. Le plaisir qu’il en tire se lit dans ses petits yeux ronds inondés de bêtise. Aussitôt, le propriétaire des lieux cesse sa méditation et affiche un regard encore plus cruel à l’attention de celles qu’il considère comme des esclaves. Les innocentes prêtresses pressent le pas et abandonnent le vieillard harcelant qui tire sur ses fines moustaches comme pour dissimuler ses âneries. Le bougre, au sommet du crâne dégarni, ne garde autour de la tête qu’une épaisse touffe de cheveux blancs coton. D’un certain âge, il avance en mettant tranquillement un pas devant l’autre. Sa fausse bonne conduite devant son maître ne convainc pas ce dernier pour autant : « Faut-il toujours que tu te fasses remarquer négativement Roloi ? » Sous ses étroits sourcils, ses grands yeux ronds commencent à afficher une certaine perfidie lorsqu’il toise la divinité : « Vous m’excuserez pour cet écart Dieu du Soleil, mais il me semble que le résultat de ma mission mérite un peu de divertissement. » De sous sa robe blanche, accrochée stratégiquement par des broches en or, le bougre sort une boule faite de cercles métalliques qui tournent les uns sur les autres. Au centre de cette petite sphère une bille représente la galaxie. Le conspirateur cueille l’objet dans ses mains et félicite son sujet : « Ainsi tu l’as obtenu. Tu as bravé les monts interdits, à l’opposé de l’Olympe. Là où toute vie olympienne cesse. Tu as suivi le chemin étroit, en serpentin, tout autour de ces pics rocheux qui regorgent de ruines de temples et de statues. Là où personne ne s’est aventuré depuis la nuit des temps. L’évocation de cette zone est même proscrite du langage des Olympiens. Mais toi, tu es parvenu à son sommet où un étrange lac rayonne de mille couleurs pour revenir avec l’Armillaire de Chronos. _ Comme vous l’aviez vous-même pensé Seigneur Apollon, le lac est toujours endormi et l’artefact secret était libre d’accès. » Piétinant sans gêne quelques fleurs que les prêtres de son temple entretiennent sans cesse, Apollon arbore l’objet mystérieux en direction du ciel et affiche une expression sournoise : « Désormais, plus rien ne pourra se mettre en travers de ma route. L’astrolabe sphérique que Chronos gardait à portée de main, pour le jour où il affronterait Zeus, est entre mes mains. Si mon plan échoue et que Zeus ne parvient pas à se défaire de l’affection qu’il a pour Athéna et les hommes, alors l’Armillaire le retiendra prisonnier et lui dévorera la vie. »
Ramené sur la rive de la forêt mexicaine par le courant, Mei revient peu à peu à lui. Sa vision est floutée par un voile rouge, issu du sang qui s’échappe avec abondance d’une plaie frontale résultant de sa chute. Il distingue à côté de lui deux animaux morts, certainement pour les mêmes raisons que lui est mal en point. Cela n’empêche pas le ronron d’un autre jaguar qui s’approche de lui depuis la terre ferme. L’animal au pelage humide grogne si fort qu’il couvre le bruit de l’écoulement de l’eau. Derrière Mei, trois autres animaux nagent en approche. Sur le sol marécageux, l’approche saugrenue de Cuetzpalli confirme les doutes que Mei avait à son propos : « Alors tu es un Jaguar ? » En guise de réponse, il se raidit et libère de longues canines qui remplacent ses dents. Des poils jaillissent sur toute la surface de son corps pour lui attribuer un pelage tacheté. Sa masse corporelle se développe légèrement mais arrache malgré tout le pagne qui fait le tour de sa taille. Ses ongles deviennent griffus et seule sa crête subsiste au sommet du crâne de ce personnage atypique. _ « Je vois, vous pouvez vous transformer à tout moment. _ Pour les Jaguars les plus assidus dans la maîtrise du cosmos, il est facile d’enclencher le processus dans les deux sens et ainsi n’être revêtu de son Nahual qu’en cas de nécessité. » Malgré sa mauvaise posture, Mei garde le sourire : « Dans ce cas, je ne me sentirais pas coupable en appelant à moi ma Cloth. »
Plus loin, à Icnoyotl, toujours endormis sous la chaleur du soleil désormais bien haut dans le ciel, Nicol et Iuitl profitent de ces instants câlins. Lorsque soudain, depuis la taverne, une étoile jaillit par la fenêtre de la chambre de Mei. Le Grec revient aussitôt à lui et réveille Iuitl dans son sursaut : « Mei ! Son armure ! Elle est partie en direction de la forêt ! » Alors que ses yeux s’habituent difficilement à la lumière du jour, Iuitl bougonne : « De quoi parles-tu ?! » Le Saint d’argent pointe du doigt le chemin emprunté par la Cloth de son compagnon : « Dans cette direction ! La forêt ! Sais-tu où elle mène ? » L’autochtone se mordille d’inquiétude ses lèvres charnues : « Je suis née dans ce village et n’en suis jamais sortie en raison du danger. Encore plus ces derniers temps. » Malgré tout, la décision du chevalier d’argent est prise : « Tant pis, j’y vais ! » La jeune femme blonde coiffée de plumes noires le retient par le bras : « Je t’en prie, laisse-moi venir avec toi ! » N’ayant pas de temps à perdre, Nicol se résigne et la prend à bras avant de s’engouffrer par de grandes enjambées dans la jungle…
Là-bas, encerclé, Mei s’élance dans les airs pour recevoir la protection de sa Cloth. Celle-ci, d’un gris oscillant entre teintes claires et plus profondes, habille parfaitement ses frusques usagées. Son diadème couvre sa plaie, tandis que le cosmos libéré par l’armure revigore le chevalier de la Chevelure de Bérénice. Devant la beauté du spectacle, Cuetzpalli n’en reste pas moins confiant. Il passe sa longue langue pendue tout autour de ses babines et ordonne à ses compagnons : « Allez-y mes fidèles protecteurs ! Faîtes-lui rendre gorge ! » Cette fois-ci, Mei ne se laisse plus surprendre. Malgré ses côtes gauches brisées et son bras droit lacéré, le Saint de bronze esquive un à un les quatre derniers animaux : « Ça suffit Cuetzpalli ! Je ne souhaite pas faire du mal à tes bêtes domestiques. Affronte-moi d’homme à homme… Si je puis dire… » L’ironie de son ennemi agace davantage l’autochtone. Il écarte ses bras pour appeler en lui toutes ses forces : « Je vais te faire ravaler tes sarcasmes : Thunderbolt Fang ! » A peine le Mexicain achève sa phrase que le tonnerre gronde, couvrant le cri de détresse de Mei projeté dans l’eau d’où il est sorti.
Couché au fond du fleuve, le Japonais sent une profonde douleur sous sa poitrine dont l’armure est ébréchée : « Incroyable. Comme si ses crocs avaient invoqué le tonnerre, j’ai été frappé par la foudre. » Brusquement, il sent sa jambe être happée vers la rive. Les crocs plantés dans l’armure, un des jaguars ramène sa proie à son maître.
Sur la rive, Cuetzpalli caresse l’animal docile : « Merci à toi. Je l’ai volontairement laissé en vie pour que vous puissiez avoir le plaisir de le dépecer vivant. Allez-y, régalez-vous de sa chair ! » Les quatre félins obéissent sans hésiter et se précipitent sur le garçon aux cheveux argentés.
Convaincu de sa victoire, le serveur, l’un des deux espions envoyés par le prête Icnoyotl, tourne le dos à son adversaire. Pourtant, quelques couinements lui font réviser son jugement.
Derrière lui, les animaux sont soulevés par de fins filaments. Ceux-ci sortent des mains de Mei qui reprend position, tout en gardant prisonniers autour de lui les bêtes enragées : « Je t’avais dit de laisser tes matous hors de ça. » Il les balance un à un contre Cuetzpalli qui les évite sans chercher à leur épargner une chute brutale. Agacé, le Jaguar prend les devants, suivi de sa troupe : « Je vais te faire fermer ton clapet : Thunderbolt Fang ! » Mei passe ses mains devant lui comme pour faire écran. Il libère des cheveux qui forment un bouclier dont les filaments se plantent dans le sol : « Lost Children ! » Les Crocs du Tonnerre échouent contre la barrière de Mei qui sert de paratonnerre. Mei libère après coup une vrille de fils qui menace Cuetzpalli. Le Jaguar, d’un habile déhanché, empêche son c½ur d’être transpercé. Cependant, c’est son épaule qui est traversée. Après avoir percée l’épaule du guerrier de Tezcatlipoca, la vrille libère ses milliers de cheveux pour transpercer de part en part les animaux acharnés. A une vitesse incroyable, Mei est parvenu à contrer l’attaque de son adversaire, à riposter et à tuer dans d’atroces souffrances les quatre jaguars. _ « Sans mon entraînement à Jamir, je n’aurai jamais réussi un tel exploit. Et encore, je n’ai pas réagi à la vitesse de la lumière, affirme au fond de lui le chevalier. » Essayant de contenir l’hémorragie de son épaule gauche, Cuetzpalli garde la main droite contre. Ses babines remontent pour arborer ses crocs menaçants : « Tu vas payer pour avoir tué mes jaguars. _ Tu ne peux en vouloir qu’à toi-même. Je t’avais demandé de faire partir tes gros minets. De plus, trop confiant, tu m’as dévoilé ton arcane sans la déployer au maximum de son potentiel. Hélas, une attaque ne marche jamais deux fois contre un chevalier averti. Mes fils plantés au sol me servent de paratonnerre. Ils absorbent le choc de ta technique. »
Refusant d’abdiquer malgré tout, Cuetzpalli fonce sur Mei. Celui-ci pare la droite du thérianthrope et tire, grâce à sa main libre, sur sa langue pendue pour amener son visage contre le sien et le frapper d’un coup de tête en plein museau. La truffe en sang, la langue arrachée, Cuetzpalli réussit malgré tout à rappeler à Mei que c’est proche de la mort qu’un animal s’avère être le plus dangereux. Grâce à une charge violente, il repousse le Japonais à l’eau. Baignant jusqu’aux genoux, il réalise trop tard le stratagème de Cuetzpalli, qui déclare avec difficulté : « Un paratonnerre ne te servira à rien dans l’eau. Je vais mettre toute ma vie dans cette ultime tentative : Thunderbolt Fang ! » Mei se contente de tisser un seul lien entre lui et Cuetzpalli : « En effet. Mais je suis persuadé que je résisterai mieux que toi, quoi qu’il arrive : Lost Children. »
Un simple fil permet de conduire la foudre invoquée par les Crocs du Tonnerre de Cuetzpalli. Les dents serrées, les yeux plissés, Mei encaisse et garde en ligne de mire Cuetzpalli. Plus le Jaguar libère d’énergie, plus celui-ci en ressent les effets.
Comme prévu, Cuetzpalli s’écroule en premier, mettant fin au calvaire du chevalier. Le corps anthropomorphe, lourdement encastré dans le sol boueux, libère encore la fumée indiquant le triste état de ses organes carbonisés.
Malgré l’eau et ses blessures antérieures, Mei, lui, s’extirpe de l’onde, la tête baissée et le pas lent. Sur la rive, il se laisse tomber à genoux. _ « Ce combat aura été un bon test. En plus de la puissance et de la maniabilité de ma technique, j’arrive à adopter différents stratagèmes instinctivement en plein combat. Et ma résistance, même mise à rude épreuve, est bien plus grande elle aussi, se félicite-t-il. »
Inopinément, le sol tremble progressivement tandis qu’un grognement approche. De derrière les fougères, arrachées d’un simple mouvement de bras, surgit le premier Jaguar auquel ont été confrontés Mei et ses amis à leur arrivée au Mexique. Les oreilles, les poignets, les chevilles et la queue affublés d’ornement aztèques, Titlacauan, le lieutenant de Tezcatlipoca, couvert d’un pagne retenu à la taille par une ceinture en or, a le regard sévère : « Comme on se retrouve étranger ! » Mal en point, Mei grimace à l’idée de combattre un lieutenant du dieu ennemi dans son état. Malgré tout, il ne perd pas son ton provocateur : « Tu m’étonnes, grosse peluche. On peut dire que tu tombes à pic. » La voix grave et ronronnante de Titlacauan n’apprécie guère les railleries de Mei. Tout en retournant sur le dos Cuetzpalli, il le provoque : « Même s’il avait la langue bien pendue, Cuetzpalli n’avait pas une aussi grande gueule que toi. Je suis surpris de voir qu’un simple guerrier Jaguar ait pu te mettre dans cet état. _ Te fous pas de moi. On sait très bien tous les deux qu’il existe différents niveaux de puissance parmi vos guerriers Jaguars. Cuetzpalli n’était pas le plus mauvais. » Tout en fixant avec colère le regard d’un Cuetzpalli agonisant, il maugrée : « Apparemment Cuetzpalli n’a pas su se taire. Comme à son habitude il a fallu qu’il t’en dise trop sur nous. _ Il faut dire qu’il croyait pouvoir me vaincre facilement, flâne d’un air irrévérencieux Mei. Mais ce n’est pas avec une armée de chatons que vous viendrez à bout de moi. » Face aux dépouilles des jaguars qui jonchent le sol, Titlacauan n’arrive plus à tolérer davantage de propos outrageants. Sa force brute provoquant par le simple mouvement de son bras un puissant appel d’air, Titlacauan choisit d’envoyer un lourd coup de poing à un Mei abattu.
Miraculeusement, le coup est stoppé en pleine course par l’arrivée fortuite de Nicol. Celui-ci reçoit dans la paume de sa main, la pénible pression exercée par le lieutenant. Si puissamment que le sol s’affaisse et qu’il se retrouve comme Mei avec de l’eau jusqu’aux chevilles.
Abandonnée derrière un arbre, Iuitl se montre à son tour et passe ses mains avec émotions devant Cuetzpalli qui convulse. Elle reconnaît l’homme au pelage tacheté : « Oh mon dieu. Cuetzpalli… Que t’est-il… »
Au bord de l’eau, Nicol et Titlacauan ne bougent pas d’un pouce. Toujours aux prises l’un contre l’autre, Nicol, d’une voix claire et posée, propose : « Sans remettre en question tes aptitudes au combat. Je doute que tu puisses faire le poids contre deux Saints. Même si l’un des deux est meurtri. Je te propose donc de rebrousser chemin. »
Soudain, une nouvelle voix, aiguë et perfide, libérée par une très large et très fine bouche aux dents longues et pointues, rejoint le groupe : « Ta clarté d’esprit et ton comportement me plaisent de plus en plus étranger. »
Depuis l’obscurité de la forêt, apparaît seul un homme mince, les épaules tombantes, le regard vicieux. Le fond blanc totalement imbibé de sang, ses petits yeux couleur feux témoigne une expression malsaine. Son visage est peint en horizontal de jaune et de noir, couleur symbole de sa tribu. Un bandeau de même couleur coiffe ses courts cheveux noirs, tandis qu’un anneau est accroché à son septum. Un large col en or encercle son torse par-dessus son châle vert. Titlacauan abandonne aussitôt son opposition et incline légèrement sa tête : « Necocyaotl, Prêtre de Tezcatlipoca. »
Nicol profite du recul du Jaguar pour relever sous son bras Mei.
L’ecclésiaste continue : « Je vois que vous êtes de mieux en mieux renseignés sur nous. Je me demande jusqu’où cela nous conduira. »
Titlacauan retourne auprès de son supérieur qui utilise son écharpe rouge pour les enrouler tous les deux dans le but de les faire disparaître comme lors de leur première rencontre avec les Saints. _ « Attendez, s’empresse Nicol ! _ Tut tut tut, souffle Necocyaotl… Ne sois pas pressé. Peut-être seras-tu l’ultime sacrifice fait au soleil avant que celui-ci ne nous offre un nouveau monde ? » Les deux sujets de Tezcatlipoca disparaissent aussitôt. Ils laissent à Nicol le loisir de repartir comme il est venu, en compagnie d’Iuitl. Celle-ci totalement dépassé par les événements, est désemparée par la mort de Cuetzpalli.
Sur l’île où régnait il y a encore deux mois Hébé, la placidité règne. A Yíaros, le peuple surmonte l’après-guerre avec le sourire, malgré la perte de leur déesse et de la quasi-totalité de ses chevaliers. Malgré la tristesse, une étrange aura bienfaitrice domine toujours ce domaine, comme si la Déesse de la Jeunesse veillait toujours sur les siens. A l’intérieur de son temple, le Parthénos, le vent de l’hiver s’engouffre dans les couloirs vides. Les grandes portes sont ouvertes. Il n’y a désormais presque plus âme qui vive. Quelques soldats, de nouveaux et très jeunes gardes prenant la relève de leurs aînés décimés, nagent dans les tuniques marines et azures qu’ils ont récupéré. Ils se réunissent dans l’immense palais pour déterminer les rondes et les actions à mener auprès du peuple. _ « L’armée se reconstruit, fait résonner par la pensée d’¼dipe. » L’Alcide aux multiples handicaps traîne ses immondes jambes aux côtés de Juventas, promue responsable de Yíaros après la tragédie qui a frappé les Hébéïens. La jeune femme, fixant à travers son masque de femme chevalier les Joncs d’Athéna que Marin lui a confiée, répond avec amertume : « Crois-tu que cela sera suffisant pour contrer nos futurs ennemis ? _ Athéna est revenue. C’est elle qui attirera les futures menaces, pas nous. _ Contre des menaces comme Poséidon ou Hadès, elle saura faire face, seule. Mais contre l’Olympe, il faudra que tous ses alliés sur Terre s’unissent. Voilà pourquoi j’ai préféré dire au messager du Sanctuaire que nous reconnaissions Athéna comme l’une des notre, mais que nous préférions rester en retrait pour le moment. Je veux mêler le moins possible notre peuple à une nouvelle Guerre Sainte. Cependant, lorsque l’Olympe attaquera, ça ne sera pas Athéna qui sera visée mais l’humanité toute entière, Yíaros compris. _ Du coup, crois-tu que garder les Joncs ici est une bonne idée ? » Des cliquetis de chaussures sur le sol marbré du temple suspendent la discussion.
En toute liberté, reconnue ici comme une alliée, le Saint d’argent de l’Aigle rejoint les deux Alcides. _ « Marin. Viens-tu chercher les Joncs d’Athéna ? Se pourrait-il que tu ais retrouvé la Chouette, espère Juventas ? » _ Hélas non, déplore la Japonaise d’origine olympienne. Cependant, Pégase a été privé suffisamment longtemps de son Jonc. Je compte le lui remettre à son poignet. S’il parvient un jour à atteindre l’Illumination, Pégase pourra ainsi pleinement bénéficier de ses pouvoirs. _ De quoi s’agit-il réellement ? _ Je passe du temps depuis bientôt quinze jours au temple des prêtresses d’Athéna. Ce lieu regorge de lectures passionnantes. Il semblerait que le Jonc permet à Pégase d’appeler à lui sa véritable Cloth, sa Cloth originelle. _ L’Illumination est un stade avancé qui est lié à l’Eveil, affirme le cultivé ¼dipe. L’Eveil est la fusion du cosmos avec l’univers. L’Illumination est la transformation de l’âme en un esprit combatif indéfectible. Ces phases caractérisent les dieux. Un humain ne peut espérer l’entrevoir s’il ne maîtrise pas totalement les septième et huitième sens. _ Autrement dit, vu le niveau affiché lors de la bataille qu’il a mené, et l’état actuel dans lequel il est, Pégase est loin de pouvoir franchir ce niveau, en déduit Juventas. _ La route qui l’attend est semé d’épreuves qui l’aideront peut-être à pousser sa détermination jusque-là, corrige Marin. »
Dehors, après quelques minutes de marche, les trois chevaliers regagnent le centre de l’île. Là, une petite fille sort d’une maisonnette. L’enfant, accompagnée de sa nourrice, trotte jusqu’à sa mère qui la prend fort dans ses bras. Marin observe Juventas qui enlace sa progéniture : « Depuis la disparition d’Apodis, elle me réclame sans cesse des câlins. Elle se sent seule et manque sûrement de repères. J’ai du mal à concevoir qu’au terme de cette bataille, elle sera sûrement orpheline. _ Beaucoup d’entre nous mourrons, c’est indéniable, reconnaît Marin. Mais ta fille, Agape, représente l’espoir des générations futures, qui conforteront la paix pour laquelle nous nous serons battus. _ J’aurai tellement voulu qu’Apodis soit là. Il aurait eu les mots pour me réconforter. Il me manque tellement. Après la perte d’Iphiclès, je croyais que plus jamais je ne pourrai aimer un homme comme lui je l’aimais. »
Au Mexique, dans la cité de Citlali, Necocyaotl et Titlacauan débarquent devant la pyramide de Tezcatlipoca. Ils approchent des tipis dans lesquels vivent les fidèles. Le lieutenant marche en fixant d’un air suspect le prêtre. _ « Tu aimerais t’entretenir avec moi Titlacauan, ressent Necocyaotl sans le dévisager ? _ À vrai dire, votre attitude me perturbe. Avec notre Grand Tezcatlipoca, vous préférez ignorer la présence de ces Saints. Pourquoi donc ? _ Ils sont très loin de localiser notre position et très loin de se douter de ce que nous tramons réellement. Aller les provoquer pourrait faire pencher la balance en notre défaveur. _ Mais tout de même, il va falloir s’en méfier. Tout à l’heure, ce Nicol, lorsqu’il s’est interposé, j’ai senti un puissant cosmos en lui. De même que Mei, qui a parfaitement neutralisé Cuetzpalli. Ce Jaguar était un très bon élément et je crois ce chevalier lorsqu’il dit que ce combat était un test pour lui et qu’il n’avait pas donné tout ce qu’il a. Les éliminer au moment où ils ne s’y attendent pas seraient plus ingénieux. _ Tu oublies que nous avons encore un espion à Icnoyotl. Lorsque nous frapperons contre eux, ne t’en fais pas, ils ne s’y attendront vraiment pas. »
Dans son temple, Apollon réajuste sa longue cape au-dessus de lui après s’être étendue dans un de ses nombreux sofas. Assis au sol, à côté de lui, Roloi lui tend une coupe de nectar avec délicatesse. Ses yeux d’un bleu aussi clair que celui du ciel de l’Olympe, suivent l’avancée d’une de ses semblables. Grande, la poitrine généreuse libérée par une longue robe pourpre, qui lui serre sa fine taille et qui moule parfaitement son postérieur et le haut de ses cuisses, la Déesse du Mariage affiche du coin des lèvres un rictus de satisfaction. Le visage fin, les yeux larges, elle exprime à chacun de ses mouvements la supériorité divine dont elle se glorifie. Sans un mot, en se positionnant dans les oreillers et les étoffes qui couvrent un banc de pierre, elle tend une main aux ongles vernis à la couleur de sa robe. Aussitôt, d’autres serviteurs que Roloi se pressent de lui servir la même boisson qu’à leur maître dans une coupe en cristal. _ « Quelle hospitalité, flatte Héra après avoir retirée ses lèvres pulpeuses du récipient ! Nous pouvons dire que nous sommes bien reçus dans la demeure du Soleil. _ Que puis-je pour toi, se contente d’articuler le frère d’Artémis peu enjoué à la conversation ? _ Me rassurer. Hestia, Héphaïstos et moi-même avons suivi ta machination, qui pour le moment s’est avérée être un succès. Pourtant, quelques événements inattendus auraient pu nous mettre en échec. Je pense au Jonc d’Athéna que tu avais confié à Hestia et qui a été récupéré par les Saints d’Athéna. Je ne sais pas si tu continues de suivre cela de près, mais il me semble également que le Pendentif de Zeus que nous avons subtilisé à l’Aigle il y a plusieurs années est convoité lui aussi par les Saints. Autrement dit… _ Autrement dit tu m’importunes pour rien, la coupe-t-il d'un ton impérieux. Depuis qu’il est notre le Pendentif de Zeus a été confié à un dieu mineur. Tezcatlipoca. Ce dieu m’a toujours glorifié. Le soleil est nécessaire à sa toute-puissance. Je confère au sceau qui retient prisonnière cette clochette une partie de mes pouvoirs. Cela permet d’accroître le cosmos de ce dieu mais surtout de renforcer sa fidélité. Ainsi, il défend ce sceau et, inconsciemment, ce qu’il renferme comme son culte le plus précieux. Lorsque je lui en donnerai l’ordre, il participera à pousser Athéna à la faute. Et même s’il échoue, il sera trop tard pour ma chère petite s½ur. Le sort de la Terre est scellé. _ Pour cela, faut-il encore qu’il garde le sceau suffisamment loin des Saints avant que tu ne lui donnes l’ordre de tout détruire. _ Que veux-tu dire ? » La plantureuse entité aux cheveux noirs tirés pour former un magnifique chignon, coiffés d’un diadème orné en son centre d’un rubis rouge écarlate, balance son verre au sol en méprisant du regard les serviteurs qui se précipitent pour nettoyer. Elle quitte le temple en déclarant : « Inquiète-toi un peu plus de ce qui se passe sur Terre ! Les Saints approchent chaque jour un peu plus de Tezcatlipoca. Et ils pourraient réussir à l’atteindre plus vite que tu ne l’as prévu. Nous t’avons suivi corps et âmes dans cette conspiration, ne nous fait pas tomber. » Pendant qu’elle s’engage en dehors du palais, l’une des plus puissantes déesses de l’Olympe est soudain immobilisée. Tétanisé, l’angoisse rend son visage plus vulnérable. Plus humain. L’incompréhension qui la gagne trouve très vite une réponse. Alors qu’elle lui tournait le dos, Apollon apparaît devant elle depuis les airs, comme s’il s’était téléporté. Pendant que sa longue cape retombe sur le sol, il attrape entre ses mains la gorge de la mère d’Héphaïstos et la presse légèrement en exprimant un certain sadisme : « Héra. Je n’ai pas eu besoin de te pousser dans mon complot. Ta haine envers les hommes et ta jalousie pour Athéna ont été suffisantes. Dorénavant je m’appliquerai à mieux suivre les actes de Tezcatlipoca. Mais avant ça, je tiens à veiller que tu n’oublies jamais que je te suis supérieur. Et que tu me dois le respect. » Habituellement si orgueilleux, les yeux d’Héra expriment une profonde frayeur et une sincère docilité. Du mieux qu’elle peut, elle remue la tête pour affirmer son allégeance. Enfin, elle reprend instinctivement son souffle, lorsque le fils de Zeus la relâche. Accroupie, affaiblie, elle se sent craintivement soumise devant ce géant qui la domine par son imposante carrure et son regard impassible. _ « Tu peux partir à présent. La prochaine fois que tu viendras trouver ma demeure tu y seras invitée. Tu ne fouleras plus ce sol autrement. »
De retour à Icnoyotl, dans l’auberge, à l’intérieur de la chambre de Nicol, Mei est assis sur le coin du lit. Il garde son franc parlé malgré les blessures : « Ils s’amusent avec nous. Nous sommes un passe-temps, lorsqu’ils ne butent pas des gens pour calmer leur histoire de soleil. » Circonspecte, Yulij déplore les blessures de son amant. Alors qu’elle rentre dans la pièce avec des linges, du coton et de l’alcool pour désinfecter et soigner les plaies de son camarade, Médée surenchérit : « Mei n’a pas tort. Sans quoi ils auraient très bien pu nous attaquer depuis longtemps. _ Oui Médée. Ils doivent certainement vouloir poursuivre leur activité sans qu’on y nuise, suspecte Yulij. _ Et cela doit fonctionner sans quoi nous serions déjà morts, grimace Mei à mesure que la Muvienne panse ses plaies. _ Qu’est-ce qui te fait dire ça, réagit d’une voix douteuse Nicol ? _ Enfin, c’est évident. Cuetzpalli qui était tout proche de nous depuis notre arrivée était un espion. Pourtant, il n’a cherché à me tuer que lorsque je l’ai découvert. Tant qu’ils ne nous attaquent pas, c’est que nous sommes sur une fausse piste ou que nous sommes loin d’eux, explique Mei d’un ton amer. _ Tu suggères qu’il y a d’autres espions, suppose Yulij ? _ J’en suis persuadé. Il n’y a qu’à voir la copine de Nicol ! _ Pardon, réagit malaisément Nicol ?! _ Cela ne te semble pas bizarre que malgré sa transformation, elle a réussi à reconnaître Cuetzpalli. Surtout qu’il était dans un sale état. _ Avec la crête qu’il portait sur la tête, quoi de plus normal que de le reconnaître ? _ Ne te fous pas de moi ! Elle était complètement bouleversée par sa mort ! _ C’était son collègue, son ami ! Ils sont tous les deux originaires de ce village ! Normal qu’elle soit affectée ! _ Elle t’a surtout tapé dans l’½il oui ! _ On va se calmer, dit Médée pendant qu'elle serre les bandages de Mei pour le faire baisser d’un ton ! Cela ne sert à rien de monter sur nos grands chevaux. Vu le stade où nous en sommes, toutes les pistes, même les plus improbables, sont possibles. » Acerbe, l’élève de Deathmask préfère quitter la chambre. Comme à son habitude, il ne manque pas de défier le Saint d’argent : « Ça fait combien de temps que nous sommes ici ? Deux semaines ? Si ce n’est pas encore fait et que tu ne comptes pas te servir d’elle pour notre mission, alors tape-la toi et cesse de perdre ton temps avec cette serveuse ! Elle pourrait nous attirer des emmerdes ! » Les propos de Mei soulèvent la face cachée de l’homme raffiné qu’est Nicol. Le Grec sort de ses gonds. Il se jette sur Mei qui peut compter sur les réflexes conjugués de Médée et Yulij. Après quelques tentatives d’intimidations avortées par les femmes, les bousculades cessent lorsque Mei claque la porte.
Dans le couloir, sur la mezzanine qui surplombe le rez-de-chaussée de la taverne, Mei reconnaît à sa robe rouge foncé dédoublée avec audace haut sur la cuisse la jeune femme à l’origine de sa querelle avec Nicol. Assise sur le plancher vétuste, Iuitl qui a tout entendu de leur conversation recroqueville ses jambes jusqu’à son visage pour camoufler son chagrin. Impitoyable, le Japonais n’en démord pas : « Es-tu satisfaite ? Ton plan marche à merveille, tu sèmes la zizanie dans notre groupe. Mais dis bien à tes Jaguars qu’il en faudra plus pour vaincre les Saints d’Athéna. » Malgré son affliction, Iuitl garde son caractère bien trempé : « Je ne comprends rien à ce que tu racontes, espèce de cinglé ! » Aussitôt, sortant d’une chambre voisine, du linge sale sous les bras, Ichtaca, le tenancier au visage marqué par une griffe sur l’½il gauche, s’indigne : « Est-ce une façon de s’adresser à une dame ?! Si je tolère votre présence ici, étrangers, c’est parce que vous payez. Et si tu es encore dans ce lieu aujourd’hui, tu le dois à la sympathie de tes amis. Ne l’oublie jamais. » En regagnant sa chambre, Mei tourne le dos à Ichtaca pour lui signifier tout son mépris : « Je ne l’oublie pas. Comme je n’oublie pas que tu as été à une certaine époque un Jaguar. »
A l’intérieur de la chambre de Nicol, la colère de ce dernier s’amenuise. Tous ont observé le silence pour suivre les propos échangés entre Mei et les Mexicains dans le couloir. Comme il la considère comme sa s½ur, Yulij en profite pour préciser à Nicol : « Il n’a pas tort tu sais. Aussi bien toi que nous, nous nous sommes alertés tardivement du danger qui guettait Mei aujourd’hui. Nous nous laissons entraîner par les fêtes ou par nos sentiments au détriment de notre mission. Si tu ne t’étais pas réveillé brusquement tout à l’heure, qui sait ce qui serait arrivé à Mei ? _ Yulij a raison, déplore Médée. Que nous profitions du cadre et de la gentillesse de nos hôtes, c’est une chose, mais il va falloir nous recentrer sur notre devoir. » Les deux femmes quittent la pièce en laissant la porte grande ouverte. En sortant, elles préfèrent ignorer la présence d’Iuitl, tandis que Médée se contente de passer affectueusement sa main sur l’épaule d’Ichtaca, pour lui rappeler sa toute confiance en lui.
Seul, Nicol se positionne sur son lit. Il saisit son visage entre ses mains. Torturé par ses sentiments et par le constat d’échec qui lui fait face. Devant lui, accablée devant l’encadrement de la porte, Iuitl implore sa confiance en le regardant tristement…
En Grèce, le jet qui a permis à Seiya et ses camarades de se rendre au Sanctuaire vole au-dessus de la mer Egée. Installés à l'intérieur, Saori et les Saints de bronze profitent d’un voyage calme. Contrairement à son c½ur agité, la mer Egée, que Saori contemple, brille doucement dans des tons vert émeraude. Assis à la place de ses protecteurs qui ont fait le chemin aller avec elle, Jabu, Ichi, Nachi, Ban et Geki semblent aux yeux de la jeune fille de bien maigres lots de consolation. Son âme de déesse se refuse pourtant à de tels discernements. Malgré tout, son caractère de jeune femme ne peut s’empêcher de confronter les deux groupes de Saints de bronze.
Plus loin, devant, Tatsumi se chamaille avec Kiki qui refuse de reposer la télécommande de la télévision installée dans l’avion. Leur querelle oblige malgré lui Kiki à presser une touche. Aussitôt, la diffusion des vidéos prises pour la Fondation Graad des Galaxian Wars focalise l’attention de tous les voyageurs. Bien vite, Ban, Geki, Ichi puis Nachi, baissent honteusement la tête en revoyant leurs défaites. Cependant, la Licorne reste fière. Avec détermination, il brise le silence que ses camarades et lui-même se sont imposés depuis le début du voyage par respect envers l’affliction de Saori : « Athéna, il est vrai que notre parcours dans ce tournoi a été pitoyable. Toutefois, nous n’avons pas à rougir de nos défaites. Elles nous ont permis de nous rappeler que notre rôle est de chaque jour perfectionner nos techniques pour mieux vous servir. Grâce à cela, nous avons pu nous entraîner de nouveau et revenir plus fort auprès de vous. Et même si nous sommes loin du niveau de nos camarades, sachez que nous tous ici sommes prêts à mettre nos vies en jeu pour vous honorer. C’est pourquoi nous avons profité de ces quinze derniers jours au Sanctuaire pour demander à Aldebaran du Taureau de nous entraîner ! » La bravoure et la fidélité de Jabu rappelle à la responsable de la société de Mitsumasa Kido qu’il y a encore six mois, elle était heureuse de pouvoir s’appuyer sur cet homme, qui était bien un des seuls à la reconnaître malgré son mépris constant.
La splendeur d'innombrables étoiles va bientôt éclairer doucement le ciel nocturne. A l’intérieur de l’avion, Saori choisit de s’inquiéter autant de la présence de ses nouveaux anges gardiens que s’ils avaient été ses précédents. Car c’est tout ce qu’elle peut offrir de mieux à ces hommes qui ont foi en elle.
Plus bas, dans le centre du Sanctuaire, là où la ville d’Honkios débouche vers les marches des douze temples du zodiaque, l’heure est au recueillement. Juste avant d’emprunter la montée vers le temple du Bélier, le sentier qui conduit au cimetière des Saints est particulièrement usité depuis ces quinze derniers jours. Le mausolée où reposent les Saints d’or tombés au combat est encerclé de fleurs et diverses offrandes laissées par le domaine sacré tout entier.
En face, assis les jambes croisées sur un rocher, Milo reste contemplatif malgré la nuit tombée. Son regard est vague. Ses yeux ronds. Ses pensées nostalgiques. _ « Camus, déplore-t-il hagard… Tu auras tenu ta ligne de conduite jusqu’au bout… Si ton disciple s’en remet, gageons que cela lui serve à prendre un jour ta relève pour en faire un Saint aussi digne que toi, mon ami, mon frère… »
Soudain, les exclamations d’une voix maladroite en train de se ressaisir le ramènent à lui. Dans son dos, trébuchante après avoir roulée le pied sous un caillou, l’indiscrète Shoko le rejoint. Comptant sur un entraînement plus assidu depuis que Marin a rejoint les prêtresses, elle s’épargne une chute ridicule, mais n’en mène pas large pour autant devant le charismatique Scorpion qui la toise du haut de son rocher. _ « Oups, dit-elle en tirant honteusement la langue. _ Que viens-tu faire ici, lui assène-t-il d’un ton ferme ? _ Oh… Euh… Je suis désolée, perd-elle immédiatement son entrain devant une réaction qu’elle aurait espéré plus cordiale, je venais simplement me recueillir comme chaque fois que j’ai la permission de quitter le temple des prêtresses. Je sais, c’est un peu ridicule, mais puisque c’est ici que ma s½ur a choisi d’abandonner son humanité pour accepter d’être Eris, c’est pour moi aussi l’endroit où nous avons perdu Kyoko, confesse-t-elle gênée et mélancolique. » Suite à sa sauvage réaction, Milo regrette et se réceptionne alors face à elle. Tête baissée, elle constate son approche grâce à l’éclat de sa Cloth d’or dans la nuit. Sans rien dire, il lui saisit le menton pour l’obliger à redresser son minois embué de chagrin. _ « J’ai été grossier. Veille à m’en excuser si tu le veux bien. » Sans attendre, il tourne les talons pour repartir rejoindre son temple.
C’est alors qu’avec précipitation, il sent Shoko le rejoindre et se plaquer fermement contre son dos en le serrant fermement par la taille. Derrière lui, le visage niché dans sa cape, elle demeure incapable de trouver les mots. Néanmoins, devinant l’émoi que suscitent les douloureux souvenirs de leur rencontre ici, Milo ressent aussi le lien fort qui les unit, après ce qu’ils ont traversé ce jour où Eris a réapparu sur Terre. Se défaisant de l’étreinte en lui ôtant les mains, il se retourne vers elle pour croiser son regard et l’enlacer à son tour. Malgré la Cloth qui les sépare, Shoko ressent alors une immense chaleur et une profonde passion par ce geste.
Pendant qu’il se détache enfin d’elle pour rentrer chez lui, il ne remarque pas au loin, venue fleurir la mémoire d’Aphrodite, le père de son fils, Myrrha, restée jalousement dissimulée sur le flanc du sentier… Toujours fâchée envers Milo, il n’en faut pas plus pour qu’elle abandonne de colère les fleurs sur le chemin et qu’elle tourne les talons…
Au Mexique, dans le village d’Icnoyotl, la nuit est rythmée par les claquements de mains et de pieds qui accompagnent la musique jouée dans la taverne. Comme chaque soir, la fête bat son plein entre locaux et visiteurs.
Couché sur son lit, Mei écrase ses oreilles avec ses oreillers : « Crois-tu qu’ils cesseront un peu leur bordel ?! J’aimerai dormir ! » Remuant sur le matelas, secouant par la même occasion son bougon d’amant, Yulij gesticule au rythme de la musique tout en tortillant ses cheveux blancs entre ses doigts. Ses grands yeux amoureux s’illuminent, lorsqu’elle s’affaire à ennuyer davantage le grincheux personnage.
Dans la pièce d’à-côté, Médée trempe un linge dans la bassine d’eau qu’on lui a fait venir. Elle le glisse au creux de sa poitrine comme elle le fait sur le reste de son corps nu. Son visage, à découvert, accepte ces quelques gouttes agréables qu’elle s’amuse à faire tomber sur son front, entre les deux points qui permettent d’identifier ses origines muviennes. Cependant, son esprit n’en reste pas moins préoccupé par les événements de la journée : « Même s’il a un rôle incontestable de meneur, Nicol s’expose à certaines déconvenues s’il ne s’inquiète pas plus de ses fréquentations. En même temps, j’accorde également beaucoup de confiance à Ichtaca. Suis-je entrain de me tromper moi aussi, s’interroge-t-elle ? »
La chambre accolée à la sienne est vide. Après les propos tenus, Nicol a choisi de la déserter pour la soirée. En retrait de l’euphorie qui retentit dans les mètres alentours, le Saint d’argent s’est reclus à l’autre bout du village, dans les ruelles sombres, en compagnie d’Iuitl. _ « J’espère qu’Ichtaca ne t’en voudra pas trop que tu t’absentes comme ça en, pleine soirée. _ Vu mon chagrin, je pense qu’il me pardonnera. _ Je suis vraiment désolé pour Mei. Il parait bourru comme ça mais c’est un… _ Oui, je sais. Mais à ce que j’ai pu voir et comprendre aujourd’hui, vous êtes ici pour vous battre. _ Pas vraiment. Le combat est une nécessité lorsque le dialogue ne permet pas d’avancer. Si nous sommes ici, c’est parce que la paix de la planète en dépend. _ Que veux-tu dire ? _ Je ne peux pas t’expliquer davantage. Après tout, je suis un Saint et toi tu ignores tout du monde dans lequel j’évolue. N’est-ce pas ? » Le timide hochement de tête de la blonde aux cheveux agrémentés de plumes noirs rassure Nicol sur les intentions de son amie. _ « Seulement, insiste-t-elle tout en prenant une mine décontenancée, Cuetzpalli est mort. Et demain ce sera peut-être toi. Ou d’autres amis à moi. Voilà pourquoi je préférerai ne pas m’attacher. » Elle lui tourne le dos pour cacher son affliction. Ne sachant comment la réconforter, il pose ses mains fermes sur les petits biceps d’Iuitl dont l’un est agrémenté d’un brassard tressé. La chaleur réconfortante d’Iuitl fait battre son c½ur encore plus vite que la cadence qui résonne ici depuis la fête. _ « Je comprends bien. Voilà pourquoi jusqu’à présent je n’ai pas voulu me montrer trop entreprenant. J’espère ne pas te brusquer. _ J’avoue que m’endormir en pleine rue après une nuit de fiesta je n’avais encore jamais fait, lui sourit-elle de ses lèvres charnues en faisant volte-face. _ Peut-être la prochaine fois accepteras-tu de me suivre dans ma chambre, tente-t-il timidement ? _ Je vais attendre encore un peu, tapote-t-elle avec ses doigts le torse fermement taillé de Nicol. Si c’est pour être réveillée de façon aussi brusque que ce matin, tu comprendras que je préfère m’en tenir là. Allez, le tire-t-elle en direction de la taverne en sautillant ! Allons nous amuser en attendant ! » _ Je vais attendre encore un peu, tapote-t-elle avec ses doigts le torse fermement taillé de Nicol. Si c’est pour être réveillée de façon aussi brusque que ce matin, tu comprendras que je préfère m’en tenir là. Allez, le tire-t-elle en direction de la taverne en sautillant ! Allons nous amuser en attendant ! »
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