Le problème dans le public c'est que les profs vont là où on leur dit d'aller. Les mutations se font selon un barème de points. Si tu es jeune, célibataire sans enfants, tu n'en as presque pas, si tu es plus vieux, marié et avec plein de marmots c'est le jackpot.
Concrètement un jeune n'aura pas trop le choix : Versailles ou Créteil ! Pour tuer dans l'oeuf la bonne volonté, l'envie et le plaisir d'enseigner il n'y a pas mieux ! Personnellement rien que la vie en région parisienne m'a rebuté, et je ne parle même pas des établissements glauques (Corbeil-Essones et Grigny pour ceux qui connaissent).
Il y a donc de grandes chances de tomber sur des profs qui ont connu une période de leur vie professionnelle pas drôle du tout. Quand ils arrivent enfin à quitter ces régions (après 5 ou 10 ans selon ce qu'à donné leur vie privé), pour beaucoup c'est c'est déjà une forme de retraite, d'accomplissement ... donc effectivement il y a des chances de tomber sur des gens revenus de tout et pas plus enthousiastes que ça. Cet aspect n'est pas présent dans le privé où les enseignants restent normalement dans la région où ils sont déjà (en tout cas rien ne les oblige à partir).
Mais ce n'est pas le nombre qui influe sur les probabilités (en tout cas théoriquement).
Pour l'enseignement dans le primaire actuel je trouve que c'est une catastrophe, mais qu'il y a de gros progrès ces derniers temps.
De mon temps (OMG voila que je sors cette horreur), on récitait par coeur les tables de multiplication et on avait une dictée par jour. C'était rébarbatif et sans doute pédagogiquement discutable mais au moins à 15 ans je ne sortais pas ma calculatrice pour trouver 7x8 et surtout surtout ce n'est pas ce calcul qui m'empêchait d'avancer dans un problème, on pouvait vraiment se creuser la tête pour le raisonnement à proprement parlé. De même je savais faire la différence entre "c'est" "sais" et "ces" ...
C'était donc 1/ les bases bêtes et méchantes et 2/ le raisonnement, la résolution d'une situation, d'un problème.
Aujourd'hui on a inversé le système : il ne faut rien faire mécaniquement, tout doit découler d'une prise de conscience, d'une réflexion, mieux : d'une "appropriation" du problème. Par conséquent il est considéré comme nocif tout aspect répétitif (exercices de bases ...) et il faut "donner du sens" (je mets entre guillemets tant cette expression me donne envie de vomir) : "7 fois 8" ce n'est pas la même chose que "7 multiplié par 8". Il faut au contraire partir d'une situation complexe et ouverte (surtout pas 1/ trouver truc 2/ calculer machin ... mais directement : que pensez-vous de chose ?) et lancer une discussion avec les élèves pour qu'ils arrivent d'eux mêmes, avec leurs mots à la résolution du problème (donc quelle importance si le gamin ne met pas de "s" au pluriel .. tss tss, c'est ce qu'il a voulu dire qui compte seulement). Le professeur n'est là que pour donner les outils mathématiques nécessaires quand un obstacle apparaît et pour formaliser à la fin d'une séance les découvertes des élèves.
donc 1/ une situation qui va demander l'élaboration d'une réflexion et 2/ le savoir technique proprement dit.
On propose ainsi plusieurs pistes pour arriver à la même solution (comme dans ton cas pour la multiplication).
Dans ce schéma, l'élève n'a pas besoin de connaître les tables de multiplications. il doit de lui-même retrouver le parcours qui a été fait quand pour la première fois on a réfléchi à ce que voulait dire 7x8 ...
Enfin ça c'est sur le papier .. parce que dans les faits ça ne donne rien !!! A 15 ans un gamin ne sait pas combien fait 7x8 (même en term S ... comme quoi l'histoire des trinômes d'un polynôme du second degré de Truite ne me surprend pas) ! Et comme il n'est pas question de passer 10 min là dessus, l'enseignant ne va pas lui laisser le temps de refaire tout le raisonnement (si par miracle l'élève est motivé et pense à le faire
).
C'est comme si on considérait qu'un pianiste n'avait pas besoin de faire des gammes ... absurde.
Voila ce que donne les programmes et les consignes donnés aux enseignants quand ce sont des psys et des sociologues de bas-étage qui n'ont jamais été dans une classe qui les font.
Sur le papier c'est superbe ! Et je serai le premier à applaudir des deux mains si cela fonctionnait ... mais ça ne passe pas l'épreuve de la réalité.
Aujourd'hui on commence seulement à se rendre compte que l'aspect mécanique des choses n'est pas une monstruosité.
Il faut un juste milieu ... là on est passé d'une extrémité (la règle sur les doigts à la moindre erreur) à l'autre (surtout ne pas vexer l'élève : "dommage, tu n'étais pas loin, ce n'est pas ça mais c'était presque, c'était bien pensé, je te félicite pour ton initiative, gniagnia gnia") ... on finira bien par trouver une voie moyenne convenable.